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" Nous ne sommes pas en trop, nous sommes en plus "


Message Internet
Date: 23 Octobre 2003
Objet: [cerclesocial]  Avant-garde de situation
" Nous ne sommes pas en trop, nous sommes en plus "

AVANT-GARDE de SITUATION

Les effets de la violence symbolique sont tout ce qu'il a de plus réel. Les discours stéréotypés, la stigmatisation -jeunes, chômeurs (ses), immigrés désignés(es), boucs émissaires de notre société-, qui entretiennent les clivages et le sentiment de " peur de l'autre ", la criminalisation des pauvres, de ceux qui osent s'imposer à la logique de marché soi-disant inéluctable, ne sont pas sans conséquence sur le quotidien de millions d'entre nous.
Comme l'a demandé Véronique dans une lettre adressée à son amie Viviane " Ne dîtes pas que je me suis suicidée, dîtes que j'ai décidé d'arrêter de souffrir ". Combien sont-ils ceux qui décident d'arrêter là leur souffrance ?

Véronique, Hubert, mais aussi un copain de Bourges, de Bretagne, du Lot, le chômeur qui il y a dix ans, s'est immolé aux portes de Bègles...J'ai envie de crier, de hurler pour qu'ils ne soient pas morts pour rien, pour que l'indifférence, le mépris, la solitude qui les ont tués soient bannis à jamais de notre société. Que transmettrons-nous à nos enfants ? Quelles valeurs retiendront-ils quant chaque jour, le seul message qui leur est envoyé, est " nous clôturerons à + 2 ou - 4 % ".

Le système actuel impose des choix politiques qui créent des dégâts quotidiens dans la chair de ceux qui les subissent de plein fouet. Un jour Marie-France m'a confié : " J'avais des problèmes, des dettes, les huissiers à la porte, je mangeais des pâtes et du riz tous jours, mais quand j'ai perdu une dent, j'ai compris que j'étais devenue une exclue ! Ca y est, je ressemblais à ceux que je croise dans la rue, qui font la manche". Angoisse de rejoindre l'armée des ombres, premier signe corporel de la dégringolade vers le néant, sorte de compte à rebours programmé ! Pour Marie-France, la perte d'une dent agit comme un détonateur, elle a refusé cette fatalité. Militante du quotidien, elle s'est accrochée à ses copains de lutte et de galère comme à une bouée. Combien en ont la possibilité ? Combien de familles éclatées, de copains qui se "réfugient" dans l'alcool ou la drogue ...? Combien meurent à petit feu et en silence ? Leur parole est confisquée en même temps que leur dignité. Y compris ceux qui veulent le bonheur à leur place, leur dénient le droit et les capacités de le penser et de le construire.

Un passé composé
Depuis, trente ans, les politiques imposées par le grand patronat se servent du chômage et donc des chômeurs (ses) comme variable d'ajustement pour maintenir la pression sur l'ensemble du monde au travail et poursuivre leur logique de profit maximum. Il en résulte un chômage massif et structurel et une hétérogénéité de ceux qui en sont victimes. Les histoires, les cultures, le niveau de qualification, la sphère familiale, l'environnement social, l'âge, le système d'indemnisation selon que l'on ait, longtemps, peu ou pas travaillé, les aspirations sont autant d'éléments qui font qu'un chômeur (se) ne ressemble pas à un autre chômeur(se). Les difficultés de mobilisation, de luttes et de réflexions collectives sont renforcées par cette hétérogénéité. Cependant, même si une grand majorité de nos adhérents est confrontée aux minima sociaux, les diversités d'approches, d'expériences et de désirs sont une vraie richesse et une ressource considérable pour notre association et, au-delà, pour la société entière, si tant est que celle-ci veuille bien s'en enrichir.

Un futur conditionnel
" On nous offre quelque chose, c'est au mieux un cadeau, au pire de la charité, mais jamais on ne donne des droits ". Notre avenir est conditionné parce que nous serons en capacité de faire ensemble. Face aux tentatives hégémoniques des marchés financiers, des politiques à leurs bottes et des institutions par trop aliénées, des ripostes de plus ou moins grande ampleur s'organisent. Un peu partout dans le monde des hommes, des femmes se rassemblent et essayent de reconstruire un rapport de force. Ces multiples luttes sur des thèmes variés (environnement, démocratie, les "sans"...) et se heurtent à une offensive libérale considérable et ont du mal à se fédérer en un vaste mouvement.
Notre futur individuel et collectif est pourtant lié à la réussite ou à l'échec de ces mobilisations. Il n'en existe pas de modestes. Tout ce qui peut participer à une reprise d'utilité, de confiance en soi, tout ce qui peut redonner sens, faire passer de spectateur à acteur, peut contribuer à faire changer la culpabilité de camp, à montrer du doigt les vrais responsables et à construire des alternatives de changements radicaux. Plus les individus sont exclus par le système actuel plus le chemin sera long pour impulser de nouveau une participation citoyenne.

Un présent impératif
Les petits pas franchis par les plus exclus d'entre nous constituent en fait des pas de géants pour ceux qui les font. Notre association par sa démarche d'accompagnement, par l'expression de sa solidarité au quotidien qu'elle essaye de faire vivre, par la reconnaissance de l'autre comme un être humain respecté dans sa dignité et sa citoyenneté, non seulement redonne un sens au sentiment d'appartenance à un groupe mais de plus, rend cohérent et possible, sans rien remettre au lendemain, une société où tout projet aurait " l'Homme" pour finalité. Les plus méprisés, les plus exclus, les plus mis à la marge, en acceptant de témoigner, manifestent une sacrée dose de confiance en soi et en les autres, ceux qui le font ne versent pas dans le misérabilisme, ils rejettent tout approche compassionnelle. Ils donnent à voir à la société toute entière le désastre d'une logique amenant l'humanité vers le néant. Ces "éclaireurs de conscience" sont une chance pour nous tous. Ils nous invitent à retravailler le sens de notre vie en commun, le fonctionnement de nos institutions, (politiques, syndicales, associatives ...), le monde de pensées, d'éducation, de transmission des valeurs et des savoirs.

C'est en partant des urgences respectives que nous contribuerons ensemble à améliorer le quotidien des classes populaires et des précaires. Si l'intérêt général ne peut pas être la somme des subjectivités, il en est à coup sûr la conjugaison.

Patrick Gimond

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