"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Nouvelles rapportées de Palestine Décembre 2004

De Palestine
salut à toutes et tous,

voici des nouvelles rapportées de Palestine, d'où je rentre après une huitaine de jours passés entre Bethlehem et Ramallah.

Sur place, dans les Territoires, la situation ne change pas : la pression et l'oppression exercées par l'occupation militaire (des morts chaque jour à Gaza, pas de levée des check-points qui empêchent la circulation entre les villes palestiniennes), l'avancée inexorable de la construction du Mur et des colonies juives de peuplement en Cisjordanie, l'étouffement de l'économie, la dégradation des conditions sanitaires, tout cela continue malgré les déclarations d'intentions du gouvernement israélien relayées par les medias occidentaux. Seule l'agitation autour de l'élection présidentielle (pendant que Mahmoud Abbas fait une grande campagne médiatique sans encombre, les candidats d'opposition au Fatah ont à affronter arrestations et intimidations de l'armée - Mustapha Barghouti, candidat officiel "libre", soutenu par des franges du PC et d'autres partis de gauche, a par exemple été arrêté et interrogé 2 fois pendant plusieurs heures la semaine dernière), seule cette campagne réactive l'espoir des palestiniens (pas tous, car beaucoup ne se font guère d'illusions sur ce qui peut advenir après l'élection) que quelque chose bouge enfin dans le statu quo qu'ils connaissent depuis 4 ans.

Mais ils craignent aussi qu'après le 9 janvier, quand les projecteurs internationaux braqués sur le nouveau président se seront tournés vers une actualité plus spectaculaire, l'étau israélien se resserre et la colonisation s'accentue de plus belle, avec son cortège de terres annexées, de sources détournées, de barbelés autour des champs d'oliviers et d'arbres fruitiers.

Actuellement, la vie est très chère en Palestine : les produits agricoles de Gaza ne pouvant parvenir en Cisjordanie à cause du blocus total qui paralyse la bande de Gaza, les palestiniens doivent acheter les légumes et fruits israéliens, vendus beaucoup trop cher pour le pouvoir d'achat d'un salarié (15 shekels le kilo de tomate, soit 3 euros, quand le salaire moyen d'un ouvrier ou employé palestinien est de 1500 shekels par mois pour nourrir une famille de 8 à 15 personnes), sans parler des innombrables sans travail qui ne survivent que par la solidarité familiale et quelques litres d'huile et kilos de farine distribués par l'office des réfugiés de l'ONU.

A Bethlehem, où j'ai rencontré des personnels de santé et visité l'hôpital de la fondation Caritas, ainsi que le centre de soins ouvert dans le camp de réfugiés de Deisheh pour tenter de pallier l'impossibilité de se rendre dans les hôpitaux, les personnels soignants dressent un constat alarmant : les maladies respiratoires sont de plus el plus graves, l'asthme chronique invalidant notamment, y compris chez les tout-petits, et l'accès aux médicaments est impossible à la plupart des gens, faute d'argent pour les acheter (200 sheckels un traitement contre l'asthme pour un mois, et pas de sécurité sociale qui rembourse quoi que ce soit). Au camp de Deisheh, on m'a demandé d'essayer de fournir des médicaments contre l'asthme et des antalgiques, qu'un médecin du centre pédiatrique Caritas pourrait recevoir et remettre au centre médical du camp.

S'il y a des médecins et des personnels de santé parmi nous, ou si nous en connaissons qui seraient prêts à nous aider, peut-être pourrions-nous tenter de réunir ces médicaments pour les acheminer sur place très rapidement.

Le pharmacien du centre de soins m'a donné la composition des médicaments dont il a besoin. Je peux communiquer ces informations à toute personne intéressée.

