"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
À propos de la multitude
Pierre Dardot

Origine : http://www.cairn.info/revue-mouvements-2005-2-page-143.htm

En 2000, Michael Hardt et Toni Negri ont publié Empire, livre dont l’écho a été considérable, notamment au sein du mouvement altermondialiste. Voici avec Multitude, qui reprend en titre l’autre concept clé de cette pensée, un prolongement significatif du travail théorique et politique ainsi réalisé.

D’Empire (2000) à Multitude (2004) la progression est, selon Hardt et Negri, très exactement inversée par rapport à celle de Hobbes allant du De Cive (1642) au Léviathan (1651). Tandis que Hobbes passait de la classe sociale naissante (la bourgeoisie) à la forme de souveraineté exigée par elle (celle de l’État nation), les auteurs de Multitude passent de la « souveraineté globale » (celle de l’Empire) à la « classe globale » (la multitude). La raison de cette inversion est toute simple : la bourgeoisie en appelait à une nouvelle forme de souveraineté alors que la multitude, née de l’intérieur de l’actuelle souveraineté impériale, tend au dépassement de cette dernière et, au-delà, de toute forme de souveraineté (p. 11-12). Ce que réfléchit donc cette inversion dans la démarche, c’est la profonde différence entre la multitude et toutes les autres classes sociales quant au rapport à la souveraineté : « la multitude ne peut être souveraine » (p. 375), mieux, elle « bannit » la souveraineté « hors de la politique » (p. 386). Mais un tel rapport négatif n’est que l’envers du rapport de la multitude à la démocratie : seule la multitude « est capable de faire société de façon autonome » (p. 12), ce qui revient à dire que seule elle est capable d’établir une organisation politique absolument immanente à la société, ce qui est très précisément le sens de la définition de la démocratie comme « gouvernement de tous par tous » (p. 126 et 277). On doit donc substituer au « vieux chantage » de l’alternative « souveraineté ou anarchie » la véritable alternative « souveraineté ou démocratie ». En d’autres termes, l’alternative est « transcendance ou immanence ». L’axiome de la souveraineté est en effet de faire de la transcendance de l’un la condition du lien social : « Quelqu’un doit gouverner, quelqu’un doit décider » (p. 374), quelle que soit par ailleurs la figure de cet un (le roi, l’empereur, le parti, le peuple ou la nation). La thèse centrale que Hardt et Negri soutiennent dans leur dernier ouvrage, c’est que l’être même de la multitude consiste en une tendance à la destruction de la souveraineté et à la réalisation de la démocratie.

Un sujet social qui tend à devenir un sujet politique

Pareille affirmation a de quoi surprendre eu égard au sens que le terme de « multitude » a longtemps revêtu dans la pensée politique classique. En effet, « multitude », à l’instar des termes voisins de « masse », de « foule » ou de « populace », a le plus souvent été chargé de signifier la limite au-delà de laquelle la politique s’abîme dans l’informe et le chaos. Il n’est que de songer au sens que Platon donne à ochlos (la « multitude ») ou encore à la façon dont un Cicéron dénonce la multitudo effrenata (la multitude déchaînée) pour s’en convaincre. Bref, le terme a pris une acception très largement péjorative : la puissance turbulente du grand nombre menace en son cœur l’ordre politique, précisément en raison de son caractère foncièrement inordonnable. Il est donc impensable de reconnaître un rôle politique actif à ce qui est radicalement dépourvu de toute unité. Pourtant, tout en reprenant à leur compte l’idée que la multitude relève non d’un nombre, mais du nombre en tant qu’il est réfractaire à toute ordination, Hardt et Negri n’hésitent pas à attribuer à la multitude la fonction éminente d’un véritable sujet politique, puisque c’est à elle, et à elle seule, qu’il appartient d’instaurer la démocratie. Il importe toutefois, pour comprendre leur thèse, de prêter attention à un point décisif : si la multitude est bien apte à devenir un sujet politique, elle n’est pas encore ce sujet qu’elle a à devenir tout en étant déjà un sujet social. Il faut en effet prendre très au sérieux la recommandation des deux auteurs selon laquelle on ne doit pas demander « qu’est-ce que la multitude ? » mais « qu’est-ce que peut devenir la multitude ? » (p. 131). Car si la première question présuppose que la multitude pourrait être définie par une essence fixe, la seconde, en revanche, fait signe en direction de l’idée que l’être de la multitude consiste tout entier en un processus ou une tendance (p. 259). Plus exactement, on doit comprendre que le terme de « multitude » est susceptible de deux acceptions (p. 260). Selon une première acception qu’on pourrait dire ontologique, ou encore onto-sociologique, il désigne « un nouvel être social », c’est-à-dire un « sujet social » d’ores et déjà à l’œuvre dans le présent du capitalisme impérial. Mais selon une acception proprement politique, ce même terme renvoie à quelque chose qui est encore à venir. On voit ainsi que l’être de la multitude consiste paradoxalement dans la tendance par laquelle le sujet social qu’elle est déjà cherche à s’affirmer comme le sujet politique qu’elle n’est pas encore. La question est de savoir ce qui rend la multitude en tant que sujet social particulièrement apte à se constituer en sujet politique.

