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Le principe de domination
sur http://www.feministes.net

Origine : http://www.feministes.net/principe_domination.htm

Il existe pour moi trois types de domination ; le genre (sexe culturel), l'ethnie (couleur) et la classe sociale (argent).

Il me semble déjà dangereux d'estimer que l'une est plus forte que les autres ou a plus d'importance. Chacune interpénètre les autres et coexiste avec. Un marxiste classique pensera que la discrimination par l'argent est la plus forte ; il me semble utile d'étudier ce point. Il m'apparaît qu'en effet on n'a pas discriminé les femmes ou les noirs pour ce qu'ils étaient (leur genre ou leur ethnie) mais pour ce qu'ils représentaient.

- Une femme discriminée ne l'est pas car elle est dotée d'organes génitaux féminins mais parce que le genre auquel elle est censé appartenir présuppose qu'elle doit être discriminée. On peut supposer que le fait d'enfanter aurait pu donner lieu à un pouvoir économique fort et que les hommes l'ont capté par la contention des femmes au foyer et le contrôle de leur fécondité, tant par l'empêchement de ne pas procréer que par la possibilité de le faire. On constate par exemple que l'utilisation de contraceptifs permet aux hommes de demander aux femmes de participer à l'établissement de leur pouvoir. On constate aussi que l'avortement n'est que le moyen pour les males blancs riches donc dominants d'empêcher les femmes pauvres d'avoir le choix de garder leurs enfants si elles le souhaitent.

A propos de la discrimination par le sexe biologique. Apparemment, on décide à la naissance de l'enfant que celui-ci, selon son sexe, doit oui non être discriminé. Ca n'est évidemment pas des simples organes qui discriminent mais ce qui est censé y correspondre. Si les avortements d'embryons féminins sont si importants en Inde, cela n'est pas parce que l'enfant à venir aura un clitoris, mais bien parce que son genre oblige à payer une dot importante. Si les paysans du 19eme siècle se lamentaient, dans la littérature naturaliste d'avoir des enfants filles, cela n'est toujours pas a cause de leurs organes génitaux, mais parce que leur genre présupposait qu'elles étaient moins fortes que les hommes, moins dures à la tache et plus passives. La confusion entre le sexe et le genre fonde cette discrimination mais cette dernière est bien fondée sur le genre.

La domination masculine aurait pu se passer de la manière suivante ; on enferme les femmes car le pouvoir d'enfanter - ou de ne pas enfanter - effraie, on détermine ensuite que le pouvoir est du à la capacité de se déplacer, de fréquenter les autres, d'échanger avec eux. On omet de constater que ce la construction de ce genre a été attribué aux hommes et que les femmes en ont été privées. On pense ensuite que les femmes sont vouées à la passivité, à l'absence de prise de décision alors que c'est une décision masculine ; on décide ensuite que c'est du à leur nature. La boucle est bouclée.

De la même façon, la richesse du continent noir à une période donnée a pu laisser penser aux blancs males qu'il fallait les réduire en esclavage pour prendre ce pouvoir. Il a donc été facile de se trouver l'excuse de la couleur et des stéréotypes prétendument inhérents a cette couleur pour établir la domination.

Est ce que tout se réduit a un système de domination par le pouvoir économique ?

Selon moi, à la fois oui et non. C'est le blanc male hétérosexuel qui a décidé que la société se fondait sur cette discrimination par le pouvoir économique, les autres discriminations en ont peut être découlé mais ont ensuite existé de façon concomitante. Disons que le pouvoir de dominer par l'argent a préexisté et a institué la volonté de dominer. Quand les minorités ont accédé pour certains de leurs membres à ce pouvoir, on a rétabli les règles en décidant qu'on dominait par le genre ou l'ethnie et seulement par eux.

Cette domination ultime a été fondée par les blancs males et hétérosexuels. Le système fondé est construit pour eux et par eux. Il est évident que les minorités ont participé à la construction de cette société. Nous ne pouvons nous définir comme victimes et seulement comme telles ou alors nous tombons dans l'essentialisme social. Le fait d'être dominé en tant que femme ou en tant que noir, est déjà un système de participation, même passif, à la société et à sa construction.

Pourtant, peut on nous accuser d'avoir participé à ce système ? La participation implique selon moi le choix délibéré d'agir pour conforter ce système.

Or nous avons tous été forgé, construit sur ce système, nous avons été façonné pour penser le système tel qu'il est ; c'est la domination symbolique chère à Bourdieu. Comment modifier et ne pas participer à quelque chose que nous avons profondément intégré ?

