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Olivier Douville
« Roland Gori : Logique des passions »,
Figures de la psychanalyse 1/2005 (no11), p. 219-225

Origine : http://:www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2005-1-page-219.htm

Le livre La logique des passions qui évoque un fameux titre de Nietzsche se donne comme objectif de reconsidérer une clinique de la passion, qui ne la réduirait pas à une clinique de l’excès d’un affect (excès qui peut être toutefois le signe d’un état passionnel), mais la déduirait d’une clinique de la méconnaissance. La référence lacanienne est alors centrale, ce qui nous éloigne, comme je tenterai de le montrer dans un premier temps, des grands modèles classiques et romantiques de la passion, tels qu’on les rencontre comme lignes sous-jacentes de la description des passions en psychopathologie.

Pour Aristote, déjà, les passions représentent des rapports à l'autre qui passent nécessairement par des effets de langage et de parole irréductibles à la seule rationalité du logos, à sa seule structure logique. Le Problème XXX, 1 « L’homme de génie et la mélancolie » donne asile à l’être de l’excès tout en le dotant d’une nature humaine, sa folie n’étant plus une folie insufflée par les Dieux, ce qui était encore la thèse de Platon dans le Phèdre. Nous pensons, en lisant le livre de Roland Gori, que l’auteur renoue avec les défis d’une ancienne problématique qui relie le statut de la passion à l’incondition du sujet dans le langage. La passion s’offrirait comme détour et parade, objection dévorante, devant le manque-à-être interne au rapport à l’originaire du sujet parlant. Plus encore, elle serait ce mouvement violent qui dévoile ce à quoi elle voudrait refuser l’existence : dévoilant l’impossible de l’absolue transparence dans la volonté de réaliser le fantasme de l’amour fou ; réduisant à une objectalité réelle dans l’exercice de la haine.

Le socle psychanalytique est de considérer en quoi les passions ne sont pas que des accidents de la vie affective et sociale de certains « passionnés ». Un tel programme se doit de dégager une logique des passions qui repose sur une compréhension structurelle des rapports entre l’humain et le langage. Ce dernier étant considéré sérieusement comme ce qui tourbillonne autour d’un impossible à dire. Le psychanalyste prend donc acte d’un savoir issu de sa pratique et qui rencontre les avancées des sciences du langage contemporaines : l’effondrement de deux mythes. Sont aujourd’hui renvoyés à l’opinion et exclus du savoir scientifique le mythe de la signification et le mythe de la référence, le langage n’étant plus alors cette boîte à mots venant recouvrir la réalité. L’idée serait ici qu’une étude de la passion informe sur la violence nécessaire que colporte avec elle la langue dès qu’elle transforme et dépasse les catégories qui, sous les formes du réalisme et du nominalisme, relient les mots et les choses. Cela peut illustrer le fait que, à mesure que progresse le dépliement d’une parole qui n’encode pas la réalité, il se produit du côté de l’affect passionnel une surdétermination ; plus alors s’intensifie la passion.

Hypothèse, qu’avant de revenir au texte de Roland Gori, un repérage historique de la notion de « Passion » pourrait permettre d’établir.

G. Lantéri-Laura ( 1997, p. 8-13) nous a rappelé, dans un article mémorable, que le vocable de « Passion » est emprunté au latin passio, quant à lui formé sur un passum, supin du verbe déponant pati qui voulait dire « souffrir ». Cette acception passive fut très mal vue des Pères de l’Église, qui ont eu à cœur de distinguer une passion noble qui est celle de la Passion du Christ. Cette positivation culminera ultérieurement au quinzième siècle dans l’Imitation de Jésus-Christ de Thomas A. Kempis qui déplacera et transcendera le pessimisme de l’Ecclésiaste. On note aussi que l’héritage grec joua encore comme modèle de la passion positive, aux premiers temps d’une ère chrétienne qui fait résonner ensemble en une synthèse éphémère, mais sans les confondre, le sublime de la Passion de Socrate et l'aspect métaphysique de la Passion christique. Il n’est ainsi pas absurde de lire, en filigrane des lettres écrites en exil par Jean Chrysostome ( 1964), le fil tendu des arguments et des jugements éthiques exaltés dans l’Apologie de Socrate de Platon.

