Origine : http://www.1001nuits.org/index.php?title=Apologie_du_plaisir_f%C3%A9minin
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est déconseillé au moins de 18 ans.
Nous pouvons également signaler que ce texte est marqué
par la psychologie de Jung c.f. les archétypes. Il est également
possible d'analyser les rôles sociaux différents des
hommes et des femmes en terme de genre : le sexe construit socialement.
Cet article traite d'un sujet encore assez tabou, du moins en France,
le plaisir féminin et dans une autre mesure la sexualité
féminine et son rapport à la sexualité masculine.
Le but est de remettre le plaisir sexuel de la femme au centre du
débat faussé sur l'érotisme et la sexualité
en général.
«On tient un homme par le ventre et le bas-ventre».
Cet adage de grand-mère est encore profondément ancré
dans les esprits de beaucoup de femmes qui sont, souvent inconsciemment,
les complices de leur positionnement en objet sexuel pour l'homme,
envisagé de façon archétypale. Nous allons
explorer, au cours de cet article, quelques uns des travers de l'«
inconscient collectif sexuel » et voir comment la sexualité
féminine peut devenir terne, voire désagréable,
ou au contraire anormalement débridée, lorsqu'un certain
nombre de facteurs inconscients se présentent dans les représentations
psychiques de la femme et de l'homme.
Il n'est point question ici de faire procès de l'un ou de
l'autre des sexes, car toute généralisation dans ce
domaine serait une erreur grossière, mais plutôt de
remettre en perspective d'une façon claire et parfois explicite
les responsabilités de chacun dans la représentation
et la pratique de la sexualité. Le but premier de cet article
est, en ce sens, de donner des éléments pour que les
gens fâchés avec la sexualité retrouvent l'espoir
d'un abord sain de la chose sexuelle.
Un petit historique des générations passées
Nous ne critiquerons pas le féminisme en général.
Au contraire, nous dirons que le monde actuel manque de féminisme,
et que bon nombre de revendications féministes d'hier, pour
la plupart datant de moins d'un demi-siècle, ont été
injustement oubliées par les femmes d'aujourd'hui.
S'il est difficile de donner des réponses globales au pourquoi
de l'oubli actuel du féminisme par les femmes elles-mêmes,
deux principaux éléments de réponse peuvent
néanmoins être apportés :
* la majeure partie des femmes nées après 1965 ne
fut jamais éduquée aux bases des idées féministes
;
* le féminisme devint rapidement une caricature de lui-même
en allant jusqu'à véhiculer des idéaux lesbiens.
Notons que n'avons rien à reprocher aux idéaux lesbiens,
mais que lors de la prise de contrôle d'un mouvement féministe
par un état major à tendances lesbiennes, nous comprenons
le dépit idéologique dans lequel se sont retrouvées
beaucoup de femmes hétérosexuelles, recherchant les
moyens de la libération du « joug masculin »
sans pour autant vouloir ou pouvoir devenir homosexuelles.
Il est intéressant de constater que la génération
du « baby boom », qui connut, théoriquement du
moins la « libération sexuelle », n'a, majoritairement,
pas rempli ses grands objectifs concernant l'éducation sexuelle
de ses enfants. Ainsi, après la révolte de 68 contre
l'« establishment bourgeois », les anciens de 68 reconvertis
dans la nouvelle classe moyenne ne semblent pas avoir fait mieux
que leurs parents si décriés en matière d'éducation
sexuelle. La sexualité « libre » est restée
tabou et a été tuée dans l'œuf par l'apparition
du sida dans les années 80. Le sexe est redevenu «
mauvais », comme au bon vieux temps du catholicisme.
Certes, comme toujours, la représentation du sexe rendu
« mauvais » et « tabou » par la société
génère des contre-courants qui, toujours à
la recherche de surenchère dans la transgression, postulent
la déviance sexuelle comme la nouvelle norme. Seuls les naïfs
pourront le laisser avoir à cette approche intellectuelle
et conjoncturelle du sexe, à cette illusion de « nouveauté
» dans la sexualité et à ces déviances
bien misérables, indignes le plus souvent des folies consternantes
d'un Sade.
On pourra se référer à l'histoire de France
pour vérifier que, quand la publicité autour de la
sexualité accepte la déviance et la postule comme
bonne, le niveau général de la représentation
de la sexualité dans la société est voisin
du catastrophique. Nous en sommes là, nageant dans la mode
de la fausse transgression qui, si elle permet à quelques
uns de briller dans les salons, ne résout pas la misère
sexuelle dans laquelle se trouvent bon nombre de nos concitoyens
et de nos concitoyennes.
