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Origine : http://www.larecherche.fr/content/recherche/article?id=3551
Comment penser le monde sans lui appliquer le dualisme entre nature
et culture qui imprègne notre cosmologie moderne ? Poursuivant
depuis des années une réflexion critique sur ce sujet,
Philippe Descola est parvenu à élaborer une nouvelle
théorie à même de faire enfin tomber les barrières
de notre ethnocentrisme. Elle considère quatre modes d'identification
possibles de l'homme avec son environnement.
La Recherche : Depuis mars 2001, vous occupez au Collège
de France la chaire d'anthropologie de la Nature. Pourquoi avez-vous
choisi d'accoler pour votre enseignement ces deux termes contradictoires,
anthropologie et nature ?
PHILIPPE DESCOLA : C'est effectivement un oxymore. J'ai choisi
ces deux termes à dessein pour pointer du doigt le phénomène
suivant : dans la conception moderne du monde, la nature est considérée
comme séparée des activités humaines, alors
que dans bien des sociétés ce n'est pas le cas. Mon
idée est de montrer qu'il faut dépasser cette séparation
entre les sciences de la nature et celles de la culture pour progresser
dans notre compréhension du monde.
C'est à la suite de mon expérience ethnographique,
chez les Indiens Jivaro de haute Amazonie, que j'ai commencé
à réfléchir à ce problème. Je
suis resté trois ans chez les Achuar*, de 1976 à 1979.
Mon objectif était d'étudier les rapports entre la
société au mode de vie très traditionnel des
Jivaro et son environnement.
Que vouliez-vous montrer avec cette étude ethnographique
?
PHILIPPE DESCOLA : La thèse dominante aux États-Unis
à l'époque était celle de l'écologie
culturelle, selon laquelle les facteurs environnementaux déterminent
tous les aspects d'une culture. J'ai mené une enquête
systématique pour évaluer l'effet de ces facteurs
sur les activités sociales et les systèmes de subsistance
chez les Jivaro. Et j'ai pu démontrer qu'ils n'étaient
pas « limitants ». Par exemple, dans le monde amazonien,
l'acquisition de protéines se fait à travers la chasse
et la pêche, les plantes cultivées (manioc, patates
douces, ignames, etc.) étant pauvres en protéines.
L'écologie culturelle postulait que l'environnement limitait
cette acquisition parce que le gibier était considéré
comme très dispersé et peu abondant. J'ai pu montrer
que ce n'était pas le cas : il y avait beaucoup de gibier.
Si l'environnement avait été déterminant, les
Jivaro auraient chassé intensivement ce gibier. S'ils ne
le faisaient pas, c'est donc que d'autres facteurs intervenaient.
Toute société doit bien sûr composer avec l'environnement,
mais celui-ci ne la détermine pas totalement.
Au-delà de ces premiers résultats, ce qui fut bien
plus important pour moi, c'est la prise de conscience progressive
que les Achuar ne voient pas leur environnement naturel comme séparé
de la société : les plantes et les animaux sont considérés
comme des personnes avec lesquelles on peut communiquer dans certaines
circonstances. L'idée, classique en anthropologie et en sciences
sociales, d'un monde naturel organisé par des lois physiques
et biologiques sur lesquelles les humains projetteraient leur culture
pour lui donner un sens, cette idée fort utile dans le développement
de l'anthropologie, ne paraissait pas expliquer la manière
dont ces gens-là se représentent leur environnement.
Cela m'a paru poser problème. Et, depuis lors, c'est à
l'intérieur de ce pro- blème que j'ai décidé
de m'installer.
Cette prise de conscience que les Jivaro ne séparent
pas nature et culture vous a-t-elle amené en quelque sorte
à remettre en cause les fondements de l'anthropologie ?
PHILIPPE DESCOLA : J'ai voulu réfléchir à
ce problème avec prudence, en regardant d'abord comment étaient
organisés les rapports entre nature et culture dans des sociétés
du même type, dans le monde amazonien, puis dans les sociétés
indiennes nord-américaines. Je me suis intéressé
aux Indiens de la région subarctique du Canada. Même
si la forêt boréale où ils vivent est très
différente de la forêt amazonienne, ils considèrent
eux aussi les animaux comme des personnes dotées d'une âme.
