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Date: 25 Mar 2005
Subject: Un beau texte politique
Voici un texte de Philippe Zarifian assez théorique mais
qui me semble énoncer avec clarté parmis les plus
importants enjeux politqiues actuels
Biz,
Laurent.
Echelle du monde, crise de civilisation, peuple et luttes. (nouvelle
version)
1. Crise de civilisation ?
Nous avons l'impression - mais nous sommes loin de pouvoir entièrement
le rationaliser - que nous vivons une crise d'une profondeur considérable.
Nous risquons bien davantage de la sous-estimer que de la surestimer.
Quelque chose meurt, dans la trajectoire de la civilisation occidentale,
elle-même devenue beaucoup trop influente pour ne pas entraîner
dans son sillage les autres espaces civilisationnels. Meurt d'abord,
mais selon d'incessants soubresauts, à la manière
d'un dragon blessé, tout le systémisme économique,
toute l'énorme machinerie fonctionnelle que le capitalisme,
comme rapport social, a engendré. Ce que Deleuze qualifiait
d'axiomatique, régulant des flux sans codes et sans territoires,
est aussi un vaste mécanisme fonctionnalisant la vie humaine,
lui assignant place, rôle, résultats, finalités,
et rejetant tout ce qui n'est pas fonctionnellement utile dans une
période donnée.
Marx a visé juste en parlant des capitalistes comme des
"fonctionnaires" du capital, ou encore en les désignant
comme "porteurs" du capital. Le systémisme n'aura
pas été un choix théorique de sa part, mais
une analyse lucide de la "mise en système" d'un
fonctionnement qui ne répond à aucune volonté
spécifique, qui s'auto-entretient avec une formidable efficacité,
un vaste automate auquel jamais personne, dans les phases antérieures
de notre civilisation, n'aurait pu penser. Certes, il aura fallu
que certaines passions correspondantes se développent et
prennent de l'ampleur socialement : le culte protestant du travail,
l'appât du gain, voire la morale utilitariste. Mais elles
n'ont jamais été centrales.
C'est lorsque la machine se dérègle, que le dragon
commence à défaillir, que les passions latérales
s'exacerbent. Un capitalisme de plus en plus corrompu, ou, selon
une direction complémentaire, un capitalisme qui exacerbe
et radicalise ses référents moraux protestants, est
un capitalisme malade, qui, au sens rigoureux du terme, dysfonctionne.
Et personne n'a le pouvoir de le réparer. Cette bête
blessée devient méchante. Elle détruit, modifiant
ainsi son orientation première. Vaste machine à innover,
parce que l'innovation était le moteur de son ressourcement,
apte à surmonter ses crises périodiques de valorisation
économique, voici que le système s'égare :
assis sur des bases rétrécies, il se polarise sur
les flux de capital-argent, en exacerbant et radicalisant la pression
mise sur ce qui peut encore les alimenter du côté du
"travail" et de la survaleur, sous l'épée
de Damoclès de provoquer des soubresauts périodiques,
une instabilité chronique.
Le moindre salarié, le moindre individu fonctionnellement
assujetti à son rôle dans une entreprise, sent monter
une pression et une insécurité qui deviennent à
la limite du supportable. Il devient l'alter-ego des pauvres et
des exclus, de ceux que le système n'absorbe plus.
Et voici que se pose à nous cette énorme question
: devons-nous rester sans rien faire ? Autrement dit : pouvons-nous
vivre sans l'économique ? Si l'axiomatique centrale se meurt,
si toutes les régulations connexes se délitent, si
les institutions correspondantes entrent en crise, pouvons-nous
simplement contempler la fuite des flux ainsi "libérés",
qui risquent bien plutôt de se comporter comme des brisures
de radeaux sur une mer déchaînée, des flux plus
contraints dans leur errance qu'ils n'ont jamais été
?
Voici une question énorme dont, involontairement, nous héritons
: comment "défonctionnaliser" notre civilisation
? Comment laisser le monstre automate s'agiter dans ses convulsions,
sans être entraîné par la dépendance qu'il
a su créer, car de lui, de son fonctionnement, nous tirons,
nous, hommes hautement civilisés, notre subsistance élémentaire?
Défonctionnaliser les conduites de base dans notre civilisation.
Ou plutôt édifier de nouvelles formes de production
de notre existence qui ne soient plus l'expression esclave d'une
vaste machinerie qui engendre et répartit les biens, autant
qu'elle engendre et répartit les classes sociales et les
conflits. Se meurt aussi la démocratie libérale.