Quant à penser aux nouvelles générations qui
découvrent leur sexualité, il suffit de regarder leurs
pratiques amoureuses pour être on ne peut plus inquiets. Si
la génération du « baby boom » n'a pas
tenu ses promesses, il semble que la génération suivante
soit si bloquée sexuellement qu'elle ne pense même
pas que ses enfants puisse un jour avoir une vision « non
pervertie » de la sexualité[1]. En matière de
sexualité, si Freud reste d'une actualité brûlante,
c'est que malheureusement, plus les choses changent et plus elles
restent identiques.
Exposition des archétypes
L'homme archétypal vu par le féminisme
Nous commencerons cet exposé par une petite analyse de l'inconscient
collectif féminin actuel, celui des femmes de la génération
65-80[2]. Cet inconscient collectif commence par une vision archétypale
de l'homme qui a le bon goût d'être l'intersection entre
la représentation féministe de l'homme comme «
bête assoiffée de sexe » et la représentation
de la génération des parents des « baby boomers
» de l'homme « qui va aux putes et au bistrot dès
qu'il a trois sous ».
L'homme archétypal est vu par l'œil féministe
comme le «mâle». Caricaturé à l'extrême,
l'homme est représenté comme une «machine à
baiser», pour reprendre l'expression, bien navrante, de Bukowski.
Obsédé du «ventre», du fait de manger
- symboliquement de « se remplir » - et du «bas-ventre»
- du sexe - les hommes sont représentés comme préoccupés
principalement par manger et par faire l'amour. De plus, la manière
commune pour l'homme de faire l'amour est, elle aussi, représentée
de manière caricaturale dans la vision féministe comme
l'acte visant à se «vider» les testicules, pour
ne pas employer d'autres formules plus grossières.
L'homme doit faire l'amour pour se « soulager », ce
qui explique la pression que les hommes exercent continuellement
sur les femmes en vue de l'obtention de leurs faveurs sexuelles.
La femme est obligée, dans ce mode de représentations,
de se transformer en un objet sexuel permettant à l'homme
d'assouvir ses pulsions les plus basses, ce dernier devenant absent
dès lors que le « ventre » ou le « bas-ventre
» ne sont plus concernés (éducation des enfants,
tâches ménagères, etc.). L'homme est vu comme
une « bête ».
Cette représentation archétypale a des avantages
(et c'est pour ces avantages qu'elle a été colportée)
mais elle a aussi de nombreux inconvénients dont la plupart
paraissent invisibles aux membres des courants féministes
eux-mêmes.
Avantages de la représentation de l'homme archétypal
L'usage de la nuance passe l'oubli de toutes les formules du type
: « tous les X sont comme ça ». En matière
de sexualité, il est obligatoire de nuancer si l'on ne veut
pas dire beaucoup de grosses bêtises.
La représentation archétypale de l'« homme
bête » a pour objectif de protéger un certain
nombre de jeunes filles des désirs incontrôlables des
hommes. Cette représentation a, en effet, l'« avantage
» de décrire assez bien une certaine catégorie
d'hommes. Pour ces derniers en effet, la sexualité est le
principal cœur des préoccupations et le simple fait
de « sortir » avec une femme implique nécessairement
que cette dernière accepte, après des sommations explicites
ou des pressions psychologiques implicites, à accepter des
« assauts » sexuels nombreux et fréquents[3].
Dans cette représentation caricaturale, c'est l'immense
égoïsme de l'homme qui est décrit comme monstrueux,
égoïsme qui pervertit la relation sexuelle avec la femme
pour en faire uniquement une recherche de l'assouvissement du plaisir
masculin, sans considération pour le plaisir de la femme,
mais aussi sans considération pour sa douleur, ce qui est
immensément plus grave.
Cette représentation, si elle peut s'appliquer à
certains hommes (dont certains possèdent des troubles graves
de la sexualité et ou du comportement et restent pourtant
sans suivi psychologique) génère le plus souvent une
« peur de l'homme a priori ». Or, comme nous allons
le voir dans le reste de l'article, quand la représentation
de l'homme fait peur, c'est la femme qui est la victime non de la
réalité, mais de la peur qu'elle a développé
en elle et qui lui change la perception de la réalité.
