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Origine : http://mouvement.critique.du.sport.chez.tiscali.fr/pages/presse_l.htm
Directeur de l'Education Physique et des Sports au Ministère
de la Jeunesse et des sports, le Colonel Marceau Crespin déclarait
peu de temps après la promulgation de la loi du 1er juin
1965 et le décret d'application du 1er juin 1966 : "Aujourd'hui,
il est clair que le doping est une fraude alors qu'auparavant il
était une pratique courante, si peu clandestine que les sportifs
même les plus jeunes, même les plus débutants,
à l'instar de leurs anciens, se livraient à une surenchère
médicamenteuse hors de toute raison et de tout contrôle.
L'Etat ne pouvait permettre que la santé des sportifs risquât
d'être ruinée et que l'avenir du Sport fût compromis".
Cette belle profession de foi ferait sourire à l'heure des
"affaires du Tour de France" et du projet de loi de Mme
Buffet, s'il ne s'agissait pas de vie et de mort, d'idéal
proclamé et de vérités pénibles. Trente
ans plus tard, le bilan est accablant : beaucoup de champions (et
parmi les plus grands) sont tombés de manière incompréhensible
dans le piège de contrôles pourtant peu fiables. Quant
aux "sportifs du dimanche", de niveau régional
ou départemental, ils ont pris l'habitude d'absorber quelques
"boissons énergisantes" ou d'avaler quelques comprimés
pour mieux galoper. Les doses augmentent et les méthodes
scientifiques changent avec le niveau de compétition. La
différence est de degré, pas de nature.
Dopage chimique plus ou moins lourd, dopage mental plus ou moins
perfectionné pour "faire éclater la motivation"
(dopage dont on tait l'existence), bref la logique compétitive
et la concurrence exacerbée font du dopage un passage obligé
pour qui veut tenir son rang. A quelque échelon que ce soit,
le sportif dit de compétition (c'est-à-dire intégré
à un club) doit gérer son anxiété, supporter
des entraînements toujours plus lourds et destructeurs, répondre
aux pressions du public, des médias, de l'encadrement, de
la famille. Et montrer que dans notre société à
fabriquer des exclus, on peut faire partie des gagnants si l'on
s'en donne les moyens...
Le phénomène n'est pas nouveau (1) et faire croire
que la "triche biochimique" déborde aujourd'hui
seulement les cercles restreints du sport professionnel c'est confirmer
que le sport est bien le domaine privilégié de l'évaporation
de l'Histoire (1). Se demander par exemple "si l'on n'a pas
tant tardé s'agissant du dopage" (Libération,
17 novembre) c'est avoir la mémoire courte et oublier que
le projet de loi de Roger Bambuck de 1989 avait comme axes principaux
: actualiser la définition du dopage, élargir les
moyens d'investigation et renforcer la répression à
l'encontre des pourvoyeurs de substances anabolisantes.
Durant ces trente ans, beaux parleurs et hauts-parleurs, dirigeants,
journalistes usèrent de tous les subterfuges pour innocenter
la pratique sportive. Dans un premier temps, ils nièrent
tout en bloc avant de se rendre compte que "l'accumulation
des bavures" (et des drames) les obligeait à modifier
leur discours. Le dopage devenant une dramatique réalité,
leur nouvel angle d'attaque fut sans finesse. Ils attaquèrent
vigoureusement la planification scientifique du rendement humain
dans les "vilains pays de l'Est". Et se contentèrent
de désigner à la vindicte populaire, dans nos pays
occidentaux civilisés, quelques boucs émissaires (de
Michel Pollentier à Ben Johnson), ces brebis galeuses égarés
dans le champ de la loyauté. Sans peur du ridicule, certains
allèrent même jusqu'à faire une liste des sports
ou tout dopage serait inutile (le tir, le football, l'automobile,
etc.) et d'autres - ou les mêmes - affirmèrent sans
rire qu'il devenait impossible à un sportif de se soigner
sérieusement sans succomber aux multiples interdits de la
liste de produits.
Tous ces arguments furent démontés les uns après
les autres par les rares spécialistes indépendants
tandis que, dans le même temps, les hautes instances sportives
et politiques multipliaient les déclarations les plus contradictoires.
Contradiction qu'on retrouve aujourd'hui dans les propos de Marie-Georges
Buffet, la Ministre de la Jeunesse et des sports qui, soit dit en
passant, confond allègrement les mots cause et conséquence
("Les causes de la maladie c'est le dopage" ! )
A bout de souffle et d'arguments, tous les observateurs stipendiés
mirent en question la définition même du dopage, lui
préférant volontiers les termes de "préparation
biologique" ou de "compensation hormonale". En désespoir
de cause, ils innocentèrent le sport au nom de la Société
: "Le dopage, comme la violence ou l'argent, est partout, ici
comme ailleurs". Remarque pertinente, à une seule condition
: qu'on admette enfin que le sport n'est pas une molécule
libre, un idéal transcendant mais une construction sociale.
Qu'il est un champ particulier totalement intégré
au mode de production qui l'a engendré. Le dopage (comme
la violence ou la mercantilisation) n'est pas une "perversion
du sport" (terme repris par le rapport du CNRS). Tous ces maux
sont consubstantiels à la pratique. Dire que le dopage est
contraire à l'éthique sportive n'a pas de sens. Il
n'y a pas plus d'éthique sportive que d'éthique capitaliste.
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(1). Voir les travaux du docteur Jean-Pierre de Mondenard. Lire
"Le "J'accuse" d'un coureur régional",
La République du Centre, 15 janvier 1981.
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