Un sujet social élargi et intérieurement multiple

Deux traits distinguent d’emblée un tel sujet social des sujets sociaux traditionnels. Le premier est de ne pas se laisser enfermer dans un nombre limité, mais de se caractériser au contraire par son indéfinition numérique. C’est dire que le concept de multitude présente un caractère « ouvert » et « expansif » qui le différencie du concept « restrictif » et « exclusif » de classe ouvrière (p. 8 et p. 132-133) En effet, dans son acception la plus étroite, ce dernier isole les ouvriers de l’industrie des autres travailleurs salariés, et dans son acception la plus large il inclut tous les travailleurs salariés, mais au prix de l’exclusion de tous les travailleurs non-salariés. Par contraste, le concept de multitude réalise un élargissement considérable : il ne présuppose aucune priorité du travail salarié par rapport au travail non-salarié, mieux, il ne présuppose même pas la priorité du travail sur le non-travail. C’est ce que met en évidence la définition de la multitude : « la totalité des individus qui travaillent et produisent sous la loi du capital » (p. 133). La conjonction « et » est ici essentielle dans la mesure où elle implique qu’on peut produire sans travailler, et donc que le travail n’est jamais que l’une des formes que prend la participation à la production sociale. L’élargissement numérique et social du « nouveau prolétariat » est donc directement fonction de l’élargissement de la sphère de la production elle-même. C’est qu’en raison de l’hégémonie du travail immatériel à l’ère du « postfordisme », toutes les vieilles distinctions (entre travail productif et travail improductif, entre travail industriel et travail agricole, entre travail industriel masculin et travail reproductif féminin, etc.) sont pour ainsi dire dissoutes. Ce qui décide de l’appartenance à la multitude, c’est en définitive la participation à la production comprise comme production de savoirs, de connaissances et d’informations. Le second trait qui distingue la multitude, c’est sa diversité interne : comme cette participation à la production ainsi redéfinie prend nécessairement des formes extrêmement différentes, on doit renoncer à réduire ces différences à l’homogénéité. En ce sens, la multitude s’oppose au peuple. C’est qu’à la différence de la « population », le peuple tend par définition à l’identité et à l’homogénéité (p. 8). Sur ce point névralgique, Hardt et Negri font jouer Spinoza contre Hobbes. On ne s’étonnera pas que Hobbes, théoricien de la souveraineté, soit le premier à fonder l’opposition du peuple et de la multitude : tandis que la multitude n’est rien qu’un agrégat de personnes dépourvu de la moindre unité, le peuple est au contraire « quelque chose d’un, ayant une volonté et auquel puisse être attribué une action » (De Cive, XII, 8). Comme telle, la multitude n’a aucun être politique, elle ne peut relever que de l’état de nature ou de la guerre civile, on ne peut lui attribuer aucune action ni aucun droit. Quant à l’unité du peuple, elle ne lui vient que de son représentant, seul habilité à parler et à agir en son nom, représentant qui n’est autre que le souverain lui-même. À l’inverse, Spinoza identifie expressément dans son Traité politique la souveraineté à la puissance de la multitude (potentia multitudinis). Une telle puissance se constitue par composition des forces des individus comme effet d’une passion commune (espoir, crainte ou désir). Par conséquent, les détenteurs du pouvoir (potestas), les gouvernants, n’ont de puissance (potentia) que celle qui leur est accordée à chaque instant par la multitude elle-même. Toute trace de transcendance est ici éliminée, et c’est fort logiquement que Spinoza en vient à reconnaître dans la démocratie ce type d’État qui est « entièrement absolu », puisque c’est seulement dans ce régime que le pouvoir souverain est confié à « une assemblée qui se compose de la multitude tout entière ». À la lumière de cette opposition entre multitude et peuple, on conclura que la multitude est le pur indéfini numérique (premier trait) en tant qu’il constitue une multiplicité irréductible à l’unité de l’homogène (second trait).