Problèmes liés à la représentation
archétypale de l'homme
Nous exposerons deux grands types de problèmes que les femmes
peuvent avoir si elles ont suffisamment intériorisé
la représentation archétypale de l'homme comme «
assoiffé de sexe ».
Le premier grand type de problème est la difficulté,
pour la plupart d'entre elles, de reconnaître un homme différent.
Car intérioriser la caricature masculine revient à
projeter sur tous les hommes le fantôme de la bestialité
sexuelle. C'est donc un acte qui a pour nature de déformer
la réalité dans la mesure où tous les hommes
sont suspectés d'être des « bêtes ».
Il en résulte une suspicion chronique de la part de certaines
femmes qui n'arrivent pas à « croire » que l'homme
qu'elles ont en face d'elle ne souhaite pas seulement les utiliser
comme un objet sexuel. Cette vision des relations homme femme peut
poser rapidement un problème de stabilité de la relation,
du fait même de la femme et de sa vision erronée de
l'homme. Concrètement, cette dernière sera sur ses
gardes, et attendra le moment où « l'homme se dévoile
enfin », le plus souvent pour le fuir. Bien entendu, l'homme
suivant, après la « belle phase » du «
début », éveillera, en elle, le même type
de comportements de méfiance et souvent la même issue.
Cette relation à l'homme peut facilement tourner à
une certaine attente paranoïaque de la part de la femme d'être
finalement « abusée » et dégradée,
et une satisfaction à l'être si par hasard le fait
arrive (masochisme). Le plus souvent, un traumatisme sexuel est
responsable de cette tendance à la déformation de
la réalité (viol, inceste, violences sexuelles conjugales
passées, etc.).
La représentation archétypale de l'homme comme une
bête assoiffée de sexe est donc un moyen commode pour
ces femmes traumatisées de projeter le mal qui leur a été
fait en projetant leur peur sur tous les hommes. Ce comportement
est un trait classique de la « défense » de la
névrose qui préfère mettre en place des mécanismes
de fuite au lieu d'entamer le travail psychanalytique nécessaire
à résorber le traumatisme[4].
La deuxième conséquence de cette vue archétypale
de l'homme bestial est, elle, beaucoup plus pernicieuse, dans la
mesure où elle est très répandue et dessert
fortement les femmes dans le fait d'assumer ou de vouloir assumer
leur plaisir.
En effet, pour beaucoup de femmes, l'homme est toujours en instance
de devenir une bête assoiffée de sexe (nous verrons
plus loin quelques éléments de libido masculine pour
éclairer cet état de faits). En un sens, ces femmes
n'ont pris que le mauvais côté de la revendication
féministe, par ailleurs très légitime dans
beaucoup de dimensions. Il en résulte que, s'imaginant artificiellement
toujours dans un combat contre la bête sexuelle incarnée
dans l'homme, mais incapables de prendre les résolutions
féministes de « résister au pouvoir masculin
», elles se positionnent elles-mêmes en objets sexuels
pour limiter les risques, pour les anticiper. Pire que cela, elles
s'auto-conditionnent la plupart du temps à tolérer
l'homme sexuellement bestial (qui peut-être d'ailleurs n'existe
pas dans l'homme qu'elles ont en face d'elles), comme une règle
immuable de la nature.
Derrière ce comportement acquis, on dénote des notes
de fatalisme, de découragement a priori, à la fois
quant à une nature présupposée de l'homme,
et quant à une dévalorisation de soi vue comme inévitable,
et cachée par les phrases de « je ne peux pas lui dire
non », « je ne peux pas lui résister »,
ou « je n'ose pas », « je vais lui faire de la
peine », etc. La peur est toujours là, latente, une
peur qui peut n'être pas en adéquation avec la réalité.
Ce « jeu » inconscient fausse, bien entendu, complètement
la donne entre les deux partenaires, allant même, parfois,
jusqu'à provoquer l'apparition de comportements abusifs chez
les hommes eux-mêmes. En se conditionnant à donner
ces prérogatives aux hommes, les femmes se méprisent
elles-mêmes au nom d'une représentation archétypale
de la sexualité dans laquelle l'homme est le monstre caricatural.
Cette position dessert au plus haut point la femme qui en se positionnant
en tant qu'objet sexuel, invite l'homme à utilisation son
corps en tant qu'objet sexuel. Nous sommes en plein cercle vicieux.
