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Violences policières à St Etienne

(La Gazette est un hebdomadaire. C'est le 2è journal de la Loire, après le Progrès qui est quotidien Cet article est de Julien Bonnefoy, rédacteur en chef adjoint de la Gazette).

Saint-Etienne

Le procureur de la République demande une enquête à l'IGPN "Le policier m'a mis trois gifles"

Il a une tête d'ange Ichem. Un gamin de 17 ans comme tous les autres sauf qu'il ne veut plus sortir depuis le 26 février dernier. Depuis ce samedi où il affirme avoir été victime de violences de la part d'un policier stéphanois et d'insultes racistes, il change de trottoir quand il croise des uniformes.

SIMPLE CONTRÔLE

En fin de journée, ce jour là, il raconte qu'il est avec trois copains et deux amies.
Ils reviennent du centre commercial Dorian où ils ont acheté une paire de baskets.
Ses collègues marchent devant, lui à une vingtaine de mètres derrière avec les filles. Quand ils tournent à l'angle de la rue Gérentet, il voit que les premiers se font contrôler par une patrouille de police à quelques mètres de la place de l'Hôtel de ville. Un de ses copains aurait pris une gifle. Ichem sort ses papiers, les présente, en face le policier les aurait jeté au sol avec sa casquette. Puis il ouvre mécaniquement sa veste ce qui semble irriter le policier qui lui demande de ramasser ses affaires. "Je lui ai dit que j'avais donné mes papiers à la main et que je voulais qu'il me les rende de la même manière".

En se relevant Ichem aurait reçu trois "grosses" gifles. Ce qui est confirmé par au moins trois témoins du réseau des jeunes citoyens qui passent par là et qui demandent des comptes à la patrouille sur la manière de contrôler. Ichem est emmené au commissariat central. Arrivé dans la cour, il est menotté. Après avoir vérifié que le jeune homme inconnu des services de police n'avait rien à se reprocher, une femme policier lui dit que sa mère va venir le chercher.

Fouzia, la maman d'Ichem est chez elle quand elle reçoit le coup de téléphone du commissariat : "ils m'ont dit venez récupérer votre fils, il n'y a rien de grave, juste un contrôle d'identité". Cette mère de trois enfants appelle son fils aîné pour qu'il l'emmène sur le cours Fauriel car elle n'a pas de permis. Mais en sortant de la petite maison dans le quartier de Montreynaud, elle tombe nez à nez avec les copains d'Ichem qui reviennent juste du centre-ville et qui expliquent tout.
Alors au commissariat, Fouzia veut comprendre pourquoi on a frappé son fils pour un simple contrôle. Ichem pleure dans le hall. La maman veut porter plainte, elle veut voir un supérieur. Elle veut juste qu'on la respecte et qu'on lui rende des comptes. "On m'a dit qu 'il n 'y avait personne". Elle est poussée dehors au même moment où les trois témoins du contrôle rue Gérentet arrivent pour porter plainte contre la police. La scène est confuse, des policiers arrivent en renfort, Fouzia assure avoir pris un coup de genou : "on m'a dit qu'il fallait que je dégage, que je rentre dans mon pays, qu 'ils en avaient marre des Arabes". Ichem est plaqué au sol dehors, menotte. Et c'est le cercle infernal. Le père d'Ichem arrive lui aussi au Central : "j'ai juste eu le temps de dire, arrêtez., je suis le père, on m'a menotté et attaché à la barrière tandis qu'un policier me tenait par derrière". Mohamed, dix jours plus tard est très amer : "il fallait simplement écouter ma femme dans un bureau et il ne se serait rien passé mais non, on a tapé mon fils et refusé de donner des explications à mon épouse".

ENGRENAGE

Alors le simple contrôle de police prend une tournure ubuesque. Ichem est placé en garde-à-vue pendant toute la nuit pour "rébellion, outrage et violence" sur les policiers. Photos, empreintes, audition. Pourtant, à l'hôpital, le lendemain, et chez le médecin légiste on observe sur lui "une anxiété et des traces de coups à la mâchoire et dans le dos". Mais Ichem, frêle jeune homme de 17 ans, est le premier convoqué devant le juge des enfants le 23 mai prochain. <<J'espère que le juge saura que je n'ai rien fait, qu'ils m'ont mis ça pour se protéger". La version de la police est la suivante : "au passage de la patrouille, on a entendu les cot-cot-cot habituels, le contrôle de police ne se passait pas bien, on l'a ramené au poste. Les membres de la famille sont arrivés comme des furies, il y a eu des embrouilles.
Le jeune a insulté le gardien, il a été placé en garde-à-vue pour outrage".
D'après cette version, il n'y aurait pas eu de gifles lors du contrôle mais l'ambiance était tendue dans le centre-ville : "il y avait eu des points de friction à Centre II et au Mac Do ce jour là et la veille, on était intervenu à plusieurs reprises".

De son côté, la famille d'Ichem qui passe cette année un bac pro froid et climatisation, a porté plainte. Mohamed veut aller "jusqu'au bout", il veut maintenant qu'on l'entende et qu'on respecte ses droits. Et il veut le dire à tout le monde en passant par les médias. Pour qu'on le respecte comme tout bon citoyen français qu'il est avec ses trois enfants. Il est dégoûté par cette affaire : "la police va faire de ces jeunes des voyous qu'ils ne sont pas. Mon fils de 10 ans, il a déjà la haine au fond de lui parce qu'il sait que son frère a été frappé par la police".

LE PROCUREUR SAISIT LES "BOEUFS CAROTTES"

Le procureur de la République Jacques Pin a confié l'enquête à l'inspection générale de la police nationale (IGPN). Les "boeufs-carottes" connaissent la musique : en 2004 les violences policières ont augmenté de 18,5 %. Une hausse constante depuis 2001 en France. C'est d'ailleurs pour cette raison que Dominique de Villepin, la veille du contrôle d'identité d'ichem, a envoyé un courrier à tous les focntionnaires de police pour leur rappeler que "l'application de la loi est mieux acceptée, quand le citoyen, français ou étranger, a l'assurance qu'il fait l'objet d'un traitement courtois, non discriminatoire et justifié par les circonstances".
Ichem est désormais convaincu de l'exact contraire. Le mot de la fin au juge.

Julien BONNEFOY.