Origine : http://joel.martine.free.fr/Sociopsychanalyse/Ontopsy
resume.RTF
Préface de Jean-Marie Vincent Professeur de sociologie â
l'Université de Paris VIII
SOCIOLOGIE D'AUJOURD'HUI
COLLECTION DIRIGÉE PAR GEORGES BALANDIER
1997 PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
RESUME ET PRESENTATION
LES ENJEUX D'UNE ONTOLOGIE ET D'UNE PSYCHOLOGIE DE LA VIE
SOCIALE
Le propos de cet ouvrage est la construction d'une sociopsychologie
générale, c'est-à-dire d'une théorie
générale de la pensée et du comportement des
humains en société, fondée sur une ontologie,
c'est-à-dire sur un examen de ce qu'est en général
le mode d'existence des réalités sociales.
La réalité dont il est question dans cet ouvrage,
la réalité sociale, n'est pas ordonnée selon
une logique linéaire, elle est plutôt comme un buisson
de déterminations diverses et qui plus est sujettes à
des mutations historiques. C'est pourquoi la problématique
que nous présentons ici n'a pas une finalité unique
: on peut l'utiliser pour éclairer un nombre indéfini
de questions, et ses enjeux sont donc multiples. On y trouvera par
exemple des hypothèses sur la croyance et la sublimation
(questions qui nous semblent insuffisamment élaborées
par la théorie freudienne), une théorie de la religion,
une tentative pour repenser la morale de Lévinas, des conclusions
sociopsychanalytiques tirées de la théorie de la communication
de Quine, une réflexion sur l'évolution historique
inspirée de Robert Bonnaud, etc.
Toutefois, on pourrait présenter cette entreprise comme
une tentative pour repenser ce que Bourdieu appelle l'économie
générale des pratiques, à la lumière
de la théorie psychanalytique telle que l'a formulée
Serge Leclaire, et dans le cadre d'une théorie de l'action
sociale-historique comme production, en comprenant sous ce concept
aussi bien la production dite matérielle que la production
des significations. Autrement dit, il s'agit de repenser comme un
processus de travail et de production* ce que Castoriadis
appelle l'institution imaginaire de la société
3. C'est peut-être le concept de production qui constitue
le centre de notre problématique, si tant est qu'il soit
légitime de ramener à un concept central une théorie
de la vie sociale.
Ce travail peut aussi être présenté comme une
tentative de réponse à la question des conditions
de possibilité d'une action rationnelle en société.
A chaque étape de cette recherche, nous nous demanderons
dans quelle mesure et par quelles démarches le processus
signifiant collectif peut être autre chose qu'un délire.
Nous nous demanderons s'il est possible qu'une société
se constitue autrement que sur le mode mythique comme une communauté
de croyants. Et cela nous conduira à une interrogation sur
ce qu'est en général la raison.
Qu'on nous permette d'indiquer d'emblée comment nous prenons
position sur cette question, avant même de présenter
plus précisément la problématique générale.
Une entreprise critique sur deux fronts
Nous avons été amené à insister sur
la fonction des cérémonies*, des fantasmes, des mythes,
dans la constitution du lien social et des structures sociales.
On pourrait se demander si de telles analyses ne conduisent pas
à des conclusions irrationalistes, à une acceptation
du caractère religieux de la vie sociale, voire à
une justification des politiques visant à ressouder l'ordre
social autour de schèmes mythiques. Si le rationalisme issu
des Lumières s'est avéré incapable de penser
des pratiques politiques qui répondent à l'épaisse
irrationalité de la vie sociale, et si les hommes des sociétés
sécularisées souffrent d'une méconnaissance
et d'une perte des fondements vivants du lien social, faut-il alors
se ressourcer dans le mythe, faut-il réinventer le sacré
?
Nous pensons au contraire que c'est la raison qui doit être
réinventée, ou refondée. Si pour simplifier
on imagine que le débat oppose les tenants du mythe et ceux
de la rationalité positive, nous nous opposons quant à
nous à la fois aux uns et aux autres. Ce positionnement sur
deux fronts n'est d'ailleurs pas original : il s'inspire de Freud
et d'une certaine lecture de Nietzsche.
Contre la tradition des Lumières, contre un rationalisme
de 1a connaissance objective, de la libre discussion, du contrat,
il est clair depuis Nietzsche que la raison ne va pas de soi, qu'elle
est produite par un processus signifiant collectif largement irrationnel
dans lequel elle reste prise par de multiples adhérences.
Par conséquent un projet de société qui prétendrait
récuser la pensée mythique, ou qui ignorerait les
désirs irrationnels de salvation auxquels répond la
religion, un tel projet de société serait non seulement
aveugle face au fonctionnement effectif de la société,
mais méconnaîtrait ses propres motivations inconscientes.
A vrai dire la pensée des Lumières a d'une certaine
façon mythifié le rationnel.
