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Origine : diffusion par mail dans des réseaux alternatifs
Nous assistons, en ce moment, en France, à un étrange
phénomène.
1. L'euphémisation de la vie politique.
Le premier aspect est une sorte d'euphémisation de la vie
politique et sociale institutionnelle, au sens où n'existeraient
plus de grandes divergences ou conflits. Les forces politiques maintiennent
des différences de points de vue et de programmes –
sans lesquelles la vie politique n'existerait plus – mais
qui ne touchent à rien d'essentiel dans l'orientation et
les choix que ces forces énoncent, proposent, mettent en
œuvre. Cette euphémisation, cet aplatissement des divergences,
cette négation de la conflictualité est étrange
si on la rapporte à l'ampleur des changements qui affectent
le monde et les sociétés et à la radicalité
des tensions qu'ils suscitent.
Je prendrai juste un exemple : la politique dite d'ouverture, pratiquée
par le nouveau Président de la République, a, en fin
de compte, suscité peu de remous, voire de surprises, une
fois le premier effet passé. Il semble finalement aller de
soi que des leaders de la gauche soient présents dans le
gouvernement ou puissent briguer la direction du FMI, avec le soutien
appuyé de Nicolas Sarkozy (N.S.). Si cette ouverture finit
par aller de soi, ce n'est pas seulement parce que N.S. est un très
habile tacticien, c'est aussi parce que ces personnalités
de gauche pensent réellement avoir leur place dans un tel
gouvernement ou bénéficier d'un tel soutien et elles
le pensent parce que les différences, réelles, sont
secondaires par rapport à ce qui peut rapprocher. Et que
l'opinion publique n'en est pas surprise. On peut même aller
plus loin : François Hollande pourrait devenir ministre,
voire être pris, par N.S. comme premier ministre, une fois
qu'il aura terminé son mandat de premier secrétaire
du Parti Socialiste. C'est une possibilité qui est parfaitement
envisageable. Elle ne devrait choquer personne.
Ainsi, les forces politiques instituées finissent par former
une sorte d'arc de cercle, une continuum, qui va de l'extrême
droite jusqu'à la gauche (je laisse de côté
le cas de la gauche alternative), continuum qui s'est formé
par rapprochements successifs. La droite s'est rapprochée
de l'extrême droite, jusqu'à rendre celle-ci inutile,
la gauche s'est rapprochée de la droite, et le centre a réussi
cette prouesse à opérer la jonction politico-idéologique
entre la droite et la gauche, en étant institutionnellement
de plus en plus opposé à la droite, sans rien modifier
quant à ses positions de fond qui restent… de droite.
Prouesse que le Centre paie lourdement en ce moment : il devient
inutile, car le chef de la droite lui est passé par-dessus
la tête, pour opérer la jonction directement avec des
personnalités de gauche.
Dans ce continuum, tout devient lisse. Et tout devient confus.
On ne sait plus ce qui distingue une force politique d'une autre.
Les citoyens, après avoir abondamment voté, s'aperçoivent
qu'il existe, face à eux, ce continuum et qu'en définitive
on ne voit plus se manifester de différents essentiels. Les
adversaires politiques ne sont pas encore tout à fait des
amis – mais le thème de l'amitié commence à
occuper une grande place dans le nouveau vocabulaire politique !
-, mais ils ne sont certainement pas des ennemis.
La force de N.S. est de l'avoir compris avant tout le monde. Sa
politique d'ouverture est certes tactiquement bien jouée,
surfant sur la crise interne du Parti Socialiste. Mais il le fait
dans une visée plus stratégique : son discours est
et a toujours été un discours de l'évidence,
du bon sens. Sur le bon sens, il ne peut pas y avoir de divergences
profondes ni durables. Forçant son propre caractère,
N.S. a appris à ne plus polémiquer. Il attire ses
adversaires sur son propre terrain, tient un discours de bon sens
("tout le monde comprendra que..") et aspire l'adversité
vers le consensus qu'il édicte de manière unilatérale.
