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Entretiens avec Paule Salomon
Article 1 : LES HOMMES EN MUTATION
Article 2 : COMMENT MIEUX ETRE MALE
Article 3 : " IL FAUT ABANDONNER LA COMPLEMENTARITE "
Article 4 : PROFESSION ACCOUCHEUSE D'AMES
Article 5 : COMMENT EVITER LES CONFLITS ?
Article 6 : POUR ENTRER DANS L'ESSENTIEL DE LA RELATION HOMME-FEMME
Article 7 : AU NOM DU COEUR
Article 8 : ELOGE DE L'INTUITION
Article 9 : LA FIN DE LA GUERRE DES SEXES
Article 10 : L'AMOUR, LE COUPLE ET LE CELIBATAIRE
Article 11 :"On décide inconsciemment de ne plus séduire,
par manque d'amour de soi"
LES HOMMES EN MUTATION ou le masculin à réinventer
Paule Salomon, philosophe et thérapeute, propose une réflexion,
sur la crise de passage qui affecte les hommes d'aujourd'hui
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
Entretien avec Paule Salomon
En quête de nouveaux repères, l'homme du 3e millénaire
saura-t-il trouver un équilibre entre force et douceur, sera-t-il
aussi réceptif qu'actif, renouera-t-il avec la part féminine
de son être pour explorer son intériorité ? Vous
venez de publier votre nouveau livre " Les hommes se transforment
". Qu'est-ce qui
vous a amené en tant que femme à vous intéresser
à la condition masculine et plus particulièrement à
sa crise d'identité ?
J'ai été amenée à prendre conscience très
progressivement de l'importance de l'identité dans le changement
de société et aussi l'importance de l'identité
sur le plan spirituel. C'est-à-dire que j'ai fait un lien qui
à mon sens n'a pas encore été souvent fait par
ailleurs, c'est de montrer et de faire vivre dans les séminaires
que j'anime, qu'être une femme et être un homme, c'est
se diriger d'avantage vers soi-même et c'est donc se relier
à cet amour de soi qui est au centre du développement
personnel. C'est aussi au coeur même de l'accomplissement de
soi au sens où Jung le définit, le processus d'individuation
qui signifie que chaque être humain tend toujours plus vers
l'individuation de son être, donc son extraction du consensus
social, mais aussi toujours d'avantage vers sa réalisation
intérieure. Et pendant longtemps, tout était très
séparé, même encore aujourd'hui. C'est-à-dire
la spiritualité d'un côté, les sciences humaines
de l'autre et on pourrait dire aussi l'art de la transformation est
encore un troisième volet et j'ai fait une sorte de pont entre
tous ces domaines. Parce que l'être humain, évidemment,
est un être de synthèse et ne demande pas et ne se soucie
pas, dans son avancée vers soi, des analyses. Nous avons besoin
de toutes ces dimensions : de la dimension collective, de la dimension
personnelle individuelle et aussi de l'accès aux croyances
collectives, or, derrière le fait d'être un homme ou
d'être une femme, il y a énormément de croyances
collectives.
Ce questionnement sur la mutation du masculin et du féminin
vous apparait-il comme une étape essentielle dans l'évolution
de l'humanité ?
Je ne cherche pas à employer de trop grands mots ni à
décrire trop un système, mais il me semble que nous
sommes amenés aujourd'hui à mesurer toujours d'avantage
l'importance de cette transformation parce qu'elle sous-tend toutes
nos rencontres amoureuses, elle sous-tend l'organisation de la famille
et elle sous-tend aussi une nouvelle définition de la spiritualité.
Dans mon tracé, je reviens beaucoup au corps, à la sensation,
à la laïcité, je dirais même à la
nudité de l'être et parfois même je m'interroge
sur le fait qu'on ait si peu cherché le miracle intérieur
dans l'étre, dans la profondeur de l'expérience humaine,
parce qu'une de mes recherches est d'arriver à sortir des grandes
théories, des mystifications des traditions. Même encore
aujourd'hui, je vois beaucoup de gens se diriger en pèlerins,
soit vers Bouddha, soit vers Lourdes, soit vers toutes sortes de confessions,
alors que j'ai parfois la sensation, certaines nuits, de vivre des
choses inouïes et ceci absolument sans contexte autour, des états
intérieurs très dépouillés. Je trouve
qu'il y a une errance qui vient du fait qu'on cherche toujours à
l'extérieur ce qui est à l'intérieur. Vous voyez
que mon langage est à la fois profondément intérieur
et aussi en même temps, je travaille apparemment sur le plus
extérieur, c'est-à-dire l'immensité. Il y a très
peu de gens qui font le lien entre être un homme et la spiritualité.
Pour beaucoup de gens, dès que l'on est dans le spirituel on
est tous des anges... ou des démons... !
D'autre part, ce qui m'a amené à découvrir beaucoup
de choses sur l'identité masculine et écrire un livre
c'est que les hommes de mes séminaires mixtes m'ont demandé
de faire des séminaires sur l'identité masculine. Comme
j'en faisais déjà sur l'identité féminine,
cela m'a donné cette idée et je dois dire que je n'ai
pas du tout été influencée par le mouvement anglo-saxon
autour de Bly (cf. note 1), ni par Guy Corneau (cf. note 2), par rapport
à ça. Je ne connaissais même pas encore Guy que
je faisais déjà les séminaires d'hommes et donc
je suis entrée dans cette expérience absolument vierge.
En tout cas, je n'avais aucune connaissance d'aucun livre, d'aucun
travail sur la question et je me suis appuyée sur la légende
d'Isis et d'Osiris, qui m'a beaucoup inspirée. Je travaille
d'ailleurs beaucoup de façon symbolique et par exemple, la
" Roue de la transformation " en sept étapes qu'il
y a dans le livre est une roue que l'on retrouve dans mes livres "
Femme solaire ", et " Sainte folie du couple " et donc
dans " Les hommes se transforment " ; mais ce que je peux
dire, c'est que chaque année de recherche ou temps de recherche
sur cette légende me parle infiniment plus chaque fois. C'est
toute la richesse inhérente à chaque symbole.
Au début de votre livre vous posez la question : " qu'est-ce
qu'un homme ? " Comment voyez-vous cet homme, ce nouvel homme
qui semble se profiler ?
Je le vois comme un puzzle, en fait, j'ai l'impression de faire partie
des gens qui rassemblent les morceaux. Mon propos n'est pas d'y répondre
mais d'amener les hommes à trouver une réponse différente
de celle que leurs aînés avaient données et les
hommes qui venaient à moi étaient des hommes qui étaient
en crise d'identité. Dans les stages, ils se trouvent souvent
en nombre inférieur et c'est un problème pour les animateurs
que d'avoir des stages déséquilibrés, et tout
animateur sensible vous dira que ce n'est pas bon. C'est pour cela
qu'avec les stages " Femme solaire - Homme lunaire ", j'ai
toujours eu une parité. Mais j'ai pu constater que la parité
est très difficile à obtenir parce que j'ai vu d'autres
animateurs organiser des séminaires sur le thème "
être un homme, être une femme " en demandant que
l'homme soit inscrit gratuitement... comme autrefois les femmes dans
les discothèques !
Je pense que j'y arrive probablement parce que je fais un travail
en profondeur avec les hommes. Dans la crise d'identité d'un
homme actuel, cela peut se vivre comme étant une personne sensible
et ne pas se reconnaître dans l'homme invulnérable d'autrefois.
Les mots sur lesquels je m'appuierais le plus seraient les mots vulnérable,
invulnérable et puissance et amour. Autrefois, l'homme était
invulnérable et puissant c'était sa définition
- il s'arrangeait pour être puissant par la force, par l'argent,
par le pouvoir administratif ou politique ou encore par l'intelligence,
par la ruse. Si nous voulons parler d'une nouvelle façon d'être
un homme, c'est que la vulnérabilité devient une valeur.
Donc affectif, tendre, sensible, esthète... Là où
j'interviens et là où ceci est pour moi fondamental
- et c'est à mon avis par exemple ce qui me distingue de Guy
Corneau - c'est que j'invite les hommes à reconnaître
que c'est un affaiblissement au départ et à explorer
cet affaiblissement tout en aimant et en acceptant cet affaiblissement,
car on ne peut rien dépasser sans accepter et accepter de rentrer
dans un creux, le creux du féminin, c'est affaiblissant pour
un homme et c'est en même temps extrêmement enrichissant.
Nous retrouvons le démembrement d'Osiris. À mon sens,
il n'y a pas de résurrection sans une descente aux enfers.
Alors accepter - il n'y a pas non plus d'oeuvres réalisées
sans " oeuvre au noir " - donc accepter ce creux, qui est
possible sur le plan individuel. Vous pouvez très bien le comprendre
intellectuellement, mais c'est autre chose de l'accepter dans sa vie
et c'est encore autre chose que, sur le plan collectif, les hommes
puissent se décentrer. Il y a donc une crise qui est là
et une autre qui se prépare, infiniment plus grande car, on
pourrait dire que les hommes qui sont, au fond, atteints aujourd'hui,
sont plus ou moins des hommes qui ont déjà du mal à
exister - en fonction du fait qu'ils sont un peu en avance dans la
crise - mais d'ici cinquante ans, on peut s'attendre alors à
ce que la société soit vraiment en crise si cet aspect
fondamental n'est pas reconnu et considéré avec conscience
et traité comme tel. Heureusement, nous générons
toujours les solutions de nos problèmes. Donc à l'heure
actuelle, je fais partie de ces solutions, je dirais que vous dans
cette partie, les magazines masculins probablement inconsciemment
en font partie, enfin il y a beaucoup de choses... les réunions
d'hommes aussi en font partie...
Quand l'homme accepte de contacter sa vulnérabilité,
est-ce qu'à ce moment la femme a un rôle à jouer
pour l'aider à passer ce cap ?
C'est une situation très délicate parce qu'à
mon avis, là aussi la situation n'est pas regardée dans
son ensemble. La situation est extrêmement complexe parce que
les femmes de notre époque se masculinisent et donc ont une
revanche à prendre souvent inconsciente. Il n'y a pas de mauvaise
volonté... mais c'est tellement grisant d'exercer son pouvoir,
pour tout être humain. Donc la réémergence des
femmes ne va pas sans s'accompagner d'un écrasement des hommes,
même involontaire, surtout involontaire. D'autre part, il y
a une difficulté qui apparait - ce que j'appelle le "
fils de la mère " c'est-à-dire cet homme qui est
très travaillé par le féminin, des valeurs en
somme du féminin et aussi souvent le " fils de la mère
" dans le couple parental, puisqu'il a choisi sa mère.
Il est attiré d'une façon irrésistible par les
femmes puissantes et inversement, les femmes puissantes sont attirées
par les hommes qui ont cette âme un peu souffrante mais aussi
tellement sensible. Donc, dans les couples modernes, il y aura et
il y a actuellement une influence extrêmement grande de la femme
sur l'évolution de l'homme. Cela a toujours été,
d'une certaine façon, il y a toujours eu ce désir, à
la fois, de refuser le féminin puisque le patriarcat est bâti
sur un refoulé du féminin mais en même temps un
grand désir de plaire ou de posséder en tout cas le
féminin, mais aujourd'hui, c'est presque à nouveau fusionner,
du même type que le fusionner des " déesses mères
" et des " fils amants ". D'ailleurs, si on veut parler
de nouveau couple, il y a de plus en plus de traces de couples dans
lesquels la femme est plus âgée que l'homme. Ce qui donne
des couples qui marchent très bien et ce n'est pas une problématique
pour ceux qui le vivent mais si on regarde bien, sur le long terme
cela peut en être une parce qu'il y a un rapport machiste quand
même derrière. Ce n'est pas inéluctable, mais
c'est une résurgence des déesses mères.
J'aimerai citer l'exemple d'un couple dans lequel l'homme était
un " fils de la mère " et quand ils se sont rencontrés,
il était extrêmement docile, avec de grosses lunettes
rondes, des cheveux informes... et ce qui est intéressant,
c'est qu'elle était probablement plus puissante que sa mère
encore, et elle l'a tellement poussé à bout dans sa
docilité qu'il a resurgi, qu'il a réagi, et il est devenu
un homme beaucoup plus affirmé parce qu'il s'est mis à
lutter contre l'emprise de cette compagne.
D'autre part, il s'est mis aussi à écouter ce qu'elle
disait, et donc il a abandonné ses lunettes, il a mis des lentilles,
il a coupé ses cheveux et vous verriez le look de ce garçon...
il est très beau à l'heure actuelle. Mais il est de
moins en moins docile, dit-elle... C'est-à-dire que cela se
retourne maintenant un peu contre elle et cette femme n'était
pas une initiatrice, elle l'a été à rebours.
