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Date : 18 Octobre 2003
“ PLUTOT HITLER QUE LE FRONT POPULAIRE ”
Bien avant la guerre, le grand patronat français collabora
massivement au réarmement de l’Allemagne nazie.
Longtemps avant la deuxième guerre mondiale, bien avant l’Occupation,
nombreux furent les grands patrons français de la chimie, de
la sidérurgie, de la métallurgie, de l'automobile, de
l'aéronautique, du pétrole, des charbonnages…à
collaborer massivement et consciemment au réarmement de l'Allemagne
hitlérienne. Ils préféraient Hitler au Front populaire.
D’abord ouvertement, voire clandestinement par sociétés
écrans interposées. Dans les années trente, Plutôt
Hitler que le Front Populaire fut le slogan d’une droite soutenue
financièrement par le grand patronat. Le modèle hitlérien
semblait le meilleur pour écraser les salaires, augmenter la
durée du temps de travail et accroître les profits. Pour
les patrons français, le premier des dangers, c’était
les congés payés et la semaine de quarante heures. Malgré
la menace nazie, le grand patronat préféra lutter contre
les ouvriers français qualifiés d’ennemi intérieur
plutôt que d’empêcher le réarmement de l’Allemagne
nazie. L’Occupation 39-45 ne fit qu’accentuer une collaboration
qui, dans les faits, remontait à 14-18 où l’on vit,
en pleine guerre, des patrons français et allemands signer des
accords secrets, les français fournissaient électricité
et produits chimiques à l’Allemagne, et en échange,
les allemands s’engageaient à ne pas bombarder les usines
sidérurgiques de Briey en Lorraine, dont celles de François
de Wendel. Dans les années vingt, et malgré le soutien
financier du grand patronat allemand au parti nazi, le président
du Comité des Forges, le même François de Wendel,
fut à l’origine d’un cartel international de l’acier
qui attribua 40% des parts à l’Allemagne. Le rédacteur
du bulletin quotidien du Comité des Forges n’était
autre que l’honorable correspondant en Allemagne du grand patronat
français, l’ambassadeur de France à Berlin, François
Poncet. En 1928, était fondée la Compagnie Générale
Charbonnière franco-allemande entre le français Kulhman
et l’IG Farben. Exemple de la collaboration dans la métallurgie,
le 10 décembre 1937, une compagnie de Montrouge signa avec un
métallurgiste allemand un contrat prévoyant la construction
de fours industriels sur dix ans…
En 1932, la société française Ugine s’associait
avec une filiale d’IG Farben spécialisée dans la
chimie des cyanures ainsi qu’avec une autre société
allemande détentrice du brevet du Zyklon B, le gaz des camps
de concentration. En 1937, on célébra le dixième
anniversaire de la signature du cartel franco-allemand de la chimie.
Les industriels français étaient fascinés par le
niveau de productivité de l’Allemagne nazie.
En 1933, les banquiers français saluèrent, avec une satisfaction
non dissimulée, l’arrivée de Hitler au pouvoir.
La Banque de France œuvra alors à la création d’une
société franco-allemande pour assurer, à un niveau
rentable, le maintien des envois de matières premières
stratégiques au Reich. Banque de France et Comité des
Forges furent les grands artisans de l’esprit de Munich, de la
démission face à Hitler. Malgré l’antifascisme
affiché de la population française, les grands patrons
multiplièrent néanmoins les contrats avec des groupes
industriels et des banques nazis mais, par l’intermédiaire
de sociétés écran suisses ou hollandaises. En 1938,
la Compagnie Française des Pétroles se positionna pour
une coopération étroite avec le reich hitlérien.
En 1939, arguant du déficit commercial des colonies, un haut
fonctionnaire du Quai d’Orsay encouragea la livraison de matières
premières aux nazis. Dans de nombreuses usines françaises,
les patrons favorisèrent la création de groupes fascistes
du PPF (parti populaire français) qui participèrent au
mouchardage et à la répression des militants syndicaux.
Animés par le patriotisme de profit, grands patrons français
et allemands réalisèrent l’union sacrée contre
le mouvement social issu de 1936. Le chef du PPF, Jacques Doriot mourut
sur le front de l’Est, sous l’uniforme d’officier
nazi.
Non vraiment, nous n’avons pas de patrimoine commun avec ces patrons,
partisans d’une économie militarisée. Que l’école
cesse de présenter cette période comme un roman national
où la collaboration économique n’aurait commencé,
forcée et contrainte, qu’en 1940. A l’inverse, la
Résistance avec sa volonté d’appliquer à
la Libération un ambitieux programme économique, social
et culturel (nationalisation, sécurité sociale, retraite…)
appartient véritablement à ce patrimoine commun porteur
d’un projet commun à élargir, mais non à
détruire comme s’y emploient aujourd’hui les grands
patrons du MEDEF. Pour éviter d’entendre Plutôt Le
Pen que le progrès social, il faut une Histoire qui aide à
construire un projet commun fait de conscience collective pesant sur
les “ collaborations ” présentes et à venir.
Que ceux qui se réclament de l’Education Populaire, exigent
un enseignement de l’Histoire qui tourne le dos aux images d’Epinal.
Que la mémoire de l’Histoire, enfin retrouvée, donne
mauvaise conscience aux grands patrons du MEDEF, adversaires du progrès
social au Nord comme au Sud, et à leur président, le baron
Ernest Antoine Selliere, petit neveu de François de Wendel. Qu’ils
cessent de faire des profits avec des pays comme la Chine et la Birmanie,
où les salariés n’ont pas de droits reconnus, où
les opposants sont jetés en prison, enfermés dans des
camps, torturés, assassinés et où les syndicats
libres sont interdits comme dans l’Allemagne nazie.
Alain VIDAL
instituteur à Nantes, adhérent ATTAC 44
05-10-03
Bibliographie :Industriels et banquiers sous l’Occupation de
Annie LACROIX-RIZ, professeur d’histoire contemporaine à
l’université de Paris VII