[Cntait-info] Toujours le Dakar, encore le silence *
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* Date: Sun, 21 Nov 2004 17:45:14 +0100
Pour info, se taire serait une faute.
L'obscène "Dakar" part dans quelques jours...
Le 27ème Dakar commencera officiellement le 31 décembre
prochain par une épreuve spéciale de 4 km à
Barcelone avant la première étape Barcelone-Grenade
du 1er janvier. De peur de voir comme l'an passé à
Millau quelques "anti-Dakar" manifester (des "brigands
qui prennent le sport en otage" comme il fut alors écrit),
les organisateurs, dans leur grand courage, ont éliminé
tout trajet en France. Le rallye passera par l'Espagne, le Maroc,
La Mauritanie, le Mali et le Sénégal.
En cette fin d'année 2004, nous risquons une fois encore
de crier dans le désert. Peu importe. Hurler contre «
la horde sauvage » ne changera sans doute rien pour les populations
des pays traversés mais se taire serait une faute. Le Dakar
devrait être le moment choisi par les écoles - si promptes
à parler d'Europe au moment de l'Euro de football - pour
parler de la situation économique et sociale de l'Afrique.
Et ainsi mieux comprendre et mieux faire comprendre l'obscénité
de l'épreuve.
Vingt-sept ans que ça dure, vingt-sept ans qu'à la
même période, le silence se fait pesant, la colère
diffuse mais toujours assourdie. Pour dénoncer l'utilisation,
comme terre de compétition sportive, d'un continent meurtri
par le SIDA, la disette et le surendettement, il y a chaque année
depuis un quart de siècle quelques coups de gueule, mais
toutes les voix de la révolte sont vite étouffées
ou censurées pour des raisons simples :
d'une part, l'unique quotidien sportif, la télévision
et la radio dites de service public (France Info est la radio partenaire
du Dakar) sont les principaux metteurs en scène de la course
; d'autre part, l'indifférence au mal semble malheureusement
gagner toujours davantage du terrain.
En 1988 René Dumont déclarait : "Ce rallye est
indécent. Je compare cela à une bande de fêtards
qui organisent un banquet mais pas chez eux, et qui entrent chez
un pauvre pour ripailler sans l'inviter à partager (...).
La vraie aventure c'est la lutte contre la faim". Le cri du
célèbre agronome se perdit dans les sables. Aujourd'hui,
les sportifs et les non-sportifs, et la plupart des militants (y
compris ceux des droits de l'homme) si accrochés au mythe
du "sport pur, neutre et innocent", se retrouvent dans
un consensus désespérant pour ne rien voir et ne rien
savoir. Ils ne jugent pas utile de dénoncer clairement et
sans détour cette escapade néo-coloniale.
On a tout dit et tout entendu sur le (Paris)-Dakar rebaptisé
un temps Total-Dakar (au moment de l'Erika et de l'explosion de
l'usine AZF !) puis Telefonica Dakar depuis 2003 afin de saluer
l'arrivée du sponsor principal, la grande entreprise de téléphonie
espagnole à la recherche permanente et boulimique de nouveaux
marchés.
Tout dit sur cette course à la rentabilité, marquée
par des exploits macabres et sur cet indécent étalage
de luxe au pays de la pauvreté absolue.
Tout entendu aussi sur l'alibi humanitaire, comme si le passage
d'une caravane bruyante et l'exposition d'un capital rutilant était
un moyen sérieux et digne de lutte contre la misère
et le sous-développement.
L'oubli de la dimension symbolique de l'épreuve ajoute au
cynisme de la pseudo-aventure. « La fausse pitié est
pire que le mépris ».
Chaque année, les déclarations navrantes des responsables
("Nous ne faisons pas de politique"), les réactions
triviales des pilotes (« Nous on est au volant en ne pensant
qu'au sport et à la compétition ») et les enthousiasmes
déplacés d'un Gérard Holtz tout droit sorti
du Téléthon, occultent la réalité des
terres que le Dakar va, une fois encore, traverser à pleine
vitesse.
L'invraisemblable déploiement de moyens matériels,
financiers et humains, bref toute cette énergie gaspillée
pour continuer à "faire joujou" alors qu'elle pourrait
être mise au service d'une noble cause, ajoute à l'absurdité
d'une épreuve dont il faut exiger la suppression.
S'il y a encore des forces capables de s'indigner dans la France
d'aujourd'hui, si les militants progressistes jugent déshonorant
de cautionner en silence ce rodéo publicitaire sur le continent
de la pauvreté, qu'ils ne tardent plus à faire signe
et à se dresser.
Pour le Mouvement Critique du Sport,
Michel Caillat
Auteur de « Le Sport » (Collection Idées reçues,
Editions Cavalier Bleu,2002),
Tout renseignement au Mouvement Critique du Sport :
E-Mail : critique
. sport (a) libertysurf . fr
site : http//mouvement.critique.du.sport.chez.tiscali.com
adresse : 58, rue de la Bretonnerie, 45 000 Orléans
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