La vaste fiction sur laquelle notre civilisation moderne s'est
constituée, fiction d'un individu "libre", détenteur
de droits-pouvoirs, inhérents à sa condition d'homme-citoyen,
qui délègue le soin à des partis et des représentants
de gouverner en son nom, se délite. Elle se délite
comme croyance. Elle se délite aussi parce que la violence
intrinsèque de l'Etat réapparaît dans une exacerbation
du volontarisme politique, sorte d'équivalent du dérèglement
du fonctionnalisme économique. Nous voyons apparaître
ou réapparaître l'arbitraire de la prise de décision
des hauts dirigeants, et du petit groupe de "conseillers"
qui les entourent, pouvoir arbitraire dont le formalisme juridique
et la promulgation des lois ne sont plus que l'enveloppe. La démocratie
libérale est devenue trop coûteuse, coûteuse
en adhésion passive de la part des supposés citoyens,
coûteuse en respect des institutions et des sanctions juridico-politiques
de la part des gouvernants. La mécanique électorale
reste le dernier rempart d'une vie politique qui se vide à
la fois de sa légitimité et de sa légalité.
La crise de l'Etat-Social et des protections qu'il accorde n'y
est pas pour rien. L'adresse directe, par l'intermédiaire
des médias, des hauts gouvernants aux "individus de
base" devient la méthode centrale de gouvernement. Elle
se repositionne très largement sur le registre des passions
tristes, de la peur, de la culpabilité. Ce délitement
est progressif.
Il n'a pas besoin de passer par l'instauration d'un état
d'exception ou d'une dictature. Mais il sape les croyances démocratiques.
Plus les gouvernants agitent le drapeau de la démocratie
et du "monde libre" (face aux barbares orientaux), plus
nous pouvons constater, nous habitants de ce monde, que la démocratie
se vide et les libertés se réduisent. Il ne s'agit
aucunement, dans les pays centraux, d'un retour du populisme. L'adresse
directe qui se fait à travers les médias n'est pas
celle d'un souverain en direction de "son" peuple. Le
peuple n'existe plus. Face à des individus supposés
atomisés, les gouvernants prêchent de plus en plus
dans le vide : vide de l'intérêt qui est porté
à leurs propos, vide de l'espèce d'indifférence
et de résignation à la fois qui est manifestée
à leur égard par les supposés "citoyens".
Mais l'important est que cette prêche devient, d'une certaine
manière, sans importance. La souveraineté s'exprimera
dans des décisions, se présentant comme "décisionnistes",
volontaristes, sans avoir réellement à se réclamer
de la légitimité populaire, ni d'un débat d'opinion.
Sarkosy en est, en France, la caricature.
La politique est absorbée par le politique, la souveraineté
politique par l'urgence de l'action étatique. Car, voici
bien le ressort de cette liquidation partielle de la démocratie
libérale : il y a urgence à faire face, comme pouvoir
d'Etat, à des menaces d'effondrements économiques
et financiers, comme il y a urgence à apparaître au
centre du nouveau régime de guerre. Ce qui se faisait encore
tranquillement, dans la période dite néo-libérale,
se radicalise brusquement. L'Etat réaffirme son pouvoir,
au moment même où la politique se délite.
Non pas Etat d'exception, car les règles démocratiques
peuvent continuer d'être respectées, mais Etat sans
vie politique réelle, même fictionnelle. L'exercice
d'un pouvoir, qui s'affirme de plus en plus dans sa violence intrinsèque,
sans être soutenu par une croyance dans la fiction libérale,
ni modéré par cette dernière. Car il ne s'agit
plus, ni de gouverner la population, ni de discipliner les corps.
Il s'agit de trancher dans le vif, sur le soutien financier aux
firmes globalisées, sur le sécuritaire, sur le régime
de guerre, sur un Etat-Social devenu trop coûteux, etc.
Lorsque des manifestations de rue dénoncent cette évolution,
elles le font de manière sympathique, mais avec l'emprunt
d'une période passée, une vieille fiction "mouvementiste",
et une efficacité concrète limitée.
Nous voici confronté à ce nouveau défi : comment
penser la politique d'une civilisation émergente ? Est-ce
que l'appauvrissement de la politique doit nous inciter à
chercher à la revivifier, ou ne faut-il pas plutôt
se dire que le débat public devient, et doit devenir de plus
en plus, un espace d'intermédiation vers la prise en charge
ouverte d'enjeux éthiques, portant sur le vivre libre, à
la fois singulièrement personnel et mondialisé ? Est-ce
que le fameux adage maoïste, "la politique au poste de
commande", n'est pas en train de rendre l'âme? La question
n'est plus : qui gouverne ? , mais : comment assurer la plénitude
du vivre et nous engager dans sa promotion ? Comment repenser la
démocratie sur des bases éthiques, post-politiques
? Meurt enfin la configuration idéelle (idéologique)
qui a supporté la preuve de la modernité de la civilisation
occidentale.
