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Origine :
http://www.cadtm.org/imprimer.php3?id_article=2734
CADTM
Pour qui veut comprendre des notions aussi complexes que le pillage
des richesses d’un pays, la perte de souveraineté intolérable
d’un Etat et la notion de dette odieuse, la République
démocratique du Congo (RDC) est un cas d’école.
La façon dont le budget 2007 a été constitué
et les orientations prises par le gouvernement dirigé par
Antoine Gizenga fournissent des preuves saisissantes de ce que le
Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde
et tant d’autres mouvements sociaux avancent depuis des années.
Le projet de budget 2007 présenté par le gouvernement
à l’Assemblée nationale était marqué
par une orientation néolibérale stricte, et pour cause
: selon le ministre congolais des Finances, Athanase Matenda Kyelu,
il « était conforme aux arrangements convenus avec
les services du FMI |1| ». Gardons à l’esprit
que le FMI est le fer de lance de la mondialisation financière,
particulièrement réputé sur tous les continents
au sein des populations pauvres pour les ravages commis par les
mesures antisociales qu’il a imposées depuis un quart
de siècle...
L’Assemblée nationale ne l’a pas entendu de
cette oreille ! Le 14 juin dernier, elle a adopté des amendements
qui revoyaient le budget à la hausse, ce qui n’était
vraiment pas du goût du FMI qui n’a pas manqué
de le faire savoir. Selon le ministre des Finances toujours, «
le Conseil d’Administration du FMI, qui s’est réuni
le lundi 18 juin 2007 pour examiner l’état d’avancement
du programme de stabilisation macroéconomique suivi par les
services du FMI, a exprimé des préoccupations sur
l’évolution du débat en cours au Parlement sur
le Projet de loi budgétaire 2007 [...] les prévisions
des recettes et des dépenses ont été sensiblement
revues à la hausse, de sorte qu’elles ne correspondent
plus au cadre macroéconomique qui a sous-tendu l’élaboration
de ce Budget 2007. » On ne peut être plus clair... Le
gouvernement a alors été chargé d’éteindre
l’incendie en intervenant auprès du Sénat dans
ce sens. Voilà comment un gouvernement se soumet au FMI et
à ses créanciers, exactement comme un esclave sert
son maître.
C’est ainsi que le 23 juin, les ministres congolais des Finances
et du Budget ont porté devant le Sénat la parole du
FMI. Comme l’a rapporté le journal congolais Le Potentiel,
« Matenda Kyelu a dit attendre du Sénat des corrections
au projet du budget 2007, pour répondre notamment aux exigences
des partenaires extérieurs, dont le Fonds monétaire
international |2| ». La manœuvre a réussi : le
29 juin, le Sénat a « corrigé » le budget
de l’Etat congolais. Alors que peut bien contenir ce budget
dont l’enjeu semble revêtir tant d’importance
?
Tout d’abord, le montant total de l’enveloppe budgétaire
est très faible : environ 2,4 milliards de dollars, soit
la somme dépensée par les Etats-Unis pour l’occupation
de l’Irak durant moins de deux semaines. Comment, dans ces
conditions, reconstruire un pays dévasté par deux
guerres ayant fait 3,5 millions de morts ? Pour comparaison, la
France, dont la population avoisine les 60 millions d’habitants
comme la RDC, a un budget de 520 milliards de dollars, soit plus
de 200 fois le budget congolais, alors que le sous-sol de la RDC
est un « scandale géologique » regorgeant de
richesses minières et que la terre agricole y est très
fertile.
Autre élément de comparaison intéressant,
le budget de la RDC dépasse à peine le montant annuel
des dépenses opérationnelles du FMI, qui emploie seulement
2700 personnes ! Le scandale est patent : les richesses congolaises
ne profitent pas à l’Etat ni aux populations du pays,
mais à quelques proches du pouvoir et à des entreprises
transnationales dont le FMI et les grandes puissances servent les
intérêts.
De surcroît, une part démesurée - 50% ! - des
ressources propres de la RDC va au service de la dette, dont le
poste budgétaire est en très nette augmentation. Comme
l’a déclaré le Premier ministre congolais lors
de la présentation du budget : « Cette situation réduit
ainsi la capacité du Gouvernement de consacrer ses ressources
internes, dès 2007, à l’amélioration
des conditions de travail des agents et fonctionnaires de l’Etat
et particulièrement ceux de la Police et de l’Armée
et à renforcer sa capacité financière au profit
des investissements prioritaires. » Finalement, entre réaliser
ces investissements prioritaires ou rembourser de riches créanciers
qui s’accaparent les richesses nationales, le gouvernement,
fortement conseillé par le FMI, a choisi la seconde alternative.
Evidemment, les dépenses pour l’éducation et
la santé sont réduites à la portion congrue.
Par conséquent, ce projet de budget empêche délibérément
la satisfaction des besoins humains fondamentaux de la population
congolaise. En cela, il viole plusieurs textes fondamentaux, que
ce soit la Déclaration universelle des Droits de l’Homme
ou le Préambule de la Constitution congolaise.
Indifférent à de tels arguments, le FMI et ses complices
locaux ont construit un budget dont le but est de « donner
toutes les chances à la RDC de garantir sa marche victorieuse
vers le point d’achèvement à l’initiative
PPTE » (Pays pauvres très endettés) |3|. Initiative
dont la finalité n’est autre que d’imposer à
la RDC des mesures économiques très impopulaires,
comme la réduction des budgets sociaux, la suppression des
subventions aux produits de première nécessité,
des privatisations, l’ouverture des frontières et une
fiscalité qui aggrave les inégalités. Voilà
comment un gouvernement peut se réjouir d’être
à la tête d’un Etat très pauvre et très
endetté...
La maigre annulation de dette qui en résultera permettra
de dissimuler que l’initiative PPTE est une vaste opération
de blanchiment des anciennes dettes odieuses contractées
par le dictateur Mobutu, pour sa fortune personnelle, avec la complicité
des différents créanciers qui étaient largement
payés en retour. Cette dette n’a jamais profité
aux populations et elle est de ce fait une dette odieuse qui n’a
pas à être remboursée. Tant les institutions
financières internationales (FMI et Banque mondiale en tête)
que les responsables congolais de cet endettement, comme l’actuel
président du Sénat et ancien premier ministre de Mobutu,
Léon Kengo wa Dondo, doivent rendre des comptes au peuple
congolais. Un audit de la dette congolaise, mené par les
mouvements sociaux de RDC, dans le but de fonder en droit la répudiation
de la dette est désormais le passage obligé.
notes articles:
|1| Voir l’article « Budget 2007 : FMI s’inquiète,
le gouvernement pour une révision », dans le journal
congolais L’Avenir du 23 juin 2007, www.groupelavenir.net/spip.php
?article12122
|2| « Budget 2007, cap sur le point d’achèvement
», Le Potentiel, 23 juin 2007, http://fr.allafrica.com/stories/200706230194.html
|3| Voir Le Potentiel du 23 juin.
6 juillet 2007
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