Ce ne peut donc être l'adaptation à un certain type
d'environnement qui développe des croyances de ce type [1].
Après beaucoup de détours, j'ai pu enfin envisager
comment nous pourrions sortir de cette grande difficulté
où nous sommes quand nous distinguons entre le domaine de
la nature et celui de la culture, grande difficulté qui tient
à notre position d'homme moderne. Nous avons tellement intériorisé
cette dualité qu'il nous devient très difficile de
ne pas distribuer spontanément les entités dans le
monde en fonction de leurs propriétés, selon qu'elles
sont du côté de la nature ou de la culture.
L'homme moderne est donc empêtré dans sa vision
dualiste de la nature et de la culture. Mais d'où lui vient
cette vision ?
PHILIPPE DESCOLA : J'ai précisément essayé
d'analyser comment s'est constituée cette opposition en menant
un travail de réflexion sur notre propre histoire. Cette
dua- lité est récente. L'idée de nature a pris
sa forme définitive au XVIIe siècle. À cette
époque, en face d'elle, il n'y a pas encore de notion de
collectivité culturelle, il y a l'homme en tant qu'individu,
transformateur de la nature. Même chez Rousseau, l'opposition
entre nature et société n'existe pas. La notion de
culture telle que nous l'entendons aujourd'hui, et telle que nous
la croyons universelle, s'est en réalité constituée
au XIXe siècle en Allemagne. Comme le montre très
bien Norbert Elias dans son livre Le Procès de la civilisation,
il y eut alors dans cette région une réaction très
particulière contre l'universalisme de la philosophie des
Lumières. Cela se passait dans une aire culturelle qui n'était
pas encore un pays et se questionnait constamment sur les ressorts
de son identité. La notion moderne de culture s'est forgée
dans ce creuset, en insistant sur les caractères idiosyncrasiques
d'un peuple. D'où l'importance accordée à la
langue comme mécanisme d'uniformisation, à la religion,
aux habitudes de vie considérées comme spécifiques
à un peuple. Cette notion de culture sera ensuite exportée
d'Allemagne vers les États-Unis par des personnes qui seront
les fondateurs de l'anthropologie américaine, tel Franz Boas.
À partir de là prospérera l'idée qu'il
y a d'un côté un monde naturel et de l'autre une grande
variété de cultures qui s'adaptent à cet environnement
naturel. C'est la figure classique que l'anthropologie a intériorisée,
et qui est devenue le vade-mecum du commun des mortels pour comprendre
la diversité du monde. Mais il n'y a aucune raison que notre
façon de distribuer des propriétés dans le
monde soit la seule valable. Partant de là, j'ai tenté
de développer une théorie alternative faisant l'économie
de cette distinction entre la nature et la société.
Cette théorie alternative est l'objet de votre prochain
livre, qui doit paraître à la rentrée chez Gallimard.
Comment êtes-vous parvenu à l'établir ?
PHILIPPE DESCOLA : Au départ, lorsque j'ai essayé
de comprendre ce que représentaient des systèmes comme
ceux des Achuar, où les humains attribuent aux non-humains
toutes les propriétés d'une personne humaine, je me
suis dit que c'était en quelque sorte l'inverse de la définition
la plus répandue du totémisme donnée par Lévi-Strauss.
Selon cette définition, le totémisme est la mise en
correspon- dance de deux séries, l'une naturelle, l'autre
culturelle. Et l'on utilise les écarts fournis naturellement
entre espèces animales et végétales pour signifier
de façon iconique des discontinuités sociales. Ce
qui conduit à donner aux groupes sociaux le nom d'une espèce
naturelle (clan de l'ours, clan de l'aigle, etc.). En partant de
cette définition du totémisme, je me suis d'abord
dit que des sociétés comme les Achuar, ou les autres
sociétés amérindiennes, utilisent les rapports
entre les humains pour donner un sens à leurs rapports avec
les entités de la nature. Les animistes utilisent en effet
des catégories élémentaires de la pratique
sociale (parenté, amitié) pour penser le rapport avec
les non-humains. Chez les Jivaro, les femmes ont des relations de
consanguinité avec les plantes qu'elles cultivent : ce sont
leurs « enfants ». Les hommes ont des rapports d'affinité
avec les animaux qu'ils chassent, ce sont leurs « beaux-frères
».