Il aurait fallu connaître autre chose et décider délibérément de souscrire au pouvoir male et blanc dominant.

Or il n'y a pas eu autre chose. La domination de l'homme sur la femme est multimillénaire et la domination du blanc sur le noir est presque aussi ancienne.

Il n'y a pas eu pour moi de modèle de société, de culture exclusivement féminine ou noire. Pour les noirs, on sait qu'il y en a eu un avant les rencontres inter ethnies, qu'il a influencé la culture blanche mais qu'il a vite été absorbé par les blancs.

Toutes les tentatives de culture noire ou féminine se sont construites par rapport au pouvoir blanc. Elles ne sont donc pas indépendantes du pouvoir en place. Le blues est une culture de noirs , mais créée à la suite de l'esclavage par les blancs ; il ne s'est donc pas créé ex nihilo. Les femmes ont peut être tenté de créer une culture indépendante mais on peut en douter, vu que la domination a été quasi immédiate à l'accession à l'état de conscience.

Néanmoins il y a eu participation à la construction de ce pouvoir blanc. Sans la domination sur le genre et l'ethnie la société serait évidemment différente. Les discriminés n'ont pas collaboré vu qu'ils ont intégré ce choix dans leur construction sociale. Les dominants l'ont évidemment intégré aussi mais en tant que détenteurs du pouvoir, ils avaient plus de possibilité de s'affranchir de cette domination et d'en affranchir les autres.

Dans un viol, la femme par sa présence, participe à l'acte de viol. Pourrait on parler de participation active ? Évidemment non puisqu'elle a intégré que le viol fait partie de la domination masculine et qu'elle est soumise, au sens physique et moral, au dominant. On peut penser que l'acte de viol serait bien différent sans dominé, mais en aucun cas que l'absence de choix fonde une participation à cet acte.

De la même façon, les noirs ont participé à la construction du pouvoir économique des blancs aux États-Unis. Sans leur présence, la culture du coton et l'élaboration de la fortune blanche n'aurait pas eu lieu ou du moins différemment. Mais on ne peut pas plus les taxer de participation puisque c'est l'absence de choix qui a conditionné leur condition.

La société est donc pour moi fondée par les blancs, males hétérosexuels pour eux et pour ceux qui souhaitent adhérer à ce qu'ils ont défini comme valeurs universelles.

Les femmes, les noirs n'auront que le pouvoir que les blancs males hétérosexuels auront créé. Imaginons un bref instant une ethnie d'Amazonie restée à l'abri du pouvoir blanc. La confrontation avec le pouvoir blanc, le souhait de l'ethnie d'inculquer ses valeurs, de les placer comme dominantes sera impossible. Pour accéder à l'égalité de traitement, ils devront souscrire à l'idée que les valeurs des blancs sont les meilleures et y adhérer.

Une femme, un noir pour accéder au pouvoir ne peut donc se fonder sur sa culture propre.

Déjà parce que celle ci n'existe pas. Ensuite car ils ont intégré que ce que veulent les blancs est le mieux. Imaginons des femmes qui veulent un modèle de société fondée sur la domination par la pauvreté (impossible a imaginer n'est ce pas ?) ; cela n'est pas possible puisque pour imposer ce modèle, il faut avoir le pouvoir, donc se prostituer au pouvoir male et blanc. De plus ces femmes n'auront pas cette idée - peut-être en réaction à la limite - puisqu'elles ont intégré que les valeurs males et blanches sont les meilleures. Qui se pose encore la question de savoir si le couple, l'hétérocentrisme, la fidélité, la relation binaire sont des modèles auxquels on souscrit ? La majorité des personnes finissent par accepter que le modèle viable de société est un modèle fondé sur le couple et la fidélité pour étendre l'ethnie. Une femme prônant l'exclusivité des relations entre femmes (lesbiennes ou non) et la rencontre avec le masculin pour le simple accouplement n'aurait aucun succès. On critique le pouvoir blanc et male, mais on veut ce qu'il a, sans savoir si cela est bon ou pas.

La collaboration des minorités face au pouvoir blanc et masculin n'est donc pas active, ni consciemment voulue. Comment d'ailleurs pourrait il en être autrement ? Il n'en reste pas moins, même s'il y a une absence totale d'autre choix, que réclamer l'égalité entérine l'idée que le pouvoir blanc et male a fait le bon choix, pris les bonnes décisions puisque les minorités veulent accéder à ce pouvoir.

Mathilde