Malgré les fractures que quelques géants hétérodoxes
de la pensée, Hobbes, Spinoza, Marx, Nietzsche, ont su opérer,
le corpus dominant s'est réduit à une sorte de vaste
tautologie : la civilisation occidentale est civilisée, et
apte à engendrer le progrès. La civilisation occidentale
est LA civilisation. Son univers est en permanence, dans et malgré
ses conflits, propice à la pacification, à la rationalisation,
à l'intellectualisation, au triomphe de la raison et au progrès
matériel. Elle est un univers du droit, apte à domestiquer
les puissances sauvages. C'est moins la philosophie que la sociologie
qui a fourni les idéologèmes de base autour desquels,
dans d'infinies et monotones variations, cette configuration idéelle
a pu se développer. La civilisation occidentale moderne s'organise
autour de deux pôles qui cherchent en permanence à
s'équilibrer : l'individu et la société. Entre
les deux : les institutions intermédiaires. L'individuel,
le social et le collectif. L'individuel pour l'idéal de liberté,
le social pour la cohésion et l'intégration globales,
le collectif pour les conflits qui animent le progrès. L'équilibre
dynamique est fourni par les institutions régulatrices et
l'énergie normative et contestable du droit. En permanence
se créent des déséquilibres, en permanence
ils sont surmontés.
Cet univers refoule désirs et sauvagerie, il annihile l'expression
des puissances. Il ne peut connaître que son négatif
: la barbarie. Pleine raison ou barbarie, ordre et progrès
ou régression. Nous pouvons pencher vers l'individualisme
ou nous laisser porter par le holisme ou encore nous laisser bercer
par l'infinie variation des relations humanistes aux autruis, les
autres que nous-mêmes, c'est toujours la même histoire
qui se raconte. Et tous ensemble, nous, individus du premier monde,
des pays centraux, nous pouvons nous réjouir d'être
civilisés. Quelle gloire !
Parfois les ravages de la guerre et de la barbarie que l'occident
"civilisé" promeut peuvent animer des doutes sur
la réalité de notre civilisation, mais aucune réalité
n'a jamais été assez forte pour ruiner une configuration
idéelle, une idéologie. Or voici qu'elle entre en
crise, non seulement par délitement interne, mais parce que
d'autres idées se font jour.
Ces idées nous disent que ni les individus, ni la société
n'existent, comme idées adéquates, et que les idéologies
collectives n'ont jamais été que de pâles et
mortelles références. Elles nous disent que seules
existent des individualités, des puissances, des compositions,
des coopérations, des devenirs, des événements.
Elles nous disent que l'opposition entre civilisation et barbarie
est un leurre, que la civilisation occidentale moderne a toujours
secrété, dans sa modernité même, la barbarie.
Elles nous invitent à lier désormais, dans la positivité
assumée de leur tension, sauvagerie et puissance de la pensée.
Elles nous font voir des propensions et des croisements de perspectives
sur le monde, là l'on voulait nous faire croire à
une pseudo-liberté négative. Elles en appellent au
déploiement de la générosité, là
où l'on voulait, idéellement, nous enfermer dans la
cohabitation d'intérêts égocentrés.
Un autre univers s'offre à notre regard et à notre
langage. Moins qu'une reconfiguration idéelle de notre civilisation,
on peut penser - et la gravité de la question écologique
nous y invite - qu'il s'agit d'un décentrement vers l'édification
d'une nouvelle cosmologie, d'une nouvelle vision du cosmos, dont
la civilisation humaine n'est qu'une partie. Et nous ne partons
pas de rien : les émergences d'idées nouvelles au
cour de la modernité renouent à la fois avec les formidables
élaborations des grands penseurs hétérodoxes
- ceux du 16 et 17ème siècles en particulier -, mais
aussi avec des traditions civilisationnelles enfouies ou largement
détruites, qui avait su porter leur ambition au niveau d'une
cosmologie. L'un des exemples les plus étonnants en reste
la cosmologie des amérindiens .
2. La mort artificiellement provoquée des civilisations.
La pensée écologique nous a appris à développer
une réflexion et une action sur la disparition précipitée
et artificiellement provoquée des espèces vivantes.
Une formule la résume : la réduction de la bio-diversité.
Il faut prendre cette réflexion avec rigueur pour éviter
de tomber dans la naturalisme ou dans toute approche nostalgique.
Que des espères disparaissent, cela n'a rien de nouveau et
de préoccupant en soi. Cela fait partie des grands cycles
des mutations et des événements " catastrophiques
" peuvent induire des disparitions brutales. Mais il faut porter
attention aux deux adjectifs : " précipitée "
et " artificiellement provoquée ".
Car, là où nous avons toutes bonnes raisons de nous
préoccuper de la réduction de la bio-diversité
(au sens large du terme), c'est qu'à la fois :
- elle engage notre responsabilité spécifiquement
humaine face à l'existence des générations
futures, renvoyant au Principe Responsabilité mis en lumière
par Hans Jonas,
- elle affaiblit le potentiel du vivant, dont celui de notre propre
espèce.