Un sujet social constitué par « l’être-commun »

On peut se demander une nouvelle fois ce qui, compte tenu de ces traits purement négatifs, permet à la multitude de prétendre à la position de sujet politique. Qu’est-ce qui interdirait à la multitude de déchoir au rang de « foule », de « populace » ou de « plèbe » et d’être ainsi aisément manipulable par le premier tyran ou démagogue venu ? Pour Hardt et Negri, on a là des sujets sociaux fondamentalement passifs alors que la multitude constitue un sujet social actif : les premiers sont foncièrement incapables d’agir d’un commun accord, la seconde se définit justement par l’action commune (p. 125-126). C’est que la production sociale elle-même est de plus en plus une activité fondée sur les réseaux de coopération, de collaboration et de communication, elle est ainsi indissociablement activité de mise en commun et de production du commun. Ce « commun », qui est constitué d’information, de savoir, de langage, de relations affectives et de réactions émotionnelles (p. 134), est tout à la fois la condition ou la présupposition de l’activité et le résultat de l’activité. Ce qui fait que nous produisons continuellement du commun à partir du commun que nous avons en commun (p. 161). Ainsi compris, à l’opposé de la souveraineté, le commun est rigoureusement immanent. On aura donc soin de distinguer le commun de la communauté (à la manière dont le latin distingue commune – substantif tiré de l’adjectif communis – de communitas) : le commun procède de la communication entre des singularités qui s’expriment comme telles en lui, la communauté implique l’imposition par le haut d’une unité qui tend à la neutralisation et à l’effacement des singularités (p. 242). Dans la même ligne de pensée, on préfèrera parler d’« intérêt commun » plutôt que d’« intérêt général », ou encore de Res communis plutôt que de Res publica (p. 244). On parlera finalement de « l’être-commun » (communality) pour signifier le type d’être généré par l’activité de production en commun du commun, et l’on opposera « l’être-commun » (communality) à la « communauté » (community) dans l’exacte mesure où l’on opposera le communisme des singularités au communautarisme de l’identité. On obtiendra ainsi une définition positive de la multitude selon laquelle « la multitude est faite des singularités agissant en commun » (p. 131), ou bien encore, selon laquelle son concept est celui d’une « coïncidence des singularités et du commun » (p. 354). À partir d’une telle définition, on n’hésitera pas à reconnaître une « condition commune » de la multitude : cette condition commune n’est pas pour autant une condition homogène, puisqu’elle ne réduit nullement, mais au contraire implique, l’hétérogénéité des formes de participation à la production sociale. Il faut ajouter enfin que tant le commun que l’être-commun sont biopolitiques, en ce que la production est, à l’ère de l’immatériel, production de relations sociales et de formes de vie, et tend par conséquent à investir toutes les dimensions de la vie sociale (culturelle et politique aussi bien qu’économique). L’opposition de la transcendance à l’immanence se détermine donc comme opposition du biopouvoir (pouvoir du capital impérial sur la vie) à la biopolitique (puissance d’auto-affirmation de la vie (ibid., p. 402).

La force productive comme excès de la vie sur le capital

Cette conception de l’être-commun constitutif de la multitude amène Hardt et Negri à réélaborer et à refondre certains des concepts fondamentaux de la théorie marxiste. La principale innovation consiste à réinterpréter en un sens vitaliste le concept de force productive pour l’appliquer directement à l’être de la multitude : cette dernière devient la force productive pour autant que la force s’identifie ici à la puissance même de la vie. On a ici comme un double écart par rapport à Marx. En premier lieu, la force n’est nullement une simple « faculté », elle est une puissance au sens spécifique que Spinoza donne à ce terme quand il parle de « puissance de la multitude » : il s’agit d’une énergie entièrement positive, pleinement efficiente en elle-même, qui ne relève aucunement de ce qu’Aristote appelle « être en puissance ». Ce qui veut dire que cette force n’est pas la force de travail en tant qu’elle se distingue de sa propre actualisation dans un procès de travail effectif, c’est-à-dire en tant qu’elle est radicalement séparée des conditions de la production, puisque cette force-là n’est dans son dénuement rien d’autre qu’une « faculté ». En second lieu, la force productive qu’est la multitude n’est pas la force productive du travail dont parle Marx à propos du mécanisme de la plus-value relative, il n’est pas question ici de l’aptitude du travailleur à produire davantage de marchandises dans le même temps de travail, il s’agit moins de la force productive du travail que du travail vivant en tant que force productive. Pour tout dire, on a affaire à une ontologie de la force productive qui est une ontologie de la puissance. La « puissance de la multitude », c’est cette créativité foisonnante et multiforme qui produit continuellement du commun et qui le produit en commun. Hardt et Negri vont jusqu’à parler à ce sujet du « génie de la multitude » (p. 382 et 384). L’important est de comprendre que cette puissance est telle qu’elle impose également de repenser la notion marxiste de l’exploitation. En effet, l’exploitation de la multitude par le capital impérial ne consiste pas en un certain rapport entre quantité de travail nécessaire et quantité de surtravail, elle se définit par l’expropriation ou la privatisation du commun (p. 184). Une telle redéfinition est moins innocente qu’il n’y paraît, dans la mesure où elle repose sur l’idée que la richesse (le commun) produite par le travail immatériel est produite en dehors du contrôle du capital (p. 181). À quoi il faut ajouter que cette richesse tend, en vertu d’un mouvement d’expansion en spirale, à engendrer toujours plus de richesse (p. 234). Ce qui veut dire qu’il est tout à fait impossible au capital de privatiser la totalité du commun, que l’expropriation est condamnée à rester partielle et, par conséquent, que se constitue de la sorte un « surplus commun » (p. 250) dans lequel la multitude puise toujours davantage pour produire toujours davantage de richesse commune. Bref, il y a un excès du commun produit sur ce que peut en capturer le capital, qui ne fait qu’exprimer l’impossibilité de capturer la vie elle-même (p. 180). Se constitue ainsi un marxisme original qui consiste pour l’essentiel à repenser la relation des forces productives aux rapports de production : la force productive n’est plus la force productive du capital, elle n’est plus la contradiction in actu, elle est une puissance intégralement positive qui échappe en sa source même au contrôle du capital, elle est donc comme telle extérieure aux rapports de production et indépendante de ceux-ci.

