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QU'EST-CE QUE LE PUBLISEXISME ?
L'ensemble des images exposées dans l'espace public qui
exploitent les clichés sexistes, les stéréotypes
de la virilité et de la féminité, ou encore
la banalisation de l'hétérosexualité par rapport
aux autres orientations sexuelles, relève selon nous d'un
phénomène que nous appelons le publisexisme.
Dans notre société de l'image où le virtuel
est roi, et devient lui-même le réel, la reproduction
constante et omniprésente de ces visuels n'est pas anodine.
La publicité à elle seule, nous bombarde en moyenne
2500 fois par jour de messages qui sont autant d'injonctions à
consommer, mais aussi de commandements pour atteindre les normes
caricaturales et irréelles qu'elle nous présente.
Le corps féminin est le principal argument des publisexistes
pour faire passer leur message, quel qu'il soit. Soumis aux normes
aliénantes d'une beauté stéréotypée
et symbole du plaisir sexuel ou de la maternité, le corps
des femmes est plus que jamais instrumentalisé. On peut nous
rétorquer que les hommes aussi sont traités comme
des objets et enfermés dans des clichés, c'est oublier
qu'il n'y a jamais de symétrie et que les uns sont présentés
comme dominants et les autres comme soumises.
S'attaquer au publisexisme est pour nous un moyen de lutter contre
l'oppression des femmes par les hommes, qui est banalisée dans
notre société patriarcale. Si les images des femmes
objets sexuels ou violentées ne sont pas directement responsables
des 48000 viols déclarés en France chaque année,
elles renforcent l'idée que le corps féminin est disponible
et peut être approprié par tous ceux qui le désirent.
Elles participent à la construction des normes de genre - ces
normes qui nous façonnent tout au long de la vie, qui nous
inculquent la masculinité ou la féminité - et
signifie cette division de l'humanité en deux catégories
inégales. D'un côté : des hommes bâtis sur
le rôle de dominateur, actifs, puissants, violents. De l'autre
: des femmes conformes à leur place de dominées, passives,
faibles, séductrices. Ces schémas, ne sont pas d'inoffensifs
stéréotypes : ils modèlent les identités
des individu-es et les rapports sociaux (entre hommes et femmes, mais
aussi entre hommes et entre femmes). Nous pensons qu'il est indispensable
de modifier les représentations qui nous entourent et par là,
nos représentations mentales. Nous refusons de supporter ces
visuels sexistes, comme nous combattons les comportements qui discriminent
les femmes.
Nous pensons que seul un changement de mentalité mènera
à la disparition du sexisme et des ses manifestations (inégalités
de salaires, violences dans la rue et au foyer, travail domestique
pris en charge par les femmes…). Pour démonter les
normes, prenons le publisexisme pour cible, n'acceptons plus de
lui laisser des espaces où s'exprimer. Publisexistes gare
à vous, on vous rendra les coups !
CONTRE LE PUBLISEXISME
" Je la lie, je la fouette, et parfois elle passe à
la casserole ". Des millions d'hommes, de femmes et d'enfants
ont pu voir, lire, être indigné-e-s, amusé-e-s,
choqué-e-s, intrigué-e-s par ce slogan que Candia
a utilisé pour sa publicité sur la crème fraîche
Babette. Des millions de personnes qui auront intégré
le message implicite de la publicité : la relation entre
la femme et la crème fraîche est la même qu'entre
l'homme et la femme. Et ceci grâce à un simple jeu
de mot, à une simple ambiguïté de locuteur-trice
dans le slogan… Mais aussi grâce aux plusieurs dizaines
de milliers de panneaux d'affichage qui ont relayé la campagne
de Candia.
La publicité, véritable pieuvre, comme le dit François
Brune, a aujourd'hui un impact énorme sur les consciences.
Toujours présente, elle est tentaculaire dans la mesure où
aucun lieu ne lui échappe, aucun regard ne peut s'en détacher
vraiment. On considère aujourd'hui qu'un-e occidental-e regarde
plus de 2500 publicités par jour !!! (1) La publicité
marque l'inconscient aussi bien que le conscient, forge autant les
préjugés que les croyances.