D'une certaine façon, elle l'a obligé à accoucher
de lui-même mais c'est à contrario. Aujourd'hui, elle
est un peu déstabilisée. Ils peuvent très bien
évoluer vers autre chose. Alors oui, il y a un rapport de force
qui a changé un peu de nature.
En positif, la véritable initiation d'une femme passe par sa
conscience. Si une femme est favorable à un homme, dans son
évolution, si elle devient un facteur favo rable d'évolution,
c'est dans la mesure où elle va comprendre que ce passage au
féminin est une évolution et non pas quelque chose d'éternel,
et donc dans ce cas, elle va avoir un regard positif sur ce creux
et le fait d'avoir un regard positif sur ce creux peut très
bien aider l'homme à sortir de là. Dans les séminaires,
pour moi, c'est tout à fait caractéristique. Je favorise
la montée du masculin, contrairement à ce que l'on pourrait
croire notamment d'ailleurs en prenant le pouvoir et en le redonnant,
en laissant à nouveau un homme diriger les hommes, les hommes
se solidarisent entre eux. Au sein d'un séminaire de cinq jours,
il y a un jour et demi, où les hommes sont entre eux. Je n'interviens
absolument pas, ou je ne suis pas là. Et, comme la préparation
émotionnelle et le nettoyage au père et à la
mère a été fait, à ce moment-là,
en plus de l'accès à l'être, il y a un très
fort fusionnel des hommes qui se dégage, c'est quelque chose
d'extraordinaire, de sacré, vraiment, car les hommes ont fait
le nettoyage de leur dépendance, en tout cas provisoirement,
de leurs attachements, ils ont fait la paix avec le couple parental,
ils se sont détachés, il ont eu accès à
de la force intérieure à travers des rebirths par exemple.
Il y a différents rituels, le fusionnel des hommes entre eux
est formidable et ensuite nous reprenons sur la femme intérieure.
Ce qui veut dire qu'à cet instant, on accède plus à
l'androgynat. On constate que c'est souvent son attachement, sa dépendance
aux femmes extérieures, qui sépare l'homme de lui-même.
Plus un homme devient sensible, plus il dépend en somme du
féminin extérieur, donc il a un passage où il
parvient parfois à sortir de ce creux de la dépendance,
poussé tout d'abord par la vision que la solidarité
entre hommes est possible et ensuite, par l'accès à
plus d'intériorité personnelle, c'est-à-dire
atteindre son féminin propre intérieur.
Concernant les relations sexuelles, est-ce que l'homme tend à
vivre des relations moins compulsives, plus dans l'écoute,
dans l'attention ?
Il y a une idée qui m'intéresse, si on regarde les films
actuels qui ont marqué sur le plan érotique ; on voit
toujours les femmes faire l'amour aux hommes. Ce sont elles qui sont
dessus et non dessous, alors que dans les films d'il y a vingt ou
trente ans, c'était l'inverse... Il y a donc là aussi
quelque chose de très caractéristique : un homme dans
sa sexualité, au-delà de toute école de tantrisme
ou autre, est en train de découvrir qu'il peut être réceptif,
mais je dis bien, est en train, parce que ce n'est pas encore fait.
C'est une chose d'adopter la position, c'en est une autre de se lâcher.
Mais en tout cas la réceptivité, sur le plan sexuel
et émotionnel, est un des grands acquis du masculin. Aujourd'hui,
c'est la voie d'avancée et cela se retraduit bien dans la manière
de faire l'amour. Plus un homme évolue, plus il va devenir
réceptif, donc sensible aussi à l'énergie et
plus il va faire l'amour de manière subtile. Plus ce qui était
extérieur va s'intérioriser et éventuellement
plus son orgasme extérieur va pouvoir devenir intérieur,
plus l'éjaculation va pouvoir être retardée, mais
pas comme une technique, mais comme quelque chose de central. Je trouve
dommage qu'aujourd'hui dans le développement personnel, on
fasse du tantra sans tenir compte qu'il faut tout un travail préalable
sur la route de la transformation. Au début de mes séminaires,
je ne comprenais pas ce qui se passait. Je voyais des gens arriver
qui avaient fait du tantra et qui tremblaient, des hommes qui tremblaient
un peu, et je me rends compte aujourd'hui que ce sont des hommes encastrés
dans le premier stade, alors que le développement tantrique
fait partie à mon sens de l'androgynat, c'est-à-dire
du mariage intime du masculin et du féminin en soi, du réceptif
et de l'émissif, de l'actif. Il y a là quelque chose
qui n'est pas fait correctement, on brûle les étapes
de façon à devenir performant, ce qui n'est pas du tout
juste.
Actuellement l'homosexualité " sort du placard "
selon l'expression consacrée, et a tendance à s'intégrer
de plus en plus socialement, avec par exemple le débat sur
le mariage homosexuel, etc., qu'en pensez-vous ?
L'homosexualité me semble aussi faire partie, d'une certaine
manière, de la constitution de personnalité liée
à l'enfance, liée aussi à l'ego et il me semble
que toute évolution devrait conduire vers une hétérosexualité.
Cela compléterait éventuellement l'homosexualité.
Je n'ai rien contre l'homosexualité mais il me semble que les
deux dimensions devraient être présentes chez un être
et qu'il y a une sorte d'arrêt sur image parfois. Cela dit,
un couple d'homosexuel, est toujours un couple qui échange
du masculin-féminin, comme un couple hétérosexuel.
Si on regarde au-delà des organes eux-mêmes, les polarités
ont la même vertu l'un pour l'autre. Cela dit, je ne connais
pas suffisamment la question de l'homosexualité pour pouvoir
dire si ils peuvent accomplir vraiment ce cycle métaphysique
dont je parle, c'est-à-dire cette façon d'interchanger
les polarités masculin-féminin. Je ne me risquerais
pas à cela.
Qu'aimeriez-vous dire à l'homme qui va lire cet entretien ?
Je dirais que ma première intention est aux hommes qui souffrent,
parce que ce qui a attiré particulièrement mon attention,
ce sont ces hommes dont la femme est partie, c'est-à-dire qu'aujourd'hui,
dans 80 % des divorces, ce sont les femmes qui partent. Ce qui veut
dire que beaucoup d'hommes se retrouvent dans une grande détresse
intérieure et que si cette détresse intérieure
est bien traitée, cet homme a une chance d'évoluer formidable
et que chaque fois qu'un homme fait le saut à propos de la
souffrance amoureuse, fait le saut vers lui-même, quelque chose
est gagné pour l'humanité, et donc, il y a là
déjà une attention importante. Une autre attention importante,
est que tous les hommes qui ont, ce qu'on appelle trop de féminin
en eux, ou un féminin qu'ils ne parviennent pas à vivre
de façon assez reliée à leur masculinité,
sont aussi dans une souffrance et parfois dans une phase dépressive
puisque cela peut être une phase de la vie aussi, ce n'est pas
forcement chaque fo,i.s une caractéristique de personnalité,
ça peut être une caractéristique de personnalité
depuis l'adolescence ou aussi une phase de la vie. Dans les deux cas,
il y a une possibilité de regarder cela comme une évolution
possible. Affaiblissement mais évolution aussi, donc force
à reconquérir. Il y a aussi ceux qui sont, et ils sont
plus nombreux qu'on ne le dit encore, tous les hommes qui sont en
mutation d'identité et qui ont des problématiques sexuelles,
parce que ça les amène à avoir une autre sexualité,
et qu'au passage, chaque fois qu'ils sont en contact avec une femme
puissante, ils ont parfois quelques désordres. Donc, tous ces
aspects sont très importants parce qu'il y a beaucoup de souffrance
derrière tout ceci et il y en aura de plus en plus à
mon avis, parce que cette identité bousculée va atteindre
des grandes couches de population. C'est un problème à
la fois sociologique et personnel et on ne relie aujourd'hui pas assez
le sociologique et le psychologique. Tout cela a été
coupé en tranche.
Et il y a aussi une grande solitude...
Il y a une grande solitude, ceci est effectivement très important
et c'est une chose extraordinaire de voir en séminaire ces
hommes autant pleurer d'émotion de retrouver des frères.
Il n'y a pas de mots pour décrire cela...
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
Notes :
1. Robert Bly est auteur de " L'Homme sauvage et L'Enfant "
au Seuil, il souligne l'importance du père dans la transmission
masculine. Les premiers groupes d'hommes anglo-saxons se sont inspirés
de ce livre.
2. Guy Corneau, psychanalyste québécois a publié
" Père manquant, fils manqué ", Éd.
de l'homme et a crée le réseau " hommes "
au Québec, en France, Suisse et Belgique.
Paule une Salomon a développé un parcours vers la conscience,
qui prend la forme d'un cercle de réalisation en sept étapes,
dans un mouvement de spirale. La personnalité de chaque homme
inclut ces sept visages dans des proportions qui lui sont propres.
Cet outil d'évolution permet de dépasser ses blocages
et atteindre la compréhension de soi.
L'homme du premier stade : le fils-amant
La fusion avec la Grande Mère archaïque fait de chaque
homme un fils-amant immergé dans l'Eden du féminin.
Cette condition est à la fois dépassable et indépassable.
Il s'agit de la muter, de la sortir de l'engloutissement parfois bienheureux
et inerte. Une individualité souffrante mais exaltante émerge.
La régression dans cet état édénique restera
un possible toujours ouvert. Consciemment désirée, elle
devient réconciliation, unification.
L'homme du second stade : le héros solaire ou le guerrier invulnérable
L'annihilation de la composante féminine par la virilité
dominante n'est pas, en dépit des apparences contraires, un
signe de force mais de faiblesse. Le masculin terrible est la réplique
de l'animus de la Déesse-mère. Comment l'homme peut-il
se libérer de cet emprunt et créer une virilité
constructive ?
L'homme du troisième stade : le révolté
L'homme de la blessure, l'homme qui assume sa part d'ombre en se révoltant,
prend le risque du pire mais il commence le travail qui le rendra
fiable.
L'homme du quatrième stade : l'homme éclairé
Le processus de la conscience commence, le guerrier a mis pied à
terre, il doit faire maintenant le chemin près du sol. Il a
une lampe à la main et beaucoup de choses à découvrir.
Il cherche, s'illusionne, confond savoir et sagesse... il avance.
L'homme du cinquième stade : féminin et lunaire
Il souffre, perd pied, se sent impuissant, vit mutilé. Il avance,
intègre du féminin, réinvente un masculin, explore
des visages multiples, s'unifie, se réconcilie, crée
de nouvelles relations avec la femme.
L'homme du sixième stade : l'androgyne
Il explore la troisième voie et restaure sa royauté
intérieure. Posséder la force de l'homme et se tenir
dans la douceur de la femme. Posséder l'actif de l'homme et
se tenir dans le réceptif de la femme.
L'homme du septième stade : l'initié et le sage
" ô comment ne serai-je pas ardent de l'éternité,
ardent du nuptial anneau des anneaux du retour jamais encore je n'ai
trouvé la femme de qui je voudrais avoir des enfants, si ce
n'est de cette femme que j'aime : car je t'aime ô éternité
! car je t'aime ô éternité ! " (F. Nietzsche).
Propos recueillis par Laurent Montbuleau
Recto-verseau mai 99
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
COMMENT MIEUX ETRE MALE
Considérations sur une nouvelle identité masculine
Entretien avec Paule Salomon
Paule Salomon est multiple, à l'image de l'homme - pluriel
- qu'elle présente et dissèque dans son cycle évolutif
au fil des 250 pages de son dernier ouvrage, " Les hommes se
transforment". Sous-titré , " L'homme lunaire",
ce livre s'inscrit dans une large analyse, dont " La Femme solaire
", " La sainte folie du couple " et "La brûlante
lumière de l'amour" formaient déjà un précieux
triptyque. Auteur d'une quinzaine de publications, créatrice
et animatrice de sept programmes d'enseignement - d'"Un nouvel
art d'aimer ", à " Carpe diem " en passant par
" Le créateur " -,avant sa venue en Suisse romande,
celle qui se définit elle-même comme " une accoucheuse
d'âmes" nous dit sa vision de la nouvelle identité
masculine.
- A vous lire, chaque être souffre d'une blessure Intérieure.
Personne n'en est épargné?