Toutefois, à côté d’une lecture théologique de la passion, une position empiriste rejoint des préoccupations de philosophie morale. La psychologie, depuis Galien, s’inscrit sous la dépendance de l’éthique, les mouvements de l’âme et ses affections étant systématisés, décrits et interrogés en fonction des troubles passionnels. On peut ici préciser que Galien, suivant la doctrine de Platon, distingue trois âmes et localise chacune d’entre elles dans des parties distinctes du corps humain :

une âme hégémonique et rationnelle en rapport avec l’encéphale, qui juge selon la vérité et l’erreur,
une âme thymique, en rapport avec le cœur, et qui se trouve à l’origine des emportements, de la violence et des passions, –
une âme végétative en rapport avec le foie,

7 Les passions dépendent donc de l’âme thymique, liée à ce que la médecine galénique entend par le cœur, et si elles échappent à la raison, la raison peut les infléchir.

C’est avec la Folie d’amour, que, aussi bien en Occident qu’en Orient, se sont fixés de grands moments discursifs sur le partage de la raison et de la déraison. On pensera ici à la Folie d’amour dans l’amour courtois ou à la poésie d’origine ante-islamique « Majnun et Leila », transmise par la tradition bédouine.

L’amour passionné, est très souvent soumis à des règles strictes qui soulignent, plus qu’elles ne l’invalident, la magnificence allégorique de l’objet d’amour, ombre éloignée de la réalité, toute d’exigence et sans demande, qui ne peut être aimée que selon un code chaste, l’amour de la Dame se faisant – et c’est net chez Dante – le chemin le plus irrésistible qui mène du désir pour la créature à l’amour pour le créateur. La notion de sublimation est ici un chemin nécessaire pour les psychanalystes qui, depuis Freud ( 1973), ont insisté, à partir de l’amour courtois, sur le lien entre l’objet élu et le mystère du féminin. On trouve, au reste chez Lacan, dans son analyse du cas freudien de la Jeune femme homosexuelle, une évolution de sa compréhension de la survalorisation de l’objet d’amour dans cette passion, toujours en parallèle avec le modèle de l’amour courtois. Ainsi qu’Okba Natahi ( 1999, p. 92-114) et moi-même l’avions noté, Lacan utilisera ce modèle de l’amour courtois pour mettre en avant l’hypothèse d’une quête phallique chez la jeune fille, avec comme conséquence une fétichisation de la Dame ; c’est au moment où le psychanalyste élabore sa théorie de la relation d’objet (Lacan, 1994). Près de trois ans après, une fois que Lacan a introduit le registre de la Chose (Lacan, 1986), il voit, dans la passion de la jeune fille, non plus une passion de l’emprise sur le substitut phallique mais une situation où se révèle tout autre chose. La jeune fille est captée, captive triomphante, par la Dame, dans la mesure où cette dernière cerne le lustre de la Chose, c’est bien d’un amour qui s’adresse à l’au-delà de l’objet qui se met en scène et en passion et, à ce titre, le modèle d’un attachement narcissique ou spéculaire ne compte presque plus pour rendre compte de cette passion.

Revenons à quelques jalons historiques. Il faut attendre le XVIe siècle, pour que le mot de passion prenne résolument un sens actif, consacré dans le pathos par le romantisme français, et dans l’inquiétude métaphysique par le romantisme allemand, mais déjà présent dans les textes littéraires du Grand Siècle. L’art de montrer ces passions, de les feindre, de feindre qu’on les montre ou, enfin, de montrer qu’on les feint, devient un exercice obligé de l’art de cour. L’œuvre d’un de Retz fourmille de ces précises notations qui indiquent comment les mouvements du corps, la physionomie du visage, les registres de la voix, les directions du regard, traduisent et trahissent les mouvements de l’âme. De telles notations qui déterminent une rhétorique de la psychologie supposent qu’en un code l’essentiel de la passion pourrait se signifier, de même que pourrait enfin se contrôler et se réglementer en postures, en mimiques et en intonations, le plus sensoriel, le plus sensuel, même le plus irruptif de la présence du corps réduite à une simple image codifiée.