Bien des exemples peuvent en attester : des plantes à pouvoir
médicinal qui disparaissent, c'est une source de soin et
de guérison qui s'évanouit. Des espères animales
qui disparaissent, ce sont des chaînes du vivant qui sont
rompues, entraînant, soit des proliférations incontrôlées
d'autres espèces, soit des suites inévitables de mort
d'autres espèces. Des espèces animales et végétales
qui disparaissent, ce sont souvent des paysages entiers qui se modifient
progressivement, avec, par exemple, le développement de nouvelles
zones désertiques. Ou bien encore, c'est la régénération
de l'eau et l'oxygénation des océans qui se dégradent.
Sur un tout autre registre, des espèces " belles "
ou " touchantes ", qui font partie de notre patrimoine
historique, qui disparaissent, ce sont des sources d'émotion
et d'esthétisme qui se tarissent. C'est la grisaille et l'uniformité
qui s'étendent Enfin, et de manière plus profonde
encore, on peut se demander si la capacité de l'espèce
humaine à détruire en masse des formes vivantes différentes
d'elle n'affaiblit pas son propre corps, en raréfiant les
sources d'affections (par la nourriture, par le climat, par les
contacts avec d'autres espèces et micro-organismes, etc.)
qui portent le corps humain à développer sa puissance.
C'est comme si se mettaient en place des processus de dégénérescence,
masqués par les progrès de la médecine. On
sait, et ce n'est plus à démontrer, que la mort précipitée
d'espèces vivantes (des bactéries, des insectes.)
provoquent, chez les espèces restantes, des mutations et
endurcissements qui les rendent beaucoup plus résistantes
à l'action humaine.
Un cycle infernal s'enclenche ainsi.
Il faut certes prendre les métaphores avec précaution.
Mais nous sommes proche de penser que l'on peut utiliser cette comparaison
pour penser ce qui se produit actuellement : la mort, pour ne pas
dire la tuerie des civilisations "étrangères
" à l'occident. Pour ne pas dire "étrangère
à la version américanisée du mode de vie et
de pensée occidental". Nous disons "américanisée",
nullement pour mettre spécifiquement en cause les Etats-Unis,
mais, à la manière de Gramsci, pour typifier un mode
de vie et de pensée dont les Etats-Unis sont le centre de
diffusion et promotion, version qui, à sa façon, est
devenue un vecteur essentiel de développement et pénétration
des intérêts économiques (car l'effet va bien
au-delà des luttes pour la captation des ressources pétrolières
: la mondialisation non critique du mode de vie occidental est "
le " vecteur de pénétration de la globalisation
économique, celui que les grandes firmes utilisent).
Ce n'est pas la première fois que des civilisations auront
été massacrées. Que reste-t-il, par exemple,
des civilisations indiennes des deux Amériques ? Pratiquement
rien, sinon une indicible souffrance et misère. Et que deviennent
les magnifiques civilisations africaines ? Après avoir été
étouffées, niées, " christianisées
", décomposées par la colonisation, ce qui se
passe en ce moment est pire : elles périssent et se décomposent
par la mort physique, les maladies, la plus que misère et
les guerres intestines de ce continent. Par son abandon. Mais un
nouveau front a été désormais ouvert en"
Orient" (mot inventé par les..occidentaux en voulant
tracer une barrière entre civilisations). L'Orient résistait
à l'américanisation (baptisée, pour la cause,
"modèle de démocratie et liberté ",
celui que nous éprouvons bien, nous occidentaux, dans ses
limites).
La résistance de l'Orient doit être brisée
: voici la nouvelle croisade. Une sorte de haine de l'Orient commence
à être encouragée, une étrange paranoïa.
Les puissances occidentales se dénomment elles-mêmes.occidentales
: ce n'est pas un qualificatif innocent. C'est l'Occident face au
reste du monde. Quelques tribus supposées sauvages en Afghanistan
? Qu'à cela ne tienne : l'armée onusienne, les organisations
humanitaires, les différentes sources d'aide et l'arrivée
de la culture occidentale, en viendront à bout, sous le bouclier
militaire, soigneusement installé, par les Etats-Unis. De
guerre en guerre, la croisade occidentale pénètre
de plus en plus en profondeur et s'arroge de plus en plus de droits
d'intervention directe (au mépris du droit international,
mais que vaut-il, lorsque liberté est donnée à
la force pure de s'exercer, avec la bénédiction de
Dieu et l'étendard du Bien ?). Nous assistons, sur nos écrans
de télé, à la disparition rapide et sciemment
provoquée de toutes les civilisations non blanches, non occidentales,
non judéo-chrétiennes. Bref : de tout ce que les Bush,
de toutes espèces (car ces espèces là prolifèrent),
détestent.
Bien entendu, nous pouvons, raisonnablement, mettre en avant les
apports considérables de la civilisation occidentale, en
particulier sur le registre de la liberté individuelle, de
la démocratie, de l'émancipation des femmes, et de
la croissance du bien être matériel. Nous pouvons,
tout aussi raisonnablement, mettre en lumière les destructions
et impasses considérables que cette civilisation a opérées.
Mais, en tout état de cause, nous pouvons et devons développer
le souci de ce que chaque civilisation peut apporter d'inédit
et d'éthiquement positif à l'humanité-monde.