- Je ne crois pas que qui que ce soit puisse être dispensé
d'une "blessure initiale". Le simple fait d'être un
esprit incarné dans un corps demande déjà de
réunifier ces aspects. Par ailleurs, la naissance comporte
la blessure de la traversée du tunnel de la mère - le
vagin -, et là commence une certaine forme de souffrance. Le
fait, en outre, d'être incarné dans un seul sexe semble
aussi poser un problème existentiel. Cette condition humaine
fait que nous héritons tous d'une sorte de coupure. Il est
aussi impossible que papa et maman soient tout le temps à la
bonne place - ils sont soit trop loin, soit trop près. Nous
enregistrons donc, dans notre enfance, des messages selon lesquels
tout ne serait pas fusionnel et à jamais délicieux dans
la relation.
" Viens, va vers toi"
- N'avez-vous pas le sentiment de toujours répéter le
même message, parce que, finalement, Il n'en existe qu'un seul?
- Il y a une phrase que je ne cesse d'approfondir: " Comment,
au cours d'une vie, passer de l'amour du pouvoir au pouvoir de l'amour?
" Cela dit, l'amour du pouvoir n'est pas négatif, parce
que nous avons besoin d'oser nous affirmer, d'exister dans notre "
Moi ", dans notre " je "; mais, en même temps,
l'amour, c'est un " nous". Comment donc concilier le fait
de croître, d'aller toujours plus vers soi, et, en même
temps, nourrir le "nous" que nous pouvons former avec une
personne, une famille ou une société ? Comment ne pas
s'oublier quand on est dans le "nous", et comment ne pas
rester dans un égocentrisme égoïste et narcissique
quand on est dans le " je"? Ce paradoxe est au coeur de
notre histoire. "Viens, va vers toi!", c'est-à-dire
"viens vers moi dans l'amour et continue d'aller vers toi"
: c'est le défi de l'amour.
- Pourquoi, selon vous, accéder à la sagesse, se libérer
de toute peur, être réellement soi-même est-il
si difficile?
- C'est à la fois facile et difficile. Chacun transporte de
l'amour en soi, tout en nourrissant une peur extrèmement profonde
qui ne cesse de nous faire déraper. C'est un autre paradoxe
: nous sommes pleins et vides. La sagesse n'est pas absente de la
constitution psychique d'un être, mais elle s'incarne plus ou
moins.
- La clé d'une relation réussie pourrait-elle se résumer
en ces deux mots : solidaires et solitaires?
- Oui, elle le pourrait, selon ce qu'on met derrière ces mots,
à savoir respectivement "je suis bien, je me sens plein
tout seul" et " je suis bien, je me sens plein avec l'autre
". Très souvent, notre mauvais amour de nous-mêmes
nous fait demander à l'autre de nous rassurer sur ce que nous
sommes; nous nous servons de l'autre pour colmater un handicap, une
blessure, un vide, une absence, si bien qu'il est chargé de
nous rassurer sur nous-mêmes. Plutôt que de continuer
à grandir, on va se servir de la relation pour s'enfermer.
Dans ce cas, l'absence d'une solitude heureuse constituera le terrain
de frustrations sur lequel tous les conflits pourront se greffer.
- Vous parlez, en évoquant l'homme, d'"Infantilisme des
affects" et de "comportement de dominant". Exclusivités
masculines?
- Evidemment, on pourrait considérer que ces caractéristiques
sont simplement humaines et qu'elles concernent aussi les femmes.
Mais l'identité masculine a été construite sur
le refoulement du féminin, de la sensibilité, de la
vulnérabilité, ce qui conduit à des psychismes
qui n'ont que les apparences de la force, avec le risque de rester
immatures à l'intérieur.
- Peurs, douleurs, esclavages intérieurs et autoaliénation
semblent habiter une certaine catégorie d'hommes. Est-ce à
dire que les comportements de dominance trahissent une souffrance?
L'exacerbation de la dominance en tout cas. Chaque force (Paule Salomon
propose de comprendre l'évolution masculine en sept forces,
n.d.l.r.) peut être à la fois positive et négative.
Le fusionnel, par exemple, peut faire un mystique ou un éternel
fils, très dépendant; de même, la dominance peut
faire un bâtisseur ou un oppresseur.
- Vous écrivez encore: " Il faut s'attendre, dans les
années à venir, à un retour du refoulé,
au maintien du dominant-dominé et d'une civilisation sacrificielle."
Pessimiste, non?
C'est le seul passage pessimiste du livre, sur lequel je ne me suis
peut-être pas assez expliquée. Pour moi, l'évolution,
ce n'est pas une fois pour toutes; la régression en fait partie.
Les gens qui s'intéressent à la connaissance d'eux-mêmes
savent que, par moments, ils ont l'impression d'être sortis
des difficultés, des peurs, des conflits, et que, parfois,
un comportement régressif vient les cueillir. Tant qu'on est
vivants, on ne cesse d'être menacés. Il y a donc une
adaptation constante à faire tout en se pardonnant d'avance
de ces régressions. Il y a en effet trop de gens qui cultivent
des culpabilités, et à partir de là des blocages.
Sur le plan collectif, il serait prétentieux de ne voir que
les phases d'avancée. C'est vrai que la nouvelle identité
masculine offre un espoir sans précédant pour la civilisation
- c'est ma conviction -, mais un nouveau problême surgit : les
femmes sont trop masculines et les hommes trop féminins, ce
qui crée une nouvelle phase dominant-dominé dans laquelle
les femmes deviennent dominantes. Tout n'est donc pas gagné.
" Tout ce qu'on refoule devient dangereux"
- Au chapitre consacré à "L'homme du sixième
stade: l'androgyne", vous affirmez que les amants, les artistes,
les saints entrent parfois dans cette sublime énergie faite
de liberté et de plénitude, qui affranchit des limites
ordinaires". Associer ces trois catégories d'hommes, n'est-ce
pas audacieux?
- Je sais bien que c'est inusité dans une pensée strictement
chrétienne, où la coupure entre le coeur, le sexe et
l'esprit existe. Nous sommes dans un renouveau de civilisation dans
lequel nous tentons de refaire la jonction... Non sans difficulté,
la grande libération sexuelle, par exemple, n'ayant pas permis
de refaire la jonction avec le coeur. Aujourd'hui, beaucoup considèrent
que dans la relation sexuelle elle-même il y a - parfois - une
révélation. Il y a de la sainteté dans l'acte
d'amour, comme il y en a dans l'amour de la nature. Nous sommes, en
train de récupérer toute cette spiritualité qui
est dans le quotidien; c'est pour ça que les promenades ou
les vacances dans la nature prennent une grande importance, de même
que l'amour, comme si le spirituel sortait des églises pour
se "cathédraliser " dans la vie quotidienne.
- " Pas de bonne paternité possible sans l'acceptation
de son homosexualité latente et de son désir charnel
pour l'enfant. Pas de bonne mère qui ne soit sexuellement excitée
par l'enfant." N'allez-vous pas un peu trop loin?
C'est audacieux, c'est vrai, et je ne suis pas sûre que ça
puisse être compris , à l'emporte-pièce. Je trouve
qu'on n'intègre pas assez la dimension de la sensualité,
indépendamment de la sexualité. Je parle de l'érotisation
de l'être, qui n'est pas la même chose que la sexualité...
- Mais vous dites. " ... sexuellement excitée" !
- Oui... Peut-être que je vais trop loin et que j'aurais dû
dire " sensuellement excitée". Je ne voudrais pas
qu'il y ait de confusion. Ce que je veux dire, c'est qu'il est normal
d'avoir du plaisir à toucher son enfant, à le trouver
beau, et de ne pas couper la relation à ce niveau; d'être
maître de la limite. Si on ne reconnaît pas ce plaisir
sensuel, on peut être débordé par un refoulé,
ce qui peut devenir grave: une mère, par exemple, peut avoir
des attitudes de séduction - sans aller jusqu'à l'acte
- qui enfermeront son fils. En fait, tout ce qu'on refoule devient
dangereux. C'est là le sens.
Paule Salomon: "Etre bien avec soi-même n'est pas une donnée,
mais une conquête qui correspond à un accord entre le
masculin et le féminin."
L'homme, ou le paradoxe force-faiblesse
- Vous constatez que " tout homme qui veut se rencontrer lui-même
et devenir ce qu'il est se pose, à un moment donné de
sa vie, cette question: qu'est-ce qu'un homme?) " Quelle est
votre réponse?
- Aujourd'hui, pour moi, un homme, c'est quelqu'un d'extrêmement
"vibrant", qui a, dans sa voix, l'écho de son homme,
la présence à soi-même, à sa vibration
de coeur. On peut l'entendre dans une voix. Ce que je demande à
un homme, aujourd'hui, c'est peut-être avant tout d'être
dans la force du cœur plus que dans la force physique, ou même
que dans la puissance intellectuelle. Je demande une force mais aussi
une vulnérabilité. Ce paradoxe force-faiblesse, qui
fut interdit dans l'identité masculine pendant des millénaires,
est une chose qui devient non seulement permise mais demandée.
Propos recueuillis par Jef Giana
Le Matin Dimanche Juin 99
http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html
- debut
" IL FAUT ABANDONNER LA COMPLEMENTARITE "
Considérations sur une nouvelle identité masculine
Le couple de demain sera androgyne ou ne sera pas :
chacun ayant réconcilié ses pôles féminin
et masculin
pour à la fois, plus d'autonomie et de solidarité.
Entretien avec Paule Salomon
Psychologies : Vous recevez dans vos séminaire des centaines
d'hommes et de femmes. Quel est le nouvel enjeu auquel ils sont confrontés
?
Paule Salomon : Depuis toujours, les différences entre hommes
et femmes sont accentuées au lieu d'être gommées.
Tout s'est toujours passé comme si les femmes devaient apporter
dans le couple l'intériorité, la douceur, l'intuition
alors que les hommes, eux, représentaient la conquête,
la force et l'action à l'extérieur. Biologiquement,
il est vrai, nous sommes ainsi faits: le sexe de la femme se trouve
à l'intérieur, celui de l'homme est extérieur.
Mais, aujourd'hui, nous sommes appelés à abandonner
la complémentarité et à mixer nos identités.
Dans le couple, les deux partenaires sont autorisés à
se maintenir non pas à un seul pôle, mais aux deux en
même temps : les femmes doivent expérimenter leur force
et les hommes leur sensibilité. Il revient donc à chacun
de réconcilier les deux figures de son couple intérieur.
C'est là une toute nouvelle donne. Et une véritable
initiation dans la vie quotidienne, car la conscience nous pousse
à travers nos unions à devenir plus complets intérieurement.
Comment cela se traduit-il pour les hommes ?
Dans mes séminaires et mes stages, je vois presque exclusivement
des femmes qui portent beaucoup de masculin en elles et des hommes
beaucoup de féminin. Ceux-ci paraissent dans un premier temps
très affaiblis : au chômage dans la plupart des cas,
ils se plaignent d'être envahis, à la fois par les femmes
extérieures et par leur féminin intérieur. C'est
là une des premières difficultés dans leur couple
: ils vont facilement être dominés car ils ont hérité
d'une image du féminin faible et soumis. D un autre côté,
les femmes les trouvent très " craquants " car elles
ressentent qu'avec leur sensibilité, ils sont capables d'amener
l'amour à un endroit où les machos ne le pouvaient pas.
Progressivement, ces hommes ont à découvrir qu'il y
a d'autres jeux que ceux du pouvoir, qu'être un homme ne signifie
plus seulement être guerrier et invulnérable, c'est à
la fois être fort et vulnérable. Comme les troubadours
d'autrefois, ils peuvent avoir un nouveau projet : la réalisation
de l'amour. Jusque-là, seule la réussite sociale leur
importait. La réconciliation de leur sensibilité féminine
et de leur force masculine peut les amener à s'orienter vers
des activités humanitaires ou liées à l'écologie,
à l'art.
Qu'en est-il des femmes ?
Celles que j'accueille dans mes séminaires traversent une période
de crise jusqu'à l'âge de 40 ans environ, elles ont misé
sur leur réussite sociale. Puis, elles se rendent compte qu'il
manque quelque chose à leur vie, même si elles ont un
partenaire. C'est d'ailleurs étonnant de voir à quel
point une femme dominante s'ennuie dans son couple! Lorsqu'elle tente
de changer, c'est en retrouvant les autres femmes qu'elle y parvient.
