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http://www.femme.lycos.fr/couple/polyamour
Accorder plus de liberté à l’autre, s’autoriser
des moments d’indépendance paraît naturel et
nécessaire pour l’équilibre d’un couple.
Mais accepter l’intrusion d’un tiers demande un dépassement
de soi extrêmement fort. Paule Salomon confirme que le polyamour
n’est possible que si les personnes ont une estime, une confiance
en soi très solide.
Le polyamoureux serait-il un être à part, doté
de pouvoirs surhumains ? Selon Paule Salomon, non. C’est une
question de personne et de structure interne mais aussi de conditionnement
social. On accorde beaucoup trop d’importance à la
sexualité et on exerce une jalousie possessive sur le corps
de l'autre. Il faut désacraliser l’infidélité
et sortir du dualisme fidélité/infidélité.
Pourtant, 80 % des femmes demandent le divorce pour adultère.
L’infidélité est souvent le symptôme d’une
mésentente dans le couple ou d’une crise personnelle.
Le dialogue et la tolérance doivent permettre au couple de
gagner en maturité. Pour Paule Salomon, « on n’explique
pas assez l’infidélité à partir du besoin
d’évolution de l’autre ». Dans le polyamour,
celui qui « subit » va s’apercevoir que lui aussi
peut exercer sa liberté. C’est plus facile d’accepter
la liberté de l’autre quand on peut jouir de la sienne.
La réciprocité et l’authenticité distinguent
le polyamour de l’adultère.
Françoise Simpère, elle, est mariée depuis
trente ans, et polyamoureuse depuis le même temps. Onze mois
après son mariage, elle a rencontré un homme avec
qui elle entretient toujours des liens. Avec chaque homme de sa
vie, elle tisse des liens uniques et forts. Parfois, ce sont des
liens affectifs et amicaux, d’autres fois passionnels ou seulement
sensuels. Pour Françoise, le sexe est essentiel mais pas
primordial. « C’est un langage des sens qui permet aux
hommes de s’ouvrir et de se confier. Ce qui m’importe,
c’est de nouer des relations longues et explorer les hommes.
Mon rapport avec le polyamour a évolué avec le temps.
Jusqu’à 30 ans, je charmais pour me prouver que j’existais,
pour me rassurer sur mon pouvoir de séduction. Après,
j’étais plus dans la curiosité de l’autre.
Je m’intéresse avant tout aux hommes. C’est pour
ça que je leur plais. Je ne suis pas une collectionneuse.
Je suis sincère. » A 14 ans, à l’occasion
de sa première déception amoureuse, Françoise
s’est aperçue que « l’amour unique est
un mythe » et « le prince charmant, une grande blague
». Dès le début de son mariage, elle et son
mari ont vécu des histoires d’amour parallèles.
Ils ont deux enfants, une maison familiale et chacun leur espace
purement privé. « Dans mon studio, je reçois
mes copines, mes amis, mes amants, je me retrouve seule quand j’en
ressens le besoin. C’est l’endroit de ma vie à
moi. Jamais je n’inviterai un homme dans la maison familiale.
Je reste discrète sur ma vie privée. Je n’ai
pas une vie débridée, nous y avons réfléchi
ensemble, depuis trente ans. » Le polyamour permet donc à
l’individu d’exprimer ses désirs et d’exercer
sa liberté individuelle à l’intérieur
du couple. Le couple ne phagocyte plus l’individu. »
Le Polyamour : Nouveau romantisme ou échangisme branché
(suite)
Polyamour ou polydésir ?
Par Laurence Dray
Le sexologue Pierre-Guillaume Lasnier s’insurge contre cette
tendance à vouloir tout normaliser. Sous de jolis noms comme
« polyamour » ou « polyfidélité
» se cachent de simples désirs sexuels. Pour lui, l’idée
d’aimer plusieurs personnes à la fois est un fantasme.
« L’amour demande un investissement de temps considérable,
c’est aussi un miroir de soi-même. Se pose alors un
problème de réalisation et d’identité.
Lorsqu’on aime plusieurs personnes, on se reconnaît
dans toutes. » Il y a absence de repères et un amalgame
entre désir et amour.