A Ramallah, par l'intermédiaire de Sirine, la directrice d'école qui faisait partie de la mission syndicale palestinienne venue nous voir à Dole et Besançon fin novembre, j'ai pu visiter son établissement (école privée non-confessionnelle qui n'a de ressources que la participation des familles), et discuter avec plusieurs membres du personnel. Comme le français y est enseigné dès les petites classes (il n'y a pas d'école maternelle spécifique, et cette école accueille les enfants à partir de 3 ans), ils sont demandeurs d'aide pour accéder aux méthodes récentes d'enseignement du français langue étrangère, pour avoir des manuels produits en France, des cassettes et CD de chansons et poésies françaises, et proposent un jumelage avec une école française pour échange de correspondance et travail commun.

A Ramallah toujours, j'ai revu Mahmoud (membre DWRC et responsable comité des familles de prisonniers), Nayef (syndicat des travailleurs des municipalités) et Karim (syndicat des personnels de l'Université de Bir Zeit). Le groupe venu en France n'a pas encore pu se réunir et faire un premier bilan (d'autant que Maha est toujours ici en attente de son passeport, ce qui devrait être résolu dans les prochains jours), mais tous ont tenu à nous remercier pour l'accueil qui leur a été réservé et la solidarité exprimée avec le peuple palestinien dans toutes les villes où ils sont passés. Ils m'ont aussi chargée de vous dire que vous êtes les bienvenu-es en Palestine, qu'ils/elles espèrent à leur tour pouvoir accueillir un groupe de nos régions dès que possible et continuer une collaboration fructueuse avec les réseaux, les associations, les syndicats.

J'ai aussi pu assister à une réunion "nationale" des syndicats des travailleurs municipaux, qui sont en train de structurer une Fédération, indépendamment de l'Autorité palestinienne qui est leur employeur. 93 sections syndicales sont actuellement impliquées dans ce projet de Fédération. Nayef (municipalité Al Bireh) et Khalil (Bethlehem) sont parmi les initiateurs de ce mouvement.
Wisam et les 3 autres syndicalistes de Jéricho licenciés pour fait de syndicalisme ont été réintégrés par décision de justice, mais la municipalité Fatah refuse d'appliquer cette décision. Heureusement, les choses peuvent évoluer favorablement puisque les élections municipales qui viennent d'avoir lieu ont démis le maire licencieur...

A Bethlehem aussi, le maire a perdu son poste.

Dans quelques autres municipalités du sud de la Cisjordanie, le Fatah a aussi pris une veste (parfois aucun élu, alors que la participation a dépassé les 80% malgré l'appel au boycott du Hamas). Mais cela n'empêche pas les militants politiques et syndicaux, y compris oppositionnels, dans les villes du Nord surtout, de soutenir très fortement Mahmoud Abbas, qui est perçu comme le candidat qui aura l'appui de l'Europe, des USA, et négociera avec Israel de meilleures conditions de vie pour les palestiniens.

Situation politique complexe donc, où ceux qui combattent le Fatah et son système corrompu soutiennent aussi son candidat à la présidentielle..., avec une inconnue : le taux d'abstention. Abbas semble avoir négocié avec le Hamas une paix des braves, et bien que ne présentant aucun candidat (sur les 7 candidats officiels, seuls 4 sont connus par les gens : Abbas, Mustapha Barghouti, le candidat soutenu par une partie du FPLP, le candidat du PC. Les autres, dont l'un vit aux USA, sont tout à fait inconnus de la population), le Hamas n'appellera pas au boycott. De même, Abbas s'est assuré l'appui de Zacharia, 25 ans, leader du mouvement des martyrs d'Al Aqsa, recruteur de bombes vivantes paradant dans les rues de Naplouse, ce qui fait dire aux palestiniens que ce jeune homme doit bien servir les intérêts israéliens pour jouir d'une telle liberté de mouvement...