Mais d'un autre côté nos analyses ne conduisent pas
à considérer comme indépassable le caractère
religieux de la vie sociale, ni à invalider d'avance toute
tentative de refondation rationnelle de l'ordre social. Au contraire,
la psychanalyse permet de penser non seulement le fonctionnement
de l'inconscient, mais aussi la genèse de la pensée
rationnelle. Et si l'on comprend l'ordre signifiant non comme quelque
chose qui mythiquement s'imposerait de soi-même, mais comme
le résultat historique d'une perpétuelle production*
sociale, on peut comprendre comment une part de raison est produite
dans la vie sociale, donc comment l'irrationalité de l'ordre
signifiant a toujours été remise en cause et comment
elle pourrait être dépassée.
Venons-en maintenant à un résumé de la problématique
de cet ouvrage, en commençant par ses présupposés
ontologiques.
La dualité ontologique de la société
; l'histoire comme production
On peut penser l'agir humain en général en s'inspirant
de la conception heideggerienne de la technique comme provocation
de la nature : l'autoproduction de la société apparaît
alors comme le processus par lequel l'action des sujets s'applique
à une réalité (extérieure, mais aussi
intérieure à ces sujets) de telle sorte que cette
réalité va manifester, de par ses propres lois, des
effets inédits, qui débordent la représentation
que pouvaient en avoir les sujets. L'action est donc à la
fois un usage, l'appropriation des choses à l'accomplissement
des désirs et à la satisfaction des besoins des sujets,
et une provocation et un déchaînemeut de forces objectives.
On peut donc parler d'une dualité ontologique de la réalité
sociale : on doit penser la vie sociale à la fois comme vécu
ou usage subjectif et comme déterminations objectives. Vécu
subjectif, puisque les structures sociales ne vivent que comme systèmes
de valeurs dans l'action et la pensée des sujets (par exemple,
il n'y a de valeur d'usage que pour d'éventuels sujets consommateurs,
il n'y a de signifiants que pour des sujets susceptibles d'être
affectés par eux). Déterminations objectives car les
structures sociales ont une autonomie, une Selbständigkeit
comparable à celle des structures qu'étudient les
sciences de la nature. La production*, c'est ainsi la rencontre,
ou si l'on veut l'interaction, entre d'un côté des
usages et des projets subjectifs et de l'autre des logiques objectives
(que les sujets perçoivent comme altérité),
rencontre par laquelle non seulement les choses, mais les sujets,
vont être transformés. Comprendre l'histoire comme
production, c'est donc comprendre :
- d'une part la logique des usages et projets subjectifs des humains
;
- d'autre part les structures objectives, variables historiquement,
qui sont en définitive l'effet des forces de la nature provoquées
par l'action humaine;
-
- et enfin la façon dont les sujets se trouvent saisis, contraints*
et transformés par ces structures.
-
Les concepts d'appareil et de scéne
On peut décrire les structures sociales (tant idéelles,
par exemple une langue, que matérielles, par exemple une
ville) par le concept d'appareil*, dans le sens suivant :
- ces structures résultent certes de l'inventivité
des humains et sont en cela comparables à des appareils techniques
;
- mais tout comme les appareils techniques elles ont leurs propres
lois ;
- et elles imposent leurs possibles “ modes d'emploi aux
sujets qui leur sont soumis.
C'est en ces termes que l'on peut comprendre comment les rapports
de production, les forces productives, les structures psychiques
elles-mêmes, tout en étant les produits de l'action
des sujets, sont déterminés objectivement par les
mêmes types de lois que les êtres matériels de
la nature. Par exemple, l'établissement du prix d'un bien
sur un marché peut se calculer mathématiquement ;
la régulation des interactions entre les sujets dans un système
juridique ou politique peut faire l'objet d'un modèle cybernétique;
une ville a une structure physique, voire géométrique;
néanmoins un marché, une institution juridique, une
ville, ne vivent que par la manière dont leurs acteurs les
“ habitent ”, les investissent.
Le concept d'appareil met l'accent sur l'objectivité contraignante
des structures sociales. Chaque sujet est contraint : nous voulons
dire par là que son monde vécu et sa chair* même
sont modelés par les effets objectivement déterminés
des appareils sociaux. Le monde social est donc comparable à
une scène* structurée à la fois par les volontés
et performances des sujets, et par les déterminations objectives
des structures.
Notons rapidement que cette approche est foncièrement différente
des approches utilitaristes et contractualistes. Ces dernières,
si elles éclairent une partie des logiques sociales, sont
totalement inadéquates pour comprendre d'une part les déterminations
objectives, disons même matérielles, des appareils
sociaux, d'autre part l'implication charnelle des sujets dans ces
appareils.