« Le désir se multiplie car les images sont de plus
en plus nombreuses. Mais il n’y a pas plus d’amour qu’avant.
C’est un arrangement de l’esprit que de croire que tout
le monde s’aime et que la relation est équilibrée.
» Paule Salomon reconnaît que le polyamour n’est
viable au sein du couple que si chacun conserve une place privilégiée.
« L’autre ne doit pas se détourner du conjoint,
il doit le rassurer sur son amour. Sinon l’absence est assimilée
à un désamour. »
Aujourd’hui, Léa, 31 ans, pense que le polyamour est
un joli mythe. Pourtant, elle n’a pas toujours été
de cet avis. A 25 ans, elle rencontre Michel, plus âgé,
dont elle tombe amoureuse. « Il m’a permis de me révéler
à moi-même, de prendre confiance en moi. C’était
un peu comme un père. J’avais besoin de lui. Notre
relation n’était pas fondée sur la sensualité
mais plus sur l’intellect. Puis, je rencontre Thierry, l’amant
dans toute sa splendeur. Il était beau, jeune. Notre relation
était charnelle. Officiellement, je n’étais
plus avec Michel. Mais j’habitais toujours en face de chez
lui. Je n’ai jamais réussi à le quitter. Je
l’ai imposé à Thierry car je ne voulais pas
faire une croix sur mon passé. Pendant trois ans, j’ai
vécu le polyamour sans le savoir. J’étais heureuse,
comblée. Puis, Thierry a connu une autre femme. Mais là
encore, nous n’avons pas réussi à nous quitter.
Je rencontre alors Thibault, mon grain de folie, le piment de la
vie. Je ne voulais pas couper mes liens avec Michel et Thierry.
J’avais trop peur de les perdre. Thibault devait accepter
ce qu’il appelait “ces deux fantômes”. Pendant
deux ans, je vivais sur un nuage. J’avais trois hommes dans
ma vie. »
Dans la réalité, est-ce que c’est de l’amour
? Pas sûr. L’amour, ce n’est pas seulement admettre
que l’autre ne nous appartienne pas. C’est aussi la
capacité à surmonter les conflits et à accepter
la frustration. Selon le docteur Lasnier, « les adolescents
sont incapables de vivre une frustration. Il faut que la satisfaction
soit immédiate. Un adulte qui a un projet peut accepter des
sacrifices, des contraintes pour le réaliser. » »
Le Polyamour : Nouveau romantisme ou échangisme branché
(suite)
Choisir de ne pas faire de choix
Martine Teillac, psychanalyste, souligne qu’avoir besoin
de plusieurs amours indique un manque de maturité affective
et de confiance en soi. C’est éviter de faire un choix,
éviter la rupture et l’abandon. Mais cela peut aussi
représenter un désir de toute-puissance. La démarche
adulte, c’est concevoir que personne ne peut satisfaire tous
les besoins de l’autre au sein du couple. Le couple ne doit
plus être idéalisé comme un lieu de bonheur
absolu. Léa admet que le polyamour est le meilleur moyen
de ne pas s’engager. « Ne pas choisir, c’est ne
pas prendre de risque. Chaque homme m’apportait quelque chose
de différent. Finalement, j’ai pris dans chacun d’eux
ce que j’avais envie de prendre. Inconsciemment, je les ai
manipulés, car je faisais en sorte d’être l’élue
de chacun. Je savais que Michel voulait construire sa vie avec moi,
je l’imaginais père de mes enfants. Thibault entretenait
des relations avec d’autres femmes. Là encore, je savais
qu’il m’aimait plus qu’elles. Pendant deux ans,
j’étais une reine pour ces trois hommes. C’est
extrêmement jouissif pour l’ego. C’est terriblement
narcissique. »
Etre libre, c’est avoir la capacité de faire un choix
pour construire un projet. Refuser de choisir entre plusieurs amours,
c’est refuser de se responsabiliser et nier l’imperfection
de la nature humaine. Lionel, 40 ans, a toujours enchaîné
et multiplié les conquêtes amoureuses. Pour lui, le
polyamour est le remède à la routine. « J’avais
vraiment l’impression d’être en avance sur mon
époque, jusqu’au jour où je me suis aperçu
que ce mode de vie cachait un profond malaise. J’aimais deux
femmes depuis quatre ans. Elles se connaissaient et avaient aussi
d’autres aventures. Tout semblait équilibré.