Je crois qu' initiatiquement, toute femme naît une seconde fois
d'une femme qui n'est pas sa mère. Par la confiance envers
l'autre femme, qui n'est plus perçue comme une rivale, elle
recontacte son féminin, s'ouvre à une autre dimension
de l'amour et peut alors remontrer l'homme. Du point de vue social,
il n'est pas question pour ces femmes d'abandonner les territoires
q,u'elles ont conquis. Mais elles réintroduisent la notion
de loisir et de bien-être dans leur vie, en modulant notamment
leur emploi du temps. Elles affirment aussi changer leur manière
d'exercer l'autorité : elles imposent moins et découvrent
ainsi que les autres savent se mettre en quatre dès qu'on leur
laisse plus d'espace. Avant, seul le résultat comptait pour
elles. Aujourd'hui, elles s'ouvrent au plaisir de créer des
relations d'échange. Leur bonheur de vivre grandit, car l'importance
des relations a repris sa place. Ainsi, elles se mettent à
regarder leur mari différemment : retrouvant plus d'amour en
elles, elles voient les aspects positifs de leur partenaire et decouvrent
alors qu'elles vivent avec quelqu'un de formidable.
Connaissez-vous de ces couples " androgynes" ?
Oui. Et même si les gens ne se disent pas consciemment "
Je vais former le couple le plus androgyne qui soit ", de plus
en plus d'unions de ce type apparaissent. Dans tous les cas, les deux
partenaires sont autonomes financièrement et ont une carrière
prenante. La femme laisse passer son côté déterminé,
l'homme accentue son côté féminin, ne serait-ce
que physiquement. Un type d'alliance que je résume en une formule:
" solitaires et solidaires ".
Propos recueillis par Pascale Senk
Psychologies fev 97
http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html
- debut
P. SALOMON : PROFESSION ACCOUCHEUSE D'AMES
Portrait
Ecrivain et thérapeute, elle anime des séminaires où femmes et hommes
apprennent à mieux aimer la vie.
Son but, être un passeur
Portrait de Paule Salomon
A 50 ans, je serai " professeur de vie. " Ce cri rieur lancé
à 30 ans et tenu. Aujourd'hui, Paule Salomon est une femme
qui aide les femmes à accoucher d'elles-mêmes. Prédicatrice
? " Non, je n'ai rien à enseigner mais tout à faire
ressentir. Plus un coeur est sans jugement, plus il favorise la guérison
des blessures. " Féministe ? " Non plus! J'invite
les femmes à ressentir leur faiblesse. Renouer avec la Déesse
en nous demande des soins. " J'ai toujours su que je devais accepter
de ne pas savoir pour me rencontrer", avoue-t-elle. Alors, à
l'âge de 20 ans, après de brillantes études de
philosophie, elle ressent le besoin de connaître d'autres réalisations:
"je portais en moi l'idée du poète maudit : pour
parler de l'humain, il fallait avoir connu la misère et le
désespoir ! " Plus tard, en mai 68, elle fera les lieutenants
auprès de de Cohn-Bendit. Puis aux Etats-Unis et à Findhorn,
elle découvrira le développement du potentiel humain.
En 1982, elle choisit de vivre en Polynésie. Elle y enseigne
la philosophie et découvre sa " toute-puissance créatrice".
"La vie me répondait 100 sur 100. Mon centre d'inspiration
fonctionnait." Elle se sent entrer dans un autre niveau de conscience.
Cette créativité joyeuse intrigue. Paule Salomon cherche
alors à créer ses propres outils pour communiquer ce
qu'elle vit. Mais l'éveil de sa créativité est
aussi lié à la maladie. A 14 ans, après une méningite,
elle est paralysée de la jambe gauche. Les médecins
sont pessimistes. Chaque nuit, elle tente de faire bouger sa jambe.
Elle découvre alors le pouvoir du corps. " Comment connecter
mon cerveau à ma jambe?" Elle guérit. Quelques
années plus tard. elle écrira " Corps vivant ".
"Renouer avec le dieu ou la déesse en nous demande des
soins."
Qu'est-ce qu'une femme? Quelle est l'essence de la spiritualité
féminine ? Paule Salomon veut comprendre. Elle écrit
le premier chapitre de " La Femme solaire ". La maison d'édition
ne retient pas le manuscrit. Elle cesse d'écrire pendant quatre
ans: ce refus avait touché une zone sensible. " Depuis
toute petite, j'écrivais dans ma tête. Mais j'ai mis
longtemps à concrétiser. J'avais l'impression que si
j'écrivais, je passerais à côté de la vie."
1998 : "La Femme solaire" en est à sa huitième
réimpression et les femmes affluent dans ses séminaires.
" je n'ai rien à enseigner, mais tout à faire ressentir
"
Mariée depuis douze ans, elle "travaille" sur son
propre couple. " On était vraiment très différents
! se souvient Michel Roudnitska, son mari. Aujourd'hui je pourrais
dire qu'on a réussi notre programme d'échange! Elle
m'a aidé à sortir de mon éducation bourgeoise,
à m'affirmer, en m'apportant le sens de l'humain." Pour
Paule, sa rencontre avec Michel a fortifié son masculin intérieur:
"J'étais une femme des nuages. J'ai acquis davantage de
structure et une grande force de travail. Le sens de notre couple
aujourd'hui ? Continuer à être à la fois solidaires
et solitaires . " Riche de cette expérience, elle écrit
" La Sainte folie du couple " : comment rester ensemble
quand on veut vivre l'amour sur la durée ? 50 000 lecteurs
et un abondant courrier. Dans 'la Brûlante lumière de
l'amour', son dernier ouvrage, elle s'intéresse aux lois de
l'incertitude, aux paradoxes du désir et aux vertiges de l'amour.
Naturellement les hommes réclament des séminaires bien
à eux. Depuis trois ans, elle anime des stages "Hommes
lunaires ". En préparation: un livre sur l'identité
masculine.
Elle travaille beaucoup. Parfois trop. Et admet que son masculin intérieur
tyrannise encore son féminin intérieur. Elle cherche
l'équilibre. La femme des nuages serait-elle devenue une femme
de pouvoir? Une de ses assistantes répond: " Non. En revanche,
elle est très rigoureuse dans le travail. Elle n'aime pas le
mensonge à soi-même mais en même temps, elle pardonne
très facilement les erreurs. " Paule Salomon n'appartient
à aucune école. Elle n'a qu'une passion: " Etre
un passeur. Donner l'occasion, aux êtres de s'aimer et d'aimer
la vie. Favoriser la confiance en la voie du milieu, entre 'je veux
et 'je laisse aller', entre la 'sensualité et la spiritualité'...:'
axe principal de sa pédagogie? "je suis une accoucheuse
d'âmes. "
Nathalie Calmi
Psychologies, oct 98
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
COMMENT EVITER LES CONFLITS ?
Entretien avec Paule Salomon
Il suffit d'une peccadille et les reproches fusent. Les mots font
mal, les insultes démolissent. Au prochain sujet de discorde,
on aura une raison de plus de " démarrer " ou quart
de tour et de râler encore plus fort, avec les rancoeurs qui
s'accumulent. Alors, les crises se multiplient, toujours plus vives,
toujours plus blessantes. Et l'on se prend à douter d'aimer
encore quelqu'un qui nous comprend si peu, qui nous traite si mal.
Dans la partie adverse, c'est sans doute le même constat. Attention,
rupture en vue ! Pour tenter de l'éviter tant qu'il est encore
temps, voici ce qu'il faut savoir, selon Paule Salomon, philosophe,
auteur de " Le Sainte FoIie du couple " (Albin Michel) et
qui organise des stages de connaissance de soi.
Pourquoi le conflit s'envenime-t-il ?
Parce que nous possédons, tous deux, la même certitude:
"J'ai raison, tu as tort ! " Nous entrons alors dans un
système d'accusations réciproques, car nous sommes en.
proie à l'influence des deux personnages qui demeurent en nous
l'enfant vulnérable, soumis à l'obéissance, que
nous avons été, et le parent, autoritaire et protecteur,
dont nous gardons le souvenir. Dans le couple, celui qui est attaqué
perçoit l'assaillant comme un parent qui lui adresse un reproche.
L'enfant qui est en lui se sent blessé et va chercher son parent
pour se protéger et rendre les coups. L'autre en fait autant.
Le conflit s'inscrit alors dans une sorte de - 8 -, à l'infini.
Comment échapper à ces rôles pièges ?
En ayant plus confiance en soi pour ne pas se sentir blessé,
nié, remis en question ài la moindre attaque. Si le
sentiment de sa propre valeur ne s'est pas suffisamment constitué
tout au long de l'enfance et de l'adolescence, on arrive très
vulnérable dans la relation amoureuse, puisqu'on imagine exister
seulement par le regard de l'autre. Autrement dit, nous ne sommes
pas sortis de l'enfance, nous n'avons pas dépassé le
"J'existe parce que tu m'aimes " adressé à
la mère qui nous nourrit et sans qui nous mourrions. Devenir
adulte, c'est pouvoir dire : "j'existe parce que je m'aime ".
Ce but atteint, nous sommes moins ébranlés par des jugements
négatifs, et donc moins tentés de riposter.
Pourquoi est-ce le plus souvent l'homme qui malmène la femme
?
Parce que nous sommes héritiers d'une conscience collective
qui influe sur nos comportements. Depuis des millénaires, nous
vivons dans une société patriarcale, où l'homme
est dominant et la femme dominée. Bien que les choses aient
un peu évolué en surface, le fond est toujours le même
: à l'homme le pouvoir de décision, de rayonnement.
A la femme de répondre à ses désirs. Mais la
soumission, c'est abandonner ses désirs propres, sa personnalité,
se nier. Enfin, l'homme reste souvent prisonnier de l'influence maternelle.
Il voit dans sa compagne la femme et la mère qui 'doivent tout
lui donner. Peu d'hommes apprennent à passer des bras de leur
maman aux bras de leur compagne.
Comment le leur apprendre ?
En n'acceptant pas de vivre en couple avec quelqu'un qui n'aurait
pas su se ménager trois ou quatre ans de vie autonome auparavant,
pour apprendre à tenir debout tout seul.
Que faire lorsque vous êtes victime d'une attaque ?
1. Respirez un bon coup, car il ne faut pas nier que ça fait
mal.
2. Résistez à la tentation de vous jeter à corps
perdu dans là bataille, en répondant oeil pour oeil,
dent pour dent.
3. Evitez aussi de neutraliser carrément l'autre d'une flèche
assassine. Tant qu'il y aura un dominant et un dominé, le couple
sera toujours bancal, donc fragile. Il faut passer de l'amour du pouvoir
au pouvoir de l'amour.
4. Faites preuve d'humilité, en acceptant de vous remettre
en cause. Mentalement, pour ne pas perdre la face.
5. Tempérez votre émotion en vous pénétrant
de cette certitude : votre agresseur cherche la bagarre parce qu'il
se sent menacé, parce qu'il croit perdre son pouvoir. C'est
lui qui est en position d'infériorité, pas vous.
6. Alors seulement, exprimez-vous en confirmant, en intégrant
les propos tout en les laissant dans la bouche de l'autre:
"- Tu estimes que je suis égoïste.
Tu te sens blessé. Peut-être as-tu raison!.." (jamais:
Moi, égoïste ? ", etc.)
7. Promettez: "je vais réfléchir à tout
cela. " Cette attitude conciliante désamorce la tension
sans que vous lâchiez vraiment du terrain.
8. Quelques jours plus tard, vous pouvez revenir sur la question,
si possible avec humour. Votre message personnel passera doucement.
Mais sûrement.
Propos recueillis par Patricia Gandin
ELLE Magazine. Vie privée
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
POUR ENTRER DANS L'ESSENTIEL DE LA RELATION HOMME-FEMME
Entretien avec Paule Salomon
L'un de vos livres s'intitule " La Sainte Folie du Couple ".
Que voulez-vous dire par " sainte folie " ?
Paule Salomon - Plus le temps passe et plus ce titre me plait. Je
viens d'écrire un livre sur l'amour qui s'appelle " La
brûlante lumière de l'Amour " et je me rends compte
à quel point l'amour est aussi une sage folie et à quel
point c'est un paradoxe. Le couple est aussi un paradoxe et ce n'est
pas à confondre car le couple est un mode relationnel entre
deux personnes et l'amour est un sentiment. Mais, dans l'un et l'autre
cas, il y a un élan magnifique, un élan qui est du domaine
de l'être. On peut considérer cet élan comme de
la sagesse ou comme de la sainteté. C'est ce qui nous raccorde
à une nostalgie profonde, la nostalgie de l'unité, la
nostalgie d'avoir appartenu à tout ce qui existe ou d'avoir
été uni à tout ce qui est vivant.
Et aussi, par le fait de s'incarner dans un seul sexe, on est un homme
ou on est une femme, on porte en soi une sorte de nostalgie, de coupure,
certains disent même de blessure, qu'au cours de sa vie on voudra
réparer. Quel est le sens de la vie ? Au coeur du sens de la
vie, il y a cette demande de retrouver quelque chose qui est perdu,
certains le nomment Dieu, d'autres le nomment réalisation personnelle.