Un problème de Merleau-Ponty
Les concepts de scène et de schème vécu, qui
désignent ce par quoi le sujet est saisi et constitué
par des structures objectives, nous renvoient à un questionnement
sur ce que peut être en général un sujet, sur
le lien intime et mal connu qu'entretient la subjectivité
avec les structures biologiques qui la font vivre, lien qui se manifeste
par le vécu charnel du corps, qui est à la fois sujet
et objet, et par le caractère objectivement structuré
des processus mentaux4. Ce questionnement, nous n'avons pas pu l'approfondir
dans cet ouvrage, mais nous en désignons le lieu par le concept
de sujet incarné. C'est peut-être parce qu'on ne peut
pas comprendre de façon suffisamment claire les processus
par lesquels le sujet habite charnellement le monde objectif, et
par lesquels le sujet est saisi dans sa chair par les déterminations
objectives, que l'on est amené à penser sujet et objet
comme deux modes d'être différents. C'est peut-être
cette incapacité qui s exprime dans notre conceptualisation
d'une dualité ontologique de la réalité sociale.
Connaissance objective et compréhension : le pluralisme
épistémologique des sciences humaines
Les structures sociales, dans leurs déterminations objectives,
peuvent être décrites “ comme des choses ”,
selon le mot de Durkheim, par une connaissance objectivante. Mais
pour comprendre la façon dont les sujets sont affectés
par ces structures, c'est-à-dire pour les comprendre en tant
que schèmes de perception et d'action, il faut recourir,
comme le voulait Max Weber, à une connaissance sur le mode
de la compréhension, par explicitation du vécu subjectif,
c'est-à-dire à une approche phénoménologique
de l'existence sociale. Cette dualité épistémologique,
dont la reconnaissance n'a rien d'original, se diffracte en des
problèmes méthodologiques complexes, que nous avons
essayé d'aborder.
Il faut étudier les déterminations structurelles
objectives selon lesquelles les actions des différents sujets
s'articulent entre elles, voire s'harmonisent, voire entrent en
synergie (et par lesquelles les motivations des sujets se trouvent
remodelées) ; il faut étudier les déterminations
objectives selon lesquelles cette structure d'articulation ou de
synergie peut se reproduire, évoluer, ou entrer en crise.
Il s'agit ici principalement de connaissance objective, qui intègre
toutefois une certaine compréhension des investissements
subjectifs de valeur qui sont impliqués dans la vie de la
structure objective. Par exemple, l'analyse marxiste des rapports
de production capitalistes, de leurs crises, des transformations
des forces productives qu’ils induisent, se déroule
principalement sur le mode de la connaissance objective, mais se
fonde sur les notions de valeur d’usage et de travail, qui
n'ont de pertinence que dans une logique des investissements des
sujets, et elle débouche sur une analyse des mutations psychologiques
de l'usage et du travail induites par le capitalisme5. C'est parce
qu'il n'y a pas une totale automaticité des structures objectives
qu'il importe de comprendre la logique propre des motivations subjectives.
C’est notamment quand l'automaticité d'une structure
sociale entre en crise que les motivations subjectives jouent un
rôle décisif dans l'apparition de changements historiques.
Délimitation de la présente recherche vis-à-vis
de l'analyse des logiques objectives des processus sociaux
L'objet du présent travail n'est pas l'analyse du fonctionnement
(ou du dysfonctionnement) objectif des structures sociales, il est
de comprendre comment se constituent en général les
motivations subjectives de l'agir en société. Mais
il faut pour cela reconnaître que ces motivations subjectives
sont toujours contraintes par des déterminations structurelles
objectives. Et il faut comprendre l'efficace de ces contraintes,
qui réside dans la façon dont les sujets les vivent
et y répondent : nous essaierons de comprendre les modalités
de la contrainte qu'exercent les appareils* au sein de la logique
propre de constitution des motivations subjectives. Donc nous n'étudierons
pas les appareils dans leurs déterminations objectives, mais
nous nous demanderons quels systèmes de motivations ces déterminations
sollicitent et produisent chez les sujets. Par exemple, nous n'étudierons
pas concrètement les ressorts objectifs de la crise des systèmes
politiques et économiques contemporains, mais, sachant que
cette crise existe, nous nous interrogerons sur ses incidences sur
la constitution de la subjectivité aujourd'hui.
Or à cet égard, si l'analyse marxiste montre comment
des rapports de production peuvent entrer en crise, elle ne permet
pas de prévoir selon quelles motivations les sujets vont
répondre à cette crise.
La cécité sociopsychologique de la tradition
rationaliste des Lumières
Il manque en effet dans le marxisme une psychologie, une théorie
des motivations des sujets. Ou plutôt, le marxisme n'apporte
sur ce point que des éléments partiels de théorie6.
Si le marxisme a critiqué et dépassé les théories
utilitaristes et contractualistes grâce à une approche
en termes de rapports sociaux de production et d'histoire des forces
productives, il a largement partagé l'incapacité de
ces théories à comprendre radicalement la logique
des motivations des sujets.
Cette cécité sociopsychologique de la tradition des
Lumières, c'est surtout Nietzsche, puis d'une part la psychanalyse,
d'autre part la phénoménologie, qui ont apporté
les moyens de la guérir.