La passion, donc, du moment qu’elle est construite en mouvement violent du cœur suppose une dramaturgie (Desjardins, 2001), une rhétorique (Mathieu-Castellani, 2000). Elle se donne à l’être non comme une fatalité mais comme quelque chose qui met en cause la liberté et la responsabilité. Il faut indiquer que la psychiatrie, très tôt, fait place importante aux passions. En rupture avec un discours philosophique et théologique, voire moral, elle promeut la méthode et met en avant, avec Pinel, les nécessités d’une observation méticuleuse des modifications inconnues de la sensibilité physique et morale (Pinel, 1809). Le passionné est rapproché par Esquirol, des 1805, de l’aliéné, mais le statut de la passion reste double : à la fois cause de la maladie et moyen de traitement (Esquirol, 1938). On voit revenir le modèle antique du malade rendu furieux, ce qui était nous l’avons vu, un des signes de la mélancolie selon les anciens. La dimension exclusivement passionnelle de la folie sera une ligne de lecture du trouble mental. C’est ainsi que la compréhension de la monomanie raisonnante sera, avec Dupré, réduite à une hypothèse d’organisation perverse de la personnalité. De façon plus large, la théorie de la dégénérescence met en avant l’idée d’un déséquilibre héréditaire entre les centres corticaux antérieurs, inhibiteurs et « raisonnables » et les postérieurs, responsables des excitations et des passions.

La théorie des constitutions amènera d’autres modèles et fera rupture. Achille-Delmas et Génil-Perrin décriront, à côté des constitutions cyclothymiques, le rôle prévalent des éléments passionnels dans la nature de la constitution émotive et de la constitution mythomaniaque. Les avancées ultérieures de G. de Clérambault inscriront la passion dans le cadre des pathologies délirantes. C’est alors la clinique des psychoses passionnelles qui s’affirme.

La passion est-elle objet de la phénoménologie ou de la métapsychologie ?

Élevant les données phénoménologiques à la rigueur d’une pensée métapsychologique, Roland Gori a écrit un texte d’analyste. C’est-à-dire qu’il prend appui sur les temps critiques de la situation de transfert. C'est par exemple à la fin de certaines cures analytiques, lorsque l'analyse a été menée jusqu'à un certain point de dévoilement, de mise à nu, voire de dénuement, qu'il arrive de voir émerger certains de ces états passionnels, de ces turbulences passionnelles paroxystiques. Ce constat propre à la clinique psychanalytique peut ouvrir à une question centrée sur l’érotomanie particulière au transfert. Et seule l’insistance donnée sur le transfert permet de démêler l’imbroglio d’une clinique des passions qui se ferait catalogue raisonné des états passionnels.

L’usage du terme de transfert ne devrait jamais aller de soi pour désigner l’idée qu’il se joue une relation entre deux sujets. S’il faut avec Roland Gori laisser un repère, le plus simple, alors nous ferons référence à une phrase de Freud. Freud dit que le transfert se lit dès qu’il y a un trouble dans le débit verbal. Ce type de position définit une position érotomaniaque, et « Transfert » est alors le mot qui permet à Freud de se déprendre du risque d’une telle position. Croire au transfert, c’est du côté du psychanalyste poser une construction efficiente contre le risque d’une relation érotomane, ou d’un délire de séduction à deux. Ou, dit autrement, c'est bien le refoulement de cette érotomanie principielle qui constitue la condition de l'amour comme du transfert. Le transfert ce serait alors un transfert d’accent, et même de signification d’un mot sur un autre porté après le transfert d’affection d’une personne sur une autre.

Nous tenons là le point de départ nécessaire pour rendre compte des problèmes que la situation d’un état passionnel pose à la situation psychanalytique. Une vision psychologique du transfert qui réduit l’expérience transférentielle à une répétition de ce qui serait déjà constitué achoppe sur ce qu’est un transfert passionné, soit ce mode électif par lequel le passionné dépose en autrui le vide dont il pressent l’insistance en lui.

Le passionné, sur un mode érotomaniaque se donne pour ce qui vaut pour l’autre fétiche, stigmate, pli, il s’offre comme ce qui surgit en tant qu’absolue signature de l’être et qui se fait éclat d’imprononçable. Nudité de la Passion, de son cri et de son scénario. D’où le difficile qu’il y a à réduire la passion à du sentiment ou à de l’affect.

Une des coordonnées essentielles de la passion en psychanalyse est l’empêchement de transfert (et de séparation) dont elle témoigne. Le transfert est, d’abord une rencontre ; mais celle-ci est contingente, comme toute rencontre, ce, avant que le symptôme se constitue comme analytique en incluant le psychanalyste.