Quoi qu'il en soit, il y a un élan et cet élan on peut
l'appeler sainteté, mais en même temps on s'apercoit
que c'est une folie de s'élancer vers l'autre avec ses désirs
d'unité. Folie, car au fond de chacun, il y a le désir
d'apprendre qui il est de devenir qui il est. S'élancer vers
le " nous ", c'est se dépasser, mais en même
temps c'est se quitter. Je me trouve donc tiraillé entre ce
besoin d'appartenir à ce " nous " du deux qui veut
faire un, je veux avec l'autre personne ne faire qu'une personne,
qu'un objectif qu'un désir, et le fait que je ne me connaisse
même pas et que quelque part, je voudrais bien devenir ce moi-même,
un moi-même inconnu. En somme, il y a un paradis à vouloir
s'aimer et ce paradis risque de se transformer rapidement en enfer
; il y a un désir de s'aimer et puis rapidement il peut y avoir
une guerre.
Le nombre de divorces continue d'augmenter. Est-il possible d'éviter
ces ruptures et cette forme de polygamie dans le temps ?
Paule Salomon - De plus en plus de couples divorcent, de plus en plus
de couples se quittent au bout de très peu de temps. Alors
les questions qui se posent sont de plusieurs ordres : est-ce cette
formule qui est périmée ou est-ce que nous ne savons
pas vivre en couple ? Je n'ai pas d'idée fixe sur le fait qu'on
doive rester avec quelqu'un toute sa vie. Je sais par contre qu'on
se blesse beaucoup lors de séparations, de ruptures, que les
enfants ont mal et que notre capacité à aimer se racornit
au fil des blessures qu'on s'infligc mutuellement par la manière
que l'on a de se quitter. Les choses pourraient être différentes
si nous avions une éducation, une certaine connaissance de
la carte du tendre ; si au lieu d'avancer comme des aveugles se demandant
mutuellement la route et ne sachant que tourner en rond dans la relation,
nous avions acquis quelques connaissances dans notre adolescence.
Si l'on nous avait parlé du fusionnel, des rôles dominant/dominé
et du conflit qui sont trois aspects handicapants pour une relation
d'amour, nous parviendrions peut-être plus aisément à
ne pas exposer notre couple à ce que j'appelle le troisième
stade. Connaître cette carte du tendre ne dispensera pas chacun
de faire ses propres expériences, mais les rendra moins dramatiques.
On se dira " c'est normal que nous ayons des conflit ",
ou " c'est normal que nous soyons dans cette situation de dominant/dominé
" et ça nous permettra d'en sortir plus rapidement.
Au commencement de la relation on est fusionnel, c'est normal, c'est
une grâce et c'est délicieux. C'est la première
étape. Ensuite, au bout de six mois, d'un an ou deux, ça
dépend des personnes, on cesse d'avoir pour seule envie de
se regarder dans les yeux et on commence à ressentir les besoins
de notre " moi ", de notre personne. On n'est plus tout
entier consacré au " nous " et on s'aperçoit
que l'autre a des besoins différents des nôtres, qu'il
n'est pas, comme on le croyait au départ, tout entier consacré
à une sorte de réparation narcissique de nous-mêmes.
Car très souvent, nous sommes les uns et les autres des êtres
incomplets, des handicapés du " moi " et nous demandons
à l'amour de l'autre de nous réparer à cet endroit-là
; nous n'avons pas confiance en nous et l'amour de l'autre nous sert
à avoir confiance en nous. Donc, désormais, chacun consacrera
une bonne partie de ses forces non plus au " nous " mais
à nouveau à son " je ".
C'est normal, mais en même temps cela entraîne souvent
une sorte de déséquilibre car l'un continue à
plus nourrir le couple et l'autre, par opposition, s'affranchit davantage
de la relation et fait en sorte que le " nous " serve ses
propres besoins.
Traditionnellement, le couple était au service de l'homme et
la femme était au service de l'homme. Mais on peut aussi regarder
les choses autrement puisque l'homme de son côté devait
travailler à l'extérieur et mettait également
ses forces au service de la cellule familiale. Cependant, il avait
plus de liberté, plus d'autorité ; il avait des droits
que la femme n'avait pas, notamment des possibilités d'aller
à l'extérieur, des possibilités d'infidélité
aussi et il avait souvent l'autorité dans le foyer. Cette situation
se reproduit encore à notre époque, même si le
côté patriarcal se relâche beaucoup puisque les
femmes travaillent, sortent, s'affirment. Ce côté-là
est moins fort, mais il en reste des traces importantes, notamment
dans le fait que souvent la femme a une façon d'aimer qui est
de se faire aimer, c'est-à-dire de faire des choses pour l'autre
pour se faire aimer. Elle a tendance, même si elle a fait des
études, même si elle a un métier, à se
mettre plus au service du " nous " que l'homme et au bout
d'un certain temps, elle se sent un peu flouée, ce qui finit
par la révolter.
Et chacun des deux veut d'une certaine façon être le
parent de l'autre. Chacun fait à l'autre des réflexions
du genre " tu dépenses trop d'argent ", " tu
laisses tonjours les lumières allumées ", "
tu t'habilles mal " ; des remarques insidieuses, des remarques
qui sont toutes destinées à améliorer l'autre
: " c'est pour ton bien ", c'est-à-dire pour te corriger
je te fais remarquer des choses, j'essaye de te changer pour que tu
deviennes parfaite, etc. En réalité, on regarde l'autre
à travers ses propres besoins ; on le juge en fonction de ses
besoins à soi et on le blesse ; on adopte une attitude de parent
qui fait de l'autre un enfant, on infantilise l'autre et de moins
en moins de gens supportent cela. Autrefois, il semble qu'au sein
des couples c'était une espèce de petite guerre réciproque.
C'était à qui dénoncerait chez l'autre le plus
de manques et s'instaurait alors une sorte de relation sado maso qui
durait parfois toute la vie. L'entourage devenait spectateur d'un
drame familial toujours répété ; nombre d'enfants
ont connu ça et le fait que papa et maman s'agressent mutuellement
à chaque repas ou régulièrement tous les dimanches.
C'est quelque chose qui aujourd'hui est très mal supporté
car l'émergence de l'individu est plus grande et personne ne
souhaite plus se laisser définir par l'autre et être
sans arrêt blessé. On apprend des techniques de communication
qui visent à améliorer la relation, mais la susceptibilité
du " moi ", la susceptibilité de l'ego est telle
que ce n'est pas si facile d'arrêter ce jeu. Et puis c'est très
tentant, c'est la prise de pouvoir sur l'autre d'une manière
psychologique qui est peut-être la manière la plus insidieuse.
Je ne connais pas de couples qui ne jouent pas à ce jeu-là
; simplement, je connais des couples qui en prennent conscience. Ce
mode de fonctionnement engendre des disputes sans fin et parfois des
conflits sanglants, car s'instaure alors une relation blessé/blessant.
En fonction des frustrations qui peuvent aussi se glisser dans la
relation, de la manière dont on vit, des insatisfactions dues
au fait que l'autre est souvent absent, ou trop occupé par
son métier, ou qu'il ne s'occupe pas des enfants, le petit
jeu de la guerre d'usure psychologique s'installe et, au fil du temps,
peut devenir insupportable.
La relation conflictuelle demande de l'attention, un réel apprentissage
car c'est un cercle vicieux parfois très difficile à
rompre. C'est très curieux, deux personnes s'aiment intensément
au début de la rencontre et quand se glissent les premières
incompréhensions, on a l'impression que l'amour s'engloutit
dans un gouffre et que l'on n'arrivera jamais à ressortir de
cette faille. En fait on en ressort, mais jamais totalement indemne
et, si cela se répète trop souvent, on s'aperçoit
qu'on commence à ne plus s'abandonner de la même façon,
on commence à ne plus avoir confiance en l'autre.
Il est important d'apprendre à ne pas en vouloir à l'autre
au moment où le fusionnel s'arrête, chacun cultive secrètement
un sentiment de désenchantement à ce moment-là;
d'apprendre aussi à être attentif aux rôles de
dominant/dominé pour ne pas écraser systématiquement
l'autre, c'est-à-dire que ce ne soit pas toujours le même
qui tienne un rôle de dominant dans le couple. Il est également
important de surveiller le conflit, quitte à faire passer parfois
l'amour de l'autre, l'amour du coeur avant les besoins de l'ego et
ça ce n'est pas si facile.
Nous avons souvent une vision romantique de l'amour, être tout
pour l'autre, vivre par et pour l'autre. Peut-on sortir du fusionnel
et continuer d'aimer l'autre ?
Paule Salomon - Bien sûr, on peut quitter l'autre dès
qu'il n'y a plus de fusionnel, mais l'amour est quand même un
lien dans la durée. Il ne faut pas confondre le désir
avec la construction d'un lien, une sorte de compagnonnage, quelque
chose qui permettra de réaliser une oeuvre ensemble, de coopérer,
de faire des enfants. On mélange trop le fait de vivre l'élan
amoureux et le fait de construire ensemble une oeuvre. Ce n'est pas
la même chose, construire ensemble une oeuvre demande d'autres
qualités. Je propose de le comprendre dans le sens où
ça demande à la fois d'aller vers soi et d'aller vers
l'autre et je le résume par cette phrase du Cantique des Cantiques
" Viens, va vers toi ! ".
Cela veut dire, continue d'aller vers toi-même, continue de
grandir, de chercher qui tu es, d'entreprendre des activités.
Parfois cela signifie s'éloigner un peu dans le temps, parfois
même dans l'espace. Un acteur par exemple, chaque fois qu'il
tourne un film, il voyage, il quitte sa famille. Alors, peut-on concevoir
que le lien pourra supporter que par moment on prenne de l'espace,
qu'on consacre beaucoup de temps à sa réalisation professionnelle,
ou à une passion, ou à une oeuvre humanitaire ? Je ne
crois pas que l'amour dans la durée nous demande une présence
exclusive à l'autre. Au contraire, il nous demande peut-être
de favoriser le fait que l'autre puisse accomplir ce qu'il a envie
d'accomplir. Il y a plusieurs phases dans l'amour. Il y a d'abord
une phase fusionnelle pendant laquelle ce qui importe est la présence
physique l'un à l'autre, mais il y a aussi d'autres phases
pendant lesquelles ce qui importe est de favoriser l'épanouissement
de l'autre, de donner de la liberté à l'autre, d'aimer
la liberté de l'autre. Aimer la liberté de l'autre est
sans doute une des choses les plus difficiles car nous ne sommes pas
naturellement altruistes, nous n'aimons la liberté de l'autre
que quand nous aimons suffisamment la nôtre.
Il y a donc un temps où je vais me servir du fait que tu sois
un homme pour combler ma nostalgie du masculin et un deuxième
temps où je vais incarner moi-même mon masculin. Nous
n'avons pas à nous servir de l'autre pour rester infirme, mais
nous avons, au sein de notre relation à l'autre, à devenir
plus complets et c'est ça le paradoxe difficile.
Le côté éternel de l'amour peut paraître
en opposition avec notre histoire. Nous sommes des êtres intégrés
dans une histoire qui se développe et au sein de cette histoire,
nous changeons, nous évoluons ; l'amour entre deux personnes,
c'est aussi se permettre d'évoluer l'un et l'autre. Si au contraire,
nous nous bloquons réciproquement pour être d'avantage
sûr de l'exclusivité de l'autre, ce qui est au coeur
de l'amour possessif et jaloux, une partie de notre être commencera
à souffrir et à se scléroser ; peut-être
resterons-nous ensemble, mais à ce moment-là dans une
sorte de fermeture.
Comment rester désiré et désirant au fil des
années ?
Paule Salomon - Un couple qui évolue peut être un couple
qui reste désirant et vivant. Un couple qui évolue est
aussi un couple qui a un idéal commun, une certaine vision
de l'être humain. Chacun a du respect pour l'autre, ressent
l'autre comme un mystère toujours vivant ; chacun regarde la
façon dont l'autre se transforme au cours des années.
