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La violence de la police
3 juillet 2005
Résistons Ensemble
http://www.resistons.lautre.net/article.php3?id_article=178
Quelques réflexions proposées aux débats dans
le réseau Résistons Ensemble contre les violences
policières et sécuritaires par quatre membres du réseau
La violence de la police
Ces quelques courts textes de réflexion ont été
élaborés par un groupe de participants au réseau
Résistons Ensemble contre les violences policières
et sécuritaires (www.resistons.lautre.net), regroupés
autour du titre La violence de la police et proposés aux
débats dans le réseau.
Contact : contact4pages @ no-log.org
Comme un récent rapport de l’ONG Amnesty International
le notait, les violences policières sont en augmentation
constante. Nous proposons quelques réflexions quant à
l’origine et à la nature de ces violences, et quelques
pistes sur la manière de réagir.
Les “ bavures ”, qu’est-ce que c’est ?
Une bavure, au sens propre, c’est quand, sur un dessin ou
un texte calligraphié, un peu d’encre a coulé
: bref, c’est une tache. La bavure est la petite saleté
sur la feuille bien écrite du maintien de l’ordre.
Comme si tout allait bien, sauf la bavure. Quand on utilise ce mot,
on sous-entend que la police ferait bien son travail et que tout
irait pour le mieux s’il n’y avait pas les “ bavures
”. Pourtant, loin d’être exceptionnelles, les
violences sont au cœur de la pratique courante de la police.
Certes, elles n’aboutissent pas toutes à la mort ou
à la blessure grave, elles ne font pas tous les jours, sous
leur nom de “ bavures ”, les gros titres des journaux,
mais elles sont en revanche constantes et quotidiennes : manière
de parler, contrôle arbitraire, baffes, harcèlement,
racisme, etc. La violence ne réside pas uniquement dans les
coups, mais aussi dans la manière dont les policiers cherchent
à humilier ou à stresser les personnes qu’ils
interpellent. Ces méthodes poursuivent un double objectif
: d’abord elles sont une part non judiciaire de la “
punition ” que la société désire infliger
à ceux qui contreviennent à ses lois, et elles sont
assumées comme telle. Même lorsque la procédure
ne s’achève pas par des poursuites, l’idée
est que le passage par le poste de police soit un moment suffisamment
désagréable pour dissuader d’y retourner. D’autre
part, les mauvais traitements visent à faire fléchir
la résistance des suspects pour obtenir leurs aveux ou leur
coopération à l’enquête - ce qui, en vocabulaire
policier, s’appelle “attendrir la viande”.
Il ne saurait donc être question de bavures, mais de “
violences policières ” au sens large, et de bien comprendre
que les cas extrêmes de mort ou de blessures graves ne sont
que la face visible et médiatique d’un phénomène
permanent.
Est-ce que le droit permet d’éviter les violences
policières ?
Quand les associations comme le MRAP ou la LDH dénoncent
les “ bavures ”, elles semblent croire le plus souvent
que, si la police respectait le “ droit ”, sa violence
disparaîtrait, que la police deviendrait une institution démocratique,
au service des “ citoyens ”
Ce point de vue ignore, ou minimise, le fait que, comme on vient
de le voir, la violence de la police est nécessaire à
son fonctionnement même. Mais il se trompe surtout lourdement
sur la nature du “ droit ”.
Le droit, contrairement à ce qu’on dit en général,
n’est pas un ensemble de règles qui s’imposent
à tous et qu’on doit observer à tout instant.
Le droit ne devient réel qu’à travers les institutions
qui le font exister : l’État, la justice, la police.
Dans un tribunal, ce n’est pas la “ vérité
” qui compte, mais la “ vérité judiciaire
”. La vérité et la “ vérité
judiciaire ” sont deux choses très différentes
; la vérité judiciaire est ce que décide le
tribunal, sur la foi des témoignages ou des preuves matérielles,
mais aussi en fonction des présupposés des juges,
du rang social de ceux qui sont jugés, etc. Ce qui compte
devant un tribunal, ce n’est pas la théorie, c’est
à dire ce que le droit prétend être ou devrait
être, mais comment les choses se passent pratiquement. Par
exemple la parole d’un policier n’a en principe pas
un poids plus important que celle d’un simple témoin,
ou d’un accusé : dans les faits le policier est presque
systématiquement cru, du seul fait qu’il est policier.
