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Origine : http://www.creis.sgdg.org/colloquescreis/2004/Ricaud.htm
Le système carcéral tel que nous le connaissons actuellement
est régulièrement la cible de critiques plus ou moins
radicales. Les problèmes montrés du doigt vont des
droits de l’homme, aux conditions de vie et à la surpopulation,
en passant par les conséquences familiales, le coût
pour la société, etc. Il faut cependant reconnaître
que ces critiques ne sont pas restées sans effet et, depuis
une trentaine d’années, les conditions de détention
se sont considérablement humanisées. Parallèlement,
la population carcérale n’est plus la même que
dans les années soixante-dix. En tête des infractions
commises, viennent les agressions et les délits sexuels (23,3%)
suivies du délit de vol simple et qualifié (18,2%).
La petite délinquance, chez les jeunes notamment, a pris
des proportions qui auraient été inimaginables trente
ans plus tôt. Sans oublier l’augmentation sans précédent
depuis la Libération du nombre de détenus, toutes
catégories confondues.
C’est ainsi que des alternatives à l’incarcération
ont vu le jour, mises en œuvre à plus ou moins grande
échelle, comme les Travaux d’Intérêt Général[1].
D’autres sont à l’étude ou à l’essai.
La question de fond que l’incarcération pose aujourd’hui
semble bien la suivante : faut-il se contenter de poursuivre l’humanisation
de la prison ? Ou bien faut-il développer d’autres
formes de sanction ? Cette seconde voie permettrait de désengorger
les prisons et de mieux adapter la peine au délit et au détenu.[2]
C’est dans ce contexte que se pose, à son tour, la
question du contrôle de la population pénale par les
nouvelles technologies. Cet exposé illustrera par deux exemples
que les nouvelles technologies permettent de prendre le relais de
l’architecture en ce qu’elles sont capables d’exercer
le même contrôle, autrement dit d’assurer le quadrillage
et la discipline mais sans l’enfermement. Un cadre juridique
se met progressivement en place. Mais, alors que la technologie
progresse vite et ouvre de nouvelles voies, la question de la limite
que le législateur voudra placer pour concilier le droit
et la liberté individuelle suit une temporalité beaucoup
plus lente.
Coup d’œil sur la prison française
Comme l’a analysé Michel Foucault[3], la peine d’enfermement
remonte au tournant du 17ième et du 18ème siècles.
Elle est l’aboutissement d’une lente évolution
qui a eu pour premières étapes le bannissement, puis
les supplices. Ces derniers comportaient, il est vrai, de sérieux
inconvénients. Ils variaient selon la condition du condamné
et ne permettaient pas une quantification de la peine. Avec l’incarcération,
tout cela change. Celle-ci s’applique sans distinction de
position sociale et est dosée en fonction de la gravité
de la faute, des circonstances dans lesquelles elle est commise
et du principe d’individualisation. Il va sans dire que l’inégalité
de traitement n’a pas complètement disparue mais on
doit reconnaître que les plus grandes disparités se
sont atténuées. A tout prendre, la prison semble plus
égalitaire et plus douce que les sévices subis par
les condamnés sous l’Ancien Régime. Ce qui ne
doit pas surprendre puisqu’elle a été pensée
de manière rationnelle par des philanthropes.
Or, au nom du même esprit d’humanité, la prison
est soumise à une critique en règle. Les motifs sont
nombreux. On reproche à la prison de ne pas s’en tenir
à la privation de liberté et d’inclure d’autres
sanctions comme la privation de vie familiale. De ne pas favoriser
la réinsertion, d’être même une école
de la délinquance. D’être un lieu où les
droits fondamentaux de la personne ne sont pas respectés.