Avoir des activités de dépassement parait toujours profitable
au couple, par exemple avoir une passion commune, ou être engagés
dans une action humanitaire ensemble, ou être unis par l'amour
de la nature. Dès qu'il y a un dépassement, l'amour
plus humain est enveloppé dans quelque chose de plus vaste
qui le ressource. J'insisterai aussi sur l'équilibre du masculin/féminin
en chacun. Deux personnes qui ont de l'actif et du réceptif
en elles ont aussi plus de chance de faire durer le désir parce
que dans le désir il a souvent cette exploration : je reçois
ou je donne. Et parfois le fait de recevoir de l'autre peut être
une découverte, puis le fait d'être celui qui donne peut
être à nouveau une découverte et on peut interférer
les rôles, les mixer, il y a du redoublement dans les aspects
de la personnalité, de la surprise. N'être jamais sûr
de savoir où est l'autre et n'avoir pas refermé ses
bras sur lui maintient le désir vivant, comment rester quelqu'un
de surprenant pour l'autre et comment rester quelqu'un de surprenant
pour moi ? Cela va avec le fait de rester toujours en ouverture et
toujours en transformation. J'ai tendance à croire et à
constater que, chez les gens qui ont une curiosité inlassable
pour la vie, le désir se modifie bien sûr, il est moins
fou, mais aussi il s'approfondit. Ce qui tue le désir est plutôt
le mode vie ; si l'on est trop préoccupé par l'argent,
trop fatigué, trop stressé, on a plus de désir
du tout. Parfois, on pense aussi que lorsqu'on avance en âge
c'est normal de ne plus avoir de désir et là il s'agit
davantage d'une croyance, une croyance très négative.
Pensez-vous que la femme au foyer devrait recevoir un salaire ?
Paule Salomon - C'est une question qui se pose beaucoup. Moi, j'ai
choisi d'assumer un travail dans la société. Je pourrais
me contenter d'être à la maison, mais je ne le souhaite
pas car je considère que ma liberté intérieure
est aussi liée au fait que je puise la sève par mes
propres racines, que je ne demande pas à un autre organisme
d'aller chercher la sève de ma vie à ma place. Et il
me semble qu'aujourd'hui, parce qu'on sort de longues années
d'annihilation de la femme, il est difficile de recevoir de l'argent
d'un homme et de rester à la maison sans se sentir la servante.
Il me semble par expérience, en regardant les autres femmes,
que nombre de celles qui sont dans cette situation de dépendance
financière se sentent redevables, aliénées, parfois
même vont devenir frigides. Mais ce n'est pas inéluctable,
il y a des femmes pour lesquelles c'est une bonne situation, une bonne
solution. Ça peut être une bonne solution sur un ou deux
ans, une bonne solution par intérim. Arrêter de travailler,
puisque le travail est aussi très laminant, prendre une ou
plusieurs années sabbatiques ou élever ses enfants pendant
qu'ils sont jeunes peuvent être des solutions viables, mais
abandonner totalement son rôle à l'extérieur,
non. Peut-être que ce dont nous avons le plus besoin dans la
vie ce sont des alternances, c'est-à-dire des moments où
nous pouvons nous consacrer davantage à des activités
libres à la maison et d'autres moments où nous avons
un travail régulier à l'extérieur. Évidemment,
sur le plan économique ce n'est pas toujours possible, mais
pourtant nous nous dirigeons vers une société où
nous allons bientôt être obligés de travailler
moins pour qu'il y ait du travail pour tous et j'espère que
cela créera des possibilités différentes. Il
n'y a pas de solution unique, il s'agit de respecter des temps différents
pour croître le mieux possible et l'important est de se sentir
bien.
je crois aussi que tout être humain a besoin de créativité,
que ce soit pour créer un pull, des confitures, des recettes,
un livre ou un enfant.
C'est le but de notre vie et cela signifie aussi nous " expandre
", sortir des choses de nous-même qui vont nous prolonger.
Derrière cela, il y a un besoin d'immortalité, un besoin
de sortir d'un temporel qui s'effrite et de laisser une trace. Il
y a peut-être aussi un processus plus alchimique, car se réaliser,
évoluer, grandir en conscience ne peut se faire qu'à
travers notre pétrissage dans la matière, dans le fait
d'oeuvrer et il y a donc là un enjeu fondamental.
La femme a-t-elle à un rôle particulier à jouer
pour l'évolution de notre civilisation ?
Paule Salomon - Oui, je suis persuadée que le féminin
de l'existence transporte tout un futur de civilisation. On appelle
traditionnellement les valeurs féminines de l'existence le
fait d'aider les autres, de les secourir, de les éduquer, de
s'intéresser les uns aux autres aussi. On appelle valeurs masculines,
le fait de conquérir de nouveaux territoires, de gagner de
l'argent, de bâtir des villes. La communication, l'amour, l'entraide
et la communion font partie des valeurs féminines ; bâtir,
faire, explorer font partie des valeurs masculines.
Nous avons besoin de ces deux aspects, mais jusqu'à maintenant
nous avons beaucoup développé le faire et la conquête,
le rôle du pouvoir et de l'argent et il est nécessaire
d'équilibrer la civilisation future avec des valeurs féminines.
Les femmes ont un rôle à jouer, mais elles ont d'abord
une réémergence à faire car, dans la mesure où
elles ont été infériorisées pendant des
siècles, elles réémergent souvent en adoptant
des valeurs masculines et en étant encore plus conquérantes
que les hommes. Il faut donc qu'elles redeviennent conscientes des
valeurs féminines pour qu'elles puissent exercer activement
un rôle afin que l'amour sur terre grandisse.
Alors en résumé...
Paule Salomon - Je suis pleine d'espoir, car jamais les hommes et
les femmes n'ont eu autant d'affinités. Autrefois, les hommes
avaient des activités culturelles qui leur étaient propres
et les femmes avaient les leurs. Aujourd'hui, les hommes et les femmes
vont ensemble à la montagne, au cinéma, à bicyclette.
Jamais les hommes et les femmes n'ont partagé autant de choses
et, en même temps, jamais les hommes et les femmes n'ont lissé
autant leur identité, c'est-à-dire que les hommes deviennent
plus féminins et les femmes plus masculines, bon an mal an,
avec des sursauts, avec des difficultés nouvelles, avec plein
de choses.
Mais, en dépit des nouveaux déséquilibres qui
peuvent s'introduire par le fait que certaines femmes soient trop
masculines et certains hommes trop féminins, nous allons vers
une nouvelle fore d'amour, beaucoup plus profonde, plus complète,
plus évolutive.
L'important est que chaque être humain développe sa capacité
d'aimer, même s'il doit faire deux, trois ou cinq couples au
cours de sa vie, et que cette capacité d'aimer éclose
toujours davantage. Nos vies seront alors moins orientées vers
la consommation, la frustration, la maladie et nous avancerons vers
beaucoup plus de bonheur. Ce peut être par contre plus difficile
pour les enfants. Effectivement, il faudra encore beaucoup dédramatiser
les ruptures pour que la recomposition de foyers à travers
plusieurs couples se fasse sans traumatismes importants pour les enfants.
Mais plus ces compositions et recompositions de foyers seront naturelles,
plus les séparations se feront à l'amiable et plus les
enfants continueront d'avoir des parents qui se voient et coopèrent
en tant que parents, même s'ils ne vivent plus en tant que conjoints.
Il me semble que la voie est visible, qu'elle est plus ou moins balisée,
tracée ; cela prendra simplement encore du temps pour se répandre.
Philosophe et thérapeute, Paule Salomon propose des séminaires
de développement personnel dans un esprit socratique de questionnement
et d'accouchement des êtres. Ses trois derniers livres, "
La Femme Solaire ", " La Sainte Folie du Couple " et
" La Brûlante Lumière de l'Amour " forment
une trilogie sur " un nouvel art d'aimer ".
Entretien réalisé par Roberte Collaud
Recto Verseau : Spécial Féminin - Masculin. Fev 98
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
AU NOM DU COEUR
Entretien avec Paule Salomon
A la veille de ses stages et conférences en Suisse romande,
la philosophe et thérapeute française Paule Salomon
nous éclaire sur " La brûlante lumière de
l'amour "
Dans son nouveau livre, Paule Salomon affirme que "l'amour est
une brûlure et quand cette brûlure est acceptée,
elle peut se transformer en lumière". Eclairage.
- "Apprendre à aimer est sans doute la tâche la
plus importante de toute une vie." Pourquoi, selon vous, y rencontrons-nous
tant de difficulté ?
- Je pense que la difficulté d'aimer vient essentiellement
de l'ego. Chacun d'entre nous a une grande partie de énergie
orientée vers l' affirmation de soi et de sa valeur. Nous héritons
tous d'une grande difficulté relationnelle, celle d'ouvrir
son coeur, parce que nous nous défendons contre toutes les
agressions extérieures qui nous catalogueraient. Ce sont les
jugements des autres, puis les nôtres, portés sur nous,
qui vont être, d'une certaine façon, les écrans
les plus forts entre nous et notre capacité d'aimer.
- Vous parlez de "l'infirmité du coeur (qui) est une maladie
plus répandue qu'il ne semble". Comment la guérir
?
- En s'ouvrant à l' amour de soi et à celui, plus vaste,
de la vie, dimension très intérieure qui a à
voir avec l'âme. Si l'amour est un mystère, c'est bien
parce qu'il procède de la vie intérieure, une dimension
atrophiée dans notre monde actuel. L'amour ne peut pas se passer
d'une conscience vaste.
- Vous dites aussi : "La rencontre du sacré et du profane
est sans doute la grande affaire des décennies à venir
". Croyez-vous à une prise de conscience suffisamment
authentique et universelle permettant d'y parvenir ?
- J'y crois, parce que jamais autant de gens ne se sont tenus à
la frontière de ce possible. Nous sommes de plus en plus nombreux
à prendre conscience du processus.
- Votre définition de l'amour ?
Une vibration qui vient du coeur et qui se transforme en sensation
physique, sans être forcément liée à une
seule personne. Au fur et à mesure que cette dimension se développe
chez quelqu'un, elle va s'étendre à tout le monde. C'est
ce qu'on appelle la compassion dans le bouddhisme. C'est le meilleur
de chacun qui peut entrer en relation avec le meilleur de chacun.
Il se passe quelque chose qui donne une profonde satisfaction ; tout
le contraire du manque et de la frustration.
- Vous posez une série de question dont : " Allons-nous
quitter la souffrance et la crucifixion pour entrer dans le plaisir
d'exister ? " Qu'en pensez-vous ?
- C'est une intuition que j'ai eue très jeune, qu'après
s'être nourrie et enrichie à travers la souffrance, la
civilisation allait découvrir que le bonheur et le plaisir
étaient des sources de créativité bien aussi
grandes, que de plus en plus de créateurs découvriront
l'immensité de l'extase. J'y, crois encore, mais après
avoir moi-même traversé les écueils de ma vie,
je me rends compte qu'être quelqu'un qui ne fait pas entrer
la souffrance dans sa vie demande beaucoup de connaissance de soi.
Ce n'est pas si simple.
Entretien réalisé par Jef Gianadda
Le Matin, Octobre 97
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
ELOGE DE L'INTUITION
Entretien avec Paule Salomon
" Tous les grands managers sont des gens très intuitifs."
Philosophe et psychothérapeute française, Paule Salomon
concentre son écriture et son enseignement sur la transformation
des identités masculines et féminines, tant sur le plan
social qu'individuel. Analyse d'un difficile équilibre.
- Quel regard portez-vous sur le monde du travail?
Je pense que l'univers professionnel, aujourd'hui, est davantage organisé
au masculin qu'au féminin. Le féminin a un rapport au
réceptif, alors que le masculin a un rapport à l'émissif,
à l'actif. Pour prendre une image, le masculin est la théière,
le féminin le bol. Dans chaque situation, il y a une double
manière de concevoir les choses: une manière plus en
rapport avec l'immobilité, avec le fait d'écouter et
de recevoir, et une manière plus en rapport avec le fait de
fait de conquérir. Actuellement, dans le monde du travail -
c'est pour cela qu'on connaît des problèmes de stress
-, prime l'esprit de conquête et d'intervention, au détriment
de l'écoute.
- L'intervention n'est-elle pas légitime? peut-on vraiment
se permettre d'écouter et d'attendre?
Je constate (y compris dans ma vie, parce que j'hérite aussi
de cela) que le sentiment d'urgence est toujours disproportionné
et qu'il prend toujours appui sur la peur du manque. Nous sommes très
structurés - de façon archaïque - sur la peur du
manque, sur la famine. Et ce, dans tous les domaines, alors même
que nous vivons dans une économie d'abondance. Je suis aussi
prise dans ce schéma, devant souvent desserrer cette mâchoire
afin de vivre plus souplement, avec plus d'aisance réelle intérieure.
- Comment trouver l'équilibre?