Pour comprendre la société par la psychanalyse,
comprendre la psychanalyse par la phénoménologie
Notre recherche consiste pour une bonne part à expliciter
la portée sociologique de la psychanalyse (ce qui, on y reviendra,
nécessite non seulement une théorie de l'inconscient,
mais aussi une théorie du conscient, assez peu élaborée
chez Freud). Or nous avons constaté d'une part que pour ce
faire il est nécessaire d'intégrer la psychanalyse
dans une optique phénoménologique, et d'autre part
que la plupart des concepts et des perspectives qui apparaissent
dans cette entreprise ont une .grande parenté avec ceux formulés
par Nietzsche.
Avant de présenter ces concepts sociopsychanalytiques, il
nous semble utile de dire quelques mots de la façon dont
nous les avons découverts.
Eléments d'autobiographie d'un questionnement
En effet, ces concepts se sont présentés à
nous comme des réponses adéquates aux difficultés,
lacunes et imprécisions que manifestent les théories
sociologiques dans la compréhension des processus idéologiques.
Un retour sur ce questionnement fera mieux sentir, croyons-nous,
l'intérêt de notre approche. Après tout, même
s'il s'avère après discussion que nos thèses
sont fausses (ou pire, indécidables, comme le sont souvent
les produits des raisonnements spéculatifs) au moins auront-elles
servi à mettre en relief certains problèmes euristiques.
De la difficulté à rendre raison des processus idéologiques,
les approches sociologiques du sacré et de la religion sont
le meilleur exemple. Ainsi, lorsque Pierre Bourdieu étudie
le champ religieux7 comme champ de concurrence entre plusieurs entreprises
de salut, son analyse, si éclairante soit-elle, ne nous dit
pas pourquoi après tout il y a de la religion, ni ce qu'est
la religion. Les tentatives, comme par exemple celle de Durkheim8,
ou celle de Marx9, pour comprendre la religion comme l'expression
d'autre chose qu'elle-même, nous laissent aussi insatisfaits
: en expliquant comment un contenu social s'exprime dans une forme
religieuse, on n'explique pas comment une forme religieuse est en
général possible ; en analysant les fonctions du sacré
dans la société, on n'explique pas ce qu'est en lui-même
le sacré.
Or, comme on le sait, la théorie freudienne de la religion
rend compte du caractère à la fois fictif, déréaliste,
et ordonnateur, illusoirement fondateur des croyances sacrées
et des mythes : si les fictions sacrées sont une traduction
collective des fantasmes, et ,si les fantasmes fondent et ordonnent
depuis l'inconscient les comportements de l'individu, on peut comprendre
que les hommes aient besoin de reconnaître à des fictions
sacrées le pouvoir de fonder et d'ordonner les comportements
collectifs.
Or en lisant les textes de Serge Leclaire, nous y avons trouvé
des concepts qui permettent à la fois d'étendre et
de préciser considérablement l'approche psychanalytique
de la religion (et plus généralement des croyances
et rituels collectifs). On peut notamment expliquer la ritualité
de la vie sociale à partir du concept de lettre. Si l'on
considère les signifiants sociaux comme autant de métaphores
des lettres* de l'inconscient, c'est-à-dire des signifiants
fondamentaux de la jouissance*, on comprend l'attachement rituel
à la forme même des signifiants sociaux, au-delà
de leur fonction manifeste, par exemple, utilitaire. Chez Leclaire,
la jouissance est vue essentiellement comme une expérience
d'excès, de rupture de l'ordre signifiant, et la lettre est
à la fois ce qui permet un accès au souvenir de la
jouissance et ce qui interdit la jouissance. Dans cette optique,
on comprend le rôle fondateur de la transgression dans l'histoire
des sociétés10 : si les désirs tendent à
répéter les formes de l'ordre signifiant, ils tendent
aussi les transgresser vers la jouissance, et dans ces expériences
peuvent s'établir de nouveaux signifiants, de nouveaux rites.
C'est ainsi notamment que l'on peut comprendre le prophétisme
comme appel à une transcendance qui bouleverse et refonde
l'ordre du monde.
Nous avons donc adopté la théorie de la lettre selon
Serge Leclaire parce qu'elle rend parfaitement lisible le fonctionnement
religieux de l'ordre social.
Allons plus loin : Leclaire montre comment dans la petite enfance
c'est l'intervention d'autrui, guidée par son désir,
qui tout en provoquant la jouissance, inscrit dans la mémoire
du sujet les lettres de cette jouissance. Ainsi la stabilité
de la lettre, son autorité de signifiant fondamental, sont
garanties par le souvenir d'autrui dans l'inconscient. Par là,
on comprend pourquoi l'expérience du sacré, du “
tout-autre ”, selon le mot de Rudolf Otto, s'exprime le plus
souvent par la croyance en un autrui transcendant, en un dieu. La
relation du sujet à autrui et à sa propre jouissance
sont indissolublement liées. A ce titre l'ordre de la chair*
est social en son origine même. Et on comprend aussi par là
que la coappartenance charnelle, qui fait le fond de la relation
à autrui, est inéluctablement marquée par l'expérience
d'une altérité indicible, d'une différence
qui échappe à l'ordre signifiant.