On n'insistera jamais assez sur le fait que rendre tabou la sexualité
(ou la garder tabou) est très dangereux pour la construction
de l'image de la sexualité pour l'adolescente à la
puberté. Caricaturer les hommes est un acte irresponsable,
quoique bien souvent inconscient, de la part des mères qui,
voulant protéger leurs filles, projettent sur elles leurs
propres angoisses d'adultes en recyclant les angoisses héritées
de leurs propres mères. Ainsi, si aucune mère ne travaille
sur elle ou ne fréquente le divan d'un psychanalyste, la
chaîne de mauvaises représentations de l'homme passe,
comme la névrose, de génération en génération.
On retrouve alors des femmes dont la représentation de l'homme
semble dater du siècle dernier et est faite a priori d'un
mélange de respect obligatoire, de peur et de soumission
sexuelle. S'il est difficile pour ces femmes de sortir de leur névrose
héritée pour percevoir une réalité différente,
il leur est très complexe de s'autoriser à avoir du
désir, et conséquemment, du plaisir.
La femme fatale, archétype négatif de l'homme
bestial
Un certain nombre de femmes croient résoudre le cercle vicieux
d'un conditionnement féminin en apparence protecteur mais
en réalité soumis, en faisant de la surenchère
sexuelle, c'est-à-dire en voulant jouer avec les hommes sur
leur propre terrain, soit le terrain de l'instrumentalisation de
l'autre. Notons que cette approche de la sexualité est aussi
névrotique que celle des l'homme « bête de sexe
»[5].
La femme fatale accepte l'instrumentalisation de son propre corps
dans certaines conditions, notamment lorsqu'elle soumet les hommes.
Car, ce qu'elle accepte, au fond, c'est d'être la première
et la seule à instrumentaliser son propre corps pour ses
propres désirs. On voit ici que, loin d'être une «
femme libérée » sexuellement parlant, c'est
une femme qui a intériorisé si profondément
l'état de femme objet qu'elle est la première à
se dégrader vis-à-vis d'elle-même. Ce que l'on
peut souhaiter de meilleur à ses femmes est de tomber amoureuse
d'un homme qui refuse ces jeux de domination, quitte à placer
la femme devant ses propres contradictions.
La plupart du temps intelligente, voire cérébrale,
elle sait se choisir des partenaires qui ne sont pas trop «
dangereux », ou dont le pouvoir de résistance n'excède
pas ses propres capacités de domination. Elle endosse une
libido très masculine le plus souvent dans sa régularité
et prend la place de maître dans la relation homme femme.
On pourrait d'ailleurs se demander quel type d'orgasmes la femme
fatale peut connaître, le plaisir féminin étant
plus un plaisir obtenu en état de confiance, voire d'abandon.
En état de domination, l'intellect est encore trop vif pour
permettre l'abandon à la puissance réelle de l'orgasme
et de manière générale, à la montée
du plaisir. Ainsi, on peut suspecter chez la femme fatale des problèmes
de type orgasmiques.
La femme fatale est le négatif archétypal de l'homme
bestial : elle prend ses caractéristiques au niveau de la
libido et de la domination, elle veut comme l'archétype masculin
dominer et faire peur, et œuvrer pour son propre plaisir égoïste.
Et elle se sert de la supériorité de la libido féminine
(notamment la capacité à jouir plus longtemps) pour
juger l'homme au regard de sa performance.
Il faut insister sur l'aspect pathologique de ces deux archétypes,
cela malgré les discours. Le « gros baiseur »,
« queutard », la « femme fatale », la «
mangeuse d'hommes » incarnés dans des personnes vivantes
sont à plaindre dans la mesure où leur discours, souvent
très publicitaire[6], est totalement désincarné.
La performance de l'homme est contrebalancée par la performance
de la femme, le tout noyé dans un discours an-affectif, souvent
des plus navrants.
La « femme fatale » tout comme le « queutard
» ne pensent qu'au sexe, qu'avec leur sexe, et le plus souvent
souffrent d'un grand problème de relation avec l'affect.
Car s'il est simple d'instrumentaliser son corps dans une surenchère
de débauche sexuelle, s'il est simple d'être celui
qui contrôle sa propre dégradation physique, il est
beaucoup plus difficile de se demander ce qui intérieurement
pousse à valoriser en soi la domination de l'autre - de quelque
sexe que soit l'autre.