"L'immigration ? Oui, il y a un vrai problème de l'immigration.
Il faut le regarder en face. Il va de soi que la France ne peut
pas accueillir toute la misère du monde, qu'il y a des règles
à respecter et que le problème de fond doit être
abordé par l'effort des pays d'où cette immigration
est issue. Par contre, nous ouvrons la porte à une immigration
saine, choisie, qui nous est bénéfique, à nous,
comme elle l'est à ceux qui en bénéficient.
Donc, nous ne fermons pas la porte à l'immigration, nous
restons accueillant, mais en fonction de règles et de principes
qui sont les nôtres, qui la régulent."
Qui pourrait être hostile à un tel discours
de bon sens ?
On peut prendre n'importe quel sujet : le discours de Sarkozy est
construit de la même manière et les mesures qui en
découlent ont le même degré d'évidence.
L'euphémisation est double : elle se construit dans un discours
de l'évidence, du "il va de soi que", qui, par
définition même, n'appelle aucune contestation fondamentale
et, en même temps, elle construit une réalité,
largement fictive, peinte en rose, dont on retire toutes les aspérités,
toutes les failles, toute la conflictualité, toutes les contradictions.
Le discours sur la réalité et la réalité
elle-même se trouvent ainsi unifiés, confondus et il
devient normal qu'un assez large consensus apparaisse, puisque c'est
le réalisme même qui le dicte (même s'il revient
à un seul homme le privilège de l'énoncer).
N.S. tient un discours qui est au maximum de l'idéologie
– car, comme Althusser l'a montré dans un texte déjà
ancien, mais remarquable, l'idéologie est précisément
ce qui fait apparaître les choses comme allant de soi, avec
une instance d'interpellation qui, et c'est la force spécifique
de N.S., n'est plus directement Dieu ou un grand idéal, mais….la
réalité elle-même ! Il y a chez lui une alliance
entre le volontarisme et la nécessité : il faut avoir
la "volonté politique" de prendre les mesures qui
s'imposent.
En même temps, N.S., comme il est le porte-parole de la
réalité, qu'il nous rappelle que cette dernière
nous interpelle à coups d'évidences, peut se permettre
de se poser comme "pragmatique", contre toutes les idéologies
au sens ordinaire du terme, au sens des discours stéréotypés,
dogmatisés, figés. Sarkozy, le pragmatique. Cela n'exclue
pas les convictions. Mais ces convictions sont d'autant plus solides
qu'elles expriment le vrai cours du réel et non pas des valeurs
partisanes. C'est ce qu'une partie de la droite n'a pas encore compris.
Dans le cas de Nicolas Sarkozy, qui est quelqu'un de très
croyant, Dieu trace une ligne, visible dans la réalité
elle-même, mais qu'il appartient à quelques élus
de voir avec netteté. Une ligne, et non pas deux ou davantage.
Il n'y a qu'une seule ligne, il n'y a qu'une seule vérité,
il n'y a qu'une seule réalité qu'il faut saisir par
la force de l'évidence. D'où le "réalisme"
en politique, mais qui n'est pas un réalisme de surface ou
opportuniste. Nicolas Sarkozy ne se présente pas comme un
pragmatique opportuniste. Il a des convictions profondes et durables.
C'est un pragmatique de conviction, un nouveau type d'homme politique.
Cet appel actuel au consensus n'a été rendu possible
que grâce à une longue, mais permanente érosion
: depuis un quart de siècle, en France, nous vivons l'érosion
des divergences politiques de fond. Nous les avons vécues
dans les politiques pratiquées, avant même de les voir
s'infiltrer dans les discours. Cela fait longtemps qu'il devient
difficile de différencier la gauche de la droite. Mais du
moins, dans les apparences, les méthodes, les "valeurs",
pouvait-on encore faire une distinction. Ce qu'apporte de nouveau
le tournant actuel, c'est que Nicolas Sarkozy et ses conseillers,
en avance sur leur propre camp, disent : "ces différences
existent, il faut les respecter, mais elles ne touchent pas à
l'essentiel. L'essentiel, c'est l'exigence de vérité,
et autour d'elle, nous pouvons nous réunir". Aux valeurs
(toujours contingentes et humaines), on oppose la vérité.
