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Entretiens avec Paule Salomon
LES HOMMES EN MUTATION ou le masculin à réinventer
" IL FAUT ABANDONNER LA COMPLEMENTARITE "


Entretiens avec Paule Salomon

Article 1 : LES HOMMES EN MUTATION

Article 2 : COMMENT MIEUX ETRE MALE

Article 3 : " IL FAUT ABANDONNER LA COMPLEMENTARITE "

Article 4 : PROFESSION ACCOUCHEUSE D'AMES

Article 5 : COMMENT EVITER LES CONFLITS ?

Article 6 : POUR ENTRER DANS L'ESSENTIEL DE LA RELATION HOMME-FEMME

Article 7 : AU NOM DU COEUR

Article 8 : ELOGE DE L'INTUITION

Article 9 : LA FIN DE LA GUERRE DES SEXES

Article 10 : L'AMOUR, LE COUPLE ET LE CELIBATAIRE

Article 11 :"On décide inconsciemment de ne plus séduire, par manque d'amour de soi"

LES HOMMES EN MUTATION ou le masculin à réinventer

Paule Salomon, philosophe et thérapeute, propose une réflexion, sur la crise de passage qui affecte les hommes d'aujourd'hui
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
Entretien avec Paule Salomon

En quête de nouveaux repères, l'homme du 3e millénaire saura-t-il trouver un équilibre entre force et douceur, sera-t-il aussi réceptif qu'actif, renouera-t-il avec la part féminine de son être pour explorer son intériorité ? Vous venez de publier votre nouveau livre " Les hommes se transforment ". Qu'est-ce qui

vous a amené en tant que femme à vous intéresser à la condition masculine et plus particulièrement à sa crise d'identité ?

J'ai été amenée à prendre conscience très progressivement de l'importance de l'identité dans le changement de société et aussi l'importance de l'identité sur le plan spirituel. C'est-à-dire que j'ai fait un lien qui à mon sens n'a pas encore été souvent fait par ailleurs, c'est de montrer et de faire vivre dans les séminaires que j'anime, qu'être une femme et être un homme, c'est se diriger d'avantage vers soi-même et c'est donc se relier à cet amour de soi qui est au centre du développement personnel. C'est aussi au coeur même de l'accomplissement de soi au sens où Jung le définit, le processus d'individuation qui signifie que chaque être humain tend toujours plus vers l'individuation de son être, donc son extraction du consensus social, mais aussi toujours d'avantage vers sa réalisation intérieure. Et pendant longtemps, tout était très séparé, même encore aujourd'hui. C'est-à-dire la spiritualité d'un côté, les sciences humaines de l'autre et on pourrait dire aussi l'art de la transformation est encore un troisième volet et j'ai fait une sorte de pont entre tous ces domaines. Parce que l'être humain, évidemment, est un être de synthèse et ne demande pas et ne se soucie pas, dans son avancée vers soi, des analyses. Nous avons besoin de toutes ces dimensions : de la dimension collective, de la dimension personnelle individuelle et aussi de l'accès aux croyances collectives, or, derrière le fait d'être un homme ou d'être une femme, il y a énormément de croyances collectives.

Ce questionnement sur la mutation du masculin et du féminin vous apparait-il comme une étape essentielle dans l'évolution de l'humanité ?

Je ne cherche pas à employer de trop grands mots ni à décrire trop un système, mais il me semble que nous sommes amenés aujourd'hui à mesurer toujours d'avantage l'importance de cette transformation parce qu'elle sous-tend toutes nos rencontres amoureuses, elle sous-tend l'organisation de la famille et elle sous-tend aussi une nouvelle définition de la spiritualité. Dans mon tracé, je reviens beaucoup au corps, à la sensation, à la laïcité, je dirais même à la nudité de l'être et parfois même je m'interroge sur le fait qu'on ait si peu cherché le miracle intérieur dans l'étre, dans la profondeur de l'expérience humaine, parce qu'une de mes recherches est d'arriver à sortir des grandes théories, des mystifications des traditions. Même encore aujourd'hui, je vois beaucoup de gens se diriger en pèlerins, soit vers Bouddha, soit vers Lourdes, soit vers toutes sortes de confessions, alors que j'ai parfois la sensation, certaines nuits, de vivre des choses inouïes et ceci absolument sans contexte autour, des états intérieurs très dépouillés. Je trouve qu'il y a une errance qui vient du fait qu'on cherche toujours à l'extérieur ce qui est à l'intérieur. Vous voyez que mon langage est à la fois profondément intérieur et aussi en même temps, je travaille apparemment sur le plus extérieur, c'est-à-dire l'immensité. Il y a très peu de gens qui font le lien entre être un homme et la spiritualité. Pour beaucoup de gens, dès que l'on est dans le spirituel on est tous des anges... ou des démons... !



D'autre part, ce qui m'a amené à découvrir beaucoup de choses sur l'identité masculine et écrire un livre c'est que les hommes de mes séminaires mixtes m'ont demandé de faire des séminaires sur l'identité masculine. Comme j'en faisais déjà sur l'identité féminine, cela m'a donné cette idée et je dois dire que je n'ai pas du tout été influencée par le mouvement anglo-saxon autour de Bly (cf. note 1), ni par Guy Corneau (cf. note 2), par rapport à ça. Je ne connaissais même pas encore Guy que je faisais déjà les séminaires d'hommes et donc je suis entrée dans cette expérience absolument vierge.

En tout cas, je n'avais aucune connaissance d'aucun livre, d'aucun travail sur la question et je me suis appuyée sur la légende d'Isis et d'Osiris, qui m'a beaucoup inspirée. Je travaille d'ailleurs beaucoup de façon symbolique et par exemple, la " Roue de la transformation " en sept étapes qu'il y a dans le livre est une roue que l'on retrouve dans mes livres " Femme solaire ", et " Sainte folie du couple " et donc dans " Les hommes se transforment " ; mais ce que je peux dire, c'est que chaque année de recherche ou temps de recherche sur cette légende me parle infiniment plus chaque fois. C'est toute la richesse inhérente à chaque symbole.

Au début de votre livre vous posez la question : " qu'est-ce qu'un homme ? " Comment voyez-vous cet homme, ce nouvel homme qui semble se profiler ?

Je le vois comme un puzzle, en fait, j'ai l'impression de faire partie des gens qui rassemblent les morceaux. Mon propos n'est pas d'y répondre mais d'amener les hommes à trouver une réponse différente de celle que leurs aînés avaient données et les hommes qui venaient à moi étaient des hommes qui étaient en crise d'identité. Dans les stages, ils se trouvent souvent en nombre inférieur et c'est un problème pour les animateurs que d'avoir des stages déséquilibrés, et tout animateur sensible vous dira que ce n'est pas bon. C'est pour cela qu'avec les stages " Femme solaire - Homme lunaire ", j'ai toujours eu une parité. Mais j'ai pu constater que la parité est très difficile à obtenir parce que j'ai vu d'autres animateurs organiser des séminaires sur le thème " être un homme, être une femme " en demandant que l'homme soit inscrit gratuitement... comme autrefois les femmes dans les discothèques !

Je pense que j'y arrive probablement parce que je fais un travail en profondeur avec les hommes. Dans la crise d'identité d'un homme actuel, cela peut se vivre comme étant une personne sensible et ne pas se reconnaître dans l'homme invulnérable d'autrefois. Les mots sur lesquels je m'appuierais le plus seraient les mots vulnérable, invulnérable et puissance et amour. Autrefois, l'homme était invulnérable et puissant c'était sa définition - il s'arrangeait pour être puissant par la force, par l'argent, par le pouvoir administratif ou politique ou encore par l'intelligence, par la ruse. Si nous voulons parler d'une nouvelle façon d'être un homme, c'est que la vulnérabilité devient une valeur. Donc affectif, tendre, sensible, esthète... Là où j'interviens et là où ceci est pour moi fondamental - et c'est à mon avis par exemple ce qui me distingue de Guy Corneau - c'est que j'invite les hommes à reconnaître que c'est un affaiblissement au départ et à explorer cet affaiblissement tout en aimant et en acceptant cet affaiblissement, car on ne peut rien dépasser sans accepter et accepter de rentrer dans un creux, le creux du féminin, c'est affaiblissant pour un homme et c'est en même temps extrêmement enrichissant. Nous retrouvons le démembrement d'Osiris. À mon sens, il n'y a pas de résurrection sans une descente aux enfers. Alors accepter - il n'y a pas non plus d'oeuvres réalisées sans " oeuvre au noir " - donc accepter ce creux, qui est possible sur le plan individuel. Vous pouvez très bien le comprendre intellectuellement, mais c'est autre chose de l'accepter dans sa vie et c'est encore autre chose que, sur le plan collectif, les hommes puissent se décentrer. Il y a donc une crise qui est là et une autre qui se prépare, infiniment plus grande car, on pourrait dire que les hommes qui sont, au fond, atteints aujourd'hui, sont plus ou moins des hommes qui ont déjà du mal à exister - en fonction du fait qu'ils sont un peu en avance dans la crise - mais d'ici cinquante ans, on peut s'attendre alors à ce que la société soit vraiment en crise si cet aspect fondamental n'est pas reconnu et considéré avec conscience et traité comme tel. Heureusement, nous générons toujours les solutions de nos problèmes. Donc à l'heure actuelle, je fais partie de ces solutions, je dirais que vous dans cette partie, les magazines masculins probablement inconsciemment en font partie, enfin il y a beaucoup de choses... les réunions d'hommes aussi en font partie...

Quand l'homme accepte de contacter sa vulnérabilité, est-ce qu'à ce moment la femme a un rôle à jouer pour l'aider à passer ce cap ?

C'est une situation très délicate parce qu'à mon avis, là aussi la situation n'est pas regardée dans son ensemble. La situation est extrêmement complexe parce que les femmes de notre époque se masculinisent et donc ont une revanche à prendre souvent inconsciente. Il n'y a pas de mauvaise volonté... mais c'est tellement grisant d'exercer son pouvoir, pour tout être humain. Donc la réémergence des femmes ne va pas sans s'accompagner d'un écrasement des hommes, même involontaire, surtout involontaire. D'autre part, il y a une difficulté qui apparait - ce que j'appelle le " fils de la mère " c'est-à-dire cet homme qui est très travaillé par le féminin, des valeurs en somme du féminin et aussi souvent le " fils de la mère " dans le couple parental, puisqu'il a choisi sa mère. Il est attiré d'une façon irrésistible par les femmes puissantes et inversement, les femmes puissantes sont attirées par les hommes qui ont cette âme un peu souffrante mais aussi tellement sensible. Donc, dans les couples modernes, il y aura et il y a actuellement une influence extrêmement grande de la femme sur l'évolution de l'homme. Cela a toujours été, d'une certaine façon, il y a toujours eu ce désir, à la fois, de refuser le féminin puisque le patriarcat est bâti sur un refoulé du féminin mais en même temps un grand désir de plaire ou de posséder en tout cas le féminin, mais aujourd'hui, c'est presque à nouveau fusionner, du même type que le fusionner des " déesses mères " et des " fils amants ". D'ailleurs, si on veut parler de nouveau couple, il y a de plus en plus de traces de couples dans lesquels la femme est plus âgée que l'homme. Ce qui donne des couples qui marchent très bien et ce n'est pas une problématique pour ceux qui le vivent mais si on regarde bien, sur le long terme cela peut en être une parce qu'il y a un rapport machiste quand même derrière. Ce n'est pas inéluctable, mais c'est une résurgence des déesses mères.

J'aimerai citer l'exemple d'un couple dans lequel l'homme était un " fils de la mère " et quand ils se sont rencontrés, il était extrêmement docile, avec de grosses lunettes rondes, des cheveux informes... et ce qui est intéressant, c'est qu'elle était probablement plus puissante que sa mère encore, et elle l'a tellement poussé à bout dans sa docilité qu'il a resurgi, qu'il a réagi, et il est devenu un homme beaucoup plus affirmé parce qu'il s'est mis à lutter contre l'emprise de cette compagne.