Le problème de cette interprétation, c'est qu'en
reprenant comme schéma élémentaire la distinction
que Lévi-Strauss faisait entre série naturelle et
série culturelle, j'avais tendance à réimporter
dans ma définition de l'animisme une distinction entre nature
et société qui n'avait aucun sens pour les sociétés
dont je parlais.
L'interprétation la plus répandue du totémisme
faite par Lévi-Strauss vous conduisait sur une fausse piste.
Comment en êtes-vous sorti ?
PHILIPPE DESCOLA : J'ai commencé par modifier mon approche
du phénomène. Toute cosmologie utilise des modes d'identification
pour classer les éléments du monde. J'ai compris que
pour établir ces modes d'identification, c'est-à-dire
les différentes manières dont nous disposons pour
établir des continuités ou des discontinuités
entre nous-mêmes et des éléments du monde, je
devais partir d'un constat et d'une expérience de pensée.
Le constat, c'est que partout dans le monde, quelle que soit la
diversité des conceptions qu'on se fait de la personne, on
opère toujours une distinction entre le plan de l'intériorité
et celui de la physicalité. Le plan de l'intériorité
concerne l'expérience subjective de soi, le fait qu'on ait
en soi une intentionnalité qui nous permette de donner du
sens au monde. Le plan de la physicalité, ce sont les processus
physiologiques et corporels, et aussi certaines caractéristiques
du tempérament (humeur colérique, flegmatique, etc.).
Cette distinction entre l'esprit et le corps n'est pas spécifique
à l'Occident, comme on a bien voulu le dire. Il n'y a pas
d'ethnocentrisme à considérer que, partout dans le
monde, les hommes ont fait l'expérience de cette dualité,
quel que soit leur système culturel.
L'expérience de pensée est la suivante : tout individu
peut utiliser son propre clivage entre les attributs d'intériorité
et de physicalité qu'il se donne à lui-même
pour opérer ou non des distinctions entre lui et certains
éléments du monde. J'ai réalisé qu'il
existe seulement quatre possibilités pour distribuer ces
attributs, quatre modes d'identification, auxquels j'ai donné
les noms suivants : l'animisme (intériorité analogue
à la mienne mais physicalité différente) et
son inverse, le naturalisme (discontinuité des intériorités
mais continuité des physicalités) qui correspond à
notre propre cosmologie moderne ; le totémisme (continuité
des intériorités et des physicalités) et son
inverse, l'analogisme.
Arrêtons-nous sur ces quatre systèmes. Pouvez-vous
nous expliquer comment ils fonctionnent et à quelles sociétés
ils s'appliquent ?
PHILIPPE DESCOLA : Dans l'animisme duquel je suis parti après
en avoir fait l'expérience chez les Jivaro, une grande partie
des entités non humaines (plantes, animaux) sont dotées
des mêmes attributs d'intériorité que les humains.
Elles sont perçues comme des personnalités avec lesquelles
on peut établir des rapports sociaux. Cela dit, ces entités
se distinguent des humains par leur physicalité. Leur intériorité
humaine se révèle dans les rêves.
Mais, en temps ordinaire, ces entités ne sont perceptibles
que sous leurs corps animaux ou végétaux, très
différents des humains. La diversité dans le monde
est donc une diversité de formes. Chaque espèce (classe
d'organismes ayant une apparence identique) est réputée
avoir ses propres coutumes, ses propres façons d'être,
qui présentent bien des analogies avec les humains mais sont
néanmoins liées à ses caractéristiques
physiques, à son mode de locomotion, à son habitat,
etc. Ainsi, dans le monde amazonien, on considère que chaque
espèce vit dans son village spécifique avec son type
de rituels, ses chamans, ses chefs. Dans notre vocabulaire, on dirait
que chaque espèce constitue une culture différente,
mais que toutes partagent par ailleurs la culture de l'humanité,
qui ne s'arrête pas aux frontières physiques de l'espèce
humaine.