Il apparaît aussi, et ce avec une ampleur jamais encore égalée,
que la publicité est l'un des vecteurs les plus directs et
les plus violents du patriarcat. Toutes les normes sexuées
(sexistes ?) sont chaque jour martelées dans les esprits.
La publicité participe de la construction du genre féminin
et masculin, véritables carcans sociaux apposés en
fonction du sexe biologique.
La lutte contre les publicités sexistes est un biais pour
s'ériger contre la toute-puissance des images que le capitalisme
(et le patriarcat) déversent chaque jour dans nos esprits.
Combattre les publicités sexistes est donc un moyen de rompre
avec l'impunité des images du patriarcat autant qu'un angle
d'attaque contre la marchandisation des rapports et biens sociaux.
Décortiquer le fonctionnement de la publicité dans
ce qu'elle a de sexiste sert à comprendre comment agit la
publicité, et le capitalisme plus généralement.
Il s'agit d'abord d'interroger le sexisme présent dans les
publicités dont on nous abreuve chaque jour, et de montrer
que ces images aliénantes, ont un poids dans notre inconscient
et notre façon d'appréhender le monde. Nous verrons
qu'il faut rompre avec les poncifs relativistes qui prétendent
que tout se vaut, que la publicité n'est qu'une question
de goût, et que tous les goûts étant dans la
nature, combattre la publicité est une censure dirigée
contre la liberté de chacun-e. Après la mise au jour
du danger publicitaire, nous aborderons enfin les différents
aspects d'une lutte contre le publisexisme.
La publicité sexiste
Aujourd'hui, à la lumière des dernières campagnes
publicitaires, il est clair que la pub a trouvé un créneau
dans le sexisme, utilisé pour choquer. Face à la quantité
de plus en plus incroyable de messages auxquels sont soumis-e-s
les consommateurs-trices, les publicitaires sont obligés
de recourir à des arguments de plus en plus dérangeants
pour interpeller, happer les regards. Le sexe, souvent accompagné
du sexisme, est l'un des meilleurs moyens de s'assurer une réussite.
Comme l'avouaient les publicitaires auteur-e-s de Babette : "
notre but était de choquer, il ne fallait pas prendre la
publicité au premier degré ". Pourtant, comment
croire qu'une telle quantité de messages imprimés
chaque jour sur la rétine des passant-e-s peut n'être
que du second degré sans aucune conséquence néfaste
?
Dans la course au sexisme spectaculaire, il existe cependant différents
niveaux de représentations patriarcales. Images et slogans
ne relèvent pas tous du même registre. Tout d'abord,
il y a certaines publicités sexistes qui renvoient les femmes
au rôle de ménagères passives, cloîtrées
dans leur intérieur. Ces publicités pour lessive jadis
rabâchées par la télévision sont aujourd'hui
plus fines : si elles séparent toujours les tâches
féminines et masculines, elles le font de façon moins
directe (les publicités pour surgelés mettent majoritairement
en scène des femmes allant chercher les plats au four). Les
images sont moins criantes, mais le message est toujours le même
: les femmes à la cuisine (même si elles sont censées
y passer moins de temps qu'avant - ce qui est empiriquement faux
d'ailleurs).
Il y a d'autres publicités qui font directement appel aux
violences physiques, de façon plus ou moins déguisée.