A partir des années soixante-dix, les droits des détenus
ont été progressivement reconnus ou étendus
: droit à l’information[4], liberté (surveillée)
de correspondance, parloirs sans séparation, meilleur accès
aux soins, extension du droit à l’instruction à
tous les détenus, etc. Des réformes sont actuellement
testées, telles les unités expérimentales de
visite familiale (UEVF). Cependant, ces évolutions ne suffisent
pas à faire taire les critiques parce qu’elles portent
en fin de compte sur le principe de l’enfermement et pas seulement
sur ses conditions.
A cela s’ajoute un état inquiétant du parc
pénitentiaire. Les rapports les plus récents stigmatisent
la vétusté des locaux, le coût que représentent
les détenus, la surpopulation. Ces problèmes sont
d’ailleurs soumis à une causalité circulaire
et s’aggravent chaque fois que le gouvernement se lance dans
une politique sécuritaire.
C’est dans ce contexte que les nouvelles technologies font
leur apparition. Elles permettent d’envisager à partir
des années quatre-vingt dix de nouvelles formes de contrôle.
Le PSE : une alternative à l’enfermement
Mis en place à partir de février 2000, le placement
sous surveillance électronique (PSE) est un régime
de liberté conditionnelle[5]. Il est réservé
aux détenus n’ayant pas plus d’un an de peine
à purger et avec un sérieux projet de réinsertion.
Il permet l’assignation dans un lieu déterminé,
d’un rayon de 45 mètres environ. Là, le détenu
peut exercer sa profession, vivre entouré de ses proches,
bref il se trouve dans des conditions qui le préparent à
sa réinsertion. Le système permet de fixer l’assignation
dans un lieu et un régime de liberté dans un autre.
Le détenu peut, par exemple, se rendre sur son lieu de travail
puis passer le reste de son temps à son domicile, si ce programme
a été autorisé par le juge d’application
des peines (JAP). Il suffit de fixer le créneau horaire pendant
lequel le placé doit être chez lui. Il appartient à
ce dernier de toujours se trouver au bon endroit au bon moment.
Le système électronique permettant le PSE est composé
de trois éléments :
- un émetteur sous forme de bracelet électronique
porté à la cheville ou au poignet ;
- un récepteur sur le lieu d’assignation (les signaux
transitent par la ligne téléphonique) ;
- un centre de surveillance, enfin, situé dans les locaux
de l’administration pénitentiaire et qui centralise
les messages émis par les récepteurs.
Le tout est géré informatiquement. Financièrement,
le gain est net. Un détenu incarcéré coûte
à la société une centaine d’euros par
jour. Ce chiffre tombe à moins de 25 euros avec le PSE.
La justice a autorisé un total de 1234 PSE depuis le début
de l’expérience. Actuellement il y en aurait 233[6].
13 prisons (sur 187) sont dotées des équipements adéquats.
On déplore 74 détenus qui se sont vus retirés
leur bracelet faute d’avoir respecté les règles
du PSE et 9 évasions. Ces chiffres sont jugés très
satisfaisants par l’administration pénitentiaire. En
cas d’alarme, le surveillant appelle le placé. Pour
parer à la tentative de substitution (rien ne garantit à
100% que la personne qui répond au téléphone
est bien le placé), c’est un système de questions
qui permet une relative authentification du placé. L’administration
pénitentiaire envisage le recours aux techniques biométriques
(authentification vocale, faciale ou digitale) pour fiabiliser l’authentification
de l’appelé. Le PSE est donc appelé à
reposer sur une articulation entre informatique et techniques biométriques.