S’il y a donc processus transférentiel dès que le sujet s’adresse à un autre à qui il suppose le savoir, l’adresse passionnelle, quant à elle, est comme une mise en arrêt qui s’éternise juste avant que le sujet puisse s’engager dans un discours, dans une métaphore. Le script passionnel (l’expression est de Roland Gori) s’impose face à ce temps suspendu de l’inaugural de transfert. Le passionné a en horreur le régime du contingent. La psychanalyse rencontre ici l’empan d’une clinique psychopathologique au sein de laquelle les patients n'ont pu se déplacer dans les jeux de la parole, n’ont pu déplier et créer leur mémoire par les traits du rêve et du transfert ou du symptôme névrotique. La considération de ce script mène à deux conséquences : la première est de mettre en lumière la différence structurale entre le transfert sur le signifiant et le passage à l’acte ; la seconde est faite de développements sur la notion de haine.

La compréhension de l’acte passionnel ne le situe en rien sur un plan « déficitaire » : agir en place de penser. L’agir est considéré par Roland Gori comme une impossibilité de transférer un trauma d'effroi. La clinique du déclenchement fait intervenir alors l’empêchement de traduction et de métaphore comme un facteur d’importance. Car ce qui déclenche le passage à l'acte est bien souvent la rencontre du sujet avec un mot, un nom, un trait signalétique, avec lequel il entretient un rapport intime d'inquiétante étrangeté. Un rapport non déplaçable, qui le cloue sur place et le fit littéralement exploser. Voyons alors ce qui se produit au terme d’un passage à l’acte. Souvent passer à l'acte permet la production de traces, de restes diurnes, d’éléments qui seraient à lire comme traits préconscients. Nous avons maintenant une théorie de l’acte comme force de production d’un entrelacs de traces, comme ce qui produit ce qui a fait défaut pour pouvoir transférer. Selon cette thèse développée par Roland Gori, les passages à l'acte passionnels, comme les crimes immotivés se trouvent déterminés dans leur genèse, comme dans leur fonction par les effets d'horreur qu'ils provoquent après-coup chez les autres. Aucun modèle qui pose l’acte du côté de la non-mentalisation ou qui enfermerait l’analyse du passionné dans celle d’un trouble du caractère ne saurait rendre compte de ceci : l’acte passionné est une solution à l’impossibilité de transférer. Des traces perdues du sujet qui ne sont pas à lire ni ne peuvent être lues ne se coalisent pas au rébus des formations de l’inconscient et font retour sur le sujet, le sidérant, le ravissant à lui-même.

D’une part, le dépliement violent du script passionnel, par l’acte ; d’autre part, la structure du transfert qui s’équilibre autour du sujet non seulement supposé savoir mais supposé savoir lire. Car, sans la présence d’un autre supposé savoir lire le passage de la trace au trait, l’acte est aussi voué à des répétitions mortifères, la certitude que le sujet en retire ne trouvant ni destinataire, ni écho.

C’est un effort de rigueur qui, avec ce livre, permet de situer la passion au plan de la logique. Les surgissements de l’état passionnel en cure, qui bouleversent la chronologie d’un transfert se dépliant jusqu’alors dans le semblant, s’expliqueraient alors comme des moments où s’imposent comme incontournables et massifs d’existence, des pans du savoir inconscient (p. 224). Le phénomène de l’état passionnel surgit au moment d’une crise sacrificielle du sens, les écarts entre cause et effet sont abolis, ou plus exactement l'effet est devenu sa cause même.

La clinique de la haine s’en trouve reprise, à nouveaux frais. Si le radical de la passion se désigne comme méconnaissance, la haine est bien ce qui surgit lorsque le sujet se trouve empêché de transfert. C’est, nous l’avons vu, une ligne essentielle au livre de Gori. Allant plus loin, l’auteur, défini la haine comme une réaction à une rage extrêmement violente soustraite au conscient, cette rage étant dirigée contre la personne qui trouble l'amour. Il convient alors de distinguer le plus soigneusement possible cette rage dirigée contre « la personne qui trouble l’amour » de l’agressivité dirigée contre les instances interdictrices qui régulent dans la scénographie œdipienne les liens entre le désir et la Loi. Une haine primordiale consiste à produire de l'hétérogène sans érogénéité. Elle vise alors non le rival, mais une part de l'être qui échappe à l'appropriation et qui constitue bien le véritable objet de la haine. Précisons encore. Le rival, sous les auspices de la figure du parent de l’autre sexe, est, dans le déroulement correct des normes névrotiques, celui qui donne bord à ce réel, qui permet de tenir à distance ce point d’impossible de la symbolisation. Ce rival-là ne constitue pas le partenaire électif du passionné. Ce serait sans doute, alors, vers une clinique de la férocité surmoïque que s’avanceraient quelques-unes des élaborations dues à Roland Gori, la haine inconsciente étant liée à une injonction cruelle de tout dire, de tout consommer, de tout épuiser. Elle ne serait pas normée par ce que la fonction paternelle tend à promouvoir dans le psychisme : la garantie qu’une représentation d’un point d’impasse de la symbolisation soit possible. Le principe de la haine inconsciente, jonction située à la jointure du monde des choses et du monde des mots, ne vise pas le perdu mais le non-réalisé. On comprend bien en suivant cette dernière proposition le malheur de ce que Jacques Hassoun nommait la cruauté mélancolique (Hassoun, 1995) dans sa défaite morale qui est de ne pas accompagner le mouvement, le processus, au cours duquel le Réel perd de sa réalité afin que se réalise l’irréel. Cependant, une vue d’ensemble des logiques de la passion vise à situer les destins de la haine ailleurs que dans la mélancolie.