Babette en était une, au même titre que cette publicité
récente où on voyait une femme gratifiée d'un
splendide œil au beurre noir, dont la cause n'était
pas explicitée. La banalisation des images de violence perpétrées
sur des femmes font partie intégrante d'une agression que
vivent chaque jour de nombreuses femmes. Si les viols de guerre
perpétrés en Ex-Yougoslavie concernent plusieurs dizaines
de milliers de femmes, 70 000 femmes sont chaque année victimes
de viol aux Etats-Unis. Pourtant, il n'y a pas de guerre là-bas…
Du moins pas de guerre entre nations…
Une chose non moins répandue, mais ô combien tolérée,
est l'utilisation des femmes comme objets sexuels, simplement posé
comme accroche pour l'œil du spectateur (et pas de la spectatrice
bien sûr). Après tout, quoi de plus normal que de voir
les seins et les fesses d'une femme pour vanter les mérites
d'un yaourt ? Sans s'enfoncer dans un puritanisme à tout
va, on peut questionner l'utilisation qui est faite ici des images
des corps féminins. Il n'est pas question dans ces publicités
de briser le tabou inhérent au corps aujourd'hui, mais plutôt,
en jouant sur cet interdit, de dévoiler le corps pour exciter
le désir du caché. Ce type de publicité sous-entend
que des seins pulpeux (il ne s'agit même pas d'une personne
à part entière) peuvent être achetés
aussi facilement qu'un pot de yaourt. La publicité ravale
alors le corps des femmes au rang d'objets dont on peut disposer
moyennant une certaine somme. Le fait que ce ne soit pas réellement
le cas ne pose pas de problème : pour le consommateur, la
frustration de ne pouvoir acheter des seins sera reportée
vers l'achat des yaourts. Ces images de femmes réifiées
sont le terreau sur lequel se développe l'appropriation du
corps des femmes par les hommes.
D'ailleurs, la publicité est encore plus pernicieuse quand
elle prétend parler de ce qu'elle montre. Un exemple : les
publicités pour les sous-vêtements Aubade. Quoi de
plus normal, pourrait-on dire, que de montrer des seins dans une
publicité pour des soutiens-gorge ? Pourtant, tout n'est
pas si simple. Non seulement les images montrées sont celles
de mannequins sélectionnées, mais qui plus est, ce
ne sont même pas des images réelles, car elles sont
retravaillées numériquement pour allonger des jambes,
mincir une taille de guêpe, arrondir une poitrine… Bref,
ces images sont des images de stéréotypes, d'archétypes
que tout le monde intègre comme étant LA norme de
beauté. Si la beauté a toujours été
culturelle (un corps replet était signe d'érotisme
pour les femmes au XIXe siècle, le teint pâle faisait
partie du style des courtisan-e-s deux siècles plus tôt…),
ce n'est qu'aujourd'hui que la norme aura atteint un tel point.
Grâce à la publicité, non seulement la norme
devient unique (le play-boy bronzé et musclé étant
le pendant de la pin-up à la silhouette élancée)
et universelle (nul ne peut y échapper, à la différence
des paysan-ne-s du XVIIe siècle qui n'avaient que peu de
considérations pour l'esthétique de cour), mais cette
norme n'est même pas réelle. Nul ne peut posséder
un corps comme celui représenté dans les publicités,
pour la simple et bonne raison que les images sont travaillées
pour devenir plus représentatives de la " beauté
" que les personnes réelles. L'existence de normes de
beauté est déjà suffisamment aliénante,
mais lorsqu'il n'existe plus qu'une seule norme, et qu'elle est
totalement irréelle, on est en droit de se demander si le
syndicat des psys n'a pas passé un contrat avec les publicitaires
pour l'ouverture de ce juteux marché de la frustration et
du mal-être social.
S'il est clair qu'il existe une aliénation dans le fait de
devoir se conformer à une norme de beauté préétablie
pour chacun des deux sexes (étymologiquement, l'aliénation
n'est rien d'autre que le fait de se rendre étranger à
soi-même, d'être dépossédé de soi-même),
ces normes ne sont équivalentes ni dans leur représentation
ni dans leur implication. Ainsi, une publicité récente
pour un parfum montre une femme mannequin dont la tête repose
sur l'épaule protectrice d'un homme (mannequin aussi). Si
les deux images des corps sont bien sûr archétypales
des normes de beauté, la femme se retrouve en position dépendante,
dominée. Pour les hommes, il s'agit toujours de se conformer
à un modèle viril, solide, actif, d'être sujets
de leurs actes… et pour les femmes, d'être belles, de
rester objets de désirs, d'être passives… Les
normes véhiculées par la publicité ancrent
les hommes dans l'agir et le paraître, les femmes étant
cantonnées uniquement au paraître.