Dans quelle mesure le PSE permet un nouveau type de contrôle
? Dans la mesure où ce n’est plus un contrôle
qui repose sur l’architecture. En effet, reposant sur la privation
de liberté et sur la surveillance, la prison correspond à
un système de pouvoir et, pourrait-on dire, à un mode
de pensée concernant la sanction – combinaison d’un
système de quadrillage, de discipline (pour la surveillance)
et d’une architecture très particulière. Les
moyens de contrôle sont les suivants :
- la clôture (murs, portes, grilles) ;
- la surveillance (miradors, gardiens, œilleton, panoptique,
etc.) ;
- la censure (du courrier entrant et sortant, mise au secret, l’isolement,
etc.) ;
- les sanctions (le quartier disciplinaire ou « mitard »,
la privations de visites ou de promenades, etc.).[7]
Le PSE est, en France, dans un état de développement
intermédiaire, situé entre l’expérimentation
à très petite échelle (comme en Finlande ou
au Portugal) et l’utilisation plus ou moins généralisée
(comme en Suède, aux Pays-Bas, en Angleterre et bien sûr
aux Etats-Unis). La France est sortie de la phase expérimentale
proprement dite et l’utilisation du PSE y monte actuellement
en puissance. Cette progression devrait être accrue par la
récente loi dite Perben II, parue au Journal Officiel du
11 mars dernier (2004). Cette loi donne au Directeur des Services
pénitentiaires d’Insertion et de Probation (DSPIP)
la possibilité de proposer le placement sous surveillance
électronique. A partir du 1er janvier 2005, le PSE pourra
être prononcé dès le jugement. Enfin, le juge
des enfants pourra décider le PSE pour un mineur, cela même
en l’absence d’un avocat. Nul doute que le PSE est promis
à un bel avenir.
D’une manière générale, les technologies
de surveillance assistée par ordinateur connaissent un boom
exceptionnel. En dix ans, leur part de marché a été
multiplié par deux. En France, le chiffre d’affaires
de la surveillance numérique dépasse désormais
celui de la surveillance humaine. L’humain est supplanté
par l’électronique.
Fichier d’identification biométrique
Les identifiants biométriques pourraient devenir la pierre
angulaire d’un système de contrôle encore à
venir. La biométrie consiste à identifier un individu
à partir de ses caractéristiques physiques (empreintes
digitales, iris, forme de la main ou du visage). Ce secteur est
considéré comme très prometteur en matière
de sécurité et en particulier en milieu pénitentiaire.
La biométrie permet, entre autres, d’éviter
les évasions par substitutions, comme celle en août
2002 où un détenu a été remplacé
par son jumeau lors d’une visite au parloir. Celles-ci sont
pourtant beaucoup moins courantes que celles par hélicoptère
ou par explosif.
Depuis juin dernier (2003), un arrêté du ministère
de la justice autorise la généralisation dans les
prisons d’un système de reconnaissance biométrique
de l’identité des détenus, couplé avec
une carte d’identité infalsifiable. Ainsi, le prélèvement
sur les condamnés pour une infraction visée par l’article
706-55 du CPP est obligatoire. Refuser de s’y soumettre est
passible d’une amende de 7. 500 à 30. 000 euros et
de 6 à 24 mois de prison (art. 706-56 du CPP). Le coût
d’une station biométrique s’élève
à environ 50.000 euros. Il est prévu que chacun des
187 établissements pénitentiaires français
en soit doté, soit une dépense de plus de 9 millions
d’euros. Deux sociétés tiennent une place importante
sur le marché de la biométrie : A7 Protection et Zalix
Biométrie.
D’autre part, attendu depuis quatre ans par les enquêteurs,
le fichier national automatisé des empreintes génétiques
(FNAEG) est désormais opérationnel. Créé
par la loi du 17 juin 1998, il est capable de comparer des profils
ADN. Tous les prélèvements d’ADN stockés
depuis la fin des années quatre-vingts dans les différents
laboratoires spécialisés convergeront vers le service
central de préservation des prélèvements biologiques
(SCPPB) (installé à Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis),
dans l’enceinte de l’Institut de recherche criminologique
de la gendarmerie nationale. Les profils enregistrés sont
ceux de personnes condamnées et ceux établis à
partir de traces relevées sur des scènes de crime.
Les profils des suspects ne sont pas stockés, seulement introduits
le temps de la comparaison. La conservation et la centralisation
des prélèvements est autorisée pour une durée
de 40 ans ou jusqu’au 80ième anniversaire de l’intéressé.