L'intervention d'autrui pour provoquer la jouissance (ou plus généralement
l'expérience excessive) et pour imposer les signifiants sociaux
comme lettres de la jouissance apparaît donc comme le moment
fondateur (inéluctablement violent) de la relation sociale
et de la constitution du psychisme des individus. Or ce moment est
clairement reconnaissable dans ce que les ethnologues appellent
les rites d'initiation. La théorie de la lettre rend donc
parfaitement lisible l'efficace psychique et sociale des rites d'initiation
: on peut les interpréter comme des cérémonies
où la collectivité s'efforce de contrôler l'inscription
de la lettre, en intégrant les individus à un univers
signifiant, constitué le plus souvent sur le mode mythique.
A partir de là, nous avons entrepris de comprendre en général
la production sociale de la subjectivité sur le modèle
des rites d'initiation.
Exposons maintenant un résumé des résultats
de cette recherche.
Une approche sociopsychanalytique
Pour comprendre la logique des projets subjectifs des humains,
nous recourons essentiellement à la théorie psychanalytique
du désir, que l'on peut prolonger en une théorie de
la constitution du lien social par séduction* et conséduction*.
A cet égard, la vie sociale apparaît essentiellement
comme un jeu* des désirs. Et le lien social se constitue
sur le mode de l'illusion, ce qu'éclaire la théorie
psychanalytique de l'objet* fantasmatique. Par exemple, on peut
comprendre avec Melanie Klein comment les humains fantasment un
groupe social comme bon objet, ou comme mauvais objet. De ce point
de vue, les mythes apparaissent comme une mise en discours des fantasmes.
Plus profondément, comme nous l'avons vu plus haut, le rapport
du sujet aux formes signifiantes sociales est comparable à
la position du sujet vis-à-vis des signifiants fondamentaux
de l'inconscient, que Leclaire, à la suite de Lacan, appelle
les lettres. C'est ce que nous avons essayé d'expliciter
en interprétant dans un sens psychanalytique la conception
ritualiste de l'ordre social qui caractérise la philosophie
chinoise classique. Le jeu rituel* du sujet est animé par
le souvenir inconscient de la jouissance* comme rupture de l'ordre
signifiant, et c'est croyons-nous ce qui s'exprime dans la référence
religieuse à une transcendance, à un ailleurs de l'ordre
social. Ainsi l'ordre signifiant social se constitue paradoxalement
autour de la possibilité toujours évoquée de
sa subversion par le désir, comme on le voit clairement dans
la thématique du prophétisme.
Par ailleurs, pour comprendre le jeu des sujets, il faut comprendre
comment se constituent ses enjeux*. Le jeu de chaque sujet tend
à s'ordonner autour de la quête d'un accomplissement
heureux et harmonieux des désirs. Cette synthèse imaginée
des aspirations des désirs, nous la désignons par
le terme de salvation, d'origine religieuse pour souligner qu'elle
se constitue fondamentalement selon la logique déréaliste
de l'inconscient. De ce point de vue, la scène* sociale est
comparable à un jeu de marelle : une structure de l'espace
dans laquelle sont ménagés des parcours de salvation.
C'est en référence à ce jeu de la salvation
(aux formes historiquement variables) que l'on peut comprendre comment
les biens sociaux (tant les biens matériels que les biens
symboliques) se trouvent investis d'une certaine valeur, et comment
ces valeurs peuvent être converties* les unes dans les autres.
C'est ainsi que l'on peut comprendre l'économie générale
des pratiques, décrite par Bourdieu.
Comprendre l’économie des désirs comme
rapports de production
Mais le jeu social est aussi production : les sujets humains, dans
leurs jeux de salvation, produisent, c'est-à-dire provoquent
des transformations des structures objectives dans lesquelles ils
sont pris. L'économie générale des pratiques
doit donc être pleinement comprise comme rapports de production,
constellations successives dans une histoire des forces productives.
On peut donc appliquer à l'histoire des structures signifiantes
la logique marxienne des forces productives et des rapports de production.
Ethnopsychanalyse de la production de la société
: les rituels d'initiation.
Nous attirons l'attention sur la façon dont les rapports
sociaux produisent les habitus des sujets. Nous avons évoqué
plus haut le rapport de conséduction, mais plus décisif
nous semble être le rapport d'inscription littérale*
décrit par Leclaire, et que nous avons essayé de penser
comme un moment du processus social de production, par le concept
d'inscription rituelle qui généralise le concept ethnologique
de rituel d'initiation : il s'agit de rapports dans lesquels est
administrée une violence fondatrice qui provoque chez autrui
l'inscription (ou la restructuration) des signifiants fondamentaux
de son vécu inconscient. Toutes les sociétés
se reproduisent par des rituels d'initiation, reconnus comme tels
ou méconnus. Par là on peut par exemple comprendre
de façon freudienne le rôle socialement fondateur de
ce que Foucault appelle les disciplines11.
