La prison-école de Perben en maquette
Le projet de Lavaur, l'un des sept sites qui accueilleront des mineurs,
présenté aujourd'hui par le ministre.
Par Jacqueline COIGNARD
lundi 31 janvier 2005 (Libération - 06:00)
Ce n'est encore qu'une maquette, mais elle préfigure les
futures prisons pour mineurs promises par la loi de programmation
pour la justice de 2002. Dominique Perben va l'«inaugurer»,
aujourd'hui, à Lavaur près de Toulouse, qui est l'un
des sites d'implantation retenus (1). Avant même que l'achat
des terrains et le dépôt des permis de construire soient
formalisés (2).
Sur le papier, ces établissements pour mineurs (EPM), conçus
pour 60 jeunes chacun, se posent comme des prisons-écoles
où l'aspect éducatif sera privilégié.
Emploi du temps type du détenu : enseignement (20 heures
par semaine), sports (20 heures), activités artistiques (arts
plastiques, musique, théâtre). Le projet insiste sur
un encadrement humain important, avec, pour chaque mineur, un «binôme
référent» composé d'un surveillant et
d'un éducateur.
Côté encadrement physique, le cahier des charges prévoit
un mur d'enceinte de 6 mètres de haut, mais pas de miradors
pour «atténuer l'image carcérale». Le
ministère demande aux architectes de penser un dispositif
qui permette «le regard constant d'un adulte sur les mineurs
et facilite les vues les plus larges possibles à l'intérieur
de l'établissement». Dans chaque prison, il est prévu
un poste central d'information (PCI) «fermé, protégé,
tenu par un ou deux surveillants, et équipés de matériel
de communication et de transmission». De là, il s'agit
de «contrôler et surveiller les espaces où se
trouvent les détenus».
Réunis samedi à Paris à l'occasion de l'assemblée
générale de l'Association des magistrats de la jeunesse
et de la famille (AFMJF), les juges des enfants ne sont pas emballés
par ces projets. «Est-ce que ces EPM vont remplacer les actuels
quartiers des mineurs des prisons ?» interroge Catherine Sultan,
secrétaire générale de l'association. «Si
oui, pourquoi pas. On se mettrait enfin en harmonie avec ce que
prévoit le code de procédure pénale.»
Mais selon elle l'enfermement d'un mineur doit rester exceptionnel,
«comme une étape d'un parcours quand des adolescents
ont commis des faits très graves». Actuellement, la
durée moyenne d'incarcération des mineurs se situe
à deux mois et demi.
Délais. Les magistrats spécialisés redoutent
que ces EPM viennent juste s'ajouter à l'arsenal, entre les
centres fermés et les quartiers des mineurs, et consacrent
une préférence pour l'enfermement. Par un effet de
vases communicants, c'est autant de moyens qui seront retirés
aux mesures alternatives comme les suivis en milieu ouvert, pronostiquent-ils.
«A Bobigny, quand un juge ordonne une prise en charge d'un
mineur par un éducateur, il faut quatre à huit mois
avant qu'elle se mette en place», constate Thierry Baranger,
juge des enfants dans ce tribunal. Un délai qui met en péril
tout le dispositif construit par le juge. «Le milieu ouvert
n'existe plus», constate Thierry Baranger.
Mafias. Juge des enfants à Evry, Catherine Sultan explique
qu'environ 70 mineurs, dont une quinzaine de filles, sont actuellement
à la prison de Fleury-Mérogis. Certaines gamines fréquentent
l'école et y voient un moyen de s'en sortir. «Elles
viennent de Roumanie ou d'ex-Yougoslavie et elles ont souvent été
récupérées par des mafias. Mais elles sont
inscrites dans une filiation où elles se repèrent.»
En revanche, la majorité des jeunes qui échouent là
sont «des enfants cassés, maltraités, marqués
par les brisures familiales», dit la juge. «Ils ont
construit leur personnalité au milieu de tout cela. Ce sont
des jeunes qui jouent leur vie constamment.» Ces enfants-là
ont besoin de tisser avec des adultes des liens radicalement différents
de ceux qu'ils ont connus. «Mais on n'éduque pas sous
cloche et par la contrainte», répètent les magistrats,
rappelant la fermeture de la dernière maison de correction
en 1978 par Alain Peyrefitte.
(1) Les autres sont situés dans les banlieues de Valenciennes,
Meaux, Lyon, Mantes-la-Jolie, Nantes et Marseille.
(2) Deux concepteurs-constructeurs ont été choisis
en juillet : Dumez-Pierre Vurpas-Technips TPS ; Léon Grosse-Adrian
Fainsilber.
Origine : Réseau RESISTONS ENSEMBLE
MANIFESTATION REGIONALE SAMEDI 5 FEVRIER à LAVAUR (Tarn)
CONTRE la PRISON POUR JEUNES de 13 à 18 ans POUR L’EDUCATION
et la PREVENTION
Rassemblement à 10h devant la gare SNCF à Lavaur.
DEPLACEMENT EN BUS Au départ de TOULOUSE
Pourquoi une manifestation ?
Pour dire que nous ne sommes pas dupes : le gouvernement a décidé
de construire des prisons pour jeunes de 13 à 18 ans pour
des raisons politico-médiatiques : il cherche à anesthésier
la population en lui faisant croire qu’il assure sa sécurité.
Son but n’est pas de réduire la délinquance.
Le taux de récidive, après incarcération, est
de 80% alors que dans les centres éducatifs ouverts, il y
a 60% de réussite.
Le ministre Peyrefitte, pourtant de droite, avait fermé
ce type d’établissement en 1979 car il l’a considéré
inefficace et criminogène.
Pour dire que c’est un gâchis humain et financier :
la construction de la prison de Lavaur coûterait 12 millions
d’euros soit 90 millions d’euros pour les 7 prisons
prévues dans toute la France. C’est l’équivalent
de 8 ans de budget de fonctionnement de la Protection judiciaire
de la jeunesse en Midi-Pyrénées. Pour le coût
de l’enfermement de 60 jeunes à Lavaur, on pourrait
s’occuper de 1200 jeunes en difficultés dans tout Midi-Pyrénées
pendant 8 ans.
Alors que le gouvernement économise sur les budgets des
hôpitaux, des écoles et sur tous les besoins sociaux
tels que le logement, il n’hésite pas à investir
des sommes exorbitantes pour emprisonner des jeunes.
Pour exiger que tous les jeunes puissent trouver leur place dans
la société.
Exclusion sociale et incarcération, voilà ce qui
est proposé à la jeunesse. C’est bien le symbole
de l’échec de cette société qui méprise
l’être humain.
Il ne faut pas mettre les jeunes en prison pour créer des
emplois mais créer des emplois pour garantir une véritable
insertion des jeunes.
Pour exiger la mise en œuvre de véritables solutions
: pour réduire la délinquance, il faut créer
des emplois dans les établissements scolaires, dans les services
de la Protection judiciaire de la jeunesse, dans les associations
qui s’occupent de la réinsertion.
Le 20/12/04, nous avons remis la pétition contre la prison
de Lavaur (1252 signatures) lors de notre entrevue avec Mr le Préfet
et le sous-préfet du Tarn qui transmettra au Ministère
de la Justice.
A l’appel du PCF, de la FSU, du SNPES-PJJ, de la LDH, du
Syndicat de la Magistrature, de Ras L’Front.
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