D'autre part, il s'est mis aussi à écouter ce qu'elle disait, et donc il a abandonné ses lunettes, il a mis des lentilles, il a coupé ses cheveux et vous verriez le look de ce garçon... il est très beau à l'heure actuelle. Mais il est de moins en moins docile, dit-elle... C'est-à-dire que cela se retourne maintenant un peu contre elle et cette femme n'était pas une initiatrice, elle l'a été à rebours. D'une certaine façon, elle l'a obligé à accoucher de lui-même mais c'est à contrario. Aujourd'hui, elle est un peu déstabilisée. Ils peuvent très bien évoluer vers autre chose. Alors oui, il y a un rapport de force qui a changé un peu de nature.

En positif, la véritable initiation d'une femme passe par sa conscience. Si une femme est favorable à un homme, dans son évolution, si elle devient un facteur favo rable d'évolution, c'est dans la mesure où elle va comprendre que ce passage au féminin est une évolution et non pas quelque chose d'éternel, et donc dans ce cas, elle va avoir un regard positif sur ce creux et le fait d'avoir un regard positif sur ce creux peut très bien aider l'homme à sortir de là. Dans les séminaires, pour moi, c'est tout à fait caractéristique. Je favorise la montée du masculin, contrairement à ce que l'on pourrait croire notamment d'ailleurs en prenant le pouvoir et en le redonnant, en laissant à nouveau un homme diriger les hommes, les hommes se solidarisent entre eux. Au sein d'un séminaire de cinq jours, il y a un jour et demi, où les hommes sont entre eux. Je n'interviens absolument pas, ou je ne suis pas là. Et, comme la préparation émotionnelle et le nettoyage au père et à la mère a été fait, à ce moment-là, en plus de l'accès à l'être, il y a un très fort fusionnel des hommes qui se dégage, c'est quelque chose d'extraordinaire, de sacré, vraiment, car les hommes ont fait le nettoyage de leur dépendance, en tout cas provisoirement, de leurs attachements, ils ont fait la paix avec le couple parental, ils se sont détachés, il ont eu accès à de la force intérieure à travers des rebirths par exemple. Il y a différents rituels, le fusionnel des hommes entre eux est formidable et ensuite nous reprenons sur la femme intérieure. Ce qui veut dire qu'à cet instant, on accède plus à l'androgynat. On constate que c'est souvent son attachement, sa dépendance aux femmes extérieures, qui sépare l'homme de lui-même. Plus un homme devient sensible, plus il dépend en somme du féminin extérieur, donc il a un passage où il parvient parfois à sortir de ce creux de la dépendance, poussé tout d'abord par la vision que la solidarité entre hommes est possible et ensuite, par l'accès à plus d'intériorité personnelle, c'est-à-dire atteindre son féminin propre intérieur.

Concernant les relations sexuelles, est-ce que l'homme tend à vivre des relations moins compulsives, plus dans l'écoute, dans l'attention ?

Il y a une idée qui m'intéresse, si on regarde les films actuels qui ont marqué sur le plan érotique ; on voit toujours les femmes faire l'amour aux hommes. Ce sont elles qui sont dessus et non dessous, alors que dans les films d'il y a vingt ou trente ans, c'était l'inverse... Il y a donc là aussi quelque chose de très caractéristique : un homme dans sa sexualité, au-delà de toute école de tantrisme ou autre, est en train de découvrir qu'il peut être réceptif, mais je dis bien, est en train, parce que ce n'est pas encore fait. C'est une chose d'adopter la position, c'en est une autre de se lâcher. Mais en tout cas la réceptivité, sur le plan sexuel et émotionnel, est un des grands acquis du masculin. Aujourd'hui, c'est la voie d'avancée et cela se retraduit bien dans la manière de faire l'amour. Plus un homme évolue, plus il va devenir réceptif, donc sensible aussi à l'énergie et plus il va faire l'amour de manière subtile. Plus ce qui était extérieur va s'intérioriser et éventuellement plus son orgasme extérieur va pouvoir devenir intérieur, plus l'éjaculation va pouvoir être retardée, mais pas comme une technique, mais comme quelque chose de central. Je trouve dommage qu'aujourd'hui dans le développement personnel, on fasse du tantra sans tenir compte qu'il faut tout un travail préalable sur la route de la transformation. Au début de mes séminaires, je ne comprenais pas ce qui se passait. Je voyais des gens arriver qui avaient fait du tantra et qui tremblaient, des hommes qui tremblaient un peu, et je me rends compte aujourd'hui que ce sont des hommes encastrés dans le premier stade, alors que le développement tantrique fait partie à mon sens de l'androgynat, c'est-à-dire du mariage intime du masculin et du féminin en soi, du réceptif et de l'émissif, de l'actif. Il y a là quelque chose qui n'est pas fait correctement, on brûle les étapes de façon à devenir performant, ce qui n'est pas du tout juste.

Actuellement l'homosexualité " sort du placard " selon l'expression consacrée, et a tendance à s'intégrer de plus en plus socialement, avec par exemple le débat sur le mariage homosexuel, etc., qu'en pensez-vous ?

L'homosexualité me semble aussi faire partie, d'une certaine manière, de la constitution de personnalité liée à l'enfance, liée aussi à l'ego et il me semble que toute évolution devrait conduire vers une hétérosexualité. Cela compléterait éventuellement l'homosexualité. Je n'ai rien contre l'homosexualité mais il me semble que les deux dimensions devraient être présentes chez un être et qu'il y a une sorte d'arrêt sur image parfois. Cela dit, un couple d'homosexuel, est toujours un couple qui échange du masculin-féminin, comme un couple hétérosexuel. Si on regarde au-delà des organes eux-mêmes, les polarités ont la même vertu l'un pour l'autre. Cela dit, je ne connais pas suffisamment la question de l'homosexualité pour pouvoir dire si ils peuvent accomplir vraiment ce cycle métaphysique dont je parle, c'est-à-dire cette façon d'interchanger les polarités masculin-féminin. Je ne me risquerais pas à cela.

Qu'aimeriez-vous dire à l'homme qui va lire cet entretien ?

Je dirais que ma première intention est aux hommes qui souffrent, parce que ce qui a attiré particulièrement mon attention, ce sont ces hommes dont la femme est partie, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans 80 % des divorces, ce sont les femmes qui partent. Ce qui veut dire que beaucoup d'hommes se retrouvent dans une grande détresse intérieure et que si cette détresse intérieure est bien traitée, cet homme a une chance d'évoluer formidable et que chaque fois qu'un homme fait le saut à propos de la souffrance amoureuse, fait le saut vers lui-même, quelque chose est gagné pour l'humanité, et donc, il y a là déjà une attention importante. Une autre attention importante, est que tous les hommes qui ont, ce qu'on appelle trop de féminin en eux, ou un féminin qu'ils ne parviennent pas à vivre de façon assez reliée à leur masculinité, sont aussi dans une souffrance et parfois dans une phase dépressive puisque cela peut être une phase de la vie aussi, ce n'est pas forcement chaque fo,i.s une caractéristique de personnalité, ça peut être une caractéristique de personnalité depuis l'adolescence ou aussi une phase de la vie. Dans les deux cas, il y a une possibilité de regarder cela comme une évolution possible. Affaiblissement mais évolution aussi, donc force à reconquérir. Il y a aussi ceux qui sont, et ils sont plus nombreux qu'on ne le dit encore, tous les hommes qui sont en mutation d'identité et qui ont des problématiques sexuelles, parce que ça les amène à avoir une autre sexualité, et qu'au passage, chaque fois qu'ils sont en contact avec une femme puissante, ils ont parfois quelques désordres. Donc, tous ces aspects sont très importants parce qu'il y a beaucoup de souffrance derrière tout ceci et il y en aura de plus en plus à mon avis, parce que cette identité bousculée va atteindre des grandes couches de population. C'est un problème à la fois sociologique et personnel et on ne relie aujourd'hui pas assez le sociologique et le psychologique. Tout cela a été coupé en tranche.

Et il y a aussi une grande solitude...

Il y a une grande solitude, ceci est effectivement très important et c'est une chose extraordinaire de voir en séminaire ces hommes autant pleurer d'émotion de retrouver des frères. Il n'y a pas de mots pour décrire cela...

Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3

Notes :

1. Robert Bly est auteur de " L'Homme sauvage et L'Enfant " au Seuil, il souligne l'importance du père dans la transmission masculine. Les premiers groupes d'hommes anglo-saxons se sont inspirés de ce livre.

2. Guy Corneau, psychanalyste québécois a publié " Père manquant, fils manqué ", Éd. de l'homme et a crée le réseau " hommes " au Québec, en France, Suisse et Belgique.


Paule une Salomon a développé un parcours vers la conscience, qui prend la forme d'un cercle de réalisation en sept étapes, dans un mouvement de spirale. La personnalité de chaque homme inclut ces sept visages dans des proportions qui lui sont propres. Cet outil d'évolution permet de dépasser ses blocages et atteindre la compréhension de soi.

L'homme du premier stade : le fils-amant

La fusion avec la Grande Mère archaïque fait de chaque homme un fils-amant immergé dans l'Eden du féminin. Cette condition est à la fois dépassable et indépassable. Il s'agit de la muter, de la sortir de l'engloutissement parfois bienheureux et inerte. Une individualité souffrante mais exaltante émerge. La régression dans cet état édénique restera un possible toujours ouvert. Consciemment désirée, elle devient réconciliation, unification.

L'homme du second stade : le héros solaire ou le guerrier invulnérable

L'annihilation de la composante féminine par la virilité dominante n'est pas, en dépit des apparences contraires, un signe de force mais de faiblesse. Le masculin terrible est la réplique de l'animus de la Déesse-mère. Comment l'homme peut-il se libérer de cet emprunt et créer une virilité constructive ?

L'homme du troisième stade : le révolté

L'homme de la blessure, l'homme qui assume sa part d'ombre en se révoltant, prend le risque du pire mais il commence le travail qui le rendra fiable.

L'homme du quatrième stade : l'homme éclairé

Le processus de la conscience commence, le guerrier a mis pied à terre, il doit faire maintenant le chemin près du sol. Il a une lampe à la main et beaucoup de choses à découvrir. Il cherche, s'illusionne, confond savoir et sagesse... il avance.

L'homme du cinquième stade : féminin et lunaire

Il souffre, perd pied, se sent impuissant, vit mutilé. Il avance, intègre du féminin, réinvente un masculin, explore des visages multiples, s'unifie, se réconcilie, crée de nouvelles relations avec la femme.

L'homme du sixième stade : l'androgyne

Il explore la troisième voie et restaure sa royauté intérieure. Posséder la force de l'homme et se tenir dans la douceur de la femme. Posséder l'actif de l'homme et se tenir dans le réceptif de la femme.

L'homme du septième stade : l'initié et le sage

" ô comment ne serai-je pas ardent de l'éternité, ardent du nuptial anneau des anneaux du retour jamais encore je n'ai trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce n'est de cette femme que j'aime : car je t'aime ô éternité ! car je t'aime ô éternité ! " (F. Nietzsche).

Propos recueillis par Laurent Montbuleau

Recto-verseau mai 99
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
COMMENT MIEUX ETRE MALE

Considérations sur une nouvelle identité masculine

Entretien avec Paule Salomon

Paule Salomon est multiple, à l'image de l'homme - pluriel - qu'elle présente et dissèque dans son cycle évolutif au fil des 250 pages de son dernier ouvrage, " Les hommes se transforment". Sous-titré , " L'homme lunaire", ce livre s'inscrit dans une large analyse, dont " La Femme solaire ", " La sainte folie du couple " et "La brûlante lumière de l'amour" formaient déjà un précieux triptyque. Auteur d'une quinzaine de publications, créatrice et animatrice de sept programmes d'enseignement - d'"Un nouvel art d'aimer ", à " Carpe diem " en passant par " Le créateur " -,avant sa venue en Suisse romande, celle qui se définit elle-même comme " une accoucheuse d'âmes" nous dit sa vision de la nouvelle identité masculine.

- A vous lire, chaque être souffre d'une blessure Intérieure. Personne n'en est épargné?