Et cette vérité, chez Sarkozy, est d'essence profondément
divine. C'est une croyance chrétienne, qui, sur le fond,
est nettement plus proche du protestantisme que du catholicisme.
Mais la question n'est pas de constater cette croyance chez certains
chefs d'Etat, comme Bush ou Sarkozy. C'est simplement de voir comment
peut s'imposer une sorte de "pragmatisme de la vérité",
que Blair ou toute autre homme politique, peut partager, sans être
spécialement croyant, mais qui correspond très bien
à l'évolution (et à l'énorme régression)
du discours politique. Sur le plan du style, Sarkozy est plutôt
proche de Blair, un style pragmatique et suractif. Mais sur le plan
des convictions profondes, il est sans doute proche de Bush.
Mais que nous dit cette vérité, qui alimente
le bon sens ?
Elle nous dit trois choses :
- nous sommes, nous occidentaux, "la" civilisation. Nos
institutions et nos manières de vivre se doivent d'être
défendues, voire diffusées. Au centre de cette civilisation
: la morale du travail, celle que Max Weber dépeint admirablement
dans son "éthique protestante et l'esprit du capitalisme".
-
- Il existe une hiérarchie sociale nécessaire et légitime,
fruit du travail, du mérite et de la réussite. L'indicateur
central en est la richesse individuelle : les riches le sont car
ils ont mérité de l'être. Cette recherche légitime
de la richesse individuelle est en même temps, si chacun s'y
adonne, le moteur de la richesse économique d'un pays.
-
- Le rôle essentiel de l'Etat est d'assurer l'ordre et la
sécurité et de libérer toutes les entraves
à l'expression du "travail méritant".
- Ce sont des idées simples, mais cette simplicité
en fait la force. Morale du travail d'un côté, Mérite
de l'autre, Ordre et Sécurité d'un troisième
: voici la vérité profonde qui doit faire consensus
entre toutes les forces politiques "civilisées".
Il peut y avoir débat. La vie démocratique l'exige
même. Mais il ne peut porter sur l'essentiel. C'est pourquoi
il n'y a rien à craindre de l'ouverture politique. Sarkozy
est, sur ce point, beaucoup plus fort que Bush. Il dépasse
son modèle, car il évite en même temps de dogmatiser
son discours : le recours au pragmatisme est beaucoup plus solide
et durable que l'affirmation de grandes valeurs ou des propos généraux
sur la morale du Bien et le Mal.
Sur quoi peut alors porter le débat politique, réduit
à une simple concurrence entre gens civilisés ? Non
pas sur les ressorts des choix politiques fondamentaux, mais sur
l'efficacité des mesures concrètes prises par un gouvernement.
Il est sain qu'il y ait concurrence et émulation. La démocratie
n'est pas autre chose que l'organisation de cette mise en concurrence.
Mais elle ne porte que sur l'usage des moyens et non pas sur les
finalités. La droite, grâce à Sarkozy, a pris
de vitesse la gauche, encore empêtrée, soit dans des
discours creux, purement idéologiques, que Ségolène
Royal a porté à leur paroxysme, soit dans la mise
en avant de politiques efficaces, expertes, mais coupées
de toutes finalités, de toute perspective, voie que Strauss
Kahn a incarnée. Nicolas Sarkozy veut réunir à
la fois : la mise en avant des finalités, dans des termes
simples et forts, et l'efficacité dans les moyens, la culture
du "résultat".