Cela n’est pas dû au fait que les policiers sont méchants
et mentent pour le plaisir et que les juges croient les policiers
aussi par méchanceté. Il est simplement logique que,
dans la perspective judicaire, le témoin a priori le plus
fiable soit cru : or, un collaborateur de la justice doit être
plus fiable qu’un autre, sinon le système se condamne
lui-même. Ce n’est pas la police qui est un outil au
service du droit : c’est le droit qui est un outil au service
de la police (voir : “ La justice peut-elle empêcher
les violences policières ”).
Les violences, ce sont les flics qui en parlent le mieux...
Les syndicats policiers ont cet avantage sur des associations comme
le MRAP ou la LDH qu’ils savent mieux que quiconque que la
violence est indissociable de la pratique de la police. Ils ne se
cachent pas devant la réalité : ils avouent que faire
respecter l’ordre suppose une certaine dose de contrainte,
même s’ils cherchent parfois à la minimiser.
Toutefois, ces mêmes syndicats estiment cette violence légitime.
En gros, ils nous disent qu’on ne fait pas d’omelette
sans casser d’œufs. Certains vont se trouver la cible
de ces violences, mais c’est pour le bien de tous, la défense
de la veuve et de l’orphelin passant par ce sacrifice nécessaire.
Toutefois, les vraies questions, à savoir qui sont réellement
les “ œufs ”, et ce qu’est “ l’omelette
”, les syndicats de flics ne les posent jamais.
Les “ œufs ” qu’il faut casser, pour les
flics, ce sont les “ délinquants ”. Un article
tiré du journal d’un syndicat de police (le Trait d’union
n°166, pp. 18-19) l’explique ainsi : “ Les violences
dont sont accusés les fonctionnaires de police ne sont jamais
gratuites ; elles ne sont que la conséquence de la commission
d’une infraction, d’un délit, par la personne
dont les conditions d’interpellation ou de maintien dans les
services de police sont contestées. ” Les victimes
des violences policières l’ont bien cherché
: certes, il est regrettable qu’elles soient frappées,
mais si elles ne commettaient pas d’infraction, il ne leur
arriverait rien. Ce que le même article résume en disant
: “ L’honnête citoyen ne se plaint jamais de l’intervention
policière qui au contraire le rassure, surtout dans les transports
en commun. Le délinquant quant à lui en sera toujours
marri, à juste titre. ”
En réalité, là n’est pas le problème
: ceux qui font l’objet de violences policières peuvent
avoir commis une infraction, évidemment, comme ils peuvent
ne pas en avoir commis. Des “ innocents ” (si tant est
que ce mot ait un sens) sont constamment l’objet du mépris,
de la hargne ou de la violence policière.
Mais qu’ils respectent ou non les lois, ceux qui sont traités
ainsi appartiennent à des populations considérées
comme suspectes par nature. Ceux qui sont les premières victimes
de la violence de la police sont aussi ceux dont on pense qu’ils
sont les plus susceptibles de transgresser des lois qui servent
à les maintenir dans leur état d’exploités.
“ L’omelette ” qu’il s’agit de défendre
n’est évidemment pas le bien commun de tous les citoyens,
mais le gâteau que ceux qui dominent la société
doivent prendre garde de ne pas trop partager. Voilà ce qui
demande que soient sacrifiés sur l’autel de la violence
de la police ceux qui précisément sont les perdants
du système.
Un système inégal se perpétue par la violence
: c’est là la seule conclusion qu’on puisse tirer
de l’existence des “ bavures ” et de la violence
policière.
La justice peut-elle empêcher les violences policières
?
Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l’homme,
relève, dans un article du Parisien daté du 17 février
2005, que “ les magistrats ont globalement tendance à
privilégier la version des policiers assermentés qui
portent plainte pour outrage et rébellion à celles
des citoyens qui affirment s’être fait taper dessus
ou humilier. La justice n’entend pas les plaintes à
égalité, classées “sans suite”
voire admet souvent que les policiers se couvrent entre eux ”.
Ammesty, dans son rapport, fait le même constat.
Toutes ces organisations institutionnelles demandent à ce
que la justice exerce un meilleur contrôle sur la police.
Cet argument repose sur un principe, celui de l’indépendance
de la justice, qui ne résiste pas à l’épreuve
des faits.