- Je ne crois pas que qui que ce soit puisse être dispensé d'une "blessure initiale". Le simple fait d'être un esprit incarné dans un corps demande déjà de réunifier ces aspects. Par ailleurs, la naissance comporte la blessure de la traversée du tunnel de la mère - le vagin -, et là commence une certaine forme de souffrance. Le fait, en outre, d'être incarné dans un seul sexe semble aussi poser un problème existentiel. Cette condition humaine fait que nous héritons tous d'une sorte de coupure. Il est aussi impossible que papa et maman soient tout le temps à la bonne place - ils sont soit trop loin, soit trop près. Nous enregistrons donc, dans notre enfance, des messages selon lesquels tout ne serait pas fusionnel et à jamais délicieux dans la relation.

" Viens, va vers toi"

- N'avez-vous pas le sentiment de toujours répéter le même message, parce que, finalement, Il n'en existe qu'un seul?

- Il y a une phrase que je ne cesse d'approfondir: " Comment, au cours d'une vie, passer de l'amour du pouvoir au pouvoir de l'amour? " Cela dit, l'amour du pouvoir n'est pas négatif, parce que nous avons besoin d'oser nous affirmer, d'exister dans notre " Moi ", dans notre " je "; mais, en même temps, l'amour, c'est un " nous". Comment donc concilier le fait de croître, d'aller toujours plus vers soi, et, en même temps, nourrir le "nous" que nous pouvons former avec une personne, une famille ou une société ? Comment ne pas s'oublier quand on est dans le "nous", et comment ne pas rester dans un égocentrisme égoïste et narcissique quand on est dans le " je"? Ce paradoxe est au coeur de notre histoire. "Viens, va vers toi!", c'est-à-dire "viens vers moi dans l'amour et continue d'aller vers toi" : c'est le défi de l'amour.

- Pourquoi, selon vous, accéder à la sagesse, se libérer de toute peur, être réellement soi-même est-il si difficile?

- C'est à la fois facile et difficile. Chacun transporte de l'amour en soi, tout en nourrissant une peur extrèmement profonde qui ne cesse de nous faire déraper. C'est un autre paradoxe : nous sommes pleins et vides. La sagesse n'est pas absente de la constitution psychique d'un être, mais elle s'incarne plus ou moins.

- La clé d'une relation réussie pourrait-elle se résumer en ces deux mots : solidaires et solitaires?

- Oui, elle le pourrait, selon ce qu'on met derrière ces mots, à savoir respectivement "je suis bien, je me sens plein tout seul" et " je suis bien, je me sens plein avec l'autre ". Très souvent, notre mauvais amour de nous-mêmes nous fait demander à l'autre de nous rassurer sur ce que nous sommes; nous nous servons de l'autre pour colmater un handicap, une blessure, un vide, une absence, si bien qu'il est chargé de nous rassurer sur nous-mêmes. Plutôt que de continuer à grandir, on va se servir de la relation pour s'enfermer. Dans ce cas, l'absence d'une solitude heureuse constituera le terrain de frustrations sur lequel tous les conflits pourront se greffer.

- Vous parlez, en évoquant l'homme, d'"Infantilisme des affects" et de "comportement de dominant". Exclusivités masculines?

- Evidemment, on pourrait considérer que ces caractéristiques sont simplement humaines et qu'elles concernent aussi les femmes. Mais l'identité masculine a été construite sur le refoulement du féminin, de la sensibilité, de la vulnérabilité, ce qui conduit à des psychismes qui n'ont que les apparences de la force, avec le risque de rester immatures à l'intérieur.

- Peurs, douleurs, esclavages intérieurs et autoaliénation semblent habiter une certaine catégorie d'hommes. Est-ce à dire que les comportements de dominance trahissent une souffrance?

L'exacerbation de la dominance en tout cas. Chaque force (Paule Salomon propose de comprendre l'évolution masculine en sept forces, n.d.l.r.) peut être à la fois positive et négative. Le fusionnel, par exemple, peut faire un mystique ou un éternel fils, très dépendant; de même, la dominance peut faire un bâtisseur ou un oppresseur.

- Vous écrivez encore: " Il faut s'attendre, dans les années à venir, à un retour du refoulé, au maintien du dominant-dominé et d'une civilisation sacrificielle." Pessimiste, non?

C'est le seul passage pessimiste du livre, sur lequel je ne me suis peut-être pas assez expliquée. Pour moi, l'évolution, ce n'est pas une fois pour toutes; la régression en fait partie. Les gens qui s'intéressent à la connaissance d'eux-mêmes savent que, par moments, ils ont l'impression d'être sortis des difficultés, des peurs, des conflits, et que, parfois, un comportement régressif vient les cueillir. Tant qu'on est vivants, on ne cesse d'être menacés. Il y a donc une adaptation constante à faire tout en se pardonnant d'avance de ces régressions. Il y a en effet trop de gens qui cultivent des culpabilités, et à partir de là des blocages. Sur le plan collectif, il serait prétentieux de ne voir que les phases d'avancée. C'est vrai que la nouvelle identité masculine offre un espoir sans précédant pour la civilisation - c'est ma conviction -, mais un nouveau problême surgit : les femmes sont trop masculines et les hommes trop féminins, ce qui crée une nouvelle phase dominant-dominé dans laquelle les femmes deviennent dominantes. Tout n'est donc pas gagné.

" Tout ce qu'on refoule devient dangereux"

- Au chapitre consacré à "L'homme du sixième stade: l'androgyne", vous affirmez que les amants, les artistes, les saints entrent parfois dans cette sublime énergie faite de liberté et de plénitude, qui affranchit des limites ordinaires". Associer ces trois catégories d'hommes, n'est-ce pas audacieux?

- Je sais bien que c'est inusité dans une pensée strictement chrétienne, où la coupure entre le coeur, le sexe et l'esprit existe. Nous sommes dans un renouveau de civilisation dans lequel nous tentons de refaire la jonction... Non sans difficulté, la grande libération sexuelle, par exemple, n'ayant pas permis de refaire la jonction avec le coeur. Aujourd'hui, beaucoup considèrent que dans la relation sexuelle elle-même il y a - parfois - une révélation. Il y a de la sainteté dans l'acte d'amour, comme il y en a dans l'amour de la nature. Nous sommes, en train de récupérer toute cette spiritualité qui est dans le quotidien; c'est pour ça que les promenades ou les vacances dans la nature prennent une grande importance, de même que l'amour, comme si le spirituel sortait des églises pour se "cathédraliser " dans la vie quotidienne.

- " Pas de bonne paternité possible sans l'acceptation de son homosexualité latente et de son désir charnel pour l'enfant. Pas de bonne mère qui ne soit sexuellement excitée par l'enfant." N'allez-vous pas un peu trop loin?

C'est audacieux, c'est vrai, et je ne suis pas sûre que ça puisse être compris , à l'emporte-pièce. Je trouve qu'on n'intègre pas assez la dimension de la sensualité, indépendamment de la sexualité. Je parle de l'érotisation de l'être, qui n'est pas la même chose que la sexualité...

- Mais vous dites. " ... sexuellement excitée" !

- Oui... Peut-être que je vais trop loin et que j'aurais dû dire " sensuellement excitée". Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion. Ce que je veux dire, c'est qu'il est normal d'avoir du plaisir à toucher son enfant, à le trouver beau, et de ne pas couper la relation à ce niveau; d'être maître de la limite. Si on ne reconnaît pas ce plaisir sensuel, on peut être débordé par un refoulé, ce qui peut devenir grave: une mère, par exemple, peut avoir des attitudes de séduction - sans aller jusqu'à l'acte - qui enfermeront son fils. En fait, tout ce qu'on refoule devient dangereux. C'est là le sens.

Paule Salomon: "Etre bien avec soi-même n'est pas une donnée, mais une conquête qui correspond à un accord entre le masculin et le féminin."

L'homme, ou le paradoxe force-faiblesse

- Vous constatez que " tout homme qui veut se rencontrer lui-même et devenir ce qu'il est se pose, à un moment donné de sa vie, cette question: qu'est-ce qu'un homme?) " Quelle est votre réponse?

- Aujourd'hui, pour moi, un homme, c'est quelqu'un d'extrêmement "vibrant", qui a, dans sa voix, l'écho de son homme, la présence à soi-même, à sa vibration de coeur. On peut l'entendre dans une voix. Ce que je demande à un homme, aujourd'hui, c'est peut-être avant tout d'être dans la force du cœur plus que dans la force physique, ou même que dans la puissance intellectuelle. Je demande une force mais aussi une vulnérabilité. Ce paradoxe force-faiblesse, qui fut interdit dans l'identité masculine pendant des millénaires, est une chose qui devient non seulement permise mais demandée.

Propos recueuillis par Jef Giana

Le Matin Dimanche Juin 99

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" IL FAUT ABANDONNER LA COMPLEMENTARITE "

Considérations sur une nouvelle identité masculine
Le couple de demain sera androgyne ou ne sera pas :
chacun ayant réconcilié ses pôles féminin et masculin pour à la fois, plus d'autonomie et de solidarité.

Entretien avec Paule Salomon

Psychologies : Vous recevez dans vos séminaire des centaines d'hommes et de femmes. Quel est le nouvel enjeu auquel ils sont confrontés ?

Paule Salomon : Depuis toujours, les différences entre hommes et femmes sont accentuées au lieu d'être gommées. Tout s'est toujours passé comme si les femmes devaient apporter dans le couple l'intériorité, la douceur, l'intuition alors que les hommes, eux, représentaient la conquête, la force et l'action à l'extérieur. Biologiquement, il est vrai, nous sommes ainsi faits: le sexe de la femme se trouve à l'intérieur, celui de l'homme est extérieur. Mais, aujourd'hui, nous sommes appelés à abandonner la complémentarité et à mixer nos identités. Dans le couple, les deux partenaires sont autorisés à se maintenir non pas à un seul pôle, mais aux deux en même temps : les femmes doivent expérimenter leur force et les hommes leur sensibilité. Il revient donc à chacun de réconcilier les deux figures de son couple intérieur. C'est là une toute nouvelle donne. Et une véritable initiation dans la vie quotidienne, car la conscience nous pousse à travers nos unions à devenir plus complets intérieurement.

Comment cela se traduit-il pour les hommes ?

Dans mes séminaires et mes stages, je vois presque exclusivement des femmes qui portent beaucoup de masculin en elles et des hommes beaucoup de féminin. Ceux-ci paraissent dans un premier temps très affaiblis : au chômage dans la plupart des cas, ils se plaignent d'être envahis, à la fois par les femmes extérieures et par leur féminin intérieur. C'est là une des premières difficultés dans leur couple : ils vont facilement être dominés car ils ont hérité d'une image du féminin faible et soumis. D un autre côté, les femmes les trouvent très " craquants " car elles ressentent qu'avec leur sensibilité, ils sont capables d'amener l'amour à un endroit où les machos ne le pouvaient pas. Progressivement, ces hommes ont à découvrir qu'il y a d'autres jeux que ceux du pouvoir, qu'être un homme ne signifie plus seulement être guerrier et invulnérable, c'est à la fois être fort et vulnérable. Comme les troubadours d'autrefois, ils peuvent avoir un nouveau projet : la réalisation de l'amour. Jusque-là, seule la réussite sociale leur importait. La réconciliation de leur sensibilité féminine et de leur force masculine peut les amener à s'orienter vers des activités humanitaires ou liées à l'écologie, à l'art.

Qu'en est-il des femmes ?

Celles que j'accueille dans mes séminaires traversent une période de crise jusqu'à l'âge de 40 ans environ, elles ont misé sur leur réussite sociale. Puis, elles se rendent compte qu'il manque quelque chose à leur vie, même si elles ont un partenaire. C'est d'ailleurs étonnant de voir à quel point une femme dominante s'ennuie dans son couple! Lorsqu'elle tente de changer, c'est en retrouvant les autres femmes qu'elle y parvient. Je crois qu' initiatiquement, toute femme naît une seconde fois d'une femme qui n'est pas sa mère. Par la confiance envers l'autre femme, qui n'est plus perçue comme une rivale, elle recontacte son féminin, s'ouvre à une autre dimension de l'amour et peut alors remontrer l'homme. Du point de vue social, il n'est pas question pour ces femmes d'abandonner les territoires q,u'elles ont conquis. Mais elles réintroduisent la notion de loisir et de bien-être dans leur vie, en modulant notamment leur emploi du temps. Elles affirment aussi changer leur manière d'exercer l'autorité : elles imposent moins et découvrent ainsi que les autres savent se mettre en quatre dès qu'on leur laisse plus d'espace. Avant, seul le résultat comptait pour elles. Aujourd'hui, elles s'ouvrent au plaisir de créer des relations d'échange. Leur bonheur de vivre grandit, car l'importance des relations a repris sa place. Ainsi, elles se mettent à regarder leur mari différemment : retrouvant plus d'amour en elles, elles voient les aspects positifs de leur partenaire et decouvrent alors qu'elles vivent avec quelqu'un de formidable.