Les deux types de libidos
L'homme schizophrène
Nous allons revenir aux hommes et tenter de sortir des archétypes
extrêmes que nous venons de voir, à la fois chez l'homme
et chez la femme. Car, il faut l'admettre, la tendance masculine
(comme féminine) à limiter la relation homme femme
à une relation purement sexuelle (au sens large du terme)
est, somme toute, assez rare. Nous noterons de plus qu'elle ne correspond
pas, malgré ce que l'on pourrait croire, à l'archétype
du Don Juan, sur lequel nous reviendrons.
On trouve plutôt, chez une grande partie des hommes, une
approche quasi schizophrénique de la sexualité. L'homme
semble osciller entre deux états : « contenté
» et « en demande ». Si l'homme « contenté
» est calme et a sa propre personnalité stable, l'homme
« en manque de sexe » semble revêtir une seconde
personnalité uniquement focalisée sur la poursuite
de son désir sexuel. L'homme « en manque » semble
alors « habité », « possédé
» et la plupart des comportements civilisés que l'on
constate chez lui d'habitude, semblent s'amenuiser. Ainsi, la plupart
des femmes connaissent ces comportements étranges de l'homme
qui veulent dire « faisons l'amour » sans le dire ou
avec des périphrases dignes de la plus grande des imaginations.
La plupart des femmes sont souvent mal à l'aise devant cette
pression masculine, et il suffit que la femme ait intériorisé
cette notion caricaturale de l'homme pour qu'elle cède aux
avances de l'homme, se croyant forcée, ou « pour faire
plaisir », ou « parce que c'est comme ça »,
ou encore « parce que sinon, il ne m'aimera plus »,
etc. Le plaisir féminin étant plus complexe que le
plaisir masculin, la femme, dans cette situation aculée,
prend rarement du plaisir, ou du moins prend un plaisir la plupart
du temps « basique ». C'est dans ces situations que
les femmes simulent le plus, si elles ont des sentiments pour l'homme
qui « insiste ».
Cette phase de pilotage par les instincts sexuels trouve sa fin
après l'éjaculation. Nous préférerons
dire « après l'éjaculation » que de parler
de « situation post-orgasmique » car, l'assimilation
de l'orgasme masculin avec l'éjaculation sous-entend une
représentation simpliste de la sexualité masculine
(que l'on trouve hélas beaucoup chez les hommes eux-mêmes).
Une fois l'éjaculation passée l'homme redevient paisible,
fatigué, passif, détendu. La caricature veut que l'homme
s'assoupisse à ce moment (ce qui est souvent vrai).
La libido masculine
L'évolution de la libido de l'homme est assez simple dans
sa structure générale. En fonction des hommes, on
pourrait s'intéresser au concept de temps limite, temps maximum
entre deux « éjaculations » dans un monde parfait,
soit sans stimulation extérieure forte hormis sa partenaire.
Ce temps, hors monde parfait, dépend de beaucoup de facteurs,
notamment des excitations « externes » de type consommation
de pornographie. Cependant, d'une manière générale
(et dans des conditions identiques), il semblerait que chaque homme
ait un délai plutôt régulier, même si
on pourrait noter des variations saisonnières (printemps,
été).
La libido masculine pourrait être vue comme une pression
qui monte dans une cocotte minute. Dès que la pression devient
suffisamment forte, le bouchon de la cocotte se met à tourner
et l'homme est dans un état dans lequel le besoin sexuel
devient très présent, souvent inconsciemment d'ailleurs.
La plupart des hommes regardent plus les femmes dans cet état
et vont jusqu'à détailler, souvent d'une manière
assez grossière, leur anatomie plus qu'ils ne le feraient
d'habitude.
Quand l'homme a éjaculé après avoir fait l'amour
(le pouvoir de la masturbation sur le contentement sexuel paraît
moins fort), la cocotte minute a été ouverte, re-remplie
d'eau et mise sur le feu. La pression prendra le temps habituel
pour remonter.
L'incompatibilité des libidos
Chez la femme en revanche, le cycle de la libido est calqué
sur le cycle menstruel avec une pointe de la libido autour des périodes
d'ovulations pour la plupart des femmes. Chez la plupart d'entre
elles, la période des règles est une période
sinon de « non libido » du moins de diminution forte
de la libido.
On pourra constater que les deux cycles de libidos de l'homme et
de la femme ne sont pas compatibles a priori. Cela explique pourquoi
l'homme inattentif à sa partenaire aura tendance à
projeter sur sa compagne la régularité de ses propres
désirs sexuels, pouvant causer chez elle, un certain agacement.
