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ORIGINE : http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/04/02/la-police-francaise-mise-en-cause-dans-un-rapport-d-amnesty_1175522_3224.html
David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du département Europe
d'Amnesty International, a supervisé le rapport de l'ONG
publié jeudi 2 avril et intitulé "France : Des
policiers au-dessus des lois". Il explique que les forces de
l'ordre se livrent de plus en plus à des "représailles"
contre certaines victimes ou témoins de mauvais traitements
qui leur sont imputés, notamment à travers des plaintes
pour "outrage" ou "rébellion".
En 2005, le dernier rapport d'Amnesty sur le sujet dénonçait
de graves violences policières, sous couvert d'un "climat
d'impunité". Comment la situation a-t-elle évolué
en quatre ans ?
La situation s'est détériorée depuis. Aucune
des recommandations faites par Amnesty international lors du précédent
rapport n'a été prise en compte par le gouvernement.
Et ce manque d'action de sa part nous inquiète. En 2005,
nous dénoncions certaines méthodes employées
par la police qui pouvaient faire courir de graves dangers, jusqu'à
l'homicide. En 2006, la Cour européenne des droits de l'homme
a rendu un arrêt dans lequel elle a condamné la France
et demandé qu'elle donne à ses fonctionnaires de police
des instructions précises sur l'utilisation des méthodes
de contrôle. Or début 2008, à Grasse, Abdelhakim
Ajimi est mort après avoir été maîtrisé
par des policiers lors de son arrestation : nous attendons toujours
des précisions du ministère de l'intérieur
sur ce drame. Dans ce rapport, nous recensons une quinzaine de cas,
qui témoignent d'un problème structurel de violence
policière, sous forme d'homicides, notamment mais aussi de
coups, de mauvais traitement et d'injures à caractère
raciste ou xénophobe.
Un phénomène retient votre attention, que
vous qualifiez d'"inquiétant" : les personnes qui
dénoncent des mauvais traitements de la part de la police
peuvent se retrouver en position d'accusées.
Nous constatons une augmentation des poursuites sur la base de
l'outrage ou de la rébellion à l'encontre des personnes
qui protestent contre les mauvais traitements de la part des policiers,
ou qui tentent d'intervenir après en avoir été
témoins. Ces mesures de représailles sont une tendance
qui nous préoccupe. De même, des personnes qui se sont
plaintes de mauvais traitements auprès de la CNDS [commission
nationale de déontologie de la sécurité] ont
été poursuivies par les agents concernés pour
dénonciation calomnieuse. Cela met une pression sur les victimes
afin qu'elles ne portent pas plainte. Si nous connaissons les chiffres
du ministère de l'intérieur sur les infractions d'outrage
et de rébellion, nous ne savons pas combien de plaintes sont
déposées pour mauvais traitement et quelles suites
leur sont données, qu'il s'agisse d'une procédure
disciplinaire ou pénale, avec éventuellement, au bout,
une condamnation.
Lorsqu'une plainte est déposée contre un
agent de la force publique, les mécanismes d'enquête
vous apparaissent non conformes aux obligations internationales
de la France. Quelles sont, selon vous, les lacunes et comment y
remédier ?
La première lacune concerne le manque d'indépendance
et d'impartialité. Certes, il n'y a pas de lien structurel
entre le juge ou le procureur vis-à-vis de la police. Il
n'en demeure pas moins que le juge d'intruction ou le procureur
font appel à la police judiciaire pour des auditions de témoins,
de suspects ou pour recueillir des éléments de preuve.
Ce qui conduit à un manque d'indépendance de fait.
De même, en cas de plainte contre les agents de la force publique,
c'est la police qui mène l'enquête. Parfois, ce sont
les agents du même service que ceux contre qui une plainte
a été déposée qui enquêtent, au
risque, là encore, d'un manque d'impartialité. La
tendance que nous constatons est que les recherches menées
par la police sur des policiers ne sont pas exhaustives : tous les
témoignages ne sont pas nécessairement pris en compte
et il n'y a pas forcément de recherche active d'autres éléments
de preuve, comme des bandes vidéo ou des certificats médicaux.
Ce qui fait que quand le dossier est présenté au procureur
au terme de l'enquête préliminaire, ou au juge d'instruction,
il n'y a pas suffisamment d'éléments pour poursuivre
et on aboutit à un classement sans suite. Il s'agit là
aussi d'une tendance claire. A tel point que bien souvent, les avocats
l'anticipent et déconseillent au plaignant de poursuivre
en justice. D'autant plus, qu'en cas de plainte contre des forces
de police pour mauvais traitement, la procédure pénale
est très lente.
Propos recueillis par Hugo Lattard
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