La mise en place et l’exploitation de ce fichier sont confiées
à la police, qui dispose d’un logiciel permettant de
faire les rapprochements avec de nouvelles saisies.
De plus, suite au vote de la Loi sur la Sécurité
Quotidienne (LSQ), ce fichier ADN a subi une extension considérable.
Au départ il ne concernait que des personnes condamnées
pour une infraction à caractère sexuel (exhibitionnisme,
agressions, viols). Désormais il est élargi à
la plupart des crimes (meurtres, vols avec violence, etc.). La liste
des infractions s’est allongée, incluant notamment
les crimes « avec violences volontaires ». La CNIL s’est
plusieurs fois opposée à l’établissement
d’un fichier national pour des raisons d’éthique
et de liberté. Elle n’a pu résisté à
la demande des états, ou du Conseil de l’Union Européenne,
qui par exemple en 1997 a incité « les Etats membres
à se doter de bases nationales de données susceptibles,
dans le cadre de la lutte contre la traite des êtres humains
et l’exploitation sexuelle des enfants, de faire l’objet
d’échanges et de rapprochements internationaux ».
Cela avec l’approbation tacite ou déclarée du
citoyen dans une époque qui connaît la montée
des affaires de pédophilie.
Essai d’interprétation
Il est intéressant de se référer à
la notion d’institution totalitaire développée
par Goffman. Le terme « totalitaire » ne doit pas être
pris dans le sens politique qu’il a pris au cours du 20ième
siècle. Par totalitaire, Goffman désigne toute institution
qui pousse très loin le degré de contrainte exercée
sur les individus qui dépendent d’elle. Alors que nous
appartenons, ordinairement, à plusieurs sphères relationnelles
selon l’activité qui nous occupe (la famille, le cadre
de travail, le cercle des amis, etc.), l’individu en situation
totalitaire ne dépend que d’une seule institution,
laquelle est tout à la fois son cadre de vie, son lieu de
travail et son seul espace de socialisation. D’où le
caractère exceptionnellement « enveloppant »
des institutions totalitaires, caractère marqué la
plupart du temps par « les barrières qu’elles
dressent aux échanges sociaux avec l’extérieur,
ainsi qu’aux entrées et aux sorties, et qui sont souvent
concrétisées par des obstacles matériels […]
»[8] Goffman cite explicitement la prison comme exemple d’institution
totalitaire « destiné[e] à protéger la
communauté contre les menaces qualifiées d’intentionnelles,
sans que l’intérêt des personnes séquestrées
soit le premier but visé. » [9] Avec le contrôle
biométrique, la première question qui vient à
l’esprit est : le contrôle biométrique informatisé
répond-il aux caractéristiques des institutions totalitaires
au sens de Goffman ?
Pour répondre à cette question, passons en revue
quelques uns des traits partagés par la plupart des institutions
totalitaires. Tout d’abord, le reclus – c’est-à-dire
toute personne vivant en milieu totalitaire – est comme retiré
de la vie normale, dont il est séparé par un fossé
presque infranchissable. La vie recluse est en particulier incompatible
avec la vie familiale. Considéré sous cet angle, force
est de reconnaître que le PSE ne présente pas le caractère
totalitaire de la prison, puisque sa raison d’être est
de faciliter le retour progressif à la vie normale.
Le placé, même s’il ne jouit pas d’une
liberté sans limite (il ne cesse pas de dépendre de
l’administration pénitentiaire et peut réintégrer
sa cellule en cas de faute de sa part), peut recevoir des amis,
vivre au milieu des siens, et exercer une activité professionnelle
sédentaire. En prison, les visites sont espacées et
surveillées. Au quotidien, c’est avec ses codétenus
et les surveillants que le prisonnier entretient des relations humaines.
Les échanges sont forcément réduits au strict
minimum et asymétriques, maintenant le détenu dans
un état d’infériorité. En revanche, le
placé retrouve une saine diversité de rapports humains,
avec un contrôle administratif allégé.