Du moins en apparence. Elsa était en fait malheureuse, elle
souffrait de ce non-choix. Elle voulait avoir des enfants. Elle
me quitta. Ce fut un choc pour moi. C’était la première
fois que j’avais l’impression de ne pas maîtriser
ma vie. Cette rupture m’a permis de comprendre qu’en
ne choisissant pas j’avais peur d’aimer. J’ai
fait, depuis, le ménage dans ma vie. »
Pour ou contre le polyamour ?
Le débat n’est pas de porter un jugement moral sur
ce qui relève de la liberté de chacun. On peut considérer
simplement le polyamour comme une façon non traditionnelle
de vivre ses sentiments. Il est également une occasion de
remettre en question le modèle dominant du couple monogame
qui au vu des statistiques sur le divorce et l’adultère,
bat de l’aile. C’est aussi peut-être un nouveau
code amoureux à découvrir mieux adapté à
notre époque où beaucoup de personnes souffrent de
la solitude. Quoi qu’il en soit, l’amour a toujours
le dernier mot… Comme le souligne Françoise : «
C’est difficile d’admettre que l’on est pas l’unique.
Mais aimer, c’est admettre que l’autre ne nous appartient
pas. »
Désir, plaisir et amour
L’activité sexuelle d’un couple est d’en
moyenne :
• les deux premières années, de treize rapports
par mois ;
• au bout de cinq ans, de neuf rapports par mois.
Pour 86 % des Français, la sexualité est indispensable
pour la réussite du couple.
4 % des hommes et 1 % des femmes pratiquent l’échange
de partenaires entre couple.
80 % des hommes et 87 % des femmes déclarent avoir besoin
d’éprouver un sentiment amoureux pour avoir une relation
sexuelle.
41 % des Français estiment que l’on peut être
amoureux de deux personnes à la fois. Source BVA/Francoscopie
Le Polyamour : Nouveau romantisme ou échangisme branché
(suite)
Serge Chaumier , sociologue et auteur de la Déliaison amoureuse,
éditions Armand Colin.
Intérrogé par Diane Valembois
Le polyamour est-il un nouveau phénomène ?
Non, on en trouve des traces depuis longtemps, notamment avec Fourier
et les sociétés utopistes du XIXe siècle, les
mouvements communautaires ou les mouvements intellectuels des années
1920 et 1930. Le couple Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir est
un bon exemple de couple polyamoureux. Leur couple n’était
pas fusionnel, ils avaient chacun leur appartement, chacun leur
vie sexuelle. Ce qui est nouveau, c’est que ce phénomène
se démocratise. Le sida a mis un frein à ce qui se
développait depuis une trentaine d’années. On
est passé du mariage de convenance de la fin XIXe-début
XXe au mariage d’amour des années 1950. Ce modèle
traditionnel, dit « fusionnel », a des difficultés
à perdurer car tout éloignement est synonyme de désamour.
Avec le mouvement d’émancipation des femmes, le modèle
romantique explose. Le couple connaît une crise de conjugalité.
Apparaît alors l’amour fissionnel où l’autonomie
de chacun est le garant de l’équilibre du couple. On
est passé d’un modèle unique à une pluralité
de modèles.
En quoi le polyamour est-il différent de la liberté
sexuelle des années 1970 ?
Le contexte historique permet de comprendre ces différences.
Dans les années 1970, il y avait une volonté radicale
de rompre le modèle familial des années 1950. La rupture
était trop brutale. Aujourd’hui, nous avons plus de
recul, de maturité affective. L’évolution s’est
faite en douceur. L’intégration de la contre-culture
des années 70 permet de vivre le polyamour de façon
plus équilibrée et sereine. Aussi, dans ces années-là,
l’égalité entre les hommes et les femmes n’était
pas encore acceptée. Aujourd’hui, on reconnaît
pouvoir vivre sans l’autre. Les couples ont des moments d’autonomie,
d’indépendance et admettent plus facilement une ouverture
à l’altérité du tiers. Dans ce modèle
fissionnel, l’autonomie peut s’exercer de différentes
manières. Certains passent un week-end sans l’autre,
d’autres vivent un amour parallèle. Tout est question
de degrés.