Connaissez-vous de ces couples " androgynes" ?

Oui. Et même si les gens ne se disent pas consciemment " Je vais former le couple le plus androgyne qui soit ", de plus en plus d'unions de ce type apparaissent. Dans tous les cas, les deux partenaires sont autonomes financièrement et ont une carrière prenante. La femme laisse passer son côté déterminé, l'homme accentue son côté féminin, ne serait-ce que physiquement. Un type d'alliance que je résume en une formule: " solitaires et solidaires ".

Propos recueillis par Pascale Senk

Psychologies fev 97

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P. SALOMON : PROFESSION ACCOUCHEUSE D'AMES

Portrait

Ecrivain et thérapeute, elle anime des séminaires où femmes et hommes apprennent à mieux aimer la vie.
Son but, être un passeur

Portrait de Paule Salomon

A 50 ans, je serai " professeur de vie. " Ce cri rieur lancé à 30 ans et tenu. Aujourd'hui, Paule Salomon est une femme qui aide les femmes à accoucher d'elles-mêmes. Prédicatrice ? " Non, je n'ai rien à enseigner mais tout à faire ressentir. Plus un coeur est sans jugement, plus il favorise la guérison des blessures. " Féministe ? " Non plus! J'invite les femmes à ressentir leur faiblesse. Renouer avec la Déesse en nous demande des soins. " J'ai toujours su que je devais accepter de ne pas savoir pour me rencontrer", avoue-t-elle. Alors, à l'âge de 20 ans, après de brillantes études de philosophie, elle ressent le besoin de connaître d'autres réalisations: "je portais en moi l'idée du poète maudit : pour parler de l'humain, il fallait avoir connu la misère et le désespoir ! " Plus tard, en mai 68, elle fera les lieutenants auprès de de Cohn-Bendit. Puis aux Etats-Unis et à Findhorn, elle découvrira le développement du potentiel humain. En 1982, elle choisit de vivre en Polynésie. Elle y enseigne la philosophie et découvre sa " toute-puissance créatrice". "La vie me répondait 100 sur 100. Mon centre d'inspiration fonctionnait." Elle se sent entrer dans un autre niveau de conscience. Cette créativité joyeuse intrigue. Paule Salomon cherche alors à créer ses propres outils pour communiquer ce qu'elle vit. Mais l'éveil de sa créativité est aussi lié à la maladie. A 14 ans, après une méningite, elle est paralysée de la jambe gauche. Les médecins sont pessimistes. Chaque nuit, elle tente de faire bouger sa jambe. Elle découvre alors le pouvoir du corps. " Comment connecter mon cerveau à ma jambe?" Elle guérit. Quelques années plus tard. elle écrira " Corps vivant ".

"Renouer avec le dieu ou la déesse en nous demande des soins."

Qu'est-ce qu'une femme? Quelle est l'essence de la spiritualité féminine ? Paule Salomon veut comprendre. Elle écrit le premier chapitre de " La Femme solaire ". La maison d'édition ne retient pas le manuscrit. Elle cesse d'écrire pendant quatre ans: ce refus avait touché une zone sensible. " Depuis toute petite, j'écrivais dans ma tête. Mais j'ai mis longtemps à concrétiser. J'avais l'impression que si j'écrivais, je passerais à côté de la vie." 1998 : "La Femme solaire" en est à sa huitième réimpression et les femmes affluent dans ses séminaires.

" je n'ai rien à enseigner, mais tout à faire ressentir "

Mariée depuis douze ans, elle "travaille" sur son propre couple. " On était vraiment très différents ! se souvient Michel Roudnitska, son mari. Aujourd'hui je pourrais dire qu'on a réussi notre programme d'échange! Elle m'a aidé à sortir de mon éducation bourgeoise, à m'affirmer, en m'apportant le sens de l'humain." Pour Paule, sa rencontre avec Michel a fortifié son masculin intérieur: "J'étais une femme des nuages. J'ai acquis davantage de structure et une grande force de travail. Le sens de notre couple aujourd'hui ? Continuer à être à la fois solidaires et solitaires . " Riche de cette expérience, elle écrit " La Sainte folie du couple " : comment rester ensemble quand on veut vivre l'amour sur la durée ? 50 000 lecteurs et un abondant courrier. Dans 'la Brûlante lumière de l'amour', son dernier ouvrage, elle s'intéresse aux lois de l'incertitude, aux paradoxes du désir et aux vertiges de l'amour. Naturellement les hommes réclament des séminaires bien à eux. Depuis trois ans, elle anime des stages "Hommes lunaires ". En préparation: un livre sur l'identité masculine.

Elle travaille beaucoup. Parfois trop. Et admet que son masculin intérieur tyrannise encore son féminin intérieur. Elle cherche l'équilibre. La femme des nuages serait-elle devenue une femme de pouvoir? Une de ses assistantes répond: " Non. En revanche, elle est très rigoureuse dans le travail. Elle n'aime pas le mensonge à soi-même mais en même temps, elle pardonne très facilement les erreurs. " Paule Salomon n'appartient à aucune école. Elle n'a qu'une passion: " Etre un passeur. Donner l'occasion, aux êtres de s'aimer et d'aimer la vie. Favoriser la confiance en la voie du milieu, entre 'je veux et 'je laisse aller', entre la 'sensualité et la spiritualité'...:' axe principal de sa pédagogie? "je suis une accoucheuse d'âmes. "

Nathalie Calmi

Psychologies, oct 98


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COMMENT EVITER LES CONFLITS ?

Entretien avec Paule Salomon

Il suffit d'une peccadille et les reproches fusent. Les mots font mal, les insultes démolissent. Au prochain sujet de discorde, on aura une raison de plus de " démarrer " ou quart de tour et de râler encore plus fort, avec les rancoeurs qui s'accumulent. Alors, les crises se multiplient, toujours plus vives, toujours plus blessantes. Et l'on se prend à douter d'aimer encore quelqu'un qui nous comprend si peu, qui nous traite si mal. Dans la partie adverse, c'est sans doute le même constat. Attention, rupture en vue ! Pour tenter de l'éviter tant qu'il est encore temps, voici ce qu'il faut savoir, selon Paule Salomon, philosophe, auteur de " Le Sainte FoIie du couple " (Albin Michel) et qui organise des stages de connaissance de soi.

Pourquoi le conflit s'envenime-t-il ?

Parce que nous possédons, tous deux, la même certitude: "J'ai raison, tu as tort ! " Nous entrons alors dans un système d'accusations réciproques, car nous sommes en. proie à l'influence des deux personnages qui demeurent en nous l'enfant vulnérable, soumis à l'obéissance, que nous avons été, et le parent, autoritaire et protecteur, dont nous gardons le souvenir. Dans le couple, celui qui est attaqué perçoit l'assaillant comme un parent qui lui adresse un reproche. L'enfant qui est en lui se sent blessé et va chercher son parent pour se protéger et rendre les coups. L'autre en fait autant. Le conflit s'inscrit alors dans une sorte de - 8 -, à l'infini.

Comment échapper à ces rôles pièges ?

En ayant plus confiance en soi pour ne pas se sentir blessé, nié, remis en question ài la moindre attaque. Si le sentiment de sa propre valeur ne s'est pas suffisamment constitué tout au long de l'enfance et de l'adolescence, on arrive très vulnérable dans la relation amoureuse, puisqu'on imagine exister seulement par le regard de l'autre. Autrement dit, nous ne sommes pas sortis de l'enfance, nous n'avons pas dépassé le "J'existe parce que tu m'aimes " adressé à la mère qui nous nourrit et sans qui nous mourrions. Devenir adulte, c'est pouvoir dire : "j'existe parce que je m'aime ". Ce but atteint, nous sommes moins ébranlés par des jugements négatifs, et donc moins tentés de riposter.

Pourquoi est-ce le plus souvent l'homme qui malmène la femme ?

Parce que nous sommes héritiers d'une conscience collective qui influe sur nos comportements. Depuis des millénaires, nous vivons dans une société patriarcale, où l'homme est dominant et la femme dominée. Bien que les choses aient un peu évolué en surface, le fond est toujours le même : à l'homme le pouvoir de décision, de rayonnement. A la femme de répondre à ses désirs. Mais la soumission, c'est abandonner ses désirs propres, sa personnalité, se nier. Enfin, l'homme reste souvent prisonnier de l'influence maternelle. Il voit dans sa compagne la femme et la mère qui 'doivent tout lui donner. Peu d'hommes apprennent à passer des bras de leur maman aux bras de leur compagne.

Comment le leur apprendre ?

En n'acceptant pas de vivre en couple avec quelqu'un qui n'aurait pas su se ménager trois ou quatre ans de vie autonome auparavant, pour apprendre à tenir debout tout seul.

Que faire lorsque vous êtes victime d'une attaque ?

1. Respirez un bon coup, car il ne faut pas nier que ça fait mal.

2. Résistez à la tentation de vous jeter à corps perdu dans là bataille, en répondant oeil pour oeil, dent pour dent.

3. Evitez aussi de neutraliser carrément l'autre d'une flèche assassine. Tant qu'il y aura un dominant et un dominé, le couple sera toujours bancal, donc fragile. Il faut passer de l'amour du pouvoir au pouvoir de l'amour.

4. Faites preuve d'humilité, en acceptant de vous remettre en cause. Mentalement, pour ne pas perdre la face.

5. Tempérez votre émotion en vous pénétrant de cette certitude : votre agresseur cherche la bagarre parce qu'il se sent menacé, parce qu'il croit perdre son pouvoir. C'est lui qui est en position d'infériorité, pas vous.

6. Alors seulement, exprimez-vous en confirmant, en intégrant les propos tout en les laissant dans la bouche de l'autre:

"- Tu estimes que je suis égoïste.

Tu te sens blessé. Peut-être as-tu raison!.." (jamais: Moi, égoïste ? ", etc.)

7. Promettez: "je vais réfléchir à tout cela. " Cette attitude conciliante désamorce la tension sans que vous lâchiez vraiment du terrain.

8. Quelques jours plus tard, vous pouvez revenir sur la question, si possible avec humour. Votre message personnel passera doucement. Mais sûrement.

Propos recueillis par Patricia Gandin

ELLE Magazine. Vie privée


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POUR ENTRER DANS L'ESSENTIEL DE LA RELATION HOMME-FEMME

Entretien avec Paule Salomon

L'un de vos livres s'intitule " La Sainte Folie du Couple ". Que voulez-vous dire par " sainte folie " ?

Paule Salomon - Plus le temps passe et plus ce titre me plait. Je viens d'écrire un livre sur l'amour qui s'appelle " La brûlante lumière de l'Amour " et je me rends compte à quel point l'amour est aussi une sage folie et à quel point c'est un paradoxe. Le couple est aussi un paradoxe et ce n'est pas à confondre car le couple est un mode relationnel entre deux personnes et l'amour est un sentiment. Mais, dans l'un et l'autre cas, il y a un élan magnifique, un élan qui est du domaine de l'être. On peut considérer cet élan comme de la sagesse ou comme de la sainteté. C'est ce qui nous raccorde à une nostalgie profonde, la nostalgie de l'unité, la nostalgie d'avoir appartenu à tout ce qui existe ou d'avoir été uni à tout ce qui est vivant.

