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Origine http://www2.unil.ch/liege/nqf/sommairesNQF/som243.html
Les logiques patriarcales du militantisme
Coordination : Valérie Cossy, Gaël Pannatier, Céline
Perrin, Patricia Roux
Les logiques patriarcales du militantisme
Edito
Patricia Roux, Céline Perrin, Gaël Pannatier, Valérie
Cossy
Le militantisme n’échappe pas au patriarcat
Grand Angle
Jules Falquet
Trois questions aux mouvements sociaux "progressistes".
Apports de la théorie féministe à l'analyse
des mouvements sociaux
Lucie Bargel
La socialisation politique sexuée: apprentissage des pratiques
politiques et normes de genre chez les jeunes militant•e•s
Marilène Vuille
Le militantisme en faveur de l'Accouchement Sans Douleur (ASD)
Fanny Bugnon
Anarchiste et criminelle politique: le cas de Germaine Berton
Anne Kruzynski
Trajectoires de militantes dans un quartier ouvrier de Montréal
: trente ans de changement(s)
Champ libre
Elvita Alvarez et Lorena Parini
Engagement politique et genre : La part du sexe
Parcours
Céline Perrin et Patricia Roux
Les Amazones. Entretien avec Catherine Gaillard.
Comptes rendus
Lorena Parini
Dominique Godineau : Citoyennes tricoteuses
Magdalena Rosende
Josette Coenen-Huther : Femmes au travail. Femmes au chômage
Valérie Cossy
Ingrid Galster (Dir) : Simone de Beauvoir : Le Deuxième Sexe,
Le livre fondateur du féminisme moderne en situation
Gaël Pannatier
Guillaume Carnino : Pour en finir avec le sexisme
Collectifs
Christelle Hamel
EFiGiES, une association de jeunes chercheuses et chercheurs en
études féministes, sur le genre et la sexualité
Résumés / Abstracts
Jules Falquet. Trois questions aux mouvements sociaux “progressistes”.
Apports de la théorie féministe à l’analyse
des mouvements sociaux
On observe ici trois mouvements sociaux : le mouvement révolutionnaire
qui a accompagné la guérilla salvadorienne du FMLN,
l’actuel mouvement zapatiste du Mexique, et le Mouvement des
Sans Terre au Brésil. Il s’agit de comprendre pourquoi,
en dépit de leur caractère particulièrement
“progressiste”, ils n’ont guère modifié
les rapports sociaux de sexe en vigueur. Ceci s’explique,
à notre sens, par leur reproduction de la division sexuelle
du travail patriarcale dans le processus révolutionnaire,
et leur reconduction des modèles de famille patriarcaux,
fort utiles pour consolider les structures hiérarchiques
du mouvement ou faire produire la terre en exploitant la force de
travail des femmes et des enfants. Enfin, lorsqu’on observe
les identités culturelles que défendent ces mouvements
(Indiennes, Afro ou occidentales), on peut se demander si cela ne
se fait pas sur le dos des femmes —rarement considérées
comme capables de définir la culture “légitime”,
bien qu’elles fassent souvent des propositions innovantes
pour concilier les “traditions” avec une plus grande
égalité entre les sexes.
Three questions to “progressive” social movements.
A Contribution of feminist theory to the analysis of social movements
This article focuses on three social movements : the revolutionary
movement that accompanied the Salvadorean guerrilla of the FMLN,
the present Zapatist movement in Mexico, and the movement of Farmers
Without Land in Brazil. The question is why such movements which
are known as “progressive” have done so little to modify
the roles, relations and structure of gender. I argue that such
movements actually reproduce the patriarchal gender division of
labour within the revolutionary process as well as they re-enact
patriarchal forms of family, which are actually very useful, either
to consolidate the hierarchic structure of the movement or to cultivate
the land by exploiting the labour force of women and children. Finally,
when one considers the cultural identities vindicated by these movements
(Indian, Afro or Western), one can wonder whether such vindications
are not carried out at the expense of women, who are rarely regarded
as capable of defining “legitimate” culture even though
they often contribute innovative proposals to concile “traditions”
with greater equalitey between the sexes.
Lucie Bargel. La socialisation politique sexuée : apprentissage
des pratiques politiques et normes de genre chez les jeunes militant•e•s
Cet article étudie l’inscription différenciée
des femmes et des hommes dans le processus de socialisation politique
à l’œuvre au sein de groupes de jeunes militant?e?s,
afin d’éclairer l’exclusion des femmes des postes
à responsabilités et des positions éligibles
dans les partis politiques. La recherche présentée
montre d’une part que les normes de genre et la division sexuelle
du travail militant façonnent les activités des organisations
et l’acquisition de compétences politiques par les
militant?e?s. D’autre part, elle met en évidence les
conditions dans lesquelles les femmes accèdent aux responsabilités,
dans des contextes où les enjeux politiques sont faibles
ou lorsque le collectif militant subit des renégociations
structurelles.