Le juge étant le seul garant de la liberté individuelle,
le citoyen n’a pas le droit d’intervenir lorsqu’une
opération policière a lieu, et ce quelles que soient
les violences exercées. La Cour de cassation a même
pris la précaution de préciser que “ l’illégalité
d’un contrôle d’identité ne saurait entraîner
la nullité des poursuites relatives à outrage et rébellion
et coups ou violences volontaires commis contre les autorités
de police à l’occasion du contrôle ”. (Cour
de cassation, 7 février 1995). L’individu qui essaierait
de se soustraire ou de s’interposer face à un contrôle
policier pourtant reconnu comme illégal par la justice risquerait
donc d’être quand même condamné.
Seul le juge peut, une fois saisi, donc forcement après les
faits, et souvent quelques mois voire quelques années plus
tard, décider si une intervention policière était
légale ou non. Si un individu se fait lyncher par des policiers,
voire tuer, comme ces sans-papiers morts étouffés
par les flics lors de leur expulsion, personne ne doit intervenir,
l’autorité de la police doit demeurer absolue. Les
policiers ont la libre appréciation de la situation.
N’ayant pas eu le droit de réagir sur le moment, un
individu victime ou spectateur de violences policières va
donc peut-être (c’est souvent une bataille procédurale)
être amené à témoigner devant la justice.
Encore faut-il, s’il est un passant, que les policiers ne
l’aient pas obligé à “ circuler ”
en prétextant un périmètre de sécurité
qui leur permet d’éviter les témoins gênants.
Comment ce témoignage va-t-il être pris par la justice
? Un arrêt de la cour d’appel de juillet 1999 offre
des indications quant aux conditions de crédibilité
des témoignages portés à la connaissance de
la justice. Cet arrêt commence par énoncer que “
dans l’absolu la parole d’un policier, a fortiori celle
d’un officier de police judiciaire, est plus crédible
que celle d’un trafiquant de drogue ”. Il faut entendre
par là que de manière générale la parole
d’un fonctionnaire assermenté est plus crédible
que celle du simple citoyen surtout s’il a fait l’objet
d’une intervention ( contrôle d’identité)
ou d’une poursuite ( outrage et rébellion). Les dires
des policiers ne peuvent être remis en cause que si certains
éléments sont réunis : il faut que les déclarations
du “ délinquant ” (“ un citoyen ”
aux mains de la police devient un “ délinquant ”)
soient confortées par des éléments extérieurs
: constations médicales, contradictions dans le PV et plus
rarement , aveux de certains des policiers. Pouvoir réunir
ces éléments est rarement possible. Une personne ayant
déjà un casier judiciaire n’aura de crédit
que dans des cas exceptionnels. Même lors d’un décès
le passé judiciaire de la personne est mis en avant pour
justifier le meurtre, comme pour Mourad à Nîmes. En
cas de violences policières ce n’est pas le comportement
des policiers qui est étudié mais le profil de l’individu
( quelle situation familiale, quel niveau d’études,
quel emploi, quelle domiciliation) qui est mis en avant pour déterminer
sa crédibilité. En l’absence de témoins
considérés comme fiables et de contradictions dans
les procès-verbaux, les keufs sont assurés de ne pas
être inquiétés pour les violences qu’ils
auront commises. Si les flics sont assez malins, maquiller les procès-verbaux
et veiller à ne pas se contredire rend leur version inattaquable.
Pour donner plus de poids aux paroles de victimes de violences
policières, les associations de défense des droits
de l’homme voudraient que les juges cessent d’accorder
toute confiance aux procès-verbaux policiers. Or, ceci paraît
structurellement impossible : sans la confiance dans ses auxiliaires,
c’est le fonctionnement de la justice qui n’est plus
assuré. Si les manœuvres ou le maquillage d’une
faute ne sont pas démesurément grossiers, les éléments
du procès-verbal sont toujours considérés comme
établissant la vérité. (voir Fabien Jobard,
Bavures policières, la force publique et ses usages, p. 250).
S’il vient à l’idée d’un keuf de
contredire les autres flics , il peut se faire rappeler à
l’ordre par son supérieur et subir les brimades de
ses collègues. Agir ainsi c’est risquer d’être
mis au placard. Les juges n’ont qu’une version biaisée
des faits et ce n’est pas eux qui protègeront les citoyens.