On rencontre les sociétés animiques non seulement
chez les Indiens d'Amérique du Sud et du nord de l'Amérique
du Nord, mais aussi en Malaisie, en Indonésie, dans les forêts
centrales du Vietnam, ou encore dans certai- nes sociétés
de chasseurs-cueilleurs africaines, chez les Pygmées par
exemple.
En quoi notre propre cosmologie, que vous qualifiez de naturaliste,
est-elle une inversion de l'animisme des Achuar ?
PHILIPPE DESCOLA : Avec le naturalisme, nous considérons
qu'il y a des discontinuités dans les intériorités
entre l'homme - qui seul a une âme, une intentionnalité
et des capacités pour l'exprimer - et tout ce qui lui est
extérieur. Autrement dit, le monde des non-humains relève
de la nature parce qu'il n'a pas d'intériorité. Il
est vrai que l'absence d'intériorité chez les animaux
est un peu battue en brèche avec les travaux chez les grands
singes : on admet qu'ils ont une « culture » (des variations
comportementales non génétiquement transmises), et
l'on peut penser que certains ont une intériorité,
donc des capa-cités à former des métareprésentations.
Mais c'est seu-lement un déplacement de frontière
vers l'espèce la plus proche, pas un changement de principe.
En revanche, pour ce qui concerne les physicalités, nous
admettons depuis Darwin qu'il existe une continuité entre
les différents éléments du monde, et qu'à
partir de formes simples se sont développées peu à
peu des formes plus complexes. En cela, le monde naturaliste est
donc diamétralement opposé au monde animique. Nous
considérons que ce sont des variations génétiques
d'un principe de développement premier qui prédisposent
les organismes à se reproduire de telle façon, à
avoir tel habitat..., alors qu'il n'y a aucune idée d'évolution
dans la mythologie animique : il y a un état de culture initial
dans lequel humains et non-humains ne sont pas distincts, et à
partir duquel des espèces vont se constituer avec leurs caractéristiques
présentes.
Que devient le totémisme avec cette nouvelle théorie
?
PHILIPPE DESCOLA : « Celui-là est tout à fait
semblable à moi, comme l'est le kangourou. » Cette
phrase célèbre, rapportée par un ethnographe,
montre que, pour les aborigènes australiens, il n'y a pas
vraiment de différence entre un humain et son totem. Je pense
qu'une façon d'interpréter cette abstraction est de
dire que le kangourou a les mêmes propriétés
que moi, même s'il est différent. Le nom du groupe
totémique est d'ailleurs celui d'une propriété
et non celui d'une espèce : on se trompe en traduisant par
exemple le nom d'un totem par « aigle », il faudrait
le traduire par « attrapeur », donc par une caractéristique
de comportement. Selon moi, il existe une continuité patente
entre la physicalité et l'intériorité au sein
d'un groupe totémique, parce que toutes les entités
de ce groupe partagent les mêmes propriétés.
Mais les gens d'un autre groupe totémique auront des propriétés
entièrement différentes. Le fait de partager les mêmes
propriétés n'empêche pas les aborigènes
de chasser leurs animaux totémiques. Car ce n'est pas l'animal
en tant qu'individualité qui compte, mais ce qu'il représente.
Le totémisme n'est pas une relation de personne à
personne ; c'est une grande abstraction dans laquelle des ensembles
d'humains et de non-humains sont très étroitement
mêlés puisqu'ils partagent les mêmes propriétés.
L'Australie offre l'un des meilleurs exemples de cosmologie totémique.
Reste l'analogisme. Vous en parlez comme d'une inversion du
totémisme. Que signifie-t-il, et où se rencontre-t-il
?