Young activists political socialization : learning political practices
and gender norms
This article studies political socialization in youth activist groups
and the differentiated inscription of women and men in this process,
in order to understand women’s exclusion from responsibilities
and eligible positions in political parties. It argues, on the one
hand, that gender standards and the sexual division of militant
labour shape the activities of these organizations and the acquisition
of political competence by their members. On the other hand, it
examines women’s opportunities to access responsibilities,
within contexts of low political stakes or structural renegotiations
for the group.
Marilène Vuille. Le militantisme en faveur de l’Accouchement
Sans Douleur
L'article examine le militantisme médical et politique en
faveur de l'Accouchement Sans Douleur (ASD), méthode d'analgésie
obstétricale élaborée dans les années
1950. Le Parti Communiste Français accorda son soutien à
la campagne de promotion de la méthode censée apporter
la preuve de la supériorité de la «science prolétarienne»
sur la «science bourgeoise», par l'abolition des douleurs
de l'accouchement; l'Union des Femmes Françaises, liée
au PCF, pris une part active à la campagne. L'analyse de
l'argumentaire de l'ASD révèle à quel point
la méthode participait à la construction d'un ordre
social instaurant une représentation normative des femmes,
de leur rôle et de leur comportement. Le travail militant
lui-même était genré, les actions des femmes
étant dirigées et contrôlées par des
hommes. La forme prise par le militantisme pro-ASD ne fut peut-être
pas sans effet sur la faiblesse de la mobilisation et de la réflexion
collective des femmes sur le thème de l'accouchement dans
les années 1970.
The activism in favour of the «Childbirth Without Pain»
method
This article examines the medical and political activism for the
«Childbirth Without Pain» (CWP) method of obstetrical
analgesy developped in the 1950s. The French Communist Party (FCP)
backed the campaign in favour of the method, which was supposed
to prove the superiority of the «proletarian science»
over the «bourgeois» science, by relieving the pains
of labour; the Union of French Women, bound to the FCP, took an
active part in the campaign. An analysis of the doctrine of CWP
shows that the method served to construct a social order instituting
a normative representation of women, of their role and their behaviour.
The activist work itself was gendered : women's actions were directed
and controlled by men. The very framing of the pro-CWP activism
might have had an influence on the weakness of collective mobilisation
and consciousness-raising by women on the topic of childbirth in
the 1970s.
Fanny Bugnon. Germaine Berton : une criminelle occultée
En janvier 1923 éclate l’affaire Germaine Berton. Cette
jeune militante anarchiste abat Marius Plateau, un important responsable
de l’Action française. Le 24 décembre 1923,
elle est acquittée par la Cour d’Assises de Paris,
bien qu’elle n’ait cessé de revendiquer son geste.
Cet article vise à présenter le traitement d’un
crime politique commis par une femme et la place prise par le genre
dans les discours, et ce, à travers les journaux militants
des deux parties, Le Libertaire et L’Action française.
Germane Berton : a woman’s political crime overlooked
In January 1923, the young anarchist activist Germaine Berton killed
Marius Plateau, one of the leaders of the French nationalist organisation
of the far Right known as Action française. On 24th December
1923, the tribunal found Germaine Berton not guilty of the crime,
even though she consistently vindicated her responsibility for it.
This article aims at analysing the terms in which two militant papers
– Le Libertaire for the anarchists and L’Action française
for the far Right – represented a political crime committed
by a woman, and the place taken by gender in their discourses
Anna Kruzynski. Trajectoires de militantes dans un quartier ouvrier
de Montréal : Trente ans de changement(s)
Partant de la littérature traitant de classe et de genre
dans les organisations communautaires, et à la lumière
du concept de « translocational positionality » (Anthias,
2002a), je rapporte ici l’histoire de dix militantes. Toutes
d’abord impliquées dans des comités pour des
raisons pratiques de logement, d’aide sociale, de réaménagement
urbain et d’éducation, la majorité d’entre
elles, animées par des agitatrices, sont parvenues à
une nouvelle conscience des inégalités entre les sexes,
à formuler des analyses nouvelles et plus approfondies, et
à poser des gestes individuels et collectifs en faveur de
besoins stratégiques liés au genre. Les tensions qui
ont surgi dans les familles, avec les amies, les voisines et les
agitatrices elles-mêmes, font aussi partie de cette spirale
de changement(s). De ce processus sont nées des transformations
au niveau macro (communauté, opinion publique, gouvernement),
meso (structures et cultures organisationnelles) et micro (famille
et femmes elles-mêmes).
Women’s spiral-like journeys through three decades of community
activism in a working-class Montreal neighbourhood.
Building on the literature on class and gender in community organising,
and reading through the conceptual lens of “translocational
positionality” (Anthias, 2002a), I share the story of ten
long-time women activists. Although all the women were first involved
in citizens’ committees around practical needs such as housing,
welfare, urban renewal and education, most of them, stimulated by
feminist agitators in their midst, came to new awareness about gender
inequalities, to new and deepening analyses, and to individual and
collective actions around strategic gender needs. Part and parcel
of this spiral of change were the tensions that emerged with their
families, friends and neighbours, and even with the agitators themselves.