Enfin, s'il faut discerner un dernier type de sexisme, il s'agit
de celui, nettement plus pernicieux, qu'est l'antiféminisme.
Une publicité pour soutiens-gorge scandait : " Boléro
soutient les femmes dans leur lutte… contre les courants d'air
! ". Imagine-t-on une publicité qui tourne en dérision
l'antiracisme ??? Kookaï a aussi investi ce thème, en
exacerbant la peur antiféministe classique de la géante
qui domine les minuscules hommes : ici, l'imaginaire le plus sexiste
(" les femmes ne veulent pas l'égalité, elles
veulent dominer à leur tour ") côtoie le politiquement
correct (" pour une fois, les femmes ne sont pas montrées
comme dominées ").
Le constat est clair : la publicité véhicule des valeurs
patriarcales, des normes sexistes. Cependant, si la publicité
n'avait pas plus d'impact qu'un slogan écrit sur une cuvette
de chiottes, rien de bien grave n'en découlerait. Mais ce
n'est malheureusement pas le cas…
La publicité est dangereuse
Le caractère nocif de la publicité tient en premier
lieu à son mécanisme même. Que son but soit
de vendre un produit ou, comme c'est de plus en plus le cas, de
promouvoir une image de marque, la pub est une manipulation mentale.
Les publicitaires prétendent moins vanter les qualités
d'un produit que marquer les esprits ; le taux de réussite
se mesurant en termes d'" impact ". Les investissements
croissants pour imaginer des spots, des affiches, des encarts dans
la presse prouvent de fait que la pub possède une efficacité
et qu'elle influence réellement les achats des consommateur-trice-s.
Son but est de " créer des liens émotionnels
" avec le public. Pour cela, la publicité adopte des
stratégies issues de travaux sociologiques et scientifiques
: elle rationalise la manipulation des masses. Une affiche est étudiée
pour canaliser notre attention : le parcours que suit le regard
est défini avant même que l'on ait posé les
yeux dessus.
La force de la pub est qu'elle s'attaque à notre inconscient,
s'infiltre dans notre cerveau pour que nous gardions en mémoire
la marque Duschmoll. Mais plus que le nom de la société,
ce sont les arguments publicitaires qui imprègnent notre
esprit sans cesse assailli. Dans le cas du sexisme, abondamment
utilisé, l'effet exercé sur ceux qui la reçoivent
n'est pas superficiel. En plus d'imposer un modèle esthétique
de la féminité, les connotations sexuelles récurrentes
font du corps des femmes un objet de jouissance, et modèlent
le regard des passants. Les hommes sont influencés dans leur
désir et les femmes dans leur être. Les premiers calquent
leur érotisme sur les archétypes qui les entourent
et tendent à reproduire les comportements sexistes ainsi
banalisés. Pour les jeunes et moins jeunes femmes, vouloir
ressembler aux mannequins est devenu une condition sine qua non
d'une existence " normale ". Les conséquences les
plus graves de ce phénomène, généré
aussi par l'industrie de la beauté, sont les complexes physiques
et les troubles du comportements alimentaires, notamment l'anorexie,
une maladie en constante augmentation.
Le danger de la pub est bien qu'elle nous agresse partout : dans
la rue, sur les routes, dans la presse, à la TV, dans les
transports, … Jusqu'aux toilettes des universités américaines
que des publicitaires ont jugé bon d'investir pour cibler
davantage les consommateurs jeunes. On le voit, la publicité
est déjà partout et il est certain qu'elle continuera
de coloniser chaque espace vierge qu'elle pourra trouver. La forme
qu'elle adopte est bien totalitaire. On sait qu'un des fantasmes
de Nike est de projeter son logo sur la surface de la lune !(2)
Dans le fond, la pub tend de plus en plus à vouloir s'emparer
de ce qui fait le politique. Le sentiment d'appartenance à
une communauté, une façon de voir le monde, un idéal
ou des valeurs que l'on défend… Tout ce qui à
a voir avec l'identité est pillé par les publicitaires.