Lorsque des vices de procédure ou des violences policières
leur sont rapportés il est loin d’être systématique
que les juges annulent les poursuites ni qu’ils sanctionnent
les fonctionnaires de police. En effet, les policiers font un travail
nécessaire aux juges, sans lequel aucun dossier ne serait
sur leurs bureaux. Et ils ont conscience que souvent les aveux et
les preuves ne sont établis que si des pressions sont exercées
notamment lors des interrogatoires. Ils ferment donc les yeux sur
les pressions exercées, pour autant qu’elles ne soient
pas exorbitantes.
Que peut-on faire quand on est victime de violences policières
?
Recours juridiques
Il existe plusieurs recours juridiques. Il est possible de déposer
une plainte, en se portant partie civile, dans un commissariat de
police, à la gendarmerie nationale ou en écrivant
directement au procureur de la République. On peut aussi
saisir l’IGPN/IGS, la police des police, et dans un autre
genre la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Dans la pratique
La réalité du terrain, pour peu que l’on s’y
attarde, achève le travail des flics. Dans la plupart des
cas, L’IGPN ne retient pas le caractère illégitime
des faits qui lui sont soumis. La CNDS qui ne peut être saisie
que par l’intermédiaire d’un élu (un parlementaire,
sénateur ou député) ne connaît pas beaucoup
plus de résultats... et les difficultés rencontrées
dans le cadre d’une défense juridique sont nombreuses.
(voir “ La justice peut-elle empêcher les violences
policières ? ”)
Ne pas avoir d’illusions
S’il est vrai que la machine judiciaire se révèle
être un outil au service de la police, la lutte contre les
violences policières peut et doit être quand même
menée. Ne pas avoir d’illusions, être conscient
qu’il y a peu de chances que la justice reconnaisse comme
victime de l’arbitraire policier celui qui s’est fait
tabasser ne veut pas dire qu’il faille se résigner
ou délaisser la lutte sur un plan juridique. (voir “
Est-ce que le droit permet d’éviter les violences policières
? ”)
D’une part, il s’agit de répondre à l’urgence
de la menace d’une sanction judiciaire qui accompagne souvent
les violences policières. Si l’expérience montre
que l’on n’arrive que très exceptionnellement
à faire reconnaître par la justice l’existence
des violences policières, la stratégie offensive de
la mobilisation, éventuellement accompagnée par une
plainte contre les brutalités policières peut aboutir
à des peines moins graves. En revanche, toute autre stratégie
de défense, du genre “ je fais confiance à la
justice de mon pays ”, et en particulier celle qui s’imagine
que “ faute avouée est à moitié pardonnée
” conduit en général aux peines les plus lourdes.
D’autre part, la lutte contre les violences policières
et sécuritaires, en étant conscient de la connivence
entre la police et la justice et du rôle social de ces outils
de répression de l’État peut passer par la mise
à nu de ces mécanismes (voir “ Comme la nuée
porte l’orage, l’État porte en lui même
la violence ”).
L’auto-organisation dans un comité de soutien
Il n’existe pas de recette toute faite. Chaque histoire est
unique et la manière d’y répondre dépend
d’abord de la volonté des premiers concernés,
les personnes qui ont subi les violences policières, puis
des conditions dans lesquelles se sont déroulés les
événements, de l’envie de réagir, de
l’inventivité face à ces situations... Les conseils
qui suivent ont pour vocation d’ouvrir des pistes d’organisation
et de faire partager quelques bilans d’expériences
passées.
Un comité de soutien est une manière de s’organiser
pour briser l’isolement et ne pas se laisser enfermer dans
la toile d’araignée de la violence judiciaire. Il permet
de développer la mobilisation en veillant à rester
indépendants, construire un rapport de force qui seul pourra
faire rempart contre la toute puissance de la justice. Mais il peut
aussi poser le débat des violences policières dans
un cadre plus large...
Le premier conseil serait de commencer par compter sur soi-même,
les proches de la personne qui a subi les violences policières
et la famille. Un comité de soutien peut commencer à
peu de gens, car c’est moins le nombre qui va compter que
l’implication du noyau initial, sans se cacher que c’est
une activité qui demande pas mal de temps et d’énergie.