L'émergence des femmes dans le monde professionnel étant
encore marginale dans certains milieux, on pourrait souhaiter qu'elle
se développe - ce qui est en cours -, mais aussi que l'esprit
du féminin influence davantage ce même milieu professionnel.
Ce qui demande également toute une évolution des femmes.
- Des femmes?
Je trouve que les femmes qui visent des responsabilités professionnelles
importantes ont toutes adopté un profil d'efficacité
masculin Les femmes peuvent apporter le langage de leur corps, celui
du réceptif, mais pour l'instant elles véhiculent un
langage de la tête qui est hérité de la dominance
masculine.
- Que devraient comprendre les femmes en ce domaine?
Elles ont besoin de se rendre compte que c'est en tant que femmes
qu'elles apportent le plus et non en tant qu'esprits masculins habitant
des corps de femmes. Ces changements-là ne sont pas véritablement
réalisés. Même en termes économiques, on
sera amené à envisager les choses de cette manière.
Il n'est pas certain, en effet, qu'une compétitivité
stressée soit celle qui a le plus de rendement. II est probable
qu'il serait globalement beaucoup plus agréable et beaucoup
moins coûteux en santé et en projets avortés de
travailler de façon plus détendue.
- Dans le monde souvent très rationnel du travail, l'intuition
a-t-elle sa place?
Je pense que tous les grands managers sont des gens très intuitifs,
et que contrairement à ce qu'on pourrait croire, les entreprises
qui s'en sortent le mieux, sont probablement celles qui ont à
leur tête des gens extrêmement souples, adaptables et
intuitifs - ayant donc des qualités féminines - plus
que des gens rigides, hyper rationnels et impitoyables. L'ère
de l'impitoyable a fait son temps. Tout le monde ne s'est pas encore
aperçu de cela, mais il faut savoir que l'intelligence, c'est
l'adaptabilité.
- Vous parlez de 'grands managers' :Qu'est-ce qui les distingue?
C'est ceux qui peuvent traverser les crises en ayant une vision. Les
gens qui fonctionnent à court terme risquent de plus en plus
de se planter, dans la mesure où beaucoup de changements -
que ce soit par les guerres, le terrorisme ou les effondrements boursiers
-peuvent intervenir brusquement. Le rationnel a été
construit sur l'immuabilité. L'intuition, c'est s'adapter à
l'instant. II est très facile de comprendre que, sur la durée,
toute organisation rigide et rationnelle est appelée à
se briser
- Un des moteurs principaux de l'engagement personnel est la motivation.
Comment motiver un employé ?
En lui donnant une participation créative. Si quelqu'un ne
se sent pas valorisé dans son travail, il sera à coup
sûr démotivé. C'est vrai qu'on travaille pour
gagner sa vie, mais on travaille aussi pour exister. Chacun de nous
a besoin d'exister aux yeux des autres et à ses propres yeux.
Un employé heureux, c'est un employé qui est considéré.
La considération est une denrée rare à notre
époque. Ce n'est pourtant pas ce qui coûte le plus cher.
Malheureusement, très peu de gens sont vraiment bien considérés
et appréciés
- On dit l'ego cause tous les maux. Vrai ou faux?
Je ne suis pas bouddhiste et considère donc l'ego comme une
belle et saine dimension. Dans mes séminaires, je constate
d'ailleurs que les gens ne viennent pas en maîtres, avec des
problèmes de maîtrise, mais en esclaves, ayant besoin
de nourrir et de renforcer leur ego pour retrouver confiance en eux
et oser. Dans une entreprise, il est cependant certain que les oppositions
d'ego font perdre beaucoup de temps et d'énergie: trop d'ego
en compétition vont s'annuler; il y a donc une juste proportion
à trouver. Cela dit, sans un bon ego on n'aura pas quelqu'un
de créatif, la créativité étant liée
à l'affirmation de soi.
Entretien réalisé par Jef Gianadda
"Exel" octobre 2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
La fin de la guerre des sexes
Entretien avec Paule Salomon
Pour Paule Salomon, la guerre des sexes est un malentendu :
pour les hommes et les femmes d'aujourd'hui il s'agit de devenir forts
et doux.
Réel : Aujourd'hui la place de l'homme et de la femme dans
le couple, dans la société est en train de changer,
vous qui voyez beaucoup d'hommes et de femmes en démarche d'évolution,
que pouvez-vous nous apporter sur ce sujet là et quels outils
proposez-vous pour aider ces hommes et ces femmes dans leur parcours
?
Paule Salomon : Je crois qu'effectivement le couple est en crise.
Ce constat d'ordre sociologique concerne beaucoup de gens, et les
recherches sur la psychologie du couple s'affinent. Je pense que le
pire reste encore à venir, et en même temps, je constate
qu'il y a une possibilité d'envisager la fin de la guerre des
sexes. J'entrevois un axe, une solution, un apaisement, il ne s'agit
pas d'une fatalité, d'un fossé abyssal, qui sépare
deux êtres différents, mais d'un malentendu de civilisation.
Nous savons que l'amour est comme une fleur qui n'a cessé de
s'épanouir et de se développer à travers les
siècles, de se raffiner à travers les plus poétiques
d'entre nous, hommes ou femmes. L'amour est une dimension en hausse
à l'heure actuelle, tout le monde se réclame de cette
valeur et voudrait l'incarner au moins une fois dans sa vie. Personne
ne se résigne à faire un couple dans lequel il n'y a
ni désir, ni amour. Nous sommes donc dans une tension paradoxale.
Jamais on n'a autant demandé au couple qui est en train de
devenir le creuset de l'amour. L'objectif est très différent
et la manière de vivre ensemble n'a pas évolué;
donc nous nous trouvons dans une sorte d'impasse, il y a toujours
autant d'élan, mais des difficultés se révèlent
de plus en plus. Nous héritons aujourd'hui d'une situation
globale sur la sexualité, sur la relation au corps très
insuffisante, qui fait que la misère sexuelle est aussi une
réalité suffisamment générale pour être
préoccupante.
" Lorsqu'une femme prend trop de pouvoir dans le couple,
son mari a des problèmes de désir, lorsqu'un homme écrase
sa
femme par son autorité, elle a des problèmes de désir.
"
Réel: Dans vos livres, vous parlez de la sexualité comme
pouvant nourrir en nous les aspects les plus fins, une sexualité
"éveil', pouvez-vous nous en parler ?
Paule Salomon : Tout d'abord, on ne peut séparer le sexualité
des difficultés psychologiques. Ces difficultés tiennent
à trois types de handicaps. Le fusionnel est le premier : beaucoup
ont vécu une fusion la mère ou au père qu'ils
revivent avec leur compagnon ou leur compagne. Ce fusionnel s'accompagne
d'une grande possessivité et des heurts se préparent,
car une personne ne nous est jamais complètement dévouée.
L'autre a d'autres désirs et la différenciation intervient
au sein de la fusion, le Je ressurgit au sein du Nous. Tout au long
d'une vie, le Je réclame son dû, toute personne a besoin
de continuer d'avancer vers elle-même et en même temps
de trouver le moyen de nourrir le Nous. On ne prépare pas nos
adolescents à sortir de l'illusion du fusionnel correctement.
Le fusionnel est une forme d'amour importante reliée en nous
à ce que nous avons de plus spirituel, au sentiment d'unité,
mais avec des limites archaïques qui le rendent trop possessif
et englobant, pour laisser la place à l'épanouissement
de la personne. Le deuxième handicap est la relation dominant-dominé
qui structure notre société et qui se retrouve dans
le couple. Pour être simple et trivial : "qui va tirer
la couverture à soi ? ", pendant la nuit, lequel va se
retrouver tout nu, lequel va grelotter de froid, pendant que l'autre
est bien enroulé dans la couverture ? Parfois en séminaire,
je fais faire un jeu avec une feuille de papier, disant au couple
"voilà, cette feuille de papier est unique, précieuse,
alors lequel des deux va parvenir à la garder pour lui tout
seul ? ", ce n'est pas triste de voir ce qui se passe, même
avec des gens prévenus ! Autrement dit, le désir de
survie en nous est très important et dès qu'on empiète
sur ce territoire, les réactions sont extrêmement vives.
Le dominant-dominé nous plonge au coeur des structures sociales,
car nous sommes obligés de reconnaître que depuis des
millénaires la société s'est structurée
au masculin. Dominance masculine théologique, la notion du
Dieu est masculine avec une culpabilité de la femme qui a fauté.
Même aujourd'hui dans un contexte différent cette inscription
est profonde en nous. La relation dominant-dominé a besoin
d'être apprivoisée. Tout comme le fusionnel, elle n'a
pas que des aspects négatifs. Le négatif, c'est l'exploitation
des uns par les autres. L'aspect positif, c'est une hiérarchisation
des fonctions : "dans les domaines que tu connais le mieux, c'est
toi qui m'enseignes, et dans les domaines que je connais le mieux,
c'est moi qui t'enseigne." Comme nous sortons d'une relation
parents-enfants, nous avons tendance à jouer à l'adulte
avec l'autre et à lui donner le rôle de l'enfant, ce
qui ne manque pas de faire conflit, car aucun d'entre nous ne souhaite
qu'une personne s'immisce dans sa façon de vivre. Dès
qu'il y a ce jeu de mise en coupe réciproque, de surveillance,
dès que je veux changer l'autre, j'introduis dans la relation
une possibilité de refus et de conflit qui est préjudiciable
à l'amour et qui érode la force du désir. Lorsqu'une
femme prend trop de pouvoir dans le couple, son mari a des problèmes
de désir, lorsqu'un homme écrase sa femme par son autorité,
elle a des problèmes de désir en ce sens qu'on ne peut
séparer sexualité et psychologie.
Réel: Le troisième handicap à la relation est
donc le conflit issu du jeu dominant-dominé. Pour ne pas rester
dans le cercle vicieux du conflit quels outils proposez-vous ?
Paule Salomon : Vous avez raison de parler d'outils car mon travail
dans les séminaires est de trouver les outils pour sortir du
fusionnel, pour permettre au dominant-dominé d'être vécu
de façon positive. Ce troisième temps fort, celui du
conflit, je souhaiterais le voir aborder partout pour les adolescents.
Je trouve que c'est un secteur essentiel car la planète est
loin d'être sortie de la guerre. Nous sommes exploiteurs les
uns pour les autres dans des conflits des teurs et mortifères
en ce qui concerne les nations comme pour le couple. C'est un cercle
vicieux du blessé-blessant. La personne blessée devient
potentiellement dangereuse pour l'autre, donc blessante, et dès
que je suis blessée, je deviens blessante à mon tour.
Et beaucoup d'entre nous, même parmi ceux qui ont beaucoup travaillé
sur eux, découvrent un jour quelqu'un qui est leur maître
à ce niveau-là, quelqu'un avec qui ils ne parviennent
pas à juguler le conflit, et sentent monter en eux des violences
dont ils ne se seraient pas sentis capables. Et voilà que des
forces de destruction diaboliques se manifestent. Alors c'est là
que l'intelligence du cœur peut intervenir, il faut un troisième
terme: deux personnes engagées dans un conflit blessé-blessant
peuvent évidemment parvenir à en sortir seules. Il faut
souvent l'aide d'un thérapeute au moins sur l'un des deux et
parfois sur les deux et même lorsqu'on apprend les outils, soyons
clair, il n'est pas toujours facile de s'en servir. Pour moi, l'intégration
des outils sur lesquels je travaille demande plusieurs mois voire
un ou deux ans. C'est un endroit terrible où l'ego est narcissiquement
atteint, un endroit relié à la peur que chacun d'entre
nous nourrit d'être pris en défaut. Pour sortir du conflit,
il faut se mettre en cause et commencer d'accepter son ombre : je
dis des mots qui peuvent paraître sibyllins : 'Le coeur naît
de l'ombre'. Nous croyons aimer, mais sommes dans l'illusion de l'amour
tant que nous ne tes pas capables de reconnaître nos torts.
'' Le coeur naît de l'ombre.''
La définition de la tyrannie, c'est de ne pas être capable
de se mettre en question. Nous sommes tous des tyrans dans la défense
de notre ego. Cela nous demande un retoumement spirituel, c'est le
développement de la conscience que d'être cette personne
qui va pouvoir se mettre en cause devant l'être aimé
: "oui je suis cette personne qui oublie d'éteindre la
lumière, qui dépense trop d'argent, qui rentre plus
tard que prévu, etc..." C'est un mouvement subtil qui
consiste à pouvoir accepter de se mettre à cet endroit-là
qui va décomprimer les tensions. II y a aussi la dimension
l'empathie, celle qui consiste à se mettre à la place
de l'autre, la dimension de l'écoute active qui permet d'entendre
derrière les mots la souffrance qui anime la personne, c'est-à-dire
de ne pas entrer dans le jeu réactif de la souffrance. Les
outils du conflit sont à apprendre en séminaire, pas
dans les livres, pas dans les conférences. Il faut les vivre.