Dans toute les villes de Palestine, de Jénine à Hébron, des comités de chômeurs travaillent à se structurer à l'échelle "nationale" (combien ce mot est inadapté à un peuple sans Etat, sans autonomie, sans lois propres) et ont besoin d'aide pour financer la location et l'équipement d'un local où ils pourraient se réunir et organiser leur activité. Avec un taux de chômage qui atteint entre 40 et 70% des hommes en âge de travailler, sans compter les femmes, et alors qu'il n'existe aucune protection sociale pour les privés d'emploi et leurs familles, organiser la solidarité et trouver des voies de survie pour les plus démunis est une priorité absolue. Parallèlement, le combat pour conquérir des droits sociaux, comme il peut en exister dans les pays dits développés, est un des moteurs de ces comités de chômeurs que les syndicats institutionnels palestiniens ignorent chaque jour davantage. Quant aux syndicats israéliens ou jordaniens, depuis Oslo et l'installation de l'Autorité Palestinienne, sous prétexte d'"autonomie", ils ne défendent plus les travailleurs palestiniens, ne soutiennent plus ceux qui leur ont payé des décennies de cotisations, du temps où ils travaillaient en Israel (ils étaient des centaines de milliers jusqu'en 2000). Toutes les cotisations sociales et syndicales versées par les palestiniens sont confisquées par l'Etat et les bureaucraties, sans reversion possible.

Dans la région d'Hébron, ce sont les paysans qui demandent la participation des occidentaux à l'activité agricole pour permettre un accès plus facile à leurs terres en passant les barrières électrifiées, ouvertes quelques minutes par jour en temps "ordinaires". En effet, lorsque des témoins extérieurs sont susceptibles de voir et entendre ce que vivent quotidiennement les palestiniens, la pression militaire se relâche quelque peu et les soldats ont plus de mal à perpétrer leurs humiliations et la destruction des plantations d'arbres ou de légumes (les oliviers sont "méthodiquement" coupés à la tronçonneuse pour empêcher toute poursuite de l'activité agricole et obliger les paysans à quitter leur terre).
La présence des européens limite aussi pour les palestiniens le risque de se faire tirer dessus par les colons ou les militaires qui interdisent l'accès aux terres agricoles sous prétexte de couvre-feu pour "raisons de sécurité".

Après la récolte des olives, de septembre à novembre, la saison des plantations commence maintenant et va durer jusqu'à mars. Pour tous ceux qui ont du temps et veulent s'impliquer concrètement dans la solidarité, plusieurs contacts directs sont à disposition...

Enfin, j'ai rapporté de Palestine le produit de l'activité de femmes brodeuses du camp de Deisheh, plusieurs sacs de tailles diverses brodés à la main sur des motifs traditionnels. L'achat de cette production artisanale permet de soutenir le travail des femmes, qui sont souvent les seules à pouvoir trouver une activité rémunérée dans ce contexte économique difficile. C'est une reconnaissance sociale de leur travail, et, organisées en comités de travailleuses, elles luttent autant pour la conquête de leurs droits sociaux que pour la survie de leurs familles.

Le prix à l'unité varie de 15 à 25 euros, selon la taille.

Si vous êtes intéressé-e, faites-le moi savoir.

Je ne voudrais pas oublier de vous dire combien les Palestiniens, partout où je les ai rencontrés, ont tenu à saluer les marques de solidarité témoignées à leur égard par le peuple de France au moment du décès de leur Président Yasser Arafat. Ils ont été particulièrement sensibles à ce témoignage que leur lutte pour leurs droits en tant que peuple n'est pas une lutte isolée, eux qui souffrent tant de l'abandon des Etats arabes et de l'acharnemnt des puissances coloniales à détruire leur culture, leur société, leurs maisons, leurs terres, leurs vies.

Ils savent qu'ils ne sont pas seuls, et pouvoir compter sur la solidarité et l'aide des peuples amis soutient leur volonté de continuer la lutte pour une vie libre et digne qu'ils mènent avec tant de détermination et de courage.

Souhaitons que l'année 2005 ne les déçoive pas et soit pour eux à nouveau le moment d'espérer.