Par exemple, la civilisation indienne de la zone du Brésil
avait développé un regard d'une grande subtilité
et richesse sur les êtres de la nature environnante, animaux
et plantes, au sein d'une vision du monde particulièrement
passionnante. Mais qu'en reste-t-il? Quelques écrits d'éthnologues
et anthropologues. Dès les années 50, Levy Strauss
avait lancé un vibrant appel contre la disparition de ces
civilisations et l'uniformisation "triste" du monde supposé
"civilisé". Mais qu'en est-il resté? Face
aux actuelles croisades, nous, résistants du désert,
habitants de Dune, nous apprenons, nous nous endurcissons à
notre manière.
Nous sommes riches de la richesse du croisement des civilisations.
Mais le risque existe de ressembler à nos tueurs, de sombrer
dans les passions tristes du ressentiment et de la revanche. Nous
devons lutter par des armes généreuses, et d'autant
plus fermes, tenaces, indestructibles. Chameaux marchants dans le
désert : ce magnifique tableau de Klee, nous le faisons notre.
Ce pourrait être l'étendard du Peuple Monde, celui
de la vraie mondialité. Chaque peuple a droit à ses
rêves, peut revendiquer les apports positifs de sa civilisation
et de sa manière de vivre, se sentir contributeur de la vaste
histoire humaine. La civilisation occidentale n'est ni plus vertueuse,
ni plus riche que les autres. Elle est simplement différente,
étrange à sa manière, comme l'écrivait
Montesquieu par la voix d'Usbeck dans ses lettres persanes.
Elle traverse, comme toute histoire de longue durée, des
hauts et des bas. Nous l'avons indiqué, nous avons l'impression
confuse que nous tombons, que l'occident a perdu une large partie
de sa capacité de création, de beauté et d'élaboration
éthique, qu'elle est devenue grise et épuisée,
comme étouffée sous l'énormité du déploiement
de la violence, de la chasse aux différences, sous la chape
de plomb de l'économique et du financier. La vie chez nous,
ici, en Occident précisément, devient survie, violence
permanente, pression, pornographie. Pensons par exemple à
l'étalage, totalement indécent et manipulatoire, sur
les antennes des télévisions, des sentiments et de
la vie intime des " gens ". Pensons à l'étalage
quotidien des cadavres aux actualités. Le sentimentalisme,
les pleurs, la peur, le dégoût, les chocs émotionnels
remplacent l'appel à l'intelligence.
Il faut des types humains particulièrement tenaces et joyeux
pour y résister. Face à une société
dure, comment former une jeunesse qui soit résistante, sans
céder elle-même à la dureté? Grisaille,
horreurs, films catastrophes qui, soudain, se brisent dans la réalité
elle-même. Je me souviens. Je me souviens de la Perse, de
la Chine, du Vieux Lao Tseu, des accents de Russie, des chats sauvages
du Brésil, de mes amis là-bas, de tous les métis
du Monde. J'ai parfois honte de ma partie occidentale. Mais je me
promène alors dans Paris, doucement, et me rassure. Paris
Poète, ce beau livre qui vient de paraître. L'occident
a des beaux côtés. Croire que la puissance réside
dans la guerre et la violence, quelle bêtise! La guerre n'est
que faiblesse, tristesse et lâcheté.
Le faux visage de l'occident a un nom qui n'a pas perdu de ride
: la prétention impériale, colonisatrice, celle qui
nous étouffe, celle contre laquelle une intellectuelle iranienne
se révoltait, criant qu'elle n'avait pas besoin de l'occident
pour penser et créer, pour lutter et aspirer à la
liberté. Interpellant un journaliste interloqué à
qui elle affirmait: "je suis persane!". Persane, et non
pas iranienne. Pourquoi nierait-on, à des parties entières
de l'humanité, d'avoir une histoire ? Et pourquoi nous contesterait-on,
à nous autres, métis du monde, de faire se rencontrer
ces histoires civilisationnelles ?
3. Multitude.
Multitudes, multitude, peuple, classes sociales ? Le débat
sur ce point peut sembler abstrait, mais il a des fortes implications
quant à la manière de penser les luttes actuelles.
Partons de " multitudes " (au pluriel). Et prenons l'exemple
de la revue du même nom. Quand on lit le débat qui
a présidé à la dénomination de cette
revue et au choix de ce pluriel, on est frappé par la question
des images et des évocations. Il s'agit de choisir un titre
pour une revue. Quelles images appellent multitude au singulier
et pourquoi l'avoir rejeté? Images bibliques, image du Dieu
créateur, image d'un peuple (de moutons), image de pouvoir,
beaucoup plus que de puissance, image de la totalité hégélienne.
Ceux qui ont lancé cette revue décident, à
juste titre, de rejeter ces images. Ils choisissent multitudes au
pluriel. Dans multitudes, se font jour les images de puissances
irreprésentables, de diversités, de différences,
d'initiatives plurielles irréductibles à l'exercice
d'un quelconque pouvoir central. Images et évocations certes,
mais, curieusement, aucun concept. Et on voit le malentendu qui
peut s'installer.