En outre, il lui est loisible d’écouter la radio,
de lire les journaux, de recevoir du courrier, de se tenir informé
comme n’importe quel citoyen. Aucun signe extérieur
ne distingue le placé du reste de la population : le bracelet
est très souvent porté à la cheville pour être
invisible une fois recouvert par le pantalon.
Par contre, le placé est assimilable à un reclus
dans la mesure où il reste soumis à une autorité
impersonnelle, à un système d’organisation bureaucratique
qui le prend complètement en charge. Comme tout reclus, il
est tenu dans l’ignorance des décisions qui les concernent
directement. Son sort dépend d’une décision
administrative. Il n’est pas libre de ses déplacements
(de ce point de vue, le PSE est une prison sans murs ni barreaux),
ni de modifier son horaire quotidien comme bon lui semble. Il est
soumis à des contrôles réguliers, à un
suivi dont dépendra la poursuite ou non de l’expérience.
Par ailleurs, Goffman a souligné combien l’entrée
dans l’univers carcéral s’accompagne d’une
dépossession de soi (perte de son passé, de son nom,
de son statut social, de son intimité, etc.) et d’un
enregistrement selon des caractéristiques anthropomorphiques
(taille, empreintes digitales). La biométrique est la forme
scientifiquement la plus avancée que prend cet enregistrement
et son informatisation renforce le contrôle tout en le rendant
peu visible. Certes le détenu est conscient de l’enregistrement
de son empreinte ADN, même s’il ne se prête pas
volontiers à cette procédure. Mais ce qu’il
ignore, la plupart du temps, c’est ce que ces données
deviennent, qui y a accès, et pendant combien de temps elles
sont conservées. C’est la même ignorance qui
plane sur le fait de figurer ou non dans les grands fichiers de
la police, comme c’est le cas avec le Système de Traitement
des Infractions Constatées (STIC). Ce fichier, créé
en 1993, est souvent apparenté à une sorte de second
casier judiciaire. Il répertorie les auteurs d’infractions
de 5ième classe, environ six millions de personnes (soit
1 Français sur 10). Tout citoyen est en droit de se demander
: suis-je « stiqué » ? Or l’objectif pour
les années à venir est de généraliser
les grands fichiers de police et de prévoir un accès
partagé entre les services.
On a beaucoup évoqué le contrôle de type orwellien. On
peut se demander si, à la faveur du croisement des nouvelles
technologies et de l’informatique, celui-ci n’est pas
en train d’être supplanté par un modèle
qu’on pourrait qualifié de kafkaïen. En effet,
nous sommes (techniquement du moins) en mesure de glisser d’un
contrôle attaché à un lieu matériellement
circonscrit et clos, à l’écart de la société
civile, et soumis à une surveillance panoptique, vers un
contrôle d’un type nouveau par son ampleur et son efficacité.
Un contrôle indépendant de tout lieu, reposant sur
le fichage biométrique, sur la « traçabilité
» des individus, sur des dossiers informatisés en accès
partagé, et soumis à la toute-puissance d’une
bureaucratie impersonnelle et froide qui en saurait plus sur le
citoyen que l’intéressé lui-même.
Et demain ?
Ce rapide survol de l’impact nouveau de l’informatique
dans le contrôle de la population pénale et/ou délinquante
permet de penser qu’on pourrait, dans les décennies
à venir, abandonner de plus en plus la logique de l’enfermement
pour laisser place à une logique privilégiant les
moyens de contrôle par l’information. Il s’agit
d’un contrôle à distance, immatériel,
presque invisible. Il n’en est pas moins réel et efficace.
