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Origine :
http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=7731
Le contrat première embauche (CPE) est censé résoudre
le problème du chômage des jeunes. Il constitue une
nouvelle attaque frontale contre le droit du travail. Il ouvre la
voie à une refonte de ce même droit, réclamé
avec intensité par le Medef et déjà prévue
par le gouvernement. L’argument du chômage des jeunes
est ici utilisé pour accentuer la précarisation, déjà
intolérable, de toute une frange de la population.
La novlangue orwellienne est à l’oeuvre quand le Premier
ministre, affirmant vouloir défendre « le modèle
social français » s’acharne à en détruire
les fondements et quand il veut nous faire croire que le CPE et
sa période de « consolidation de l’emploi »
seraient un tremplin pour l’emploi de jeunes. Une période
de deux ans, durant laquelle les licenciements pourront avoir lieu
sans aucune justification, ouvrirait la voie à la création
d’emplois stables. En fait, le seul avantage du CPE est celui
qu’en tireront les employeurs, qui pourront dorénavant
procéder à une rotation des jeunes, de salariés
corvéables à merci et jetables sans les contraintes
habituelles. Le CPE cannibalisera les autres contrats de travail
et les employeurs pourront enchaîner CPE après CPE.
Ce qui, avec le contrat nouvelles embauches (CNE), était
réservé aux entreprises de moins de 21 salariés
sera maintenant appliqué pour les jeunes à toutes
les entreprises, avant d’être étendu à
tout le salariat comme le gouvernement l’envisage explicitement.
Un amendement déposé par le gouvernement dispose de
plus qu’« en cas de rupture du contrat à l’initiative
de l’employeur, au cours des deux premières années,
il ne peut être conclu de nouveau contrat première
embauche entre le même employeur et le même salarié
avant que ne soit écoulé un délai de trois
mois à compter du jour de la rupture du précédent
contrat ». En clair, le CPE pourra devenir un contrat de deuxième,
troisième, voire quatrième embauche à condition
que l’employeur attende trois mois.
Pour les jeunes, les premiers pas dans l’emploi se traduiront
par l’appréhension d’une encore plus grande précarité,
l’apprentissage de la docilité pour pouvoir espérer
y échapper. Vivre constamment avec l’épée
de Damoclès du licenciement suspendue au-dessus de la tête,
voilà le sort réservé aux premiers embauchés.
Concrètement, cela veut dire adieu au droit de grève,
adieu à la prise de responsabilité syndicale, adieu
à toute forme de contestation, de regard critique ou même
de respect des règles élémentaires du droit
du travail. S’agit-il de faire des jeunes des salariés
de seconde zone, précarisés, flexibilisés,
réduits au silence ?
D’autant que cette jeunesse souffre de la précarisation
de l’ensemble de son existence. Résignation et désenchantement,
telles sont les caractéristiques d’une jeunesse qui
est sommée de se satisfaire de son sort, qui doit accepter
l’idée qu’elle est une génération
qui vivra moins bien que celle de ses parents. Les jeunes aujourd’hui,
qu’ils soient salariés ou en formation, sont touchés
par une précarité multiforme. Une précarité
de l’emploi, faite de succession de stages, de CDD, de période
d’intérim, de chômage, ou de double statut pour
les étudiants, qui sont maintenant près de la moitié
à travailler. Une précarité du logement, accentué
par l’augmentation des loyers, le délabrement des cités
universitaires. Une précarité dans les études,
avec des conditions de vie de plus en plus difficiles, des bourses
indécentes, des logements hors de prix, des universités
sous-dotées, ainsi qu’une difficulté de plus
en plus importante à concilier étude et travail. Cette
précarité généralisée est un
frein majeur à la réalisation de l’autonomie
que tous les jeunes recherchent. Elle entraîne une situation
d’incertitude constante, une incapacité à se
projeter dans l’avenir, à construire sa propre vie.
Cette souffrance a été mise en lumière récemment,
par le mouvement des stagiaires, et par les étudiants en
éducation physique et sportive qui ont fait annuler l’épreuve
du Capes pour protester contre la réduction de 50 % du nombre
de postes à ce concours. Aujourd’hui, plus d’avenir
: les concours de la fonction publique se ferment, austérité
budgétaire oblige, et le seul choix laissé à
la jeunesse est celui de la précarité, CDD, intérim,
stages et maintenant CPE. Nous défendons, pour notre part,
la nécessité de permettre une réelle autonomie
de la jeunesse. Elle ne pourra se faire que par l’acquisition
d’un statut salarial stable et durable d’une part, et
d’autre part par la création d’un revenu socialisé
d’étude pour les jeunes en formation.
La nouvelle présidente du Medef, Laurence Parisot, affirmait
il y a peu : « La vie, la santé, l’amour sont
précaires, pourquoi le travail échapperait-il à
cette loi ? »
Une telle vision revient sur des décennies de luttes sociales
dont l’objectif était justement de sortir les êtres
humains de la précarité de la vie quotidienne qui
était la leur. Face à un projet de société
réactionnaire, au sens premier du mot, il faut aujourd’hui
réaffirmer ce qui a été au fondement du syndicalisme
dès sa naissance, la nécessaire « émancipation
intégrale » de l’humanité de toutes les
formes d’exploitation et d’oppression.
samedi 4 février 2006
http://www.liberation.fr/page.php
?Article=356385
[1] Annick Coupé porte-parole nationale de l’Union
syndicale Solidaires
[2] Aurélien Piolot porte-parole de la fédération
Sud étudiants
Source/auteur : http://www.solidaires.org/
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