Et aussi, par le fait de s'incarner dans un seul sexe, on est un homme ou on est une femme, on porte en soi une sorte de nostalgie, de coupure, certains disent même de blessure, qu'au cours de sa vie on voudra réparer. Quel est le sens de la vie ? Au coeur du sens de la vie, il y a cette demande de retrouver quelque chose qui est perdu, certains le nomment Dieu, d'autres le nomment réalisation personnelle. Quoi qu'il en soit, il y a un élan et cet élan on peut l'appeler sainteté, mais en même temps on s'apercoit que c'est une folie de s'élancer vers l'autre avec ses désirs d'unité. Folie, car au fond de chacun, il y a le désir d'apprendre qui il est de devenir qui il est. S'élancer vers le " nous ", c'est se dépasser, mais en même temps c'est se quitter. Je me trouve donc tiraillé entre ce besoin d'appartenir à ce " nous " du deux qui veut faire un, je veux avec l'autre personne ne faire qu'une personne, qu'un objectif qu'un désir, et le fait que je ne me connaisse même pas et que quelque part, je voudrais bien devenir ce moi-même, un moi-même inconnu. En somme, il y a un paradis à vouloir s'aimer et ce paradis risque de se transformer rapidement en enfer ; il y a un désir de s'aimer et puis rapidement il peut y avoir une guerre.

Le nombre de divorces continue d'augmenter. Est-il possible d'éviter ces ruptures et cette forme de polygamie dans le temps ?

Paule Salomon - De plus en plus de couples divorcent, de plus en plus de couples se quittent au bout de très peu de temps. Alors les questions qui se posent sont de plusieurs ordres : est-ce cette formule qui est périmée ou est-ce que nous ne savons pas vivre en couple ? Je n'ai pas d'idée fixe sur le fait qu'on doive rester avec quelqu'un toute sa vie. Je sais par contre qu'on se blesse beaucoup lors de séparations, de ruptures, que les enfants ont mal et que notre capacité à aimer se racornit au fil des blessures qu'on s'infligc mutuellement par la manière que l'on a de se quitter. Les choses pourraient être différentes si nous avions une éducation, une certaine connaissance de la carte du tendre ; si au lieu d'avancer comme des aveugles se demandant mutuellement la route et ne sachant que tourner en rond dans la relation, nous avions acquis quelques connaissances dans notre adolescence. Si l'on nous avait parlé du fusionnel, des rôles dominant/dominé et du conflit qui sont trois aspects handicapants pour une relation d'amour, nous parviendrions peut-être plus aisément à ne pas exposer notre couple à ce que j'appelle le troisième stade. Connaître cette carte du tendre ne dispensera pas chacun de faire ses propres expériences, mais les rendra moins dramatiques. On se dira " c'est normal que nous ayons des conflit ", ou " c'est normal que nous soyons dans cette situation de dominant/dominé " et ça nous permettra d'en sortir plus rapidement.

Au commencement de la relation on est fusionnel, c'est normal, c'est une grâce et c'est délicieux. C'est la première étape. Ensuite, au bout de six mois, d'un an ou deux, ça dépend des personnes, on cesse d'avoir pour seule envie de se regarder dans les yeux et on commence à ressentir les besoins de notre " moi ", de notre personne. On n'est plus tout entier consacré au " nous " et on s'aperçoit que l'autre a des besoins différents des nôtres, qu'il n'est pas, comme on le croyait au départ, tout entier consacré à une sorte de réparation narcissique de nous-mêmes. Car très souvent, nous sommes les uns et les autres des êtres incomplets, des handicapés du " moi " et nous demandons à l'amour de l'autre de nous réparer à cet endroit-là ; nous n'avons pas confiance en nous et l'amour de l'autre nous sert à avoir confiance en nous. Donc, désormais, chacun consacrera une bonne partie de ses forces non plus au " nous " mais à nouveau à son " je ".

C'est normal, mais en même temps cela entraîne souvent une sorte de déséquilibre car l'un continue à plus nourrir le couple et l'autre, par opposition, s'affranchit davantage de la relation et fait en sorte que le " nous " serve ses propres besoins.

Traditionnellement, le couple était au service de l'homme et la femme était au service de l'homme. Mais on peut aussi regarder les choses autrement puisque l'homme de son côté devait travailler à l'extérieur et mettait également ses forces au service de la cellule familiale. Cependant, il avait plus de liberté, plus d'autorité ; il avait des droits que la femme n'avait pas, notamment des possibilités d'aller à l'extérieur, des possibilités d'infidélité aussi et il avait souvent l'autorité dans le foyer. Cette situation se reproduit encore à notre époque, même si le côté patriarcal se relâche beaucoup puisque les femmes travaillent, sortent, s'affirment. Ce côté-là est moins fort, mais il en reste des traces importantes, notamment dans le fait que souvent la femme a une façon d'aimer qui est de se faire aimer, c'est-à-dire de faire des choses pour l'autre pour se faire aimer. Elle a tendance, même si elle a fait des études, même si elle a un métier, à se mettre plus au service du " nous " que l'homme et au bout d'un certain temps, elle se sent un peu flouée, ce qui finit par la révolter.

Et chacun des deux veut d'une certaine façon être le parent de l'autre. Chacun fait à l'autre des réflexions du genre " tu dépenses trop d'argent ", " tu laisses tonjours les lumières allumées ", " tu t'habilles mal " ; des remarques insidieuses, des remarques qui sont toutes destinées à améliorer l'autre : " c'est pour ton bien ", c'est-à-dire pour te corriger je te fais remarquer des choses, j'essaye de te changer pour que tu deviennes parfaite, etc. En réalité, on regarde l'autre à travers ses propres besoins ; on le juge en fonction de ses besoins à soi et on le blesse ; on adopte une attitude de parent qui fait de l'autre un enfant, on infantilise l'autre et de moins en moins de gens supportent cela. Autrefois, il semble qu'au sein des couples c'était une espèce de petite guerre réciproque. C'était à qui dénoncerait chez l'autre le plus de manques et s'instaurait alors une sorte de relation sado maso qui durait parfois toute la vie. L'entourage devenait spectateur d'un drame familial toujours répété ; nombre d'enfants ont connu ça et le fait que papa et maman s'agressent mutuellement à chaque repas ou régulièrement tous les dimanches. C'est quelque chose qui aujourd'hui est très mal supporté car l'émergence de l'individu est plus grande et personne ne souhaite plus se laisser définir par l'autre et être sans arrêt blessé. On apprend des techniques de communication qui visent à améliorer la relation, mais la susceptibilité du " moi ", la susceptibilité de l'ego est telle que ce n'est pas si facile d'arrêter ce jeu. Et puis c'est très tentant, c'est la prise de pouvoir sur l'autre d'une manière psychologique qui est peut-être la manière la plus insidieuse. Je ne connais pas de couples qui ne jouent pas à ce jeu-là ; simplement, je connais des couples qui en prennent conscience. Ce mode de fonctionnement engendre des disputes sans fin et parfois des conflits sanglants, car s'instaure alors une relation blessé/blessant.

En fonction des frustrations qui peuvent aussi se glisser dans la relation, de la manière dont on vit, des insatisfactions dues au fait que l'autre est souvent absent, ou trop occupé par son métier, ou qu'il ne s'occupe pas des enfants, le petit jeu de la guerre d'usure psychologique s'installe et, au fil du temps, peut devenir insupportable.

La relation conflictuelle demande de l'attention, un réel apprentissage car c'est un cercle vicieux parfois très difficile à rompre. C'est très curieux, deux personnes s'aiment intensément au début de la rencontre et quand se glissent les premières incompréhensions, on a l'impression que l'amour s'engloutit dans un gouffre et que l'on n'arrivera jamais à ressortir de cette faille. En fait on en ressort, mais jamais totalement indemne et, si cela se répète trop souvent, on s'aperçoit qu'on commence à ne plus s'abandonner de la même façon, on commence à ne plus avoir confiance en l'autre.

Il est important d'apprendre à ne pas en vouloir à l'autre au moment où le fusionnel s'arrête, chacun cultive secrètement un sentiment de désenchantement à ce moment-là; d'apprendre aussi à être attentif aux rôles de dominant/dominé pour ne pas écraser systématiquement l'autre, c'est-à-dire que ce ne soit pas toujours le même qui tienne un rôle de dominant dans le couple. Il est également important de surveiller le conflit, quitte à faire passer parfois l'amour de l'autre, l'amour du coeur avant les besoins de l'ego et ça ce n'est pas si facile.

Nous avons souvent une vision romantique de l'amour, être tout pour l'autre, vivre par et pour l'autre. Peut-on sortir du fusionnel et continuer d'aimer l'autre ?

Paule Salomon - Bien sûr, on peut quitter l'autre dès qu'il n'y a plus de fusionnel, mais l'amour est quand même un lien dans la durée. Il ne faut pas confondre le désir avec la construction d'un lien, une sorte de compagnonnage, quelque chose qui permettra de réaliser une oeuvre ensemble, de coopérer, de faire des enfants. On mélange trop le fait de vivre l'élan amoureux et le fait de construire ensemble une oeuvre. Ce n'est pas la même chose, construire ensemble une oeuvre demande d'autres qualités. Je propose de le comprendre dans le sens où ça demande à la fois d'aller vers soi et d'aller vers l'autre et je le résume par cette phrase du Cantique des Cantiques " Viens, va vers toi ! ".

Cela veut dire, continue d'aller vers toi-même, continue de grandir, de chercher qui tu es, d'entreprendre des activités. Parfois cela signifie s'éloigner un peu dans le temps, parfois même dans l'espace. Un acteur par exemple, chaque fois qu'il tourne un film, il voyage, il quitte sa famille. Alors, peut-on concevoir que le lien pourra supporter que par moment on prenne de l'espace, qu'on consacre beaucoup de temps à sa réalisation professionnelle, ou à une passion, ou à une oeuvre humanitaire ? Je ne crois pas que l'amour dans la durée nous demande une présence exclusive à l'autre. Au contraire, il nous demande peut-être de favoriser le fait que l'autre puisse accomplir ce qu'il a envie d'accomplir. Il y a plusieurs phases dans l'amour. Il y a d'abord une phase fusionnelle pendant laquelle ce qui importe est la présence physique l'un à l'autre, mais il y a aussi d'autres phases pendant lesquelles ce qui importe est de favoriser l'épanouissement de l'autre, de donner de la liberté à l'autre, d'aimer la liberté de l'autre. Aimer la liberté de l'autre est sans doute une des choses les plus difficiles car nous ne sommes pas naturellement altruistes, nous n'aimons la liberté de l'autre que quand nous aimons suffisamment la nôtre.

Il y a donc un temps où je vais me servir du fait que tu sois un homme pour combler ma nostalgie du masculin et un deuxième temps où je vais incarner moi-même mon masculin. Nous n'avons pas à nous servir de l'autre pour rester infirme, mais nous avons, au sein de notre relation à l'autre, à devenir plus complets et c'est ça le paradoxe difficile.

Le côté éternel de l'amour peut paraître en opposition avec notre histoire. Nous sommes des êtres intégrés dans une histoire qui se développe et au sein de cette histoire, nous changeons, nous évoluons ; l'amour entre deux personnes, c'est aussi se permettre d'évoluer l'un et l'autre. Si au contraire, nous nous bloquons réciproquement pour être d'avantage sûr de l'exclusivité de l'autre, ce qui est au coeur de l'amour possessif et jaloux, une partie de notre être commencera à souffrir et à se scléroser ; peut-être resterons-nous ensemble, mais à ce moment-là dans une sorte de fermeture.

Comment rester désiré et désirant au fil des années ?