Par ailleurs, la rédaction d’un texte qui résume
l’affaire et pointe les violences de la police, ses accusations
mensongères, la situation médicale du détenu...
en essayant d’être court et argumenté, peut servir
à faire connaître l’affaire autour de soi, les
connaissances, même lointaines, le milieu professionnel, associatif
ou dans le quartier... Il peut servir à convoquer une réunion
d’information auprès des gens à qui il a été
distribué. Il permet aussi de contacter des associations
de défense des droits de l’homme d’autres collectifs
et réseaux de lutte contre les violences policières.
Sur le plan pratique, le comité de soutien peut, si nécessaire,
servir à discuter collectivement la stratégie judiciaire
à adopter, trouver un avocat qui accepte la stratégie
choisie par le prévenu. Il va aussi s’intéresser
aux témoins qui ont vu la scène. Il faut savoir que
l’avocat n’est pas supposé rencontrer les témoins,
encore moins aller les chercher : on pourrait le soupçonner
de s’être entendu avec eux sur la version à livrer
au tribunal. C’est donc au comité de soutien de faire
ce travail : bien entendu il ne doit “ trouver ” que
des gens qui témoignent dans le sens favorable. Il va aussi
ramener à l’avocat les pièces nécessaires
lors du procès (attestation de logement, de stages, d’études,
de séjour...).
Si une plainte contre les flics a peu de chance d’aboutir,
elle peut fournir un argument au procès pour soutenir la
thèse de la défense.
Une fois sur pied, un comité de soutien peut aussi organiser
d’autres réunions voire envisager d’autres types
d’action : présence à l’audience, appui
d’associations, tracts, conférence de presse, affiches,
réunions de quartiers, manifestation ou autres apparitions
publiques dans la rue sous forme de rassemblement, de table sur
un marché... C’est une stratégie offensive dont
l’expérience montre qu’elle peut être efficace.
C’est lorsque qu’un rapport de force se construit, que
le comité se solidifie que nous vous conseillons de prendre
contact avec la presse, les journaux locaux en priorité.
Trop tôt cela ne sert à rien, ils ne vous écouteront
que s’ils ont des relations... mais si le comité rencontre
un certain soutien, ils ne pourront pas l’ignorer.
Mettre à nu le rôle social de la machine répressive
Au-delà de la menace immédiate d’une sanction
judiciaire, et parallèlement à la réaction
à un cas concret de violence policière, la lutte contre
les violences policières passe aussi par la mise à
nu du rôle social des outils de répression de l’État,
la police, la justice... Dans ces conditions la lutte sur le plan
juridique peut trouver sa place, mais encore une fois il est illusoire
de penser qu’elle puisse être une fin en soi. Résister,
démasquer, dénoncer, ne pas se laisser faire, enrayer
la machine chaque fois que cela est possible. Organiser la solidarité
autour des victimes, agir collectivement, d’une telle bataille,
on sortira plus fort, plus unis... et c’est cela qui compte.
(voir “ Comme la nuée porte l’orage, l’État
porte en lui même la violence ”)
Comme la nuée porte l’orage, l’État
porte en lui même la violence.
L’État ici l’État là, État
policier, État providence, État de droit... Qu’en
est-il vraiment ? A-t-on vraiment un État à double
face, une face qui distribue, qui garantit la santé et les
services publics, qui assure les libertés publiques et l’autre,
celle de la matraque et des prisons ? Dr. Jekyll ou Mr. Hyde ?
La société capitaliste repose sur une loi fondamentale
: c’est le droit d’exploiter son prochain. Celui qui
possède l’usine, l’entreprise, les capitaux a
le droit de gagner de l’argent sur le dos de l’autre.
C’est vrai dans les sociétés dites démocratiques
ou dans les dictatures, que ce soit en France ou dans les usines
délocalisées dans les pays où l’exploitation
est encore plus juteuse. Ce droit d’exploiter est la loi absolue
de la société capitaliste. L’armée des
chômeurs, des précaires, des rmistes n’est pas
en dehors de l’exploitation générale. Son existence
participe à son efficacité et à sa bonne marche.
Souvent on nous parle d’“ État de droit ”,
comme une référence pour définir un État
démocratique, égalitaire, juste, opposé aux
dictatures, à l’État répressif. Tous
les États sont de “ droit ”, en ce sens qu’ils
sont fondés sur le droit de propriété des usines,
des banques, des actions etc. La loi ordonne la marche de la société,
la légalité, en fonction de la bonne marche de l’exploitation...