La « décision commune » comme moment de la rupture

Cela suffit-il pour autant à faire de la multitude un sujet politique ? Hardt et Negri reconnaissent que la multitude doit, pour y parvenir, concentrer sa puissance dans une « décision commune » (p. 397). Une telle décision vise à la création d’une nouvelle structure institutionnelle, celle précisément que requiert la démocratie comme « gouvernement de tous par tous ». En ce sens, elle relève de ce que nos auteurs appellent le « pouvoir constituant ». Depuis Sieyès, ce qui est pensé sous ce nom, c’est une volonté politique qui se situe au-dessus de toute norme constitutionnelle ou législative, dans la mesure où il lui revient de décider de la forme même de l’existence politique. Étant un acte fondateur, ce pouvoir s’est vu attribuer certains traits fondamentaux de la souveraineté, en particulier celui d’être legibus solutus (libre à l’égard des lois). À l’inverse de cette tradition (illustrée par Carl Schmitt), Hardt et Negri s’efforcent de soustraire le pouvoir constituant de la multitude à la logique de la souveraineté. La difficulté est donc pour eux de penser un pouvoir constituant qui soit entièrement immanent au plan de la production sociale, c’est-à-dire qui ne procède pas d’une position de supériorité relativement au plan de « l’être-commun » : la décision d’abolir toute forme de souveraineté ne peut pas être elle-même une décision souveraine, sauf à s’annuler purement et simplement. Mais, en même temps, cette décision ne peut consister qu’en un pur acte de choix parfaitement ponctuel, absolument irréductible à ce qui lui préexiste. D’où un embarras théorique qui perce dans les dernières pages de Multitude jusque dans le vocabulaire, et qui tient à l’entrecroisement de deux lignes de pensée malaisées à accorder. D’un côté, l’acte constituant de la multitude est inscrit dans la continuité de la production sociale d’autant plus facilement que cette production est déjà politique en elle-même : on lira ainsi que la production « enveloppe une forme de pouvoir constituant » (p. 396), la métaphore de l’« enveloppement » disant assez à quel point la volonté politique est comme préformée ou anticipée dans l’« être-commun ». Mais de l’autre côté, on dit de la décision qu’elle « émerge de la multitude » ou « du processus ontologique et social du travail productif » (p. 385 et 397). Or, la notion d’« émergence » exprime la survenance du nouveau en termes de discontinuité qualitative et met l’accent sur l’irréductibilité de ce qui émerge à ce dont il émerge, ce qui est difficile à concilier avec l’idée d’une préexistence de la décision à elle-même dans l’être social commun sous la forme d’un état de « germe » ou d’« enveloppement ». La référence à l’opposition de Kairos (le moment de la décision d’agir) à Chronos (le temps uniforme et homogène) va exactement dans le même sens : Kairos n’a pas un passé dont il résulterait, il s’ouvre lui-même un passé en ouvrant un temps nouveau (p. 403). Le rapport de la décision politique à l’accumulation de forces qui la précède ne peut donc pas se penser selon le schème d’un processus de maturation organique (enveloppement/développement). En définitive, au bout de chacune des deux lignes de pensée, on a deux idées très différentes de la politique : la première, continuiste, nous mène tout droit à une résorption de la politique dans l’être social, la seconde, discontinuiste, fait de la décision constituante pensée comme « événement » l’acte propre de constitution du sujet politique. Toute la question est de savoir comment penser le rapport de la politique comme attribut de l’être à la politique comme décision ou comme événement. Là est précisément l’impensé de Multitude. •

Pierre Dardot « À propos de la multitude », Mouvements 2/2005 (no 38), p. 143-147.

http://www.cairn.info/revue-mouvements-2005-2-page-143.htm