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Origine :
http://www.bernard-defrance.net/lectu/index.php?lecture=34
Pour que les gens parlent, faut aussi qu’ils osent parler. Ça
aussi ça a l’air de rien et pourtant c’est quelque
chose le nombre de gens qu’osent pas l’ouvrir, y a même
pas besoin de les empêcher, ils se la coupent très bien
tout seuls et ils trouvent toutes sortes de bonnes raisons pour pas
se faire entendre, que de toute façon on les écoutera
pas, et que ça servira à rien, et le jour où
ils sont un peu sincères ils finissent par avouer qu’ils
ont peur qu’on se foute d’eux, qu’ils ont peur de
dire des conneries.
Comme si tout le monde en disait pas, des conneries, comme si dans
tout ce qu’on débite y avait pas quatre-vingt-dix pour
cent de conneries en moyenne, j’évalue ça en gros
et vous m’en voudrez pas si je tombe un peu en-dessous de la
vérité. Et puis qui c’est qu’en juge, que
vous dites des conneries, qui c’est qu’en décide
que c’est des conneries ?
C’est toujours la même histoire : au lieu de constater
tout bêtement que les valeurs, c’est ni plus ni moins
des mirontons comme vous et moi qui les font, aussi plats, aussi cons,
aussi limités que vous et moi et sûrement pas infaillibles,
les gens ils ont toujours derrière la tête, ce qui fait
qu’ils peuvent même jamais le voir en face, ce modèle
idiot de comment le monde est fait qu’y a quelque part dans
les hauteurs une espèce de dépôt des poids et
mesures ousqu’on trouve les étalons de tout ce qu’il
faut dire et de ce qu’il faut pas dire, de ce qu’il faut
penser et de ce qu’il faut pas penser, et toutes les fois qu’ils
voudraient en sortir une ils se demandent ce que l’étalon
va en dire, si elle sera à la bonne longueur ou si elle va
pas avoir l’air trop minable, alors neuf fois sur dix après
avoir bien réfléchi ils préfèrent la rentrer
en douce, ils ont trop peur d’avoir l’air con.
Moi si je refaisais les Droits de l’homme, qui commencent
à en avoir bien besoin, celui que je mettrais avant tous
les autres, parce que c’est le plus fondamental et c’est
peut-être le seul qui pourrait vraiment changer la vie, c’est
le droit à la connerie. Le jour où chacun en sera
pénétré, le jour où chacun sera décidé
à l’exercer, vous pouvez pas imaginer ce que le monde
sera plus heureux, et plus détendu, et plus aimable aussi.
En attendant, faut continuer à avoir l’air intelligent,
ce qu’on s’emmerde !
Roger Gentis, Guérir la vie, 1971.
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