Sur les finalités, il a battu la gauche, d'une manière
qui se veut durable. Sur l'efficacité des moyens, il est
bon que se manifeste une émulation concurrentielle. Encore
une fois, l'ouverture vers la gauche n'est pas que tactique. Une
partie du champ reste ouvert. Il faut des compétences et
du mérite. Le Président de la République est
institutionnellement hors d'atteinte. S'il est vrai que N.S. s'implique
beaucoup dans la politique gouvernementale actuelle, c'est à
mon avis parce que nous en sommes pour l'instant à l'étape
de l'inscription des nouvelles finalités dans l'action politique:
il faut que celles-ci passent dans des prises de position et des
mesures concrètes, qui figuraient déjà dans
le programme défendu par N.S. quand il était candidat.
Il l'applique scrupuleusement et avec fermeté. Mais au-delà
de cette étape, il pourra, si nécessaire, prendre
ses distances. Ce n'est pas un présidentialisme de principe,
mais d'action. Dès lors que l'on est capable d'énoncer
clairement les finalités et d'établir leur vérité
(il n'y a qu'une seule vérité), il faut passer à
l'action et s'y impliquer.
Le résultat est, à l'intérieur de certaines
limites sur l'importance desquelles je vais revenir, il n'existe
plus d'ennemis, voire plus de véritables adversaires. Uniquement
des concurrents, qui doivent progressivement partager les mêmes
règles et adhérer aux mêmes finalités.
La démocratie n'est pas l'organisation de débats
contradictoires, sous-tendus par des projets fondamentalement opposés.
La démocratie n'est pas une relation entre égaux,
départagés par le suffrage universel.
En fait, dans le débat démocratique, il existe une
claire hiérarchisation entre ceux qui savent, qui voient
clairs dans la réalité, qui en saisissent la vérité,
qui sont à l'avant-garde et les autres, qui se situent à
des degrés divers de lucidité et d'adhésion,
avec des divergences normales sur le choix des moyens les plus efficaces.
L'intervention de N.S. dans le débat – qui n'est plus
un débat contradictoire, sinon de manière purement
formelle – se veut avant tout pédagogique : expliquer
et encore expliquer. L'aspect répétitif de sa rhétorique
est voulu. Mais elle peut se nourrir d'un nombre infini d'exemples
concrets et se référer aux résultats des actions
engagées.
La pédagogie politique du maître d'école est
bien de nous placer sans cesse face aux mêmes évidences,
tout en mobilisant une multiplicité d'exemples pris dans
l'actualité ou dans telle ou telle situation locale.
Comme la réalité est lisse, qu'elle n'offre aucune
vraie contradiction, qu'elle n'est source d'aucun véritable
conflit, le répertoire des exemples est en effet infini.
Les adversaires politiques, qui continuent à faire valoir
de vraies divergences, sont dans l'erreur. Ils se trompent. Ils
n'ont pas encore compris. Il faut leur montrer leur erreur, les
conduire dans le droit chemin, être pédagogue, sans
les brusquer inutilement, mais sans concessions sur le fond. Qui
plus est : quand on s'adresse à eux dans un débat
politique, il faut en même temps, voire prioritairement, s'adresser
"aux gens". Car les "gens", dotés de
leur bon sens intuitif, peuvent comprendre mieux et plus rapidement
que les opposants politiques. Ces derniers sont alors soumis à
une double pression :
- la pression populaire qui, dans sa majorité (et si possible,
dans une majorité croissante) adhère à ce que
fait et dit le maître d'école et ses collaborateurs,
-
- la pression directe d'un débat dans lequel le réalisme
pragmatique, soutenu par des finalités fortes, est opposé
aux fausses querelles, aux polémiques inutiles.
-
Donner plus de pouvoir à l'Assemble Nationale n'est pas un
problème, dès lors que celle-ci est conçue
comme une vaste salle de classe et que le Président de la
République pourra, au moins une fois par an, venir y expliquer
le sens de sa politique. Par contre, tendanciellement, cela affaiblit
le rôle des partis politiques.
Il n'en est pas différemment dans la vie sociale.