Ceux qui parlent de l’État en général
omettent le point fondamental : pour mettre en pratique ce droit
fondamental à l’exploitation de l’homme par l’homme,
il faut un appareil de contrôle social. Cet appareil c’est
l’État. Selon Marx, l’État n’est
“ qu’une bande d’hommes en armes et ses annexes
”. Ce qui veut dire que l’État est une machinerie,
qui, pour organiser l’exploitation, assure des fonctions complexes,
enchevêtrées, allant de la répression au maintien
de la santé publique, l’éducation, au niveau
socialement tolérable... De là vient la confusion,
souvent bien volontairement entretenue, selon laquelle l’État
aurait une “ double nature ” : une nature régalienne
et répressive et une autre positive et “ utile ”
(santé, éducation, services publics). Et de là,
les organisations syndicales, politiques, à quelques rares
exceptions près, prônent un attachement à l’État,
croient, ou veulent faire croire à la possibilité
que sous la pression il est possible de faire reculer, sinon supprimer
le “ côté répressif ” de l’État.
Derrière cette idée de démocratisation de l’État
se cache l’idée de s’adapter, d’accepter
l’exploitation de l’homme par l’homme comme une
situation “ naturelle, inévitable ”.
Dans un État plus démocratique les conditions d’exploitation
sont certes plus douces que dans une dictature. Il est évident
que la France d’aujourd’hui et par exemple la Chine,
avec ses conditions d’exploitation dignes du XIXe siècle,
ce n’est pas la même chose. Mais constater cela ne suffit
pas. D’autant moins que la tendance générale
du capitalisme ne va pas vers une amélioration globale des
conditions des exploités (ceux qui ont du travail et ceux
qui n’en n’ont pas).
L’État de droit est un “ système institutionnel
dans lequel la puissance publique est soumise au droit ”.
En partant de cette définition toutes les sociétés
capitalistes, allant de diverses formes de démocratie jusqu’aux
dictatures sont des États de droit, la seule différence
est que le droit sur lequel l’État, la “ puissance
publique ” s’appuie est défini en fonction des
circonstances. C’est le droit qui varie, mais le droit fondamental,
celui d’exploiter, ne varie pas, c’est le socle social.
La grosse escroquerie de cette société dans laquelle
nous vivons consiste à cacher ce fait et à présenter
la loi et les “ bandes d’hommes en armes ” (la
police, la justice) comme des institutions pour sauvegarder le “
bien être public ” face aux délits et crimes
découlant de la “ faiblesse humaine ”, alors
qu’il s’agit des organes nécessaires pour maintenir
l’exploitation et l’oppression. C’est la nature
et le rôle social de la police, de la justice qui sont déterminants,
et non la qualité individuelle de tel juge, maton ou policier.
On trouve de rares (trop rares) policiers ou magistrats qui essayent
de faire preuve d’esprit d’indépendance et de
courage individuel, parfois même au détriment de leur
carrière. Mais ces éventuelles résistances
individuelles changent-elles la nature du corps auquel ils appartiennent
? Non, à moins de démissionner ils sont obligés
de faire leur boulot, avec plus ou moins de zèle, avec plus
au moins d’humanité. L’expulsion d’un sans-papiers,
d’un gréviste, d’un squatter, la dispersion d’une
manifestation à coups de matraque restent des actes de défense
de l’exploitation capitaliste même si la main du justicier
est gantée de velours. C’est la violence étatique,
la seule qui soit légitime. Du point de vue légal,
il n’y a pas d’injustice commise, l’État
de droit est respecté.
La justice et la police, l’administration pénitentiaire,
accomplissent leurs œuvres avec la marge d’appréciation
et d’erreur que la société leur laisse. Demander
à la police qu’elle soit policée et à
la justice qu’elle soit juste c’est demander à
un homme de se couper un bras pour améliorer le fonctionnement
de son corps. Faire croire que la société actuelle
serait capable d’une telle automutilation, d’un tel
hara-kiri c’est semer des illusions mortelles.
On peut poser la question : puisque ces violences étatiques
constituent le propre de la société, est-ce qu’il
est possible, nécessaire, de lutter contre ces violences
ou bien faut-il changer de société d’abord ?
La vérité est que la lutte contre les violences policières
et sécuritaires est un des chemins qui permettent de démasquer
le mythe de l’État de droit, le mythe de l’inévitabilité
de l’exploitation capitaliste.
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