En effet, la plupart des femmes étant assez discrètes
quant à leur cycle menstruel, les hausses et baisses structurelles
de la libido féminine peuvent être interprétées
faussement comme une incohérence féminine par l'homme
inattentif.
Dans le couple, cette incompatibilité des libidos est très
importante à comprendre, à la fois pour l'homme et
pour la femme, afin que l'un ou l'autre continuent d'envisager l'acte
sexuel comme un plaisir partagé soumis à des contraintes
qui sont celles de la nature. Un grand nombre de problèmes
de couples viennent de problèmes sexuels et de non prise
en compte de la différence physiologique et des rythmes de
libido des deux partenaires.
Certains comportements sont à éviter notamment celui
où, sous la pression de l'homme libidineux, la femme cède.
La conséquence de ce comportement est d'autoriser l'homme,
implicitement, à commander de manière unilatérale
l'acte sexuel du couple, autorisation qui devient vite, avec le
temps, un « droit acquis » de l'homme sur la femme.
Souvent incapables de remettre en cause ce « droit acquis
» construit durant les premiers mois de la relation, la femme
se voit contrainte de subir. Si elle aime l'homme, elle aura tendance
à simuler, si elle découvre qu'elle ne l'aime pas,
elle le quittera si elle a suffisamment d'énergie ou restera
dans la misère sexuelle dans le cas contraire. Ces obligations
tournant vite au rituel, la libido de la femme peut diminuer jusqu'à
connaître une certaine insensibilité progressive qui
peut parfois tourner au dégoût. L'acte sexuel «
obligatoire » deviendra un jour le grand sujet de rancœur
au sein du couple et agrégera les insatisfactions de l'un
comme de l'autre.
Bien entendu, si la femme refuse tout le temps sous la pression
de l'homme libidineux, c'est l'homme qui, un jour, aveuglé
par ses pulsions sexuelles, aura tendance à être sera
attiré par d'autres femmes. La littérature est emplie
de ce genre d'histoires sur lesquelles je ne m'attarderai pas.
Tout se passe comme si le couple, durant le prélude à
la relation sexuelle se répartissait les rôles : l'homme
ayant le rôle de demander et la femme ayant souvent le rôle
de dire « oui » ou « non ».
De la même façon, durant certaines périodes,
la femme pourra être en demande forte, laissant son partenaire
perplexe quant à une incompréhension de la demande
et au rôle de ses propres actes dans le désir de sa
partenaire.
Trouver un terrain d'entente
Bien sûr, il est nécessaire de trouver un terrain
d'entente dans le couple afin que les relations sexuelles trouvent
leur place dans la plus grande et la plus totale entente. Il faut
le dire encore et encore, la relation sexuelle surtout dans un cadre
d'amour entre les deux partenaires, devrait être un plaisir
partagé. Si ce n'est pas le cas et que quelque élément
vienne perturber ce plaisir commun, il faut arrêter l'acte
afin de tirer au clair ce qui ne va pas afin d'en faire un plaisir
partagé.
Cela commence par la communication avant l'acte, et s'il le faut
pendant l'acte sexuel lui-même. Avant l'acte, la logique voudrait
que la libido de la femme pilote les relations sexuelles, car la
libido de l'homme étant régulière, si l'homme
pilote les relations sexuelles, il risque de tomber dans une phase
basse de la libido féminine. Or, le plaisir féminin
étant ce qu'il est, toute pression en amont de l'acte sexuel
peut se solder par un non plaisir chez la femme - ou du moins un
plaisir non orgasmique. L'homme doit donc se poser la question de
ce qu'il cherche : cherche-t-il son propre plaisir, son propre «
droit » en stimulant l'inconscient collectif féminin
sur la question du « devoir conjugal » ou cherche-t-il
le plaisir partagé ? Dans le second cas, il doit laisser
la femme s'exprimer.
La plupart des hommes lisant cet article pourraient rétorquer
que la libido féminine « s'endort » si elle n'est
pas stimulée. Nous répondrons par le couplet de Georges
Brassens :
Quatre-vingt quinze fois sur cent
La femme s'emmerde en baisant
Qu'elle le taise ou le confesse
C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses
Les pauvres bougres convaincus
Du contraire sont des cocus
A l'heure de l'œuvre de chair
Elle est souvent triste, peuchère
S'il n'entend le cœur qui bat
Le corps non plus ne bronche pas
Il serait nécessaire pour les hommes de laisser à
la femme la possibilité d'exprimer sa libido afin de vérifier
si cette dernière « s'endort » vraiment en n'étant
pas stimulée. Nous n'en croyons rien. Nous croyons qu'au
contraire, se glisser dans des moules et des rôles préformatés
tue la libido.