L’irrationalité de l'ordre signifiant
Les rapports de conséduction et d'inscription rituelle sont,
encore qu'ils puissent être plus ou moins contrôlés
rationnellement, un irréductible facteur d'irrationalité
au coeur même du processus social. Par eux, la pensée
reste enfermée dans des scénarios fantasmatiques à
la fois illusoires et violents. Nous sommes ici conduits à
une interrogation sur les conditions de possibilité d'une
action rationnelle en société, et sur la possibilité
d'un certain remodelage rationnel des liens sociaux.
Critique du rationalisme occidental et refondation de la
raison
En plusieurs endroits nous serons amenés à prendre
nos distances vis-à-vis du rationalisme de tradition occidentale.
Il se trouve en effet que d'autres traditions ont formulé
explicitement certains aspects de la vie sociale ignorés
ou méconnus par le rationalisme occidental ou par ses courants
dominants. Nous nous sommes notamment appuyés d'une part
sur la pensée chinoise de la ritualité et sur les
développements récents de la philosophie japonaise
concernant l'espace vécu, d'autre part sur les thèmes
de la transcendance, la foi, la salvation, élaborés
par le discours religieux, entre autre en Occident. Mais notre propos
n'est assurément pas de proposer l'Orient comme une alternative
à l'Occident, ou la foi religieuse comme une alternative
à la rationalité. Nous essayons, par ces parcours
transculturels, d'expliciter et de prolonger l'entreprise freudienne
de déconstruction ou d'archéologie de la rationalité,
en tenant compte pleinement de l'existence sociale. Mais si nous
insistons sur les processus irrationnels qui sous-tendent la rationalité,
ce n'est pas pour célébrer mythiquement l'irrationnel
comme quelque chose d'indépassable, bien au contraire. Comprendre
l'irrationnel, c'est en même temps le démythifier,
c'est le reconnaître comme un produit de ce processus de production
qu'est l'histoire.
S'il faut résumer notre démarche sur ces questions,
nous le ferons en parodiant les formules aphoristiques qu'affectionne
la langue chinoise :
Critiquer la raison, démythifier l'irrationnel.
Comprendre l'irrationnel, refonder la raison.
Raison et production
On peut décrire la pensée rationnelle comme une démarche
consciente et délibérée d'ouverture à
l'altérité de l'expérience, à 1a fois
à l'expérience des données externes de la perception
et à l’expérience interne des dynamismes et
des structures de la pensée. Cette démarche comporte
à la fois une remise en cause fantasmes et de la doxa*, et
une affirmation de la créativité la pensée.
La raison permet un contrôle (partiel) des actions humaines,
par l'examen conscient des problèmes et de leurs solutions
possibles. La raison nous semble procéder d'une prise de
conscience de ce qui se passe dans la production*, quand la rencontre
de l'altérité interpelle le sujet, l'appelle à
sortir des illusions de ses fantasmes. Le pouvoir de la raison réside
donc ~ la conscience des pouvoirs de la production.
Psychogénèse de la raison
Pour comprendre comment se constitue la raison, on a besoin d'expliciter
la théorie psychanalytique de la constitution de la pensée
consciente. Comme la phénoménologie l'a mis en évidence,
la pensée consciente comporte constitutivement la visée
de la réalité, autrement dit la référence
à une réalité, référence par
laquelle cela a un sens de se demander si une idée est vraie
ou fausse. A l'opposé, la pensée inconsciente (le
rêve par exemple) est essentiellement déréaliste.
On peut donc considérer que le conscient est cette modalité
des désirs selon laquelle ils échappent à la
logique déréaliste de l'inconscient, et sont transformés
par leur association à la notion de la réalité.
Une théorie psychanalytique du conscient devrait donc comprendre
cette transformation, et rendre raison de ce que Freud appelle l'épreuve
de réalité. C'est ce que nous avons essayé
de faire en réinterprétant dans une optique psychanalytique
la description husserlienne de la perception. Selon cette description,
le perçu s'ordonne toujours en formes préconstruites,
mais d'un autre côté dans la perception le sujet accueille
toujours un donné hylétique, c'est-à-dire des
impressions sensibles qui sont autres que les formes préconstruites.
Il nous a semblé que dans cette ouverture du sujet au donné
hylétique se rejoue la rencontre du désir avec l'altérité,
donc ce que Leclaire appelle la jouissance. Ainsi, c'est à
travers l'éclairage mutuel de la théorie du désir
selon Lacan et Leclaire, et de la théorie husserlienne de
la perception, que l'on peut comprendre la transformation du désir
par l'épreuve de réalité.
Il faut alors comprendre par quel cheminement le désir inconscient,
constitué de façon déréaliste autour
de l'objet* fantasmatique, peut se porter vers l'épreuve
de réalité. Sur ce point, nous trouvons chez Leclaire
des indications importantes dans sa théorie de la genèse
du conscient. Selon cette théorie, il apparaît que
ce que recherche le désir dans les objets réels, c'est
une réassurance de l'illusoire stabilité et complétude
de l'objet fantasmatique. Ainsi, tout ce qui est tenu pour réel
est visé à la fois sur le mode fantasmatique, comme
un objet consistant, et d'autre part comme une altérité
qui excède l'objet. La visée de la réalité
est donc sous-tendue par une attitude de croyance*, et l'épreuve
de réalité met en oeuvre une dialectique de la croyance
et de la décroyance.