Le dessein avoué de Nike, de Coke, de Gap est de vendre "
la magie du sport ", " une sensation ", " un
mode de vie ", plus que des baskets, du soda ou des fringues.
Pour les acheteur-euse-s, acquérir la marque est alors un
moyen de s'affirmer, de manifester un statut social. Les rêves
des jeunes consommateurs regorgent d'objets manufacturés
et de produits de luxe plus que d'idéaux sociaux. La publicité
propose, en fait, une utopie individuelle qui remplace l'utopie
sociale déjà moribonde.
Pourquoi se défendre face à la publicité
?
La propagande publicitaire renforce le sentiment de passivité,
d'autant qu'on voudrait nous faire croire qu'il est vain et insensé
de l'attaquer. Beaucoup ont intégré l'idée
que la publicité est une expression comme une autre, et que
la juger revient à discuter des goûts et des couleurs.
Or il ne s'agit en rien d'une question d'esthétisme, ni d'un
problème subjectif. La pub communique une idée précise
(" Achetez ! "), de manière la plus séduisante
possible. Les formes qu'elle adopte peuvent être belles mais
en aucun cas la publicité ne peut prétendre à
être de l'art. Cet argument qui vient de l'assimilation des
concepteurs publicitaires à des créatifs est l'un
des plus dangereux. Il vise à faire oublier que la publicité
est une arme redoutable dans l'arsenal du marketing. Son unique
but est de faire vendre. A la différence de la création
artistique, l'œuvre créée par la pub est utilitaire
alors qu'une peinture ou une pièce de théâtre
possèdent une fin en soi. Cette idée est d'autant
plus défendue par les publicitaires qu'elle les assimile
à des artistes, voire à des sociologues, et que les
remettre en cause reviendrait à exercer une censure sur la
création, ou à bâillonner la liberté
d'expression.
La pub tente aussi, avec succès, de s'imposer dans la culture.
Les Nuits des Publivores et autres types de manifestations veulent
faire croire qu'il suffit de devenir une référence
dans l'esprit des gens pour faire partie de la culture d'un pays.
L'autodéfense est justifiée par rapport à l'agression,
au danger qu'elle représente. C'est notre liberté
que nous exerçons en exigeant de ne plus servir de cibles.
Combattre le sexisme dans les publicités ?
Les publicités véhiculent des valeurs sexistes. La
publicité influe énormément sur les consciences.
La publicité n'est pas un art, et la refuser n'est pas de
la censure, mais une légitime défense face à
un totalitarisme diffus.
Fort-e-s de ces constats, nous pouvons nous poser maintenant la
question de l'action : comment combattre le sexisme qui se répand
chaque jour un peu plus grâce aux publicités ?
Sur les problèmes de racisme et de droits de la personne
humaine (ou plutôt de droits de l'Homme, ce qui explique peut-être
certaines choses…), il y avait déjà eu la formation
du Bureau de Vérification de la Publicité, par lequel
doivent passer les pubs télévisées, et certaines
affiches (pour les agences qui le désirent). Mais ceci n'avait
pas eu d'incidence sur le sexisme, si bien qu'en 1983, Yvette Roudy,
à l'époque ministre déléguée,
chargée des droits de la femme, avait proposé un projet
de loi antisexiste, projet enterré par l'action conjointe
du gouvernement et des publicitaires, invoquant la liberté
de presse et d'expression…
Mais à l'heure actuelle, les exactions des publicitaires
semblent remettre au goût du jour l'idée de légiférer
contre le sexisme dans la publicité (3). Un groupe d'expert
a remis mercredi 11 juillet un rapport sur " L'image des femmes
dans la publicité " à Nicole Péry, secrétaire
d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Il est même question d'y associer Catherine Tasca, ministre
de la culture et de la communication, ainsi que Marylise Lebranchu,
ministre de la justice. Déplorant le manque d'associations
pouvant recourir en justice sur de telles questions, plusieurs mesures
ont été envisagées. Tout d'abord, il s'agit
de saisir les tribunaux, mais aussi de modifier la recommandation
du BVP rédigée en 1975 pour l'adapter aux exactions
contemporaines. Il est même question de poser des amendements
allant dans ce sens (étant donné l'inexistence de
jurisprudences sur cette question), " d'encourager le débat
public ", et même de mettre en place un numéro
vert où pourraient téléphoner les femmes se
sentant agressées par des publicités (4).