PHILIPPE DESCOLA : L'analogisme présente une disconti- nuité
à la fois dans les intériorités et les physicalités.
C'est un monde très diversifié avec une multiplicité
de composantes qui se recomposent au gré des circonstances.
Le monde chinois et indien classiques, le monde andin, une grande
partie de l'Afrique de l'Ouest sont analogiques. Nous l'avons été
aussi jusqu'à la Renaissance environ. Ce genre de monde devient
vite très difficile à maîtriser pour ceux qui
l'habitent. Ils sont obligés d'établir des correspondances
entre une multiplicité d'éléments dissociés
: l'analogisme est le mécanisme central utilisé pour
relier ces éléments.
On décèle des analogies entre certains éléments
du monde et on les relie par des tableaux de correspondances, comme
le font la pensée chinoise et aussi celle de la Renaissance.
Un autre moyen d'organiser les systèmes analogiques, c'est
la hiérarchie qui consiste à analyser les existants
selon une échelle très fine et graduée. Un
bon exemple, c'est ce qu'on appelle la chaîne de l'être,
cette représentation de la structure du monde qui a été
très dominante en Occident de Plotin jusqu'à l'aube
du naturalisme : tous les êtres (de Dieu aux entités
les plus petites) sont organisés le long d'un continuum qui
va du plus parfait au moins parfait, et les discontinuités
entre les êtres sont infimes. Ces méthodes de classement
(analogie, hiérarchie) servent à mettre de l'ordre
dans un monde qui est très atomisé.
Ces quatre modes d'identification que vous venez de décrire
existent-ils à l'état pur ?
PHILIPPE DESCOLA : Les systèmes purs n'existent pas. Il
y a des modes d'identification très nets dans certaines sociétés
(Asie du Sud-Est, Amazonie), mais les situations les plus communes
sont les hybridations. En fait, je pense que chaque humain possède
en lui à l'état virtuel ces quatre modes d'identification.
Et, selon certaines circonstances historiques, c'est l'un des modes
qui dominera. Ainsi, nous qui sommes naturalistes, nous aurons parfois
tendance à avoir une appréhension animique, totémique
ou analogique du monde. Le fait que l'astrologie continue à
avoir une telle faveur dans nos sociétés est un résidu
de l'analogisme ; notre tendance à communiquer avec nos animaux
de compagnie en leur attribuant une intentionnalité relève
de l'animisme ; considérer qu'il y a un génie du lieu
dans certains endroits nous rapproche du totémisme, car en
Australie les groupes totémiques sont attachés à
des sites d'où naissent leurs propriétés. Cependant,
l'un des modes d'identification est toujours dominant et finit par
inhiber plus ou moins l'expression des autres.
Le fait d'aller à la rencontre de ces autres modes d'identification
peut-il nous aider à les comprendre ?
PHILIPPE DESCOLA : Cela aide à jeter du trouble dans notre
propre perception, mais cela ne nous permet pas d'y adhérer.
Nos modes d'identification sont si puissants qu'on ne peut pas s'en
détacher. Tout en éprouvant une grande admiration
pour les Achuar, je n'ai jamais pu penser que les animaux sont des
personnes comme moi, parce que le naturalisme est si profondément
imbriqué en moi que cela ne m'est pas possible d'expérimenter
l'animisme.
Finalement, votre lecture critique de notre cosmologie moderne
pourrait-elle aller jusqu'à remettre en cause nos lois scientifiques
?
PHILIPPE DESCOLA : Absolument pas. Dire que notre interprétation
moderne du monde nous est propre et relève d'une démarche
très ethnocentriste ne signifie pas pour autant qu'il n'y
ait pas de loi universelle de la physique ou de la biologie. Il
est même possible, comme le pense Merleau-Ponty, que la cosmologie
moderne ait été nécessaire pour permettre les
avancées scientifiques. Ce que je mets en cause, ce n'est
pas du tout la légitimité de la science, c'est la
séparation épistémologique entre sciences de
la nature et de la culture.
Propos recueillis par Marie-Laure Théodule
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