Cette analyse met en évidence la fonction constitutive de
la croyance, donc de l'illusion, dans la constitution de la pensée
consciente, et donc dans les fondements de la rationalité.
Il faut à partir de là comprendre comment la pensée
peut sortir de la croyance, comment le désir peut se porter
vers autre chose que vers des objets déréalistes.
C'est ce que nous avons essayé de faire en retravaillant
le concept freudien de sublimation, en distinguant précisément
le mécanisme de la projection* de celui de la sublimation
réalitaire*, en comprenant cette dernière comme mise
en jeu de la jouissance dans la rencontre avec l’altérité
du réel.
Refonder le projet de la raison
Ainsi la psychanalyse permet de comprendre comment après
tout la pensée rationnelle peut apparaître et être
désirable. L’irrationnel est dépassable, il
s'agit de comprendre dans quelles conditions sociales et par quels
dispositifs. On peut alors envisager une refondation plus lucide
du projet rationnel.
La rationalité objective, ou objectivante, élaborée
par la 1a pensée scientifique, consiste en une méthodologie
de la réfutation des illusions par l'expérience. Ce
type de rationalité tend à invalider globalement la
croyance, et à désillusionner le désir. Mais
comment se construit alors le désir ? La rationalité
objective n'éclaire pas le vécu subjectif du désir.
Elle renie l’irrationalité du désir, mais elle
n'assume pas consciemment la transformation (la sublimation) du
désir, laquelle transformation est pourtant ce qui sous-tend
et alimente toute démarche rationnelle.
Comme la civilisation occidentale a conçu la raison essentiellement
sur le mode de la connaissance objective, on comprend que l'émergence
de la raison dans cette civilisation n’a été
que très partielle, laissant pour une large part intouchés
les fondements irrationnels de la vie sociale. Notamment la rationalité
occidentale a laissé la gestion de l'accomplissement des
désirs à la foi religieuse (ou à ses avatars
laïcs), et à la conséduction* par le sacré*.
C'est pourquoi il nous semble nécessaire de refonder la rationalité
comme auto-explicitation du vécu du sujet incarné*,
comme conscience de la production* du monde vécu par les
sujets et de la production des sujets par le monde. De ce point
de vue, le modèle de l'action rationnelle, c’est l'art,
compris comme exploration esthétique*, comme un travail de
transformation consciente du vécu perceptif lui-même.
(Il va de soi qu'une telle exploration esthétique n'est pleinement
rationnelle que si elle reste secondée et questionnée
par une connaissance objective de type scientifique.)
On pourrait donc repenser de façon rationnelle le lien social
et les procédures de conséduction* : imaginer une
société qui ne se constituerait pas comme une Eglise
(une communauté unie par une foi commune et un schème
commun de salvation*), mais comme un atelier d'artistes (une communauté
d'expérimentateurs dialoguant dans une exploration esthétique
plurielle du monde).
La raison dans l'Histoire
Les considérations qui précèdent permettent
d'envisager comment la vie sociale pourrait être retravaillée
radicalement par des démarches rationnelles. Mais pour cela,
il faut d'abord se demander comment des démarches rationnelles
peuvent émerger dans le processus social.
Il faut d'abord se demander comment les modes d'accomplissement
des désirs que propose une société peuvent,
au lieu d'enfermer la pensée dans les fantasmes et dans les
rites, constituer au contraire une propédeutique à
la sublimation réalitaire*. Cette réflexion peut se
situer dans le prolongement des travaux d'auteurs comme Marcuse
ou Gérard Mendel.
Il faut aussi se demander dans quelle mesure les appareils sociaux
sont des outils pour la connaissance rationnelle, ou au contraire
des entraves à la raison par leurs effets pervers et leur
opacité. En effet les dispositifs techniques, économiques,
administratifs, mais aussi les dispositifs mentaux de la connaissance
objective et de la réflexion éthique, rendent plus
visibles et plus intelligibles les structures des actions et interactions
des sujets humains, et incitent par conséquent ces derniers
à sortir de la clôture de leurs fantasmes et à
faire usage de leur raison. Cette puissance de la raison à
travers les appareils sociaux s'est développée au
cours de l'histoire selon une évolution globale¬ment
cumulative, qui se traduit notamment par une tendance à la
sécularisation de la vie sociale.