A noter que si elle est rendue possible grâce aux nouvelles
technologies, cette évolution répond à une
évolution des mentalités, notamment en période
de forte demande sécuritaire. Le conflit entre besoin de
sécurité et besoin de liberté, des philosophes
comme Hobbes et Rousseau ont tenté de le résoudre
par un compromis : un pacte entre les individus selon lequel chacun
renonçait à une partie de sa liberté contre
un surcroît de sécurité. A partir de quand l’équilibre
est-il rompu ? Au-delà de quel seuil est-on fondé
à parler de contrôle abusif ? La réponse ne
peut pas être simple et il appartiendra au législateur
de marquer une limite. Mais à l’heure des décisions,
il faudra garder à l’esprit l’avertissement d’Orwell
pour l’appliquer aux nouvelles technologies : « Ce que
nous demandons avant tout à un mur, c’est qu’il
tienne debout. S’il tient debout, c’est un bon mur,
et savoir à quoi il sert est une tout autre question. Et
pourtant, le meilleur mur du monde mérite d’être
abattu s’il entoure un camp de concentration. »[10]
S’il est vrai qu’on peut juger une société
à ses prisons, les interrogations sur le système carcéral
de demain devraient permettre de se figurer, au moins en partie,
ce que pourra être la société de demain et la
place probable que l’information y tiendra.
Références
BOULLANT François, Michel Foucault et les prisons, PUF,
Philosophies, 2003
CARDET Christophe, Le placement sous surveillance électronique,
L’Harmattan, Paris, 2003
COMBESSIE Philippe, Sociologie de la prison, La Découverte
& Syros, Paris, 2001
FOUCAULT Michel, Surveiller et punir, Gallimard, Tel, 1975
GOFFMAN Erving, Asiles, Etudes sur la condition sociale des malades
mentaux et autres reclus, Minuit, Paris, 1968
Le contrôle des conditions de détentions dans les
prisons d’Europe, Actes d’un colloque européen
(25-27 octobre 1996)
Quelle prison pour demain ? (Colloque du 26 avril 2001), La Documentation
française, 2002
VASSEUR Véronique, Médecin-chef à la prison
de la Santé, Le Cherche-Midi, Paris, 2000
VIMONT Jean-Claude, La prison, A l’ombre des hauts murs,
Gallimard, Paris, 2004
[1] Les travaux d’Intérêt Général
(TIG) ont vingt ans. Votée à l’unanimité
le 10 juin 1983, la loi instituant les TIG est entrée en
vigueur le 1er janvier 1984. On compte aujourd’hui plus de
19.000 « tigistes ».
[2] Voir le livre de Véronique Vasseur, Médecin-chef
à la prison de la Santé dont l’impact a été
considérable à sa sortie en 2000. A noter également
divers colloques, entre autres : Le contrôle des conditions
de détentions dans les prisons d’Europe, Actes d’un
colloque européen (25-27 octobre 1996) ; ou bien : Quelle
prison pour demain ? (Colloque du 26 avril 2001), La Documentation
française, 2002.
[3] Voir Surveiller et punir, Naissance de la prison, Gallimard,
Paris, 1975.
[4] Les journaux ont été autorisés en 1971,
la radio en 1974, la télévision en 1985. Internet
est encore interdit, pour d’évidentes raisons de sécurité.
[5] Pour une introduction, voir CARDET Christophe, Le placement
sous surveillance électronique, L’Harmattan, Paris,
2003.
[6] La population pénale avoisine les 60.000 détenus.
[7] Les entraves (boulet, chaînes, cangue) et le droguet
(la tenue réglementaire du prisonnier) ne sont plus en usage.
Le travail, qui était un « élément de
la peine », a été supprimé en 1987. Subsiste
le travail librement consenti et rétribué (bien que
le taux de rémunération soit faible) pour l’indemnisation
des victimes, ou en vue de la réinsertion sociale ou, tout
simplement, pour cantiner.
[8] GOFFMAN Erving, Asiles, Minuit, Paris, 1969, p. 46.
[9] id.
[10] ORWELL George, Essais, articles, lettres, Editions Ivrea,
Paris, 1995, vol. III (1943-1945), p. 208-209.
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