Réel: Ce conflit est d'autant plus aigu à l'heure actuelle
que les femmes deviennent plus dominantes et que les hommes sont davantage
en contact avec leur partie féminine.
Paule Salomon : Je me passionne beaucoup pour cet aspect que je considère
comme une chance pour notre époque. Nous sortons de l'ornière
de la relation homme-femme qui la confinait à l`intérieur
et les hommes à l'extérieur. Ceci se traduisait par
un refoulement du féminin chez l'homme (en tant qu'archétype
guerrier : de la finance, de l'esprit ou des armées) et du
masculin chez les femmes. Ce double refoulement a cédé
sous la pression des mouvements féministes qui a permis peu
à peu que la femme retrouve une place active. C'est comme si
nous nous étions partagé un temps l'humanité
en deux : aux hommes, l'actif ; aux femmes, le réceptif. En
fait, tout être humain est à la fois actif et réceptif.
Un nouvel homme et une nouvelle femme sont en train de se dessiner.
Leur 'figure' n'est pas terminée, c'est comme un puzzle qui
compose déjà un paysage que nous pouvons entrevoir.
Je parle de cette nouvelle femme dans La Femme solaire. La lune était
traditionnellement l'attribut de la femme, reliée aux menstruations,
et comme la lune reflète le soleil, la femme était chargée
de refléter l'homme. Mais à son tour aujourd'hui, elle
devient rayonnante. Ce ne sont pas les hommes évolués
qui me diront le contraire, les hommes qui croyaient aimer des femmes
soumises se rendent compte que la femme rayonnante, c'est merveilleux
pour eux. En même temps, ils en ont peur parfois, car ils la
confondent avec la femme dominante et la Déesse-Mère.
'' Les hommes qui croyaient aimer des femmes
soumises se rendent compte que la femme
rayonnante, c'est merveilleux pour eux ''
des origines, avec la femme très puissante vue comme castratrice.
Ils ont peur que cette femme émergente redeviennent castratrice,
et il faut bien avouer que le risque existe. Au sortir d'années
de soumission et d'engloutissement, la révoltée a un
aspect vindicatif, durci, trop mental, elle perd certains traits que
les hommes à juste titre, aiment dans la douceur féminine.
Je précise que les hommes sont en train d'acquérir de
la douceur et !es femmes de la force, et que pour chacun d'entre nous,
il s'agit de devenir fort et doux.
Une nouvelle difficulté vient de ce que les femmes sont trop
fortes et pas assez douces, et les hommes trop doux et pas assez forts.
Un déséquilibre sociologique - plus accentué
aux Etats-Unis - peut se révéler en Europe. La féminité
est en train de toucher les hommes qui deviennent de plus en plus
sensibles et cette sensibilité est à la fois positive
et difficile. Ils descendent dans les enfers de leur inconscient qui
comporte ce côté dépressif de la nature humaine.
Longtemps les femmes étaient seules à faire des dépressions,
aujourd'hui les hommes en font lorsque leurs femmes les quittent ou
que leur vie professionnelle s'effondre... Mais ce moment donne l'occasion
de retrouver un sens profond à la vie.
Comment chacun peut-il marier ces polarités? Chaque être
est unique, les nuances sont multiples. Les hommes qui viennent me
voir en séminaire, sont des hommes qui évoluent vers
leur féminin intérieur et sont capables de faire de
leur vulnérabilité une force. Voilà le véritable
retournement : pendant longtemps, la force était de tenir l'épée,
d'être riche, d'avoir une grosse voiture, de l'argent, une place
sociale importante, aujourd'hui c'est aussi l'humour, être capable
d'aimer sa femme, de devenir un amant de plus en plus vibrant et sensible,
d'être un père qui touche ses enfants, qui les élève,
leur donne le biberon, quelqu'un qui développe sa dimension
poétique, écologique et planétaire. Mais au passage,
cet homme plus sensible devient moins compétitif dans un monde
qui se vit encore beaucoup masculin.
Nous n'avons plus qu'à souhaiter que les femmes restent pas
dominantes trop longtemps et qu'elles ouvrent leur coeur au sein de
la force nouvelle qui consiste à contacter et dissiper le malentendu
que les hommes continuent de nourrir en croyant que la femme émergent
va les écraser.
propos recueillis par Cécile Fraydon-Point
Journal Réel, nov 2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
L'AMOUR, LE COUPLE ET LE CELIBATAIRE
Entretien avec Paule Salomon
PAULE SALOMON, auparavant professeur de philosophie, anime
aujourd'hui des séminaires de développement personnel.
Elle a mené
des recherches approfondies sur les hommes, les femmes, les hommes
et les femmes.
Elle est notamment l'auteur de La Sainte Folie du couple.
- Depuis quand les humains vivent-ils en couple ?
" II y a une dimension historique à la notion de couple.
Pendant des siècles et des siècles de préhistoire,
elle n'existait pas. Les hommes et les femmes se rencontraient sexuellement,
mais ne vivaient pas ensemble au sens de la famille. La notion de
couple sous la forme patriarcale, avec un père dominant, est
récente. Elle date de 2 000 à 3 000 ans avant Jésus-Christ.
"
- Que s'est-il passé pour qu'on bascule vers la vie de couple
?
" II semble que les hommes se soient révoltés contre
les femmes... Un peu partout sur Terre, les premières notions
religieuses étaient liées à un celte de la femme
en tant que mère, avec ses hanches, son ventre. Ce qui était
sacré, c'était ça, la déesse-mère.
Tout gravitait autour du ventre de la femme et des enfants qui en
étaient sortis. Les hommes n'étaient pas pères
au sens nominal, mais au sens nourricier. En ces temps-là,
il y avait le cercle des hommes et le cercle des femmes. Cette bipartition
du monde s'est exacerbée jusqu'à un point où
les hommes ont décidé de s'affirmer. Ils l'ont fait
par les armes. Cette force physique est alors devenue puissance dominante.
Elle allait avec un esprit de possession, de conquête. La conquête
des territoires s'est accompagnée de la conquête des
femmes. A partir de là est apparue l'idée qu'une femme
devait appartenir à un homme. Ça ne s'est pas fait paisiblement,
par l'amour... Les femmes ont d'ailleurs résisté le
plus longtemps possible.Les derniers temples du culte à ta
fertilité de la déesse-mère ont été
fermés en l'an 700 après Jésus-Christ. Puis,
peu à peu, la notion de couple s'est affinée et, dans
la cohabitation, les sentiments ont évolué. "
- On voit aujourd'hui beaucoup de jeunes hommes ou de jeunes femmes
sortir en bandes séparées, louer des maisons entre femmes
ou entre hommes...
" C'est pour un renforcement d'identité. L'émergence
de la femme depuis un demi-siècle a fait tellement éclater
les enfermements dans lesquels elles vivaient que les jeunes femmes,
aujourd'hui, ont très peur de perdre leur liberté par
(e mariage. La liberté extérieure existe, elles ont
un compte en banque, elles prennent la pilule, etc, Mais à
l'intérieur on s'aperçoit que la confiance en soi des
femmes n'est pas encore aussi bien établie qu'on le croit.
Les jeunes hommes aussi sont en pleine crise. La nouvelle identité
des femmes consiste à incorporer "du masculin", c'est-à-dire
de l'action, de la conquête. Pour les hommes, c'est l'inverse:
ils incorporent beaucoup de sensibilité, de douceur dite féminine.
Or ça les met dans une position de sensibilité vis-àvis
des femmes, difficile à marier avec leur virilité. Comme
ils sont en recherche d'une nouvelle virilité, la fréquentation
des autres garçons les consolide. Tout cela se fait inconsciemment,
bien sûr. "
- Quel regard porte aujourd'hui la société sur les célibataires
?
" Les "vieilles filles", les "vieux garçons",
c'est fini. A l'heure actuelle, c'est tout le contraire. Il y a une
sorte de fierté. On peut afficher son côté "célibattant".
On pense de plus en plus en termes de réalisation de soi. Comment
le "je" aujourd'hui peut-il accepter de devenir le "nous"
? On veut bien faire le "nous" s'il est composé de
deux "je"... Quant aux célibataires qui ont déjà
connu un mariage et ont divorcé, ils ont souvent vécu
seuls pendant quelques années. Ils ont profité de cette
période pour faire connaissance avec eux-mêmes. Mais
ils sont aussi devenus très exigeants et ne sont plus prêts
à risquer les blessures d'amour alors qu'ils ont trouvé
un équilibre, ils rêvent d'être amoureux. Mais
fa formule du couple à temps plein est remise en question.
Beaucoup aimeraient du couple à temps partiel, alterner des
périodes de solitude et de compagnonnage. Comment s'engager
et ne pas perdre sa liberté ? Quelle est la forme de couple
qui répondra à cela ? Des appartements séparés,
ne se voir qu'une partie de la semaine, avoir des zones "à
toi", "à moi" ? La question est de trouver une
forme de couple qui "enserre" moins. »
Propos recueillis par J. J.
La voix du Jeudi, 14.02.2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
"On décide inconsciemment de ne plus séduire,
par manque d'amour de soi"
Entretien avec Paule Salomon
Femme Actuelle: Plaire, cela dépend de quoi ?
Paule Salomon : L'apparence que l'on offre aux autres est importante,
dans la mesure où elle exprime nos goûts esthétiques,
le plaisir que l'on a de s'habiller ou non, l'aisance qu'on peut avoir
avec son corps, etc. Mais le moteur central de la séduction
est intérieur, c'est ce qui émane de nous profondément.
On ne porte pas le même regard sur un visage affaissé
par la déception ou illuminé par le plaisir de vivre.
Séduire suppose donc de s'aimer un minimum, de se sentir en
accord avec soi-même.
Femme Actuelle: Pourtant, à certaines périodes, on peut
se sentir transparent...
Paule Salomon: C'est normal. Les jours où l'on se sent gros(se)
ou mal habillé(e), on manque de confiance en soi, on s'aime
moins et cela transparaît dans notre comportement : on s'efface,
on ne regarde pas les autres. II en va de même lorsqu'on est
préoccupé, fatigué, physiquement et moralement.
Pour séduire, il nous faut éprouver une certaine insouciance,
être disponible. Ces états de grâce nous permettent
d'être présents aux autres, physiquement et mentalement,
et de goûter l'instant.
Femme Actuelle: Comment expliquer ce sentiment durable de ne plus
plaire ?
Paule Salomon: II peut s'expliquer par des blessures narcissiques
de l'enfance, qui induisent un profond manque de confiance en soi.
Par réaction, on peut compenser en investissant particulièrement
dans son physique, mais cette séduction s'épuise vite
puisqu'elle ne tient qu'à des formes. Ou cultiver certaines
attitudes, certaines poses, mais séduire « mécaniquement
» n'est pas épanouissant puisque cela ne renvoie à
rien d'authentique en nous. C'est ce qui explique que certaines personnes
qui ont eu beaucoup succès un temps se fanent très rapidement.
D'autres, au contraire, qui se sentent en accord avec eux-mêmes
à 40 ans ou 50 ans, deviennent attirants à ce moment-là.
Femme Actuelle: Vieillir ne joue-t-il pas un rôle dans le fait
de ne plus être séduisant ?
Paule Salomon: A mon avis, non. Je crois qu'on décide inconsciemment
de ne plus séduire, par manque d'amour de soi, on trouve un
prétexte à nos renoncements parce qu'on est trop vieille,
trop grosse ou autre. C'est de l'autocensure. En général,
on tient beaucoup ànos croyances, même si elles nous
font souffrir, parce qu'elles nous donnent une illusion de contrôle
: on « sait de quoi il retourne ». Dès lors on
provoque ce dont on est persuadé pour se prouver qu'on a raison.
Femme Actuelle: Comment redevenir séduisant ?
Paule Salomon: II est important de faire un travail sur soi pour se
débarrasser des croyances dans lesquelles on s'est enfermé.
II faut s'efforcer aussi de ne pas couper lecontact avec autrui en
se laissant aller physiquement, en n'étant pas curieux des
autres, en cultivant les conflits, etc. Et ne pas se couper du désir,
qui n'est pas que sexuel. Cultiver toutes les formes de sensualité
nous aide à retrouver notre goût de vivre et donc le
charme qu'on inspire.
Femme Actuelle, 2002
Origine : http://www.paulesalomon.org/pages/arti2.html#3
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