Bien des leaders de gauche ont cru pouvoir dire que l'arrivée,
à la Présidence de la République, de Nicolas
Sarkozy, vue la brutalité de ses mesures, allaient susciter
l'expression rapide de vastes mouvements sociaux.
Cette éventualité reste ouverte. Mais pour l'instant,
ce n'est pas le cas.
Là aussi est jouée la carte du bon sens et de la
pédagogie, tout en laissant ouverte une marge de discussion,
voire de négociation sur le "comment faire". Là
aussi, il est fait appel à l'arbitrage implicite des "gens".
Prenons l'exemple du service minimum dans les transports en commun.
Tout le monde connaît la force des syndicats dans ce domaine
et les traditions de luttes fortes, voire de grève générale.
Mais que dit le bon sens ? Qu'il est normal, à la fois que
les travailleurs fassent grève sur des revendications déterminées
et que les usagers, et derrière eux l'économie du
pays, ne soient pas pris en otage, car il est normal que les gens
qui veulent aller travailler puissent le faire. Le service minimum
est l'équilibre entre ces deux exigences. Qui peut être
contre cette vérité d'évidence ? Sur le comment
faire, il sera possible de discuter. Ceux qui disent que le droit
de grève est remis en cause restent dans de la pure idéologie.
Dans le service minimum réside cette vérité
: les intérêts corporatistes ne doivent pas s'opposer
à l'intérêt général.
Si conflit d'intérêts il y a, ce sont des faux conflits,
des conflits qu'il faut dépasser. Le service minimum est
aussi un moyen de les dépasser, de lisser, d'euphémiser
la réalité vécue. Le reste n'est qu'astuces
techniques. Certaines phrases dans le projet gouvernemental sont
là pour être éventuellement retirées.
La tactique politicienne ne disparaît pas pour autant, mais
elle ne prime pas.
2. Le cercle des civilisés et les barbares.
Tout ceci, toute cette démarche, n'est valable qu'entre
"gens civilisés", respectant les mêmes règles,
réfléchissant de la même manière, partageant
la même réalité, vivant selon la même
identité (l'identité française). Or, à
l'intérieur du pays, il existe une ligne qui sépare
les civilisés des barbares (réels ou en puissance
de l'être). Face à cette ligne, tout se renverse. Les
contradictions sont fortes, voire insurmontables. Les conflits violents
sont inévitables. La pédagogie est tout à fait
inutile et donc le débat. On ne peut dégager aucun
consensus. Les règles institutionnelles sont sans effet,
car elles ne sont pas respectées. On peut même aller
plus loin et dire qu'avec ces barbares, nous ne partageons pas le
même univers (ce qui est plus fort que de ne pas partager
les mêmes valeurs).
Ici s'affirme le rôle essentiel d'un Etat sécuritaire.
Plusieurs aspects sont à prendre en compte :
- la qualification, l'identification des barbares.
Il y a d'abord ceux sur lesquels pèsent, en quelque sorte,
une présomption de barbarie : ce sont les immigrés
clandestins. Il faut les chasser.
Il y a ceux qui, bien que de nationalité française
ou immigrés réguliers, ont manifesté, à
un moment donné, leur barbarie (par des actes barbares).
Ces derniers doivent être sévèrement punis et
d'autant plus sévèrement qu'ils récidivent.
Ce sont comme les fous : il faut les retirer de la société,
les parquer dans des lieux surveillés.
Il y a ceux qui, bien que n'ayant pas commis d'actes barbares, ont
cherché à protéger et défendre l'une
des deux premières catégories. Il faut définir
les règles de police et de justice qui peuvent leur être
appliquées (un peu comme ceux qui cachaient des juifs pendant
la deuxième guerre mondiale..).
Enfin, il y a ceux, et ils peuvent être nombreux, qui, n'ayant
pas commis d'actes barbares et sur lesquels ne pèsent pas
des signes visibles de présomption de barbarie, peuvent se
révolter contre le consensus, entrer en résistances.
