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Origine : http://www.technikart.com/article.php3?art_uid=4542&id_rubrique=24
MALGRÉ SES 70 PRINTEMPS, TONY NEGRI RESTE L’IDOLE
DES JEUNES : SA PENSÉE S’EST DISTILLÉE CHEZ
LES ALTERMONDIALISTES À BASE DE MOTS BIZARRES ET DE CONCEPTS
POINTUS. PETIT BRÉVIAIRE POUR MIEUX COMPRENDRE L’AUTEUR
D’« EMPIRE » ET VOUS FAIRE PLEIN D’AMIS
AU FORUM SOCIAL EUROPÉEN.
Par Emmanuel Poncet
« Au niveau de ma biopolitique, je suis un General Intellect
qui vit dans l’une des métropoles de l’Empire
et je n’envisage pas l’avenir autrement qu’en
termes de Multitudes… » Si vous entendez un altermondialiste
parler comme ça, ne riez pas, vous êtes en plein dedans.
Dans quoi ? Le « negrisme », le parlé Negri,
la « culture negriste », une sorte d’esperanto
altermondialiste adapté des travaux de Tony Negri, star de
l’ultragauche italienne, âgée de 70 ans. Longtemps
considéré comme la tête pensante des Brigades
Rouges (prison, exil en France), il a développé une
pensée remâchée par une génération
d’intellos et d’altermondialistes. Un peu à la
manière de Bourdieu en France dans les mid-90’s. Evidemment,
comme toutes les növlangues, le « negrisme » peut
vite devenir ridicule ou un instrument de domination (euh…
non… merde, ça c’est Bourdieu). Décryptage
avec Ludovic Prieur, « negriste » confirmé, artisan
du contre-sommet du G8 d’Evian, membre de Tutte Bianche (les
Combinaisons Blanches) et animateur de HNS-infos.
BIOPOLITIQUE
Pendant longtemps le sujet central de l’ultragauche, c’était
la classe ouvrière, notion devenue inopérante à
force d’être martelée par Laguillier ou Besancenot.
Avec le terme de « biopolitique », l’identité
sociale n’est plus figée. C’est le retour de
la subjectivité dans le social. Si je suis précaire,
intermittent, comment me retrouver dans la classe ouvrière
? Si je vois des gens qui manifestent en masse pour leur retraite,
en quoi ça me concerne directement (vu que j’arrive
déjà pas à boucler un mois correct) ? «
Avec la notion de biopolitique, explique Ludovic Prieur, il n’y
a plus de label, plus de logo. Tout ce qui plombe et surplombe dans
l’identité sociale devient fluctuant, mouvant. »
Le biopolitique intègre qu’un teufeur peut être
en même temps opérateur sur une chaîne de fabrication.
Pratique, non ?
L’alternative à une décennie de shoppings cafardeux
en cabriolets noirs…
MULTITUDES
C’est le punk appliqué à la politique. Là
encore, il s’agit de rompre avec les sujets uniques : l’Etat,
le Syndicat, le Prolétariat, « casser tout ce qui est
mono et, surtout, la monotonie », précise Prieur. Le
concept s’efforce de ne pas clore les mille façons
de militer, de faire de la politique, de s’engager, de hacker.
« Un jour, on peut aller au Larzac, le lendemain, oublier
le Forum social européen de Saint-Denis mais lutter localement
contre un incinérateur. » Accepter la géométrie
variable. Ne pas surinvestir affectivement comme les vieux militants.
Ne pas craindre la contradiction. « Aujourd’hui, je
fais un truc institutionnel avec les Verts. Le lendemain, je lance
des tomates sur la gauche plurielle à propos des libertés
publiques, et alors ? », lance Prieur.
EMPIRE
Avant, l’Etat-nation ou l’empire austro-hongrois verrouillaient
tout. On savait d’où ça venait. Aujourd’hui,
avec les multinationales, les guerres régionales et les potentats
locaux, c’est devenu très difficile. L’Empire
c’est aussi bien BP (dont deux stations ont brûlé
à Evian) que Bush ou Ben Laden. C’est la dark side
du village global : un faisceau de pouvoirs disséminés
mais oppressants qui traverse l’économie globalisée.
La gauche souverainiste a repris le terme pour désigner spécifiquement
les Etats-Unis. Negri dans le texte : « Comment définir
l’Empire ? C’est la forme politique du marché
mondial, c’est-à-dire l’ensemble des armes et
des moyens de coercition qui le défendent, des instruments
de régulation monétaire, financière et commerciale
et, enfin, au sein d’une société mondiale biopolitique,
l’ensemble des instruments de circulation, de communication
et de langages » (in Exil, 1998).
GENERAL INTELLECT
Le nouveau mot pour désigner les emplois du tertiaire, des
services, de la culture au sens large… Si tu es graphiste
pigiste intermittent dans une start-up en faillite, tu es General
Intellect. Une manière de rappeler que nous vendons de plus
en plus notre matière grise, notre « bonne présentation
», nos qualités relationnelles et technologiques. Et
de moins en moins notre force de travail brute. D’autres ont
appelé cela le Nouvel esprit du capitalisme.
« Du retour. Abécédaire biopolitique »
(Calmann-Lévy). 246 pages, 16 Euros.
A lire également : « Job, la force de l’esclave
» (Bayard). 188 pages, 18 Euros.
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