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Christian Laval
note de lecture
L’Humanité lundi 21 décembre 2009
Ellen Meiksins Wood, L’origine du capitalisme, une étude approfondie, Lux, Humanités,


Origine : http://questionmarx.typepad.fr/files/lorigine-du-capitalisme.pdf

Qui veut sortir du capitalisme doit penser sa nature et comprendre son histoire. Rien ici n’est simple, et il serait vain de croire que l’historiographie nous livre une version unique du processus qui a mené en quatre siècles à la constitution du système capitaliste mondial.

Le livre d’Ellen Meiksins Wood va au coeur du débat qui a divisé les historiens marxistes de langue anglaise depuis les années 1950 : le capitalisme a-t-il été le fruit d’un commerce de plus en plus florissant à l’intérieur des villes et entre les grands pôles marchands internationaux ?

Ou bien est-il un événement exceptionnel et propre à une zone géographique très précise ?

La première hypothèse voit le capitalisme comme une simple extension du marché tel qu’il a existé sous de multiples formes dans les sociétés non capitalistes, de sorte que la fin du processus (le capitalisme) qu’il faut expliquer est contenue dans son commencement (le marché). C’est ainsi que de nombreux historiens ont entériné une vision linéaire qui fait de l’essor du capitalisme le résultat d’une levée plus ou moins rapide selon les pays des « obstacles » qui entravaient une marche inéluctable vers la « modernité ».

Contre une telle « pétition de principe », L’origine du capitalisme propose une conception fort différente.

Le capitalisme n’est pas réductible au marché « en général ». Car ce dernier peut fonctionner comme lieu d’échanges et occasions de profit sans imposer sa logique à la production économique et à la reproduction de la société. Le capitalisme est un système économique unique dans l’histoire qui fait de la concurrence elle-même une force contraignante sur les producteurs, les poussant à accroître la productivité du travail et les profits sous peine de disparaître. La question est donc de savoir comment un système de normes orientant les conduites des producteurs a pu s’établir dans un premier pays puis, par la voie impérialiste, dans le reste du monde.

Reprenant l’analyse que faisait Marx de « l’accumulation primitive », l’auteur situe la rupture historique dans la mise en place en Angleterre au XVI ème siècle de rapports sociaux de propriété d’un nouveau genre. L’aristocratie terrienne, pour des raisons en partie politiques, a trouvé dans la pression concurrentielle exercée sur les fermiers et sur leurs salariés agricoles, le moyen d’accroître ses revenus. Ellen Meiksins Wood remet ainsi au premier plan les relations de classe, en insistant sur la violence de la destruction des droits coutumiers des paysans sur les « communs » et leur expropriation massive.

Le grand intérêt du livre ne réside pas seulement dans son éclairage historique sur le capitalisme agraire anglais. Il montre comment l’extension du capitalisme procède à la fois de la violence étatique et de la diffusion des impératifs concurrentiels dans tous les pays et dans toutes les activités. Les politiques néolibérales qui font aujourd’hui de la « compétitivité » la norme suprême de l’action publique et de la vie sociale continuent d’étendre à toute l’humanité la même logique impitoyable.

Christian Laval