Paule Salomon - Un couple qui évolue peut être un couple qui reste désirant et vivant. Un couple qui évolue est aussi un couple qui a un idéal commun, une certaine vision de l'être humain. Chacun a du respect pour l'autre, ressent l'autre comme un mystère toujours vivant ; chacun regarde la façon dont l'autre se transforme au cours des années. Avoir des activités de dépassement parait toujours profitable au couple, par exemple avoir une passion commune, ou être engagés dans une action humanitaire ensemble, ou être unis par l'amour de la nature. Dès qu'il y a un dépassement, l'amour plus humain est enveloppé dans quelque chose de plus vaste qui le ressource. J'insisterai aussi sur l'équilibre du masculin/féminin en chacun. Deux personnes qui ont de l'actif et du réceptif en elles ont aussi plus de chance de faire durer le désir parce que dans le désir il a souvent cette exploration : je reçois ou je donne. Et parfois le fait de recevoir de l'autre peut être une découverte, puis le fait d'être celui qui donne peut être à nouveau une découverte et on peut interférer les rôles, les mixer, il y a du redoublement dans les aspects de la personnalité, de la surprise. N'être jamais sûr de savoir où est l'autre et n'avoir pas refermé ses bras sur lui maintient le désir vivant, comment rester quelqu'un de surprenant pour l'autre et comment rester quelqu'un de surprenant pour moi ? Cela va avec le fait de rester toujours en ouverture et toujours en transformation. J'ai tendance à croire et à constater que, chez les gens qui ont une curiosité inlassable pour la vie, le désir se modifie bien sûr, il est moins fou, mais aussi il s'approfondit. Ce qui tue le désir est plutôt le mode vie ; si l'on est trop préoccupé par l'argent, trop fatigué, trop stressé, on a plus de désir du tout. Parfois, on pense aussi que lorsqu'on avance en âge c'est normal de ne plus avoir de désir et là il s'agit davantage d'une croyance, une croyance très négative.

Pensez-vous que la femme au foyer devrait recevoir un salaire ?

Paule Salomon - C'est une question qui se pose beaucoup. Moi, j'ai choisi d'assumer un travail dans la société. Je pourrais me contenter d'être à la maison, mais je ne le souhaite pas car je considère que ma liberté intérieure est aussi liée au fait que je puise la sève par mes propres racines, que je ne demande pas à un autre organisme d'aller chercher la sève de ma vie à ma place. Et il me semble qu'aujourd'hui, parce qu'on sort de longues années d'annihilation de la femme, il est difficile de recevoir de l'argent d'un homme et de rester à la maison sans se sentir la servante. Il me semble par expérience, en regardant les autres femmes, que nombre de celles qui sont dans cette situation de dépendance financière se sentent redevables, aliénées, parfois même vont devenir frigides. Mais ce n'est pas inéluctable, il y a des femmes pour lesquelles c'est une bonne situation, une bonne solution. Ça peut être une bonne solution sur un ou deux ans, une bonne solution par intérim. Arrêter de travailler, puisque le travail est aussi très laminant, prendre une ou plusieurs années sabbatiques ou élever ses enfants pendant qu'ils sont jeunes peuvent être des solutions viables, mais abandonner totalement son rôle à l'extérieur, non. Peut-être que ce dont nous avons le plus besoin dans la vie ce sont des alternances, c'est-à-dire des moments où nous pouvons nous consacrer davantage à des activités libres à la maison et d'autres moments où nous avons un travail régulier à l'extérieur. Évidemment, sur le plan économique ce n'est pas toujours possible, mais pourtant nous nous dirigeons vers une société où nous allons bientôt être obligés de travailler moins pour qu'il y ait du travail pour tous et j'espère que cela créera des possibilités différentes. Il n'y a pas de solution unique, il s'agit de respecter des temps différents pour croître le mieux possible et l'important est de se sentir bien.

je crois aussi que tout être humain a besoin de créativité, que ce soit pour créer un pull, des confitures, des recettes, un livre ou un enfant.

C'est le but de notre vie et cela signifie aussi nous " expandre ", sortir des choses de nous-même qui vont nous prolonger. Derrière cela, il y a un besoin d'immortalité, un besoin de sortir d'un temporel qui s'effrite et de laisser une trace. Il y a peut-être aussi un processus plus alchimique, car se réaliser, évoluer, grandir en conscience ne peut se faire qu'à travers notre pétrissage dans la matière, dans le fait d'oeuvrer et il y a donc là un enjeu fondamental.

La femme a-t-elle à un rôle particulier à jouer pour l'évolution de notre civilisation ?

Paule Salomon - Oui, je suis persuadée que le féminin de l'existence transporte tout un futur de civilisation. On appelle traditionnellement les valeurs féminines de l'existence le fait d'aider les autres, de les secourir, de les éduquer, de s'intéresser les uns aux autres aussi. On appelle valeurs masculines, le fait de conquérir de nouveaux territoires, de gagner de l'argent, de bâtir des villes. La communication, l'amour, l'entraide et la communion font partie des valeurs féminines ; bâtir, faire, explorer font partie des valeurs masculines.

Nous avons besoin de ces deux aspects, mais jusqu'à maintenant nous avons beaucoup développé le faire et la conquête, le rôle du pouvoir et de l'argent et il est nécessaire d'équilibrer la civilisation future avec des valeurs féminines.

Les femmes ont un rôle à jouer, mais elles ont d'abord une réémergence à faire car, dans la mesure où elles ont été infériorisées pendant des siècles, elles réémergent souvent en adoptant des valeurs masculines et en étant encore plus conquérantes que les hommes. Il faut donc qu'elles redeviennent conscientes des valeurs féminines pour qu'elles puissent exercer activement un rôle afin que l'amour sur terre grandisse.

Alors en résumé...

Paule Salomon - Je suis pleine d'espoir, car jamais les hommes et les femmes n'ont eu autant d'affinités. Autrefois, les hommes avaient des activités culturelles qui leur étaient propres et les femmes avaient les leurs. Aujourd'hui, les hommes et les femmes vont ensemble à la montagne, au cinéma, à bicyclette. Jamais les hommes et les femmes n'ont partagé autant de choses et, en même temps, jamais les hommes et les femmes n'ont lissé autant leur identité, c'est-à-dire que les hommes deviennent plus féminins et les femmes plus masculines, bon an mal an, avec des sursauts, avec des difficultés nouvelles, avec plein de choses.

Mais, en dépit des nouveaux déséquilibres qui peuvent s'introduire par le fait que certaines femmes soient trop masculines et certains hommes trop féminins, nous allons vers une nouvelle fore d'amour, beaucoup plus profonde, plus complète, plus évolutive.

L'important est que chaque être humain développe sa capacité d'aimer, même s'il doit faire deux, trois ou cinq couples au cours de sa vie, et que cette capacité d'aimer éclose toujours davantage. Nos vies seront alors moins orientées vers la consommation, la frustration, la maladie et nous avancerons vers beaucoup plus de bonheur. Ce peut être par contre plus difficile pour les enfants. Effectivement, il faudra encore beaucoup dédramatiser les ruptures pour que la recomposition de foyers à travers plusieurs couples se fasse sans traumatismes importants pour les enfants. Mais plus ces compositions et recompositions de foyers seront naturelles, plus les séparations se feront à l'amiable et plus les enfants continueront d'avoir des parents qui se voient et coopèrent en tant que parents, même s'ils ne vivent plus en tant que conjoints. Il me semble que la voie est visible, qu'elle est plus ou moins balisée, tracée ; cela prendra simplement encore du temps pour se répandre.

Philosophe et thérapeute, Paule Salomon propose des séminaires de développement personnel dans un esprit socratique de questionnement et d'accouchement des êtres. Ses trois derniers livres, " La Femme Solaire ", " La Sainte Folie du Couple " et " La Brûlante Lumière de l'Amour " forment une trilogie sur " un nouvel art d'aimer ".

Entretien réalisé par Roberte Collaud

Recto Verseau : Spécial Féminin - Masculin. Fev 98
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
AU NOM DU COEUR

Entretien avec Paule Salomon

A la veille de ses stages et conférences en Suisse romande, la philosophe et thérapeute française Paule Salomon nous éclaire sur " La brûlante lumière de l'amour "

Dans son nouveau livre, Paule Salomon affirme que "l'amour est une brûlure et quand cette brûlure est acceptée, elle peut se transformer en lumière". Eclairage.

- "Apprendre à aimer est sans doute la tâche la plus importante de toute une vie." Pourquoi, selon vous, y rencontrons-nous tant de difficulté ?

- Je pense que la difficulté d'aimer vient essentiellement de l'ego. Chacun d'entre nous a une grande partie de énergie orientée vers l' affirmation de soi et de sa valeur. Nous héritons tous d'une grande difficulté relationnelle, celle d'ouvrir son coeur, parce que nous nous défendons contre toutes les agressions extérieures qui nous catalogueraient. Ce sont les jugements des autres, puis les nôtres, portés sur nous, qui vont être, d'une certaine façon, les écrans les plus forts entre nous et notre capacité d'aimer.

- Vous parlez de "l'infirmité du coeur (qui) est une maladie plus répandue qu'il ne semble". Comment la guérir ?

- En s'ouvrant à l' amour de soi et à celui, plus vaste, de la vie, dimension très intérieure qui a à voir avec l'âme. Si l'amour est un mystère, c'est bien parce qu'il procède de la vie intérieure, une dimension atrophiée dans notre monde actuel. L'amour ne peut pas se passer d'une conscience vaste.

- Vous dites aussi : "La rencontre du sacré et du profane est sans doute la grande affaire des décennies à venir ". Croyez-vous à une prise de conscience suffisamment authentique et universelle permettant d'y parvenir ?

- J'y crois, parce que jamais autant de gens ne se sont tenus à la frontière de ce possible. Nous sommes de plus en plus nombreux à prendre conscience du processus.

- Votre définition de l'amour ?

Une vibration qui vient du coeur et qui se transforme en sensation physique, sans être forcément liée à une seule personne. Au fur et à mesure que cette dimension se développe chez quelqu'un, elle va s'étendre à tout le monde. C'est ce qu'on appelle la compassion dans le bouddhisme. C'est le meilleur de chacun qui peut entrer en relation avec le meilleur de chacun. Il se passe quelque chose qui donne une profonde satisfaction ; tout le contraire du manque et de la frustration.

- Vous posez une série de question dont : " Allons-nous quitter la souffrance et la crucifixion pour entrer dans le plaisir d'exister ? " Qu'en pensez-vous ?

- C'est une intuition que j'ai eue très jeune, qu'après s'être nourrie et enrichie à travers la souffrance, la civilisation allait découvrir que le bonheur et le plaisir étaient des sources de créativité bien aussi grandes, que de plus en plus de créateurs découvriront l'immensité de l'extase. J'y, crois encore, mais après avoir moi-même traversé les écueils de ma vie, je me rends compte qu'être quelqu'un qui ne fait pas entrer la souffrance dans sa vie demande beaucoup de connaissance de soi. Ce n'est pas si simple.

Entretien réalisé par Jef Gianadda

Le Matin, Octobre 97
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
ELOGE DE L'INTUITION

Entretien avec Paule Salomon

" Tous les grands managers sont des gens très intuitifs."

Philosophe et psychothérapeute française, Paule Salomon concentre son écriture et son enseignement sur la transformation des identités masculines et féminines, tant sur le plan social qu'individuel. Analyse d'un difficile équilibre.

- Quel regard portez-vous sur le monde du travail?

Je pense que l'univers professionnel, aujourd'hui, est davantage organisé au masculin qu'au féminin. Le féminin a un rapport au réceptif, alors que le masculin a un rapport à l'émissif, à l'actif. Pour prendre une image, le masculin est la théière, le féminin le bol. Dans chaque situation, il y a une double manière de concevoir les choses: une manière plus en rapport avec l'immobilité, avec le fait d'écouter et de recevoir, et une manière plus en rapport avec le fait de fait de conquérir. Actuellement, dans le monde du travail - c'est pour cela qu'on connaît des problèmes de stress -, prime l'esprit de conquête et d'intervention, au détriment de l'écoute.

- L'intervention n'est-elle pas légitime? peut-on vraiment se permettre d'écouter et d'attendre?

Je constate (y compris dans ma vie, parce que j'hérite aussi de cela) que le sentiment d'urgence est toujours disproportionné et qu'il prend toujours appui sur la peur du manque. Nous sommes très structurés - de façon archaïque - sur la peur du manque, sur la famine. Et ce, dans tous les domaines, alors même que nous vivons dans une économie d'abondance. Je suis aussi prise dans ce schéma, devant souvent desserrer cette mâchoire afin de vivre plus souplement, avec plus d'aisance réelle intérieure.

- Comment trouver l'équilibre?