La haine, qui ne se contente pas du ressassement mélancolique, sera le nom de ce travail psychique qui tente déses-pérément de faire image au « trou » dans la langue qui se déduit des censures et des refoulements primordiaux. La mise en langage du sujet crée un reste, une anonymisation, un vertige. Tout analyste sait que le nom propre n’est pas fait que de la conjonction précise d’une batterie de lettres et de signifiants, signature du sujet, il peut se réduire au rien de l’être.

Rien n’épargne l’être parlant de se retrouver captif de la figure de ce qui est mort au langage. Une notation clinique encore, par quoi Roland Gori rejoint certaines pistes de recherches annoncées par Danièle Brun ( 2001) : l’enfant mort au langage est une figure prévalente dans les analyses de passionné.

Disjointe de la méconnaissance, la haine s’avance comme un travail psychique de reconsidération des envers et des contre-jours des héritages. Reste que les traces de ce travail doivent se lire, audelà de la mise à nu de l’être que réalise la passion.

Comment faire œuvre sans triompher de la méconnaissance de l’inconnu de la langue ? Une logique des passions ouvre alors à une logique de la cure, et de l’œuvre. Questions cliniques et dimensions anthropologiques se retissent.

Question d’éthique.

Je voudrais aussi inciter le lecteur à prolonger la lecture qu’il fait de ce livre par celle des deux derniers volumes de la revue Cliniques méditerranéennes consacrés aux passions (Cliniques méditerranéennes, 2004).

Bibliographie

BRUN, D. 2001. L’enfant donné pour mort, Genève, ESHEL.

CHRYSOTOME, J. 1964. Lettre d’exil, Paris, Cerf.

CLINIQUES MÉDITERRANÉENNES. 2004 a. « Passion, amour, transfert », Toulouse, érès.

CLINIQUES MÉDITERRANÉENNES. 2004 b. « Haïr, ignorer », Toulouse, érès.

DESJARDINS, L. 2001. Le corps parlant. Savoirs et représentations des passions au XVIIe siècle, Saint-Nicolas, Canada, Les Presses de l’Université de Laval, Paris, L’Harmattan.

ESQUIROL, E. 1838. Des maladies mentales, vol. 2, Paris, J.-B. Baillière.

FREUD, S. 1973. Névrose, psychose et perversion, Paris, PUF.

HASSOUN, J. 1995. La cruauté mélancolique, Paris, Aubier.

LACAN, J. 1994. Le Séminaire, Livre IV, La relation d’objet, Paris, Le Seuil.

LACAN, J. 1986. Le Séminaire, Livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris, Le Seuil.

LANTERI-LAURA, G. 1997. « Remarques critiques sur la notion de passion en psychiatrie », Perspectives psychiatriques, 36 ( 1), p. 8-13. MATHIEU-CASTELLANI, G. 2000. La rhétorique des passions, Paris, PUF, coll. « Écriture ».

NATAHI, O. ; DOUVILLE, O. 1999. « La jeune homosexuelle de Freud est une adolescente », Psychologie clinique, n°8, p. 92-114.

PINEL, P. 1809. Traité médico-philosophique sur l’aliénation mentale ( 2e éd.), Paris, J.A. Brosson.

Notes

[ *] Paris, Denoël, coll. « L’Espace analytique », 2002, réédition en 2004,295 p.Retour

 

Olivier Douville « Roland Gori : Logique des passions », Figures de la psychanalyse 1/2005 (no11), p. 219-225.

URL : www.cairn.info/revue-figures-de-la-psy-2005-1-page-219.htm.