L’irrationnel généré par la
civilisation
Mais cette même évolution provoque, comme tout processus
production, des effets pervers qui, en percutant les schèmes
de compréhension dont disposent les sujets, peuvent entraver,
voire invalider, l'exercice de la raison. Un progrès de la
raison sur tel ou tel problème induit très souvent
des problèmes nouveaux, éventuellement plus graves,
chose que par exemple l’écologie nous a habitués
à observer. La massivité des effets d’appareil*
peut même mettre en cause la soutenabilité* humaine,
biologique ou psychologique, des processus sociaux. Que l'on pense
par exemple aux violentes mutations sociales, aux souffrances, aux
catastrophes que provoque aujourd'hui cet immense appareil incontrôlé
qu'est l'économie mondiale. Ou encore, que l'on pense aux
bouleversements déconcertants et invivables qu'induit dans
le processus signifiant social l'irruption quotidienne des messages
des mass media.
Ainsi les effets voulus et non voulus du déchaînement
prométhéen des pouvoirs de la raison ont aujourd'hui
largement détruit les traditionnelles autorégulations
mytho-cérémonielles de la vie sociale, sans qu'aient
été construites les conditions d’une refondation
rationnelle de cette dernière. Ce processus mine le terreau
de vie sociale nécessaire à une constitution satisfaisante
de la subjectivité et du lien social; il engendre une angoisse
de la perte du sens. Ainsi la pensée rationnelle est comme
désarçonnée et les hommes ont tendance à
se réfugier un monde de fantasmes archaïques. En réponse
à ces désirs, les ordonnateurs de la conséduction
(ou si l'on veut les manipulateurs de l'opinion) ne cessent de relancer
à travers les mass media des schèmes mythiques plus
ou moins incohérents, dont le charivari aggrave la désorientation
de la pensée collective. Et d'autre part des entreprises
politiques autoritaires et plus ou moins obscurantistes relancent
de façon volontariste des mythes mobilisateurs.
Sur les tâches actuelles de la pensée
Pour combattre ces logiques irrationnelles qui travaillent aujourd'hui
l'histoire, il importe d'abord de les comprendre, et pour cela de
scruter l'épaisse complexité de la vie sociale, ce
que nous avons essayé de faire dans cet ouvrage. Par exemple
il faut comprendre comment le délire politique raciste propose
comme bon objet une communauté idéale en réponse
au désir de coappartenance charnelle des individus.
Cela dit, il ne suffit pas d'interpréter la vie sociale,
il faut la transformer. La sauvegarde des acquis rationnels de la
civilisation dépend de la reconstruction des appareils économiques,
techniques et politiques selon des logiques soutenables* de régulation
et/ou de progrès des sociétés (que nous n'avons
pu évoquer que rapidement dans cet ouvrage).
Et cela suppose la constitution d'une volonté politique
rationnelle, l'invention de réponses collectives rationnelles
aux désirs de salvation générés par
la crise de l'ordre signifiant et du lien social. Là encore,
il est nécessaire de comprendre, sans les simplifier, tous
les ressorts de la vie sociale, les facteurs d'irrationalité
qu'ils comportent, ainsi que les prises qu'ils peuvent offrir à
une reconstruction de la rationalité. C'est en réponse
à cette exigence que nous avons entrepris la présente
recherche.
Notes
Les auteurs évoqués ici seront cités plus
précisément dans les chapitres ultérieurs.
Lorsqu’un mot est suivi d’un astérisque, il
ne doit pas être pris dans son sens habituel, mais désigne
un concept qui a été défini précisément
en d’autres lieux du texte, que l’on peut retrouver
à l’index des concepts
3 L'institution imaginaire de la société, Éd.
du Seuil, 1975. La problématique de ce livre a donné
une impulsion décisive à notre réflexion.
4 Voir Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l'invisible, Éd.
Gallimard, 1964, “ L'entrelacs, le chiasme ”.
5 Voir notamment Philippe Zarifian et Christian Palloix, La société
post-économique, Éd. L'Harmattan, 1988.
6 Voir “ La théorie du fétichisme comme psychologie
et comme ontologie des phénomènes sociaux ”,
p. 224.
7 Voir “ Genèse et structure du champ religieux ”,
in Revue française de sociologie, éd. CNRS, XII, 1971,
p. 295-334.
8 Emile Durkheim, Les formes élémentaires de la vie
religieuse, Librairie Félix Alcan, 1925, p. 295 à
307 et p. 594 et suiv. : “ La cause de ces sensations sui
generis dont est faite l'expérience religieuse, c'est la
société ” (p. 597).
9 Voir Georges Labica, art. “ Religion ”, in Georges
Labica et Gérard Bensussan, Dictionnaire critique du marxisme,
PUF, 1985.
10 Voir Michel Maffesoli, Essais sur la violence, banale et fondatrice,
Éd. Librairie des Méridiens, 1984.
- l'inscription rituelle (ou rite d'initiation), c'est-à-dire
l'inscription littérale socialisée ;
-
la conséduction des désirs, c'est-à-dire la
formation d'objets* et de scénarios* communs ;
- enfin le contrat social, c'est-à-dire la transformation
de ces objets et scénarios par des procédures conscientes*
de dialogue.
Cette distinction est analytique. Dans la vie concrète des
cérémonies et des mythes, ces trois processus sont
entremêlés.
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