L'émergence des femmes dans le monde professionnel étant encore marginale dans certains milieux, on pourrait souhaiter qu'elle se développe - ce qui est en cours -, mais aussi que l'esprit du féminin influence davantage ce même milieu professionnel. Ce qui demande également toute une évolution des femmes.

- Des femmes?

Je trouve que les femmes qui visent des responsabilités professionnelles importantes ont toutes adopté un profil d'efficacité masculin Les femmes peuvent apporter le langage de leur corps, celui du réceptif, mais pour l'instant elles véhiculent un langage de la tête qui est hérité de la dominance masculine.

- Que devraient comprendre les femmes en ce domaine?

Elles ont besoin de se rendre compte que c'est en tant que femmes qu'elles apportent le plus et non en tant qu'esprits masculins habitant des corps de femmes. Ces changements-là ne sont pas véritablement réalisés. Même en termes économiques, on sera amené à envisager les choses de cette manière. Il n'est pas certain, en effet, qu'une compétitivité stressée soit celle qui a le plus de rendement. II est probable qu'il serait globalement beaucoup plus agréable et beaucoup moins coûteux en santé et en projets avortés de travailler de façon plus détendue.

- Dans le monde souvent très rationnel du travail, l'intuition a-t-elle sa place?

Je pense que tous les grands managers sont des gens très intuitifs, et que contrairement à ce qu'on pourrait croire, les entreprises qui s'en sortent le mieux, sont probablement celles qui ont à leur tête des gens extrêmement souples, adaptables et intuitifs - ayant donc des qualités féminines - plus que des gens rigides, hyper rationnels et impitoyables. L'ère de l'impitoyable a fait son temps. Tout le monde ne s'est pas encore aperçu de cela, mais il faut savoir que l'intelligence, c'est l'adaptabilité.

- Vous parlez de 'grands managers' :Qu'est-ce qui les distingue?

C'est ceux qui peuvent traverser les crises en ayant une vision. Les gens qui fonctionnent à court terme risquent de plus en plus de se planter, dans la mesure où beaucoup de changements - que ce soit par les guerres, le terrorisme ou les effondrements boursiers -peuvent intervenir brusquement. Le rationnel a été construit sur l'immuabilité. L'intuition, c'est s'adapter à l'instant. II est très facile de comprendre que, sur la durée, toute organisation rigide et rationnelle est appelée à se briser

- Un des moteurs principaux de l'engagement personnel est la motivation. Comment motiver un employé ?

En lui donnant une participation créative. Si quelqu'un ne se sent pas valorisé dans son travail, il sera à coup sûr démotivé. C'est vrai qu'on travaille pour gagner sa vie, mais on travaille aussi pour exister. Chacun de nous a besoin d'exister aux yeux des autres et à ses propres yeux. Un employé heureux, c'est un employé qui est considéré. La considération est une denrée rare à notre époque. Ce n'est pourtant pas ce qui coûte le plus cher. Malheureusement, très peu de gens sont vraiment bien considérés et appréciés

- On dit l'ego cause tous les maux. Vrai ou faux?

Je ne suis pas bouddhiste et considère donc l'ego comme une belle et saine dimension. Dans mes séminaires, je constate d'ailleurs que les gens ne viennent pas en maîtres, avec des problèmes de maîtrise, mais en esclaves, ayant besoin de nourrir et de renforcer leur ego pour retrouver confiance en eux et oser. Dans une entreprise, il est cependant certain que les oppositions d'ego font perdre beaucoup de temps et d'énergie: trop d'ego en compétition vont s'annuler; il y a donc une juste proportion à trouver. Cela dit, sans un bon ego on n'aura pas quelqu'un de créatif, la créativité étant liée à l'affirmation de soi.

Entretien réalisé par Jef Gianadda

"Exel" octobre 2002
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La fin de la guerre des sexes

Entretien avec Paule Salomon

Pour Paule Salomon, la guerre des sexes est un malentendu :

pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui il s'agit de devenir forts et doux.

Réel : Aujourd'hui la place de l'homme et de la femme dans le couple, dans la société est en train de changer, vous qui voyez beaucoup d'hommes et de femmes en démarche d'évolution, que pouvez-vous nous apporter sur ce sujet là et quels outils proposez-vous pour aider ces hommes et ces femmes dans leur parcours ?

Paule Salomon : Je crois qu'effectivement le couple est en crise. Ce constat d'ordre sociologique concerne beaucoup de gens, et les recherches sur la psychologie du couple s'affinent. Je pense que le pire reste encore à venir, et en même temps, je constate qu'il y a une possibilité d'envisager la fin de la guerre des sexes. J'entrevois un axe, une solution, un apaisement, il ne s'agit pas d'une fatalité, d'un fossé abyssal, qui sépare deux êtres différents, mais d'un malentendu de civilisation. Nous savons que l'amour est comme une fleur qui n'a cessé de s'épanouir et de se développer à travers les siècles, de se raffiner à travers les plus poétiques d'entre nous, hommes ou femmes. L'amour est une dimension en hausse à l'heure actuelle, tout le monde se réclame de cette valeur et voudrait l'incarner au moins une fois dans sa vie. Personne ne se résigne à faire un couple dans lequel il n'y a ni désir, ni amour. Nous sommes donc dans une tension paradoxale. Jamais on n'a autant demandé au couple qui est en train de devenir le creuset de l'amour. L'objectif est très différent et la manière de vivre ensemble n'a pas évolué; donc nous nous trouvons dans une sorte d'impasse, il y a toujours autant d'élan, mais des difficultés se révèlent de plus en plus. Nous héritons aujourd'hui d'une situation globale sur la sexualité, sur la relation au corps très insuffisante, qui fait que la misère sexuelle est aussi une réalité suffisamment générale pour être préoccupante.

" Lorsqu'une femme prend trop de pouvoir dans le couple,

son mari a des problèmes de désir, lorsqu'un homme écrase sa

femme par son autorité, elle a des problèmes de désir. "

Réel: Dans vos livres, vous parlez de la sexualité comme pouvant nourrir en nous les aspects les plus fins, une sexualité "éveil', pouvez-vous nous en parler ?

Paule Salomon : Tout d'abord, on ne peut séparer le sexualité des difficultés psychologiques. Ces difficultés tiennent à trois types de handicaps. Le fusionnel est le premier : beaucoup ont vécu une fusion la mère ou au père qu'ils revivent avec leur compagnon ou leur compagne. Ce fusionnel s'accompagne d'une grande possessivité et des heurts se préparent, car une personne ne nous est jamais complètement dévouée. L'autre a d'autres désirs et la différenciation intervient au sein de la fusion, le Je ressurgit au sein du Nous. Tout au long d'une vie, le Je réclame son dû, toute personne a besoin de continuer d'avancer vers elle-même et en même temps de trouver le moyen de nourrir le Nous. On ne prépare pas nos adolescents à sortir de l'illusion du fusionnel correctement. Le fusionnel est une forme d'amour importante reliée en nous à ce que nous avons de plus spirituel, au sentiment d'unité, mais avec des limites archaïques qui le rendent trop possessif et englobant, pour laisser la place à l'épanouissement de la personne. Le deuxième handicap est la relation dominant-dominé qui structure notre société et qui se retrouve dans le couple. Pour être simple et trivial : "qui va tirer la couverture à soi ? ", pendant la nuit, lequel va se retrouver tout nu, lequel va grelotter de froid, pendant que l'autre est bien enroulé dans la couverture ? Parfois en séminaire, je fais faire un jeu avec une feuille de papier, disant au couple "voilà, cette feuille de papier est unique, précieuse, alors lequel des deux va parvenir à la garder pour lui tout seul ? ", ce n'est pas triste de voir ce qui se passe, même avec des gens prévenus ! Autrement dit, le désir de survie en nous est très important et dès qu'on empiète sur ce territoire, les réactions sont extrêmement vives. Le dominant-dominé nous plonge au coeur des structures sociales, car nous sommes obligés de reconnaître que depuis des millénaires la société s'est structurée au masculin. Dominance masculine théologique, la notion du Dieu est masculine avec une culpabilité de la femme qui a fauté. Même aujourd'hui dans un contexte différent cette inscription est profonde en nous. La relation dominant-dominé a besoin d'être apprivoisée. Tout comme le fusionnel, elle n'a pas que des aspects négatifs. Le négatif, c'est l'exploitation des uns par les autres. L'aspect positif, c'est une hiérarchisation des fonctions : "dans les domaines que tu connais le mieux, c'est toi qui m'enseignes, et dans les domaines que je connais le mieux, c'est moi qui t'enseigne." Comme nous sortons d'une relation parents-enfants, nous avons tendance à jouer à l'adulte avec l'autre et à lui donner le rôle de l'enfant, ce qui ne manque pas de faire conflit, car aucun d'entre nous ne souhaite qu'une personne s'immisce dans sa façon de vivre. Dès qu'il y a ce jeu de mise en coupe réciproque, de surveillance, dès que je veux changer l'autre, j'introduis dans la relation une possibilité de refus et de conflit qui est préjudiciable à l'amour et qui érode la force du désir. Lorsqu'une femme prend trop de pouvoir dans le couple, son mari a des problèmes de désir, lorsqu'un homme écrase sa femme par son autorité, elle a des problèmes de désir en ce sens qu'on ne peut séparer sexualité et psychologie.

Réel: Le troisième handicap à la relation est donc le conflit issu du jeu dominant-dominé. Pour ne pas rester dans le cercle vicieux du conflit quels outils proposez-vous ?

Paule Salomon : Vous avez raison de parler d'outils car mon travail dans les séminaires est de trouver les outils pour sortir du fusionnel, pour permettre au dominant-dominé d'être vécu de façon positive. Ce troisième temps fort, celui du conflit, je souhaiterais le voir aborder partout pour les adolescents. Je trouve que c'est un secteur essentiel car la planète est loin d'être sortie de la guerre. Nous sommes exploiteurs les uns pour les autres dans des conflits des teurs et mortifères en ce qui concerne les nations comme pour le couple. C'est un cercle vicieux du blessé-blessant. La personne blessée devient potentiellement dangereuse pour l'autre, donc blessante, et dès que je suis blessée, je deviens blessante à mon tour. Et beaucoup d'entre nous, même parmi ceux qui ont beaucoup travaillé sur eux, découvrent un jour quelqu'un qui est leur maître à ce niveau-là, quelqu'un avec qui ils ne parviennent pas à juguler le conflit, et sentent monter en eux des violences dont ils ne se seraient pas sentis capables. Et voilà que des forces de destruction diaboliques se manifestent. Alors c'est là que l'intelligence du cœur peut intervenir, il faut un troisième terme: deux personnes engagées dans un conflit blessé-blessant peuvent évidemment parvenir à en sortir seules. Il faut souvent l'aide d'un thérapeute au moins sur l'un des deux et parfois sur les deux et même lorsqu'on apprend les outils, soyons clair, il n'est pas toujours facile de s'en servir. Pour moi, l'intégration des outils sur lesquels je travaille demande plusieurs mois voire un ou deux ans. C'est un endroit terrible où l'ego est narcissiquement atteint, un endroit relié à la peur que chacun d'entre nous nourrit d'être pris en défaut. Pour sortir du conflit, il faut se mettre en cause et commencer d'accepter son ombre : je dis des mots qui peuvent paraître sibyllins : 'Le coeur naît de l'ombre'. Nous croyons aimer, mais sommes dans l'illusion de l'amour tant que nous ne tes pas capables de reconnaître nos torts.

'' Le coeur naît de l'ombre.''

La définition de la tyrannie, c'est de ne pas être capable de se mettre en question. Nous sommes tous des tyrans dans la défense de notre ego. Cela nous demande un retoumement spirituel, c'est le développement de la conscience que d'être cette personne qui va pouvoir se mettre en cause devant l'être aimé : "oui je suis cette personne qui oublie d'éteindre la lumière, qui dépense trop d'argent, qui rentre plus tard que prévu, etc..." C'est un mouvement subtil qui consiste à pouvoir accepter de se mettre à cet endroit-là qui va décomprimer les tensions. II y a aussi la dimension l'empathie, celle qui consiste à se mettre à la place de l'autre, la dimension de l'écoute active qui permet d'entendre derrière les mots la souffrance qui anime la personne, c'est-à-dire de ne pas entrer dans le jeu réactif de la souffrance. Les outils du conflit sont à apprendre en séminaire, pas dans les livres, pas dans les conférences. Il faut les vivre.