Out of this process came transformations at the macro level –
community, public opinion and government, at the meso level –
organisational structures and cultures, and at the micro level –
family and selves.
Elvita Alvarez et Lorena Parini. Engagement politique et genre :
la part du sexe
Cet article s’inscrit dans une perspective exploratoire cherchant
à élaborer une méthode statistique d’analyse
de genre de l’engagement politique. Il s’agit de montrer
que dans les analyses quantitatives, l’utilisation de la variable
biologique « sexe » ne pose pas uniquement des problèmes
conceptuels, mais qu’elle insiste par trop sur les différences
sexuelles sans tenir compte des rapports sociaux qui les produisent.
Malgré les apports de la théorie féministe
matérialiste, l’analyse empirique des faits sociaux
tels que l’engagement politique s’appuie encore de manière
primordiale sur la catégorisation de sexe comme si elle pré-existait,
ou était indépendante du système de genre.
A l’appui de leur démonstration, les autrices ont élaboré
deux modèles d’analyse statistique, l’un inspiré
par les études « classiques » de l’engagement
politique, et l’autre s’appuyant sur la construction
d’un indicateur de genre, à savoir la division sexuelle
du travail.
Political Behaviour and Gender: The Role of Sex
This article belongs to an exploratory approach which seeks to elaborate
a method of statistical gender analysis of political behaviour.
The authors demonstrate that in quantitative analysis, the use of
the biological variable “sex” not only causes conceptual
problems, it equally insists upon sexual differences without sufficiently
including the social relations that produce them. Even though feminist
materialist theory has highlighted the constructed character of
gender relations, the empirical analysis of social facts, such as
political engagement, continues to rely primarily on sexual categorisation
as if it pre-existed, or was independent from the gender system.
On the basis of their demonstration, the authors have built two
models for statistical analysis. The first one is inspired by “classical”
studies of political engagement, while the second is founded on
the construction of a new gender indicator: the gender division
of labour.
Communiqué de presse
Les logiques patriarcales du militantisme
Ce numéro fait suite au colloque international « Genre
et Militantisme » qui s’est déroulé les
26 et 27 novembre 2004 à l’Université de Lausanne.
Cette rencontre rassemblant plus de 50 contributions et 250 chercheur-e-s
a passé au crible du genre les structures et les pratiques
militantes d’un grand nombre de mouvements protestataires,
organisations politiques, partis et syndicats. En quoi ces structures
et pratiques de l’engagement politique sont-elles sexistes
ou au contraire féministes, dans quelles conditions pouvons-nous
militer aujourd’hui pour lutter contre les multiples oppressions
– de sexe, de race, de classe – que vivent les dominé-e-s,
telles sont les questions de départ que nous avons voulu
partager avec le lectorat de Nouvelles Questions Féministes.
Les approches des cinq contributions sélectionnées
pour le Grand angle du numéro permettent de comprendre le
genre à la fois comme un système politique qui organise
les rapports de domination et comme un processus que les militant?e?s
mettent en œuvre dans leurs pratiques, leurs mobilisations
et leurs projets politiques. Ces articles examinent les règles
de gestion de la mixité dont se dotent les mouvements révolutionnaires
et les organisations tant de gauche que de droite de différents
pays investigués par les autrices.
S’appuyant sur ces recherches et sur le matériau du
colloque, l’éditorial intègre certains apports
théoriques majeurs des études féministes de
ces dernières décennies dans l’étude
des mouvements sociaux. Quatre clés d’analyse sont
mises en évidence : 1. La division sexuelle du travail militant
et l’appropriation des femmes par les hommes ; 2. L’instrumentalisation
des militantes ; 3. Les déplacements sexués de l’accès
au pouvoir ; 4. La conscience de la domination.
Dans le Champ libre du numéro, un article également
issu du colloque analyse l’impact du genre sur l’engagement
politique en s’attaquant aux biais naturalistes produits par
l’usage de la variable « sexe » dans les enquêtes
quantitatives. Les autrices ont élaboré deux modèles
d’analyse statistique : l’un inspiré par les
études « classiques » de l’engagement politique
qui comparent les femmes et les hommes et constatent alors des «
différences » de comportement politique, comme si la
catégorisation de sexe préexistait ou était
indépendante du système de genre. L’autre modèle
s’appuie sur la construction d’un indicateur de genre
: la division sexuelle du travail. Ce second modèle permet
de démontrer que l’engagement différencié
des femmes et des hommes en politique est bien dû à
l’organisation sociale des rapports de domination, et constitue
ainsi un soutien aux articles du dossier qui analysent la production
de ces rapports au sein des collectifs militants.
Pour tout contact concernant ce numéro : info-liege
at unil.ch
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