Car multitude, au singulier, est un vrai concept philosophique,
pour chacun des deux grands théoriciens qui l'ont mis en
avant, au 17ème siècle. Et concepts qui restent d'actualité.
Pour Hobbes d'abord : quel est le problème que Hobbes veut
penser? Une société qui ne peut plus prétendre
être pré-ordonnée par un quelconque ordre divin
ou un quelconque Dieu créateur, une société
moderne qui s'émancipe de l'oppression de toutes les formes
de théocratie, qu'elle passe par l'Eglise ou par la Royauté.
Une société composée, non de sujets d'un ordre
transcendant, mais d'humains, dotés de mémoire et
de langage, qui se ressemblent, sont égaux en force (l'égalité,
son existence irréfutable et expérimentée comme
telle, tel est clairement le point de départ de Hobbes),
se savent semblables, mais qui sont en même temps poussés
par leur propre désir, animés par leur propre capacité
à penser et agir, de manière strictement individualisée,
différenciée, potentiellement opposée (car
les désirs s'opposent dans leur réalisation). Qu'est
ce que la multitude comme concept ? C'est ce qui permet tout à
la fois de penser le vide que l'écroulement de l'ordre théologico-politique
et théocratique (dans sa légitimité et sa vision
du monde), crée soudain et le nouvel ensemble constitués
par ces individualités en guerre potentielle, trop égales,
trop semblables, trop différenciées, trop opposées,
surgissant dans ce vide, sans aucun ordre préalable, rien
précisément de transcendant ni d'unifié.
Une révolution anglaise sanglante que Hobbes observe et
fuit à la fois, mais par rapport à laquelle il comprend,
il est un des rares à comprendre alors, qu'il n'existe plus
de retour possible en arrière. La multitude au singulier,
c'est pour Hobbes un vrai concept dans un système de pensée
très rigoureux, qui avance, logiquement, vers le principe
d'autorisation (" nous autorisons le souverain à gouverner
à notre place "), vers la création artificielle
du souverain, vers l'édification de la grande machine étatique
moderne. Chez Hobbes, la multitude, au singulier, c'est l'inverse
du bénitier ou du curé. Ce n'est même pas encore
le peuple (comme futur alter-ego du souverain). C'est le pré-peuple.
Entre la multitude et le peuple, apparaissent les citoyens au moment
même où fictivement (ou bien par le jeu d'élections
démocratiques), ils quittent volontairement l'état
de multitude pour autoriser un souverain (un Etat absolu) à
gouverner. Hobbes, on l'oublie trop souvent, est un grand théoricien
du citoyen, comme passage, transition de la multitude au peuple.
Car une fois le souverain constitué, la multitude devient
son " peuple ", son sujet, mais à partir d'une
légitimité moderne et sans que les individus puissent
être jamais totalement soumis. Le souverain constitué,
institué, n'a plus légalement en face de lui qu'un
peuple de sujets (assujetis). Mais, selon Hobbes, la multitude pré-existante
ne saurait disparaître : rien ni personne ne peut empêcher
que les hommes manifestent le désir de persévérer
dans leur être et agissent en conséquence, en visant
à s'approprier les objets de leur désir. Dès
lors, comme image, la multitude (au singulier), devient le risque
de chaos, le désordre toujours potentiel, comme à
l'aguet. La grande actualité de Hobbes : le refus radical
de fonder une souveraineté politique sur le religieux ou
sur tout ordre social préalable. Et le problème soulevé
par la solution qu'il propose : l'asservissement du peuple au nouveau
pouvoir d'Etat, qui, pour lui, ne peut gouverner que sur la base
d'un pouvoir absolu.
Chez Spinoza, c'est autre chose. Multitude, au singulier, est aussi
un concept, un concept de composition de puissances, de source de
tout pouvoir politique en tant qu'il suppose toujours des puissances
en action, un concept qui autorise en même temps de penser
la résistance au pouvoir lui-même, pouvoir d'Etat qui
exprime les puissances (les pouvoirs de pensée et d'action
des individus) et s'en sépare à la fois. Un pouvoir
politique , un " pouvoir sur ", qui peut à tout
moment tenter de couper les puissances d'elles-mêmes, affaiblir
les individus, les priver de leurs potentialités. Que faut-il
entendre par " puissance " ? C'est, pour Spinoza, le "
pouvoir de ", le pouvoir de pensée et d'action, que
tout individu possède, qui met en jeu à la fois la
puissance de son intelligence et celle de son corps, puissance qui
peut se renforcer, par les affects de joie, par l'accès à
la connaissance de soi et du monde, ou s'affaiblir, par les affects
de tristesse et de haine, par le recul de la connaissance, le recours
aux différentes formes de superstition. Dans le concept spinoziste
de multitude, le politique comme "pouvoir sur" les individus
et la politique comme "pouvoir de", puissance des individus
s'affrontent, mais sur fond d'une ontologie de la puissance qui
reste première.
