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Quand la science secourt la psy par Alain Rubens Lire, octobre 2004
Les neurologues justifient aujourd'hui les intuitions de la psychanalyse. La victoire des freudiens.

Origine : http://www.lire.fr/critique.asp/idC=47380/idR=213/idG=8

Les neurologues justifient aujourd'hui les intuitions de la psychanalyse. La victoire des freudiens.

Avec un brin d'arrogance, la science a bien failli enterrer la psychanalyse. Sous l'empire pharaonique du gène, relégué par l'hégémonie du neurone et des neuromédiateurs, Freud allait passer pour un charlatan démodé. Sa boîte de Pandore psychique paraissait promise au placard. Certes, les neurosciences ont réalisé une superbe exploration de la chimie cérébrale, mais la science a commencé à s'égarer, à divaguer même, en prétendant instaurer le règne de l'homme-machine. A cette aune, le cerveau humain ne valait guère plus que le câblage d'un ordinateur. Entre l'homme et la femme, le désir s'allumait, aussi sûrement que les sécrétions de phéromones sexuelles. Bref, la limite entre l'homme et le primate supérieur s'estompait; que l'huître puisse copiner avec l'homme parce qu'ils ont quelques neurones en commun n'aurait étonné personne.

La psychanalyse, qui explore la richesse de la vie psychique, semblait être vouée à disparaître. Pourtant, cette rescapée modeste et tenace, qui ne cherche d'ailleurs pas à convaincre, vient de recevoir le secours inattendu du camp adverse: la communauté scientifique.

Gérard Pommier, psychiatre, psychanalyste et universitaire, montre en effet que les neurosciences confirment la découverte freudienne et, même, que leur antagonisme mortel est aujourd'hui dépassé. Neurologues et psychanalystes s'accordent à penser que l'exercice primordial de la parole, médium de la psychanalyse, est indispensable au déve-loppement du cerveau. Si le petit d'homme ne se met pas à parler, la dégénérescence de certaines aires du langage le conduit à la mort psychique. Sans les mots, pas de soi ni d'autre, pas de dedans ni de dehors. Freud avait fait cette grande découverte: la pulsion, comme ouverture illimitée sur le monde, comme désir insensé de dévoration.

Pas de meilleur exemple que celui de lord Nelson! Le grand amiral de la flotte britannique perdit son bras lors d'un combat naval. Il se plaignait, souvent, de douleurs insoutenables qu'il imputait à ce bras inexistant. Le «membre fantôme» a inspiré à la psychiatrie classique toute une littérature.

Aujourd'hui, les neurologues observent que la douleur migre du moignon vers le visage. Phénomène tout à fait stupéfiant. Ce qu'on appelle la pulsion d'emprise se déplace du bras vers le visage: les yeux, la bouche, le nez, le visage entier qui s'ouvre sur le monde. C'est la pulsion, le désir qui se projette dans le monde. «De la main qui appréhende au visage qui, lui aussi, appréhende l'extérieur», explique Gérard Pommier. Une des intuitions majeures de la psychanalyse se trouve ainsi confirmée. Une simple hypothèse? Après tout, la plasticité du corps psychique est infinie. On notera aussi une charge plus classique contre les médicaments psychotropes. Leur usage intensif ne fait pas disparaître le symptôme, mais le soulage partiellement en étouffant la parole qui est à son origine.

Un ouvrage dense, passionnant, certes d'une lecture difficile, mais qui démontre de façon originale que les intuitions de Freud sont plus que jamais d'actualité.