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La souffrance n’est pas une maladie...
... Elle fait partie de la vie
par Jack BENSIMON
Psychanalyste

Origine : http://www.psychanalyse-paris.com/La-souffrance-n-est-pas-une

Nous sommes nombreux à ne pas savoir vers qui nous tourner lorsque la vie perd de son goût et que le mal-être s’installe en nous. Nous sommes également nombreux à ne pas oser dire que cela ne va pas et à ne pas oser demander de l’aide, de peur d’être jugé, mal perçu ou incompris. Bien souvent, nous préférons penser que ça va passer, qu’on finira bien par trouver une solution, qu’avec le temps... S’il arrive en effet qu’un "petit coup de blues" soit très passager, souvent par contre, le mal-être ne disparaît pas de lui-même, simplement à l’aide du temps. Au contraire, il aurait plutôt tendance à s’installer encore plus.

Certes, ce n’est pas aisé de reconnaître que cela ne va plus. Pourtant, c’est cette prise de conscience qui nous aidera à sortir de l’ombre. Mais comment identifier des maux qui ne ressemblent en rien à une plaie à la jambe ? On ne VOIT pas cette souffrance ; dès lors, on ne sait pas toujours comment en parler, comment se faire comprendre, comment en prendre soin. Et quand on se décide, comment s’y retrouver devant la profusion des aides professionnelles ?

Autant de définitions que d’êtres humains sur terre

Comme on le voit, il existe autant d’interprétations de la vie et du bien-être que d’êtres humains peuplent la terre. Elles changent selon le milieu de naissance (et ce qu’il génère au niveau culturel, économique et politique), selon l’âge, les expériences, les relations familiales et affectives, les conditions de vie passées et actuelles. Impossible de citer tous les éléments qui influencent notre vision de l’existence. En outre, cette vision change en cours de route.

Elle peut être un lourd fardeau aujourd’hui, mais rien ne dit qu’il en sera de même demain. Cette perception de la vie et du bien-être est influencée par notre état intérieur.

Cela dit, être bien dans sa peau ne doit pas forcément être synonyme de bonheur intense. Cela peut parfois signifier tout simplement assumer ce que l’on est et essayer d’en tirer le meilleur parti.

La part de la société

Cette vision réductrice du bonheur risque d’accentuer la perte de confiance, l’isolement, la culpabilité que nous ressentons déjà lorsque nous sommes mal dans notre peau. Or, si les causes de notre mal-être peuvent prendre racine dans notre histoire personnelle, celle-ci n’en est pas toujours la seule cause. La société a aussi sa part de responsabilité dans certaines détresses ou situations de crise ; elle n’est pas toujours capable de répondre à nos besoins fondamentaux et peut induire des contraintes psychiques difficiles à supporter : stress professionnel ou chômage, maladies de longue durée et souffrance chronique, violence, pauvreté, surendettement, harcèlement, logement trop petit, trop bruyant... Dans ces situations, des troubles comme la dépression, l’alcoolisme, la dépendance aux médicaments peuvent naître ou s’amplifier.

C’est vrai : nous préférons une vie sans heurts ni obstacles. Nous cherchons tous le bonheur et personne ne souhaite souffrir. C’est là un désir tout à fait légitime et humain. Toutefois, la réalité est autre ; la vie est loin d’être tranquille. Vivre signifie aussi se confronter à des problèmes et traverser des moments difficiles. Tout le monde fait l’expérience des larmes, toute vie est marquée par des événements douloureux - deuil, séparation, maladie, etc. - personne n’y échappe. Existe-t-il un seul être humain qui n’ait jamais souffert ? Par ailleurs, existe-t-il un seul être humain qui n’ait jamais souri ? La vie est faite de hauts et de bas. Tantôt on s’y sent bien, tantôt on s’y sent mal. Elle ressemble plus à une route de montagne, avec ses cols, ses plats et ses descentes, qu’à une autoroute à quatre bandes !

C’est encore vrai : nous vivons dans une société qui met le bonheur (et l’argent, comme source de ce bonheur) à la Une. Elle l’affiche à chaque coin de rue, sur fond de réussite professionnelle, de performance, de jeunesse, de beauté, etc. Du coup, c’est d’autant plus difficile à vivre quand on se sent mal dans sa peau. On aurait même vite fait de se croire anormal. Quoi ? Tout le monde semble être heureux et moi, je me sens complètement à côté de mes pompes ? Suis-je tellement inadapté ? Attention à ne pas nous faire piéger par cette vision unique du bonheur. N’oublions jamais qu’il existe de nombreux bonheurs et de multiples chemins pour y parvenir.

La souffrance n’est pas une maladie, elle fait partie de la vie. Personne n’y réagit de la même manière et ce qui est douloureux pour l’un ne le sera pas forcément pour l’autre. L’impact des situations vécues sur notre équilibre intérieur variera en fonction d’une série d’éléments tels que les conditions de vie et de travail, l’état de santé, les relations affectives, le passé personnel, etc.

Quoi qu’en disent les images des magazines ou les publicités, la souffrance est une réaction normale à certaines situations de la vie.

Notre inconscient influence aussi positivement notre vie, il s’exprime dans nos rêves et notre créativité, il nous donne de l’énergie. Toutefois, il nous arrive d’être dans le trouble sans en comprendre la raison. Tout peut sembler "normal" : on a du boulot, une famille, des amis, des vacances et pourtant, au fond de nous, quelque chose ne tourne pas rond, quelque chose fait mal. Ainsi, notre existence est parfois bouleversée par les forces inconscientes.

Ce qui est inconscient ne peut être pensé, dit ou éprouvé directement. Mais cette énergie psychique tentera toujours de s’exprimer. Cela se manifestera par l’apparition de symptômes dans le corps (maux de dos, estomac noué, maux de tête, grande fatigue, perte de sommeil, etc) et dans ce cas, on parle de somatisation, ou par des modifications psychiques et des émotions perturbatrices (humeur qui change, angoisse, irritabilité, etc) ou encore par des comportements et des attitudes inhabituelles (comme la phobie, l’inhibition, etc).

Il y a trouble et trouble

Nous sommes parfois sur le point de craquer. Et puis, non, nous nous adaptons à la situation et nous nous débrouillons pour garder les pieds sur terre. Mais il nous arrive aussi de craquer vraiment. Dans ce cas, il se produit comme une rupture, un court-circuit qui nous déconnecte du monde ; le malaise - quel qu’il soit - prend le dessus et nous retranche à l’ombre de notre vie. La frontière entre un mal-être passager et une crise plus profonde n’est cependant pas nette, d’autant plus que chacun de nous a son propre seuil de tolérance par rapport à la douleur psychique.

Tout est décidément subtil au royaume de la psyché. Il n’existe pas de critère précis qui détermine le moment adéquat pour faire appel à une aide extérieure.