Réel: Ce conflit est d'autant plus aigu à l'heure actuelle que les femmes deviennent plus dominantes et que les hommes sont davantage en contact avec leur partie féminine.

Paule Salomon : Je me passionne beaucoup pour cet aspect que je considère comme une chance pour notre époque. Nous sortons de l'ornière de la relation homme-femme qui la confinait à l`intérieur et les hommes à l'extérieur. Ceci se traduisait par un refoulement du féminin chez l'homme (en tant qu'archétype guerrier : de la finance, de l'esprit ou des armées) et du masculin chez les femmes. Ce double refoulement a cédé sous la pression des mouvements féministes qui a permis peu à peu que la femme retrouve une place active. C'est comme si nous nous étions partagé un temps l'humanité en deux : aux hommes, l'actif ; aux femmes, le réceptif. En fait, tout être humain est à la fois actif et réceptif. Un nouvel homme et une nouvelle femme sont en train de se dessiner. Leur 'figure' n'est pas terminée, c'est comme un puzzle qui compose déjà un paysage que nous pouvons entrevoir. Je parle de cette nouvelle femme dans La Femme solaire. La lune était traditionnellement l'attribut de la femme, reliée aux menstruations, et comme la lune reflète le soleil, la femme était chargée de refléter l'homme. Mais à son tour aujourd'hui, elle devient rayonnante. Ce ne sont pas les hommes évolués qui me diront le contraire, les hommes qui croyaient aimer des femmes soumises se rendent compte que la femme rayonnante, c'est merveilleux pour eux. En même temps, ils en ont peur parfois, car ils la confondent avec la femme dominante et la Déesse-Mère.

'' Les hommes qui croyaient aimer des femmes soumises se rendent compte que la femme rayonnante, c'est merveilleux pour eux ''

des origines, avec la femme très puissante vue comme castratrice. Ils ont peur que cette femme émergente redeviennent castratrice, et il faut bien avouer que le risque existe. Au sortir d'années de soumission et d'engloutissement, la révoltée a un aspect vindicatif, durci, trop mental, elle perd certains traits que les hommes à juste titre, aiment dans la douceur féminine. Je précise que les hommes sont en train d'acquérir de la douceur et !es femmes de la force, et que pour chacun d'entre nous, il s'agit de devenir fort et doux.

Une nouvelle difficulté vient de ce que les femmes sont trop fortes et pas assez douces, et les hommes trop doux et pas assez forts. Un déséquilibre sociologique - plus accentué aux Etats-Unis - peut se révéler en Europe. La féminité est en train de toucher les hommes qui deviennent de plus en plus sensibles et cette sensibilité est à la fois positive et difficile. Ils descendent dans les enfers de leur inconscient qui comporte ce côté dépressif de la nature humaine. Longtemps les femmes étaient seules à faire des dépressions, aujourd'hui les hommes en font lorsque leurs femmes les quittent ou que leur vie professionnelle s'effondre... Mais ce moment donne l'occasion de retrouver un sens profond à la vie.

Comment chacun peut-il marier ces polarités? Chaque être est unique, les nuances sont multiples. Les hommes qui viennent me voir en séminaire, sont des hommes qui évoluent vers leur féminin intérieur et sont capables de faire de leur vulnérabilité une force. Voilà le véritable retournement : pendant longtemps, la force était de tenir l'épée, d'être riche, d'avoir une grosse voiture, de l'argent, une place sociale importante, aujourd'hui c'est aussi l'humour, être capable d'aimer sa femme, de devenir un amant de plus en plus vibrant et sensible, d'être un père qui touche ses enfants, qui les élève, leur donne le biberon, quelqu'un qui développe sa dimension poétique, écologique et planétaire. Mais au passage, cet homme plus sensible devient moins compétitif dans un monde qui se vit encore beaucoup masculin.

Nous n'avons plus qu'à souhaiter que les femmes restent pas dominantes trop longtemps et qu'elles ouvrent leur coeur au sein de la force nouvelle qui consiste à contacter et dissiper le malentendu que les hommes continuent de nourrir en croyant que la femme émergent va les écraser.

propos recueillis par Cécile Fraydon-Point

Journal Réel, nov 2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
L'AMOUR, LE COUPLE ET LE CELIBATAIRE

Entretien avec Paule Salomon

PAULE SALOMON, auparavant professeur de philosophie, anime aujourd'hui des séminaires de développement personnel. Elle a mené des recherches approfondies sur les hommes, les femmes, les hommes et les femmes.
Elle est notamment l'auteur de La Sainte Folie du couple.

- Depuis quand les humains vivent-ils en couple ?

" II y a une dimension historique à la notion de couple. Pendant des siècles et des siècles de préhistoire, elle n'existait pas. Les hommes et les femmes se rencontraient sexuellement, mais ne vivaient pas ensemble au sens de la famille. La notion de couple sous la forme patriarcale, avec un père dominant, est récente. Elle date de 2 000 à 3 000 ans avant Jésus-Christ. "

- Que s'est-il passé pour qu'on bascule vers la vie de couple ?

" II semble que les hommes se soient révoltés contre les femmes... Un peu partout sur Terre, les premières notions religieuses étaient liées à un celte de la femme en tant que mère, avec ses hanches, son ventre. Ce qui était sacré, c'était ça, la déesse-mère. Tout gravitait autour du ventre de la femme et des enfants qui en étaient sortis. Les hommes n'étaient pas pères au sens nominal, mais au sens nourricier. En ces temps-là, il y avait le cercle des hommes et le cercle des femmes. Cette bipartition du monde s'est exacerbée jusqu'à un point où les hommes ont décidé de s'affirmer. Ils l'ont fait par les armes. Cette force physique est alors devenue puissance dominante. Elle allait avec un esprit de possession, de conquête. La conquête des territoires s'est accompagnée de la conquête des femmes. A partir de là est apparue l'idée qu'une femme devait appartenir à un homme. Ça ne s'est pas fait paisiblement, par l'amour... Les femmes ont d'ailleurs résisté le plus longtemps possible.Les derniers temples du culte à ta fertilité de la déesse-mère ont été fermés en l'an 700 après Jésus-Christ. Puis, peu à peu, la notion de couple s'est affinée et, dans la cohabitation, les sentiments ont évolué. "

- On voit aujourd'hui beaucoup de jeunes hommes ou de jeunes femmes sortir en bandes séparées, louer des maisons entre femmes ou entre hommes...

" C'est pour un renforcement d'identité. L'émergence de la femme depuis un demi-siècle a fait tellement éclater les enfermements dans lesquels elles vivaient que les jeunes femmes, aujourd'hui, ont très peur de perdre leur liberté par (e mariage. La liberté extérieure existe, elles ont un compte en banque, elles prennent la pilule, etc, Mais à l'intérieur on s'aperçoit que la confiance en soi des femmes n'est pas encore aussi bien établie qu'on le croit. Les jeunes hommes aussi sont en pleine crise. La nouvelle identité des femmes consiste à incorporer "du masculin", c'est-à-dire de l'action, de la conquête. Pour les hommes, c'est l'inverse: ils incorporent beaucoup de sensibilité, de douceur dite féminine. Or ça les met dans une position de sensibilité vis-àvis des femmes, difficile à marier avec leur virilité. Comme ils sont en recherche d'une nouvelle virilité, la fréquentation des autres garçons les consolide. Tout cela se fait inconsciemment, bien sûr. "

- Quel regard porte aujourd'hui la société sur les célibataires ?

" Les "vieilles filles", les "vieux garçons", c'est fini. A l'heure actuelle, c'est tout le contraire. Il y a une sorte de fierté. On peut afficher son côté "célibattant". On pense de plus en plus en termes de réalisation de soi. Comment le "je" aujourd'hui peut-il accepter de devenir le "nous" ? On veut bien faire le "nous" s'il est composé de deux "je"... Quant aux célibataires qui ont déjà connu un mariage et ont divorcé, ils ont souvent vécu seuls pendant quelques années. Ils ont profité de cette période pour faire connaissance avec eux-mêmes. Mais ils sont aussi devenus très exigeants et ne sont plus prêts à risquer les blessures d'amour alors qu'ils ont trouvé un équilibre, ils rêvent d'être amoureux. Mais fa formule du couple à temps plein est remise en question. Beaucoup aimeraient du couple à temps partiel, alterner des périodes de solitude et de compagnonnage. Comment s'engager et ne pas perdre sa liberté ? Quelle est la forme de couple qui répondra à cela ? Des appartements séparés, ne se voir qu'une partie de la semaine, avoir des zones "à toi", "à moi" ? La question est de trouver une forme de couple qui "enserre" moins. »

Propos recueillis par J. J.

La voix du Jeudi, 14.02.2002

Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
"On décide inconsciemment de ne plus séduire, par manque d'amour de soi"

Entretien avec Paule Salomon

Femme Actuelle: Plaire, cela dépend de quoi ?

Paule Salomon : L'apparence que l'on offre aux autres est importante, dans la mesure où elle exprime nos goûts esthétiques, le plaisir que l'on a de s'habiller ou non, l'aisance qu'on peut avoir avec son corps, etc. Mais le moteur central de la séduction est intérieur, c'est ce qui émane de nous profondément. On ne porte pas le même regard sur un visage affaissé par la déception ou illuminé par le plaisir de vivre. Séduire suppose donc de s'aimer un minimum, de se sentir en accord avec soi-même.

Femme Actuelle: Pourtant, à certaines périodes, on peut se sentir transparent...

Paule Salomon: C'est normal. Les jours où l'on se sent gros(se) ou mal habillé(e), on manque de confiance en soi, on s'aime moins et cela transparaît dans notre comportement : on s'efface, on ne regarde pas les autres. II en va de même lorsqu'on est préoccupé, fatigué, physiquement et moralement. Pour séduire, il nous faut éprouver une certaine insouciance, être disponible. Ces états de grâce nous permettent d'être présents aux autres, physiquement et mentalement, et de goûter l'instant.

Femme Actuelle: Comment expliquer ce sentiment durable de ne plus plaire ?

Paule Salomon: II peut s'expliquer par des blessures narcissiques de l'enfance, qui induisent un profond manque de confiance en soi. Par réaction, on peut compenser en investissant particulièrement dans son physique, mais cette séduction s'épuise vite puisqu'elle ne tient qu'à des formes. Ou cultiver certaines attitudes, certaines poses, mais séduire « mécaniquement » n'est pas épanouissant puisque cela ne renvoie à rien d'authentique en nous. C'est ce qui explique que certaines personnes qui ont eu beaucoup succès un temps se fanent très rapidement. D'autres, au contraire, qui se sentent en accord avec eux-mêmes à 40 ans ou 50 ans, deviennent attirants à ce moment-là.

Femme Actuelle: Vieillir ne joue-t-il pas un rôle dans le fait de ne plus être séduisant ?

Paule Salomon: A mon avis, non. Je crois qu'on décide inconsciemment de ne plus séduire, par manque d'amour de soi, on trouve un prétexte à nos renoncements parce qu'on est trop vieille, trop grosse ou autre. C'est de l'autocensure. En général, on tient beaucoup ànos croyances, même si elles nous font souffrir, parce qu'elles nous donnent une illusion de contrôle : on « sait de quoi il retourne ». Dès lors on provoque ce dont on est persuadé pour se prouver qu'on a raison.

Femme Actuelle: Comment redevenir séduisant ?

Paule Salomon: II est important de faire un travail sur soi pour se débarrasser des croyances dans lesquelles on s'est enfermé. II faut s'efforcer aussi de ne pas couper lecontact avec autrui en se laissant aller physiquement, en n'étant pas curieux des autres, en cultivant les conflits, etc. Et ne pas se couper du désir, qui n'est pas que sexuel. Cultiver toutes les formes de sensualité nous aide à retrouver notre goût de vivre et donc le charme qu'on inspire.

Femme Actuelle, 2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3