La multitude est assemblage, rencontre, composition, coopération
des puissances individuelles, mais dans un régime de servitude
vis à vis tout à la fois : des passions qui animent
les individus (joie et tristesse, amour et haine), et vis-à-vis
du pouvoir d'Etat qui agit sur la multitude pour procurer sécurité
et paix, mais aussi, et par là même, sous ce prétexte,
oppression et privation de la possibilité de développer
sa puissance, privation de la vraie liberté.
Chez Spinoza, le principal champ de bataille n'est pas celui des
dominés contre les dominants, mais fondamentalement celui
des individus face à eux-mêmes. La politique ne se
joue pas dans le politique. Le choix du politique, du meilleur gouvernement
possible, doit se faire en considération de ce qu'il autorise
pour que les individus se libèrent de leurs passions tristes,
de leurs haines et affaiblissements, de leurs superstitions et accèdent
pleinement à l'exercice positif de leur puissance de connaissance
et d'action. Elle se joue en définitive dans l'émergence
difficile d'hommes libres (des hommes libres au pluriel, car il
n'y a de liberté possible que dans la coopération).
Et les hommes ne deviennent réellement libres que dans une
éthique, dans une manière de vivre, de manière
post-politique.
Chez Spinoza, la politique n'est pas "au poste de commande".
Elle n'est elle-même qu'une transition. L'actualité
formidable de Spinoza : voir que l'essentiel se joue, non au sommet
d'un Etat, mais dans les facultés de connaissance, de coopération,
de générosité, d'autonomie que les individus
parviennent à développer.
Le " bon gouvernement " est celui qui permet, du plus
possible, ce déploiement. Et qui, d'une certaine manière,
ouvre à son auto-limitation et son dépassement. Plus
les hommes sont libres, moins ils ont besoin d'Etat. La multitude
récupère alors sa force propre.
Nous proposerions volontiers un troisième concept, que nous
préférons qualifier de " peuple-monde ",
plutôt que multitude pour éviter toute réduction,
soit sur Hobbes, soit sur Spinoza. Quel est le problème ?
Chez Spinoza, la référence à des puissances
garde un caractère assez mystérieux, que l'on ne peut
comprendre qu'à partir de son ontologie globale. Qu'est-ce
qui fonde ces puissances ? De quoi sont-elles l'expression ? Il
faut alors penser la Substance, la Nature, un Dieu immanent. Or,
on peut tenter une autre voix : partir des rapports (rapports sociaux,
rapports humains-nature), des tensions qui se font jour dans ces
rapports, des individualités qui s'y forment et en surgissent.
Partir de Marx en quelque sorte, mais en réintégrant
tout l'apport de Spinoza (et toute la rupture d'avec un ordre préalable
que Hobbes a si remarquablement opérée).
On peut voir un peuple-monde comme une composition d'individualités
humaines, issues des rapports sociaux où elles se forment
et se développent, dans des initiatives et des luttes multiples,
car au sein de tensions permanentes. Nous proposons de voir un peuple-monde
comme une composition de foyers, de centres irradiants dans leurs
actes, chacun totalement unique et singulier, mais formant un ensemble,
un peuple et un monde intersubjectif, comme une lumière composée
de mille faisceaux. C'est à partir et à travers ces
foyers que les puissances prennent source et s'expriment.
On découvre alors que les résistances, dans les luttes,
sur divers front, précédent toute oppression. C'est
contre elles que les oppressions se font jour et que le pouvoir
d'Etat ne cesse de se réorganiser. Luttes qui n'arrivent
que difficilement à se nommer, car elles ne sont pas fondamentalement
"contre" un pouvoir ou une police. Elles sont d'abord
à la recherche de leurs propres foyers (la lutte des enseignants
du printemps 2003 en France, la lutte des intermittents, les luttes
qui secouent périodiquement notre monde, sans objectif assignable,
sans téléologie, mais avec force).
Trouver les foyers, les identifier, en comprendre et saisir ce
qui en surgit, affermir leur composition, la capacité des
individualités humaines ainsi engagées à former
un peuple libre. Un exemple : le mouvement des enseignants du printemps
2003 a surgi, sans que personne ne comprenne bien ce qui se passait
(les motifs que les enseignants se sont donnés étaient
confus et ne disaient rien d'essentiel). Il a surgi comme événement.
Même chose pour le mouvement des lycéens de mars 2005.
Quelque chose est passé du virtuel à l'actuel, dans
le monde social. Et a commencé à s'en dégager
un sens : celui de mondes possibles, d'autres manières de
prendre l'enseignement et l'étude. La manière d'enseigner
et d'étudier, de leur redonner sens sur fond de crise de
l'institution scolaire, est venue au centre des débats, des
craintes, mais aussi des espoirs. Mais si les mondes possibles sont
la manière dont on peut commencer à donner sens à
un conflit, il ne faut pas s'y limiter. On risque vite de basculer
dans l'irréel, ou dans le pur langagier, dans le discours
ou dans le pur intersubjectif (le débat d'individus à
individus), dans des relations pauvres, déjà épuisées
parce que sans fondement, sans base.
