Intervention de Stéphanie Cordellier au nom du Mouvement pour l'abolition
de la prostitution et de la pornographie (MAPP) lors de la conférence
de presse du Collectif national pour les droits des femmes en France,
le 25 novembre 2003.
La prostitution est une violence.
La prostitution ne peut pas être dissociée des autres formes de
violence masculine perpétrée à l'encontre des femmes. Elle détruit
les personnes qui la pratiquent. Le client participe à cette destruction.
La prostitution a les mêmes conséquences que le viol sur la santé
mentale et physique ; la majorité des personnes prostituées
(et des personnes violées) souffrent de l'état de stress post-traumatique
(cauchemars, flash back récurrents) ; les personnes prostituées
souffrent en outre d'abus de stupéfiants, de tentatives de suicide,
de dégradation de l'image de soi et de la vie sexuelle et affective,
d'insensibilité à la douleur et de négligence sur le plan de la
santé. La majorité des personnes prostituées ont été agressées physiquement
dans la prostitution, par des proxénètes ou par des clients (coups,
viols, tentatives de meurtre, séquestration). Aucun besoin sexuel
ne peut justifier la destruction d'une personne à l'œuvre dans
la prostitution (tout comme aucun besoin sexuel ne peut justifier
la destruction d'une personne à l'œuvre dans le viol).
La prostitution n'est pas un libre choix.
On ne choisit pas plus de se prostituer que de vivre avec un homme
violent. Nombre de femmes sont prostituées de force par leur ami
ou par des réseaux. Parmi celles qui "choisissent", c'est-à-dire
qui se résignent à se prostituer, il n'y a pas de hasard :
ce sont les femmes des classes défavorisées qui sont réduites à
se prostituer, et de plus en plus celles qui proviennent des anciennes
colonies (Afrique, Maghreb) ainsi que des pays de l'Est. Enfin,
il ne faut pas non plus oublier les causes plus profondes de la
prostitution qui ont à voir avec les rapports sociaux de sexe et
la violence masculine perpétrée à l'encontre des femmes. La majorité
des personnes prostituées ont subi des abus sexuels dans l'enfance.
La prostitution n'est pas un travail.
La prostitution n'est pas simplement un "travail" car il s'agit
là de marchandisation des corps. Le client achète ou loue le corps
des personnes prostituées en toute impunité. Or, le corps humain
est inaliénable, il ne peut être ni acheté ni loué. La loi française
le reconnaît en ce qui concerne le commerce d'organe ou la location
d'utérus (mères porteuses), mais elle déroge à cette règle en ce
qui concerne la prostitution. Rien n'est entrepris contre ceux qui
achètent ou louent le corps des personnes prostituées, on leur reconnaît
donc implicitement ce droit.( Plus intervention sur la pornographie,
assimilée à de la prostitution filmée ou photographiée. Plus intervention
sur les politiques de l'Union Européenne (violence, traite, reconnaissance
de la prostitution comme un travail dans un des arrêts de la CEdJ...)
Il faut à la fois supprimer les délits de racolage, respecter
les objectifs de réinsertion pris par la France dans les ordonnances
de 1960 (ouvrir les services départementaux prévus), pénaliser les
formes de proxénétisme bénéficiant de l'impunité de la loi (proxénétisme
pornographique), donner de réels moyens à la Brigade de Répression
du Proxénétisme et de l'Office Central pour la répression de la
Traite des Êtres Humains pour qu'ils s'attaquent au proxénétisme
lié aux lieux de prostitution fermée, et détruire le marché. Une
politique abolitionniste claire et cohérente présentant les personnes
prostituées comme les victimes d'une violence reconnue et sanctionnée
comme telle empêcherait en France les dérives actuelles de condamnation
des victimes et permettrait de mener une vraie politique de prévention.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 novembre 2003
Sisyphe 2002-2003
Origine : http://sisyphe.org/breve.php3?id_breve=62
|