On atteint ici le comble du traitement individualiste des injustices,
dans une société où le-la consommateur-trice
est imaginé-e comme cellule (biologique, ou munie de barreaux
?) atomique. Les droits et moyens d'action ne concernent donc que
cette catégorie d'individu-e-s (pensée comme universelle),
d'où le traitement au cas par cas du sexisme. La question
n'est pas entre la réforme ou la révolution, mais
bien de savoir si l'on veut qu'un tel, qu'une telle, se sente moins
touché-e par les horreurs qui nous agressent dans la rue,
ou s'il y a une réelle volonté de s'attaquer au patriarcat
en tant que système (et non pas comme une simple coïncidence
d'individu-e-s qui auraient par pur hasard des comportements différents,
où les hommes se retrouvent par malchance violents, et les
femmes par malchance battues…). Il semblerait en tout cas
à nouveau que seule l'utopie individuelle - individualiste
- (la même que celle véhiculée par la publicité)
soit mise en avant par l'Etat.
Il existe pourtant de multiples formes de résistance, plus
efficaces, à en croire les publicitaires eux-mêmes.
" Nous n'aurions jamais osé faire une telle publicité
au Québec, nous aurions eu trop de problèmes avec
les mouvements féministes ", déclaraient les
publicitaires responsables de Babette. Comme quoi la résistance
au quotidien, organisée et concertée, peut avoir un
impact beaucoup plus important que le cas par cas que veut instaurer
l'Etat. Si les agences de publicités n'osent plus réaliser
de pubs sexistes par peur de représailles, le sexisme aura
pour une fois reculé de façon claire et précise.
Même si seul un pan du patriarcat est ainsi attaqué,
les structures même de l'édifice se trouveront interrogées
par de telles pratiques. Si les pubs sexistes sont systématiquement
recollées, si les agences responsables subissent des pressions
à chaque publication, si la publicité ne peux plus
matraquer ses slogans sans entraîner de véritables
réactions, alors le terrain gagné le sera de façon
beaucoup plus sûre que par les déclarations de principe
de nos gouvernant-e-s. Ne laissons pas d'espace où puisse
s'exprimer et se pérenniser le sexisme. Ni à prendre,
ni à vendre, les femmes ne sont pas des objets : publisexistes,
gare à vous, on vous rendra les coups !
(1) La pieuvre publicitaire, Ignacio Ramonet, Le Monde Diplomatique,
mai 2001.
(2) No Logo, de Naomi Klein, éd. Actes Sud, un pavé
précieux sur le poids des marques et ceux qui les combattent.
(3) Selon un sondage réalisé par l'institut Ipsos
(auprès de 1015 personnes d'un échantillon national
représentatif) et publié par Culturepubmag (Mai-Juin
2001), 46% des gens (tous sexes et âges confondus) trouvent
qu'il y a aujourd'hui une tendance machiste dans la publicité,
47% ne trouvent pas qu'il y ait une tendance machiste, et 7% ne
savent pas.
(4) Le Monde, mercredi 11 juillet 2001.
BIBLIOGRAPHIE
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en poche aux Mille et une nuits)
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Naomi Klein, No logo, Actes Sud, 2000.
Françoise Amalou, Le livre noir de la pub, Stock, 2001.
Trouvé sur <http://publisexisme.samizdat.net/>
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