Si besoin est, la communication entre les deux partenaires pourra
aller jusqu'à la communication durant l'acte lui-même,
ce qui peut avoir pour effet de faire baisser la « concentration
» des deux partenaires, voire de stopper net l'acte en plein
milieu. Le jeu en vaut la chandelle s'il y a un problème,
notamment un malaise relatif au rôle, ou à tout autre
point purement « technique ». Il n'est pas bon de débriefer
ses douleurs sexuelles a posteriori mais de les signaler pendant
qu'elles arrivent, afin que l'homme développe cette sensibilité
au plaisir féminin.
Cette communication entre les partenaires doit s'établir
dans une grande transparence et non dans un ersatz de communication.
Il est donc nécessaire d'éviter les simulations d'écoute
résultant d'un plaisir égoïste. Bien entendu,
le résultat de l'écoute est l'action voire la modification
des comportements. Si l'homme peut y perdre ses « prérogatives
sexuelles traditionnelles », il peut y gagner une compagne.
La communication dans le couple sexuel est très importante
car le terrain sexuel a cela de particulier que des expériences
mauvaises peuvent être rapidement traumatisantes. Bien évidemment,
le plus jeunes sont les victimes, les plus graves sont les traumatismes.
De plus les traumatismes sexuels « verrouillent » souvent
d'autres traumatismes antérieurs et aggravent les névroses
infantiles.
Car, la plupart des personnes ayant eu des relations sexuelles
traumatisantes restent les femmes (le traumatisme sexuel est en
effet plus rare chez les garçons hétérosexuels[7]).
L'homme pénètre, et la femme est pénétrée,
ce qui explique que la répartition des traumatismes. Il est
plus traumatisant de se faire pénétrer que de pénétrer,
et les hommes consommant de la pornographie devraient s'en rappeler
un peu plus souvent.
Eléments sur le plaisir féminin
Généralités
L'auteur n'étant pas une femme, nous nous excusons d'emblée
de n'avoir qu'une idée « externe » du plaisir
féminin et non une expérience vécue de l'intérieur
de ce plaisir. Ainsi, nous ferons de notre mieux pour ne pas dire
trop de bêtises ni tenter de dire plus que nous ne pensons
bon de mentionner sans risque.
Contrairement au plaisir masculin, le plaisir féminin est
une alchimie complexe. Une même femme, suivant son état
intérieur, son humeur, son état de fatigue, de stress,
le moment de son cycle, etc., peut réagir de manière
différente aux même stimuli. Cette constatation est
importante pour les hommes qui envisagent que faire l'amour est
un plaisir partagé. En effet, même si la femme aime
habituellement certaines choses ou positions, il se peut que la
façon dont elle les aime ne soit pas la même aujourd'hui
qu'hier. Il y a donc nécessité chez l'homme de s'adapter
à sa partenaire qui, si elle peut théoriquement avoir
plusieurs orgasmes dans la même relation sexuelle, aimerait
souvent en avoir déjà un à chaque fois, ce
qui est loin d'être le cas.
On voit bien ici l'inadéquation des « techniques »
sans âme que la pornographie standardisée propose dans
le cadre du plaisir féminin. Il n'y a pas de recette pour
mener une femme à l'orgasme sinon l'écoute de la montée
de son plaisir, et l'adaptation à ses baisses de sensibilité
par des changements de stratégie ou de tactique. Ainsi, la
ritualisation sexuelle pornographique est très éloignée
de la façon de faire monter le plaisir chez la femme. Certes,
prises individuellement, les « techniques » sont les
mêmes, mais ces techniques doivent être adaptées
à la partenaire.
L'homme doit réaliser que, durant l'acte sexuel, il est
généralement le facteur limitant, car une fois son
éjaculation faite, il est très rare qu'il puisse garder
une érection. Sa partenaire est obligée de voir son
plaisir s'éteindre qu'elle ait ou non atteint l'orgasme.