Ce ne sont plus des concurrents politiques. Ce sont des ennemis
potentiels. Leur pensée est barbare : ils se situent en deçà,
ou, pire encore, au-delà du "bon sens". Ici, il
faut établir un vaste système de fichage, de surveillance,
de suivi, point à point (individu par individu), pour, le
cas échéant, agir préventivement ou les prendre
dans un acte de résistance. L'Etat sécuritaire se
trouve à la limite du droit et de la légalité
: bien que les lois nécessaires aient déjà
été votées, le droit admet difficilement qu'on
puisse arrêter ou punir quelqu'un pour des "intentions",
pour des présomptions de comportements. Le droit demande
des actes. Il est possible qu'insidieusement, par la voie de la
jurisprudence, il évolue dans le sens de la punition des
intentions. Car une chose est de surveiller. Encore faut-il punir
et mettre "hors jeu" ces résistants. Il va de soi
que les "terroristes" de type Alqaida servent ici de prétexte.
- Cette dernière catégorie est extensible : alors
qu'il ne devrait pas, dans une réalité lisse et non
conflictuelle, euphémisée, y avoir de différents
majeurs, et lorsque, après tous les efforts de pédagogie
et de dialogue explicatif (admettant des divergences et négociations
secondaires), une opposition ferme continue à se manifester,
c'est bel et bien qu'elle tend à sortir du cercle des civilisés,
qu'elle penche vers la barbarie. Le cas le plus évident est
celui de ceux qui "croient" à des antagonismes
politiques et/ou sociaux irréductibles. Ceux-là sont
clairement dangereux.
De fait, la contrepartie de l'euphémisation de la société
et de la propagation ondulatoire d'un consensus sur les finalités
essentielles réside dans cette délimitation entre
deux camps et justifie le renforcement de l'Etat sécuritaire.
Réapparaît ici, de manière certes implicite,
mais instrumentée comme telle, la figure de l'ennemi. Qui
dit ennemi dit guerre. Une guerre larvée, parfois violement
affichée (dans les reconduites aux frontières par
exemple), parfois plus insidieuse, mêlant surveillance, fichage,
et, le cas échéant, arrestation et punition. Cet Etat
sécuritaire est en voie d'achèvement matériel,
technique et légal sur le volet "surveillance".
Il n'en est encore qu'à l'état embryonnaire sur le
volet "châtiment". Mais le vote de la loi sur la
récidive en constitue un exemple, de même que l'inféodation
de plus en plus ouverte de la justice à la police (au sens
large du mot "police") et le recul des droits individuels
en matière de défense.
Conclusion.
Nous voici donc avec un pays coupé entre deux univers, doté
d'une vie politique atrophiée.
Sarkozy peut être alors un personnage à faces multiples
: tantôt le pragmatique qui s'appuie sur la vérité
(incontestable) du bon sens, tantôt l'homme de l'ouverture,
tantôt le défenseur – sans se déclarer
comme tel, pour tenir compte de l'importance de la laïcité
en France, bien qu'il l'attaque sous de nombreux biais - des traits
fondamentaux de notre civilisation (chrétienne / capitaliste),
tantôt enfin l'homme de l'ordre, de la sécurité
et de la police, oeuvrant contre les ennemis de l'intérieur,
ceux qui ne s'inscrivent pas dans le cercle des civilisés.
Mais bien entendu, Sarkozy n'est lui-même qu'un personnage.
Il faut voir quelles sont les forces sociales à l'œuvre.
On pourrait assez facilement démontrer qu'autour de N.S.
et des lois déjà votées, s'organise une alliance
de classe entre le capital financier mondialisé (qui entraîne
déjà dans son sillage la frange supérieure
des classes moyennes) et les petits propriétaires ou épargnants,
qui, quant à eux, restent localisés en France. C'est
la base du "bon sens". Si cette alliance réussit,
la droite peut rester longtemps au pouvoir.
Le 14 août 2007
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