Et c'est bien ce qu'on constate souvent dans un conflit : sa richesse
première, son actualité, sa force, sa face d'actualisation,
s'épuisent dans des énoncés, des débats
militants, des discours d'observateurs, qui progressivement se vident
de sens, au lieu de le former, de l'impulser. Dans l'événement
d'une lutte qui, au départ, nous saisit, nous prend, il faut
trouver le réel qui s'actualise, c'est-à-dire, dans
ce cas, une autre manière de vivre la question de l'enseignement.
Il faut comprendre le réel qui nous pousse et avec lui les
rapports sociaux dans lesquels nous nous exprimons. Et c'est en
tant que ce réel nous pousse que nous pouvons en produire
des possibles, en former du sens. Dans une lutte, l'important n'est
pas dans l'objectif affirmé, qui ne peut être que réducteur
et souvent défensif, mais dans les actes actuels à
partir desquels des possibles se forment, des utopies jaillissent,
des manière d'agir ensemble apparaissent. Et c'est quand
on perd le sens de cette actualité, que la lutte commence
à dériver.
Et on ne lutte pas principalement contre (contre un gouvernement,
contre des dominants, des puissants, etc.). On lutte principalement
pour exprimer des puissances et des possibles, dans les événements
du monde et face à leurs enjeux. C'est ce qui fait que, dans
chaque lutte, chaque engagement, nous pensons et agissons dans un
plan "autre" de réalité que les dominants
( le ministre de l'éducation, voulant imposer sa réforme),
dans des rapports sociaux, des subjectivations, des désirs,
des manières de faire et de penser qui s'actualisent au présent
du conflit ou du débat. C'est ce qui fait que nous nous engageons
dans une lutte. Et ces "manières" parlent déjà
d'elles-mêmes, sans avoir besoin de se figer sur l'obsession
des dominants et des puissants. En passant du virtuel au possible,
du poussé au désiré, en imaginant des mondes
possibles et en débattant, on exprime alors, individuellement
et collectivement (dans des collectifs qui se forment dans l'actualité
du conflit), le mouvement même du réel, ce que Marx
appelait... le communisme.
Mais à l'inverse, c'est lorsqu'on commence à oublier
le mouvement du réel, quand on commence à oublier
de s'en saisir pour imaginer des possibles, quand on cesse d'associer
le "poussé" et le "tiré", l'actuel
et le futur, lorsque la rhétorique " militante "
s'installe et que l'on ne pense plus qu'en termes d'objectifs, que
l'on commence à perdre.
L'affrontement aux "puissants" est, en réalité,
le plus facile : il faut surtout développer une bonne compréhension
des corrélations de forces et de la stratégie. Si
on ne peut gagner un jour, on pourra gagner dans une conjoncture
plus favorable. Mais c'est surtout de l'intérieur qu'un conflit
s'affaiblit, s'épuise ou dérape. Perdre pied, c'est
à la fois oublier le réel de l'événement
et se perdre dans des débats et des querelles sans fin, oublier
de former un peuple et de " peupler " cette composition
d'individualités des ressorts qui s'actualisent en elle.
Ce qu'il faut penser, c'est l'événement du conflit
lui-même, toujours dans son actualité, tendu entre
le passé et le futur, en anticipation, mais sans "programme".
Parler de l'événement, agir en fonction de son déploiement,
comprendre ce qu'il actualise. C'est à partir de là
que l'on peut construire, émettre, partager des désirs
de possibles, devenir collectivement fort. Constituer un peuple-monde
donc et tracer des perspectives communes d'émancipation.
Peuple-monde de l'événement, Peuple Monde de la mondialité,
par ricochet dans l'eau, des luttes internes vers leur écho
sur la scène de cette mondialité. La manière
dont les madrilènes, les espagnols, ont contre-effectué
l'attentat du 11 mars 2004 est de ce point de vue remarquable. Non
seulement ils ont su faire face avec justesse et force à
l'événement dramatique qui les atteignait, mais leur
affirmation du désir de paix, leur action pour le retrait
des troupes espagnoles en Irak, a eu aussitôt une répercussion
et des effets sur la scène mondiale. La politique de Bush,
Blair, Sharon, Berlusconi, Aznar a été frontalement
et durablement atteinte. Un pas a été fait vers la
paix, par une prise en charge du terrorisme toute différente
de celle qui, depuis Israël et les Etats-Unis, ne cessaient
et ne cessent de l'engendrer.
(extrait légèrement modifié de Philippe Zarifian,
L'échelle du monde, chapitre V, éditions La Dispute,
octobre 2004)
mars 2005
Philippe Zarifian
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