L'homme doit donc se considérer comme au service du plaisir
de la femme, car c'est là sa seule position crédible
pour mener sa partenaire à l'orgasme. La femme, de son côté,
doit atteindre cet état d'abandon qui est surtout l'état
de suspension de l'activité intellectuelle.
Si une femme est trop intellectuelle, il lui faudra généralement
une plus longue préparation pour la faire quitter une inévitable
pensée qui vient « regarder et analyser » quand
le plaisir monte et qui a tendance à le tuer. La femme cérébrale
n'aime pas perdre le contrôle et c'est souvent du fait de
sa peur de l'homme. Les femmes intellectuelles et « contrôlant
» ont donc plus souvent que les autres femmes des problèmes
à atteindre l'orgasme - si elles l'ont jamais atteintes.
Recommandations techniques
Quoique les hommes puissent voir dans la pornographie, notamment
les jeunes hommes, certaines techniques sexuelles ne sont pas sans
danger, ni sans risque de douleur pour la femme. On conseillera
aux lecteurs des traductions originales du Kama Sutra[8] indien,
et non des copies occidentales sans intérêt. L'éducation
sexuelle des jeunes adultes passe par différents types de
connaissances qu'il n'est pas toujours agréable de découvrir
in situ.
De manière générale, les hommes devront faire
attention aux fellations qui ont souvent un caractère très
dégradant dans la pornographie (et même d'ailleurs
dans un certain nombre de films à diffusion beaucoup plus
large). La fellation est, elle aussi, une technique qui doit s'appliquer
à deux dans le souci d'un plaisir commun - tout comme le
cunnilingus. Il en est de même de la sodomie qui est souvent
beaucoup plus complexe à mener sans douleur que les films
pornographiques peuvent le laisser supposer. Nous recommandons à
tous les lecteurs de lire les conseils des sites spécialisés
sur le net sur ses sujets avant de s'attaquer à ce genre
d'exercice une fois encore à deux. Il est nécessaire
de comprendre que si des exercices comme ces derniers peuvent être
source de plaisir, ils peuvent aussi être source de douleur
ou de traumatisme.
D'une manière générale, dans l'acte sexuel,
tout acte doit être fait avec le consentement explicite des
deux personnes, chaque personne agissant sans pression, et ayant
le droit de stopper l'acte à tout moment. A tout moment,
tout le monde a le droit de dire : « je ne fais pas »
- même dans les conditions où l'affect pour le partenaire
est grand. Aimer ne veut pas dire faire tout sexuellement pour l'autre.
Eduquer contre la peur
Mettre le plaisir féminin au centre de la relation sexuelle,
œuvrer pour que la femme ait un plaisir toujours renouvelé,
voilà quel pourrait être le credo de l'homme attentif,
homme non archétypal, éduqué à la sexualité
et ouvert au plaisir de sa partenaire, conscient que l'expérience
sexuelle doit être menée de manière responsable
dans un but de plaisir partagé et de respect de la libido
féminine. La découverte du plaisir de la femme étant,
en elle-même, un plaisir toujours renouvelé aux mille
et une variations, nous les hommes, faisons l'apologie du plaisir
féminin !
Notes
1. ? Nous reviendrons sur cette notion de « non perversion
».
2. ? Ces chiffres sont donnés à titre indicatif et
ils ne sous-entendent pas que toutes les femmes de cette génération
présentent les mêmes visions.
3. ? Cette instrumentalisation peut même aller très
loin, dans les violences conjugales avec viol, sujet on ne peut
plus tabou encore aujourd'hui en France.
4. ? Cela peut aussi expliquer le militantisme extrême de
certaines féministes, parfois objectivement victimes d'abus
sexuels et en projection inconsciente de leur douleur personnelle
passée sur d'autres femmes, moins marquées par la
vie.
5. ? Les fans de l'hédonisme sexuel seront probablement scandalisés
par cette affirmation, mais nous avons une plus haute opinion de
l'homme pour penser que l'obsession sexuelle couplée à
la satisfaction matérielle des bas instincts ne soit pas
un tantinet névrotique.
6. ? Les femmes fatales s'expriment sur le net et nous conseillons
les lecteurs à aller lire un peu leurs blogs, parfois pathétiques.
7. ? Nous ne pouvons pas nous exprimer sur le cas des personnes
homosexuelles car nous ne le connaissons pas.
8. ? Voire en ligne le texte intégral du Kama Sutra.
http://www.alyon.org/litterature/livres/anterieur/kamasutra.html
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