Peut-on dire alors que le polyamour est le couple du futur ?
Le mouvement général semble se dessiner vers un couple
fissionnel. À l’intérieur de ce modèle,
il y a des degrés d’acceptation différents.
Le polyamour est le stade ultime de l'autonomie de chacun. Les professions
intellectuelles et artistiques affirment plus facilement un projet
de vie autonome. On ne peut pourtant pas restreindre le polyamour
aux classes privilégiées. Il concerne toutes les couches
sociales mais de façon encore minoritaire.
Selon vous, le couple est-il naturel ?
Non, je ne le crois pas. Dans de multiples sociétés,
la vision du couple est différente. Tellement différente
que l’on ne peut pas parler de couple selon nos critères.
Dans toutes les sociétés, il y a des rencontres entre
hommes et femmes. Dans certaines sociétés, la polyandrie
est le modèle dominant. En Chine, les femmes Na vivent avec
plusieurs hommes. Dans certaines sociétés du Moyen-Orient,
pourtant imprégnées par l’islam, le couple fixait
une durée temporaire de mariage, par exemple de trois ans,
trois mois ou trois semaines. La notion de couple est donc relative.
C’est une notion modulée socialement et culturellement.
Pourquoi les hommes et les femmes aspirent-ils à vivre à
deux ?
Dans nos sociétés, ceux qui sont seuls rêvent
d'une vie à deux et ceux qui sont en couple rêvent
bien souvent d'aventures... bref, chacun est insatisfait de sa condition
! En fait, nous sommes socialisés depuis l'enfance, nos rêves,
nos désirs, nos fantasmes sont orientés vers le couple.
« Pourquoi représente-t-on l'amour aux enfants dans
les livres de jeunesse entre un petit garçon et une petite
fille ? se demandait déjà le philosophe René
Scherer il y a vingt ans, pourquoi pas en groupe, alors que les
enfants vivent plutôt en bande ? » Pourquoi fait-on
rêver les petites filles sur le prince charmant, les nourrissons
et les poussettes ? Regardez un catalogue de jouets de Noël,
c'est instructif ! Après, on comprend mieux pourquoi on éprouve
le désir d'être en couple, quand tout discours asséné
depuis l'enfance tend à présenter le modèle
traditionnel comme le modèle normal. Il faut beaucoup de
volonté pour prétendre vivre autre chose, inventer
d'autres possibles.
L’infidélité
Il y a une augmentation du nombre des personnes vivant une double,
voire une triple vie sentimentale. Ceci concerne surtout des hommes
âgés de 40 à 55 ans. L’allongement de
la durée de vie, le besoin de changement et la volonté
de concilier la stabilité du mariage avec le piment de la
vie extra-conjugale sont des explications à ces comportements.
• 93 % des Français estiment qu’il est indispensable
d’être fidèle pour réussir sa relation
sentimentale.
• 14 % des femmes de 25 à 49 ans déclarent avoir
été infidèles (7 % une seule fois).
• 20 % des femmes ont été tentées par
une relation extra-conjugale. Source Francoscopie
Epicure prodiguait ce conseil : « A propos de chaque désir,
il faut se poser cette question : quel avantage résultera-t-il
pour moi si je le satisfais et qu’arrivera-t-il si je ne le
satisfais pas ? »
À lire
• Paule Salomon, Bienheureuse infidélité, éd
Albin Michel, 2003
• Françoise Simpère, les Latitudes amoureuses,
éd Blanche, 2003
• Françoise Simpère, Il n’est jamais trop
tard pour aimer plusieurs hommes, éd de la Martinière,
2002
• Philippe Brenot, Inventer le couple, éd Odile Jacob,
2001
• Michel Onfray, Théorie du corps amoureux, Le Livre
de Poche, 2000
• Serge Chaumier, La Déliaison amoureuse, éd
Armand Colin ,1999
Sites :
http://www.polyamour.net
http://www.polyamorysociety.org
http://www.lovemore.com
Origine : http://www.femme.lycos.fr/couple/polyamour
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