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Origine : http://www.cairn.info/revue-cites-2010-1-page-35.htm
Selon une acception très répandue, le terme de néolibéralisme
désigne tout à la fois une idéologie prônant
un « retour » au libéralisme des origines et
une politique économique consistant à retirer à
l’État pour donner toujours plus au marché.
En somme, la caution d’Adam Smith venant légitimer
une marchandisation impitoyable de la société. Ainsi,
après la parenthèse de l’État providence,
le capitalisme néolibéral donnerait à voir
un capitalisme pleinement adéquat à son essence, ou
encore un « capitalisme pur. » [1
On est alors en droit de se poser la question : en quoi cette phase
se distingue-t-elle des périodes précédentes
? Le capitalisme n’est-il pas d’emblée animé
d’une propension à substituer aux relations sociales
traditionnelles la froide logique du calcul d’intérêt
? Ne se définit-il pas dès l’origine par l’irrésistibilité
de son mouvement d’expansion ? Ne repousse-t-il pas toujours
plus ses propres « limites immanentes » ? Marx n’a-t-il
pas en un sens déjà tout dit en faisant de l’exigence
d’une production toujours croissante de survaleur (ou plus-value)
la différentia specifica du système capitaliste ?
« Produire de la survaleur, faire du plus et du plus (Plusmacherei),
telle est la loi absolue de ce mode de production [2]. » Il
n'y aurait donc rien de nouveau sous le soleil de l’accumulation
capitaliste, ou plutôt, comme le dit plaisamment Michel Foucault,
c’est « toujours la même chose et toujours la
même chose en pire [3] ».
L’EXTENSION DE LA LOGIQUE DU MARCHÉ PAR LA
TRANSFORMATION DE L’ÉTAT
Afin de trancher cette question, il convient tout d’abord
de prêter attention aux particularités de l’aire
d’implantation du néolibéralisme : elle a fini
par s’imposer dans des sociétés durablement
marquées par une large régulation administrative dans
de multiples champs d’activité due à la place
occupée par l’État « social » et
« éducateur ». Ce mode de régulation était
fondé sur la centralité fictionnelle de « l’intérêt
général » dans la définition des politiques
menées, sur la prévalence du droit public dans l’organisation
de l’action publique, sur la diffusion de normes et de formes
organisationnelles de type bureaucratique dans les secteurs les
plus divers, y compris dans la production de biens et services marchands,
sur le compromis salarial entre classes sociales en matière
de répartition des gains de productivité. Pour miner,
puis supplanter, cette puissante rationalité administrative
et bureaucratique, le néolibéralisme a dû se
constituer comme forme « totale » ou « transversale
», à partir d’un modèle de relation transposable
à toutes les activités. Tout s’est un peu passé
comme si le glissement d’une rationalité à l’autre
avait, en vertu d’une logique qui n’est pas celle d’une
simple confrontation intellectuelle, imposé à la nouvelle
rationalité de l’emporter à la fois en extension
et en simplicité sur sa devancière. En effet, ce qui
est en cause, bien davantage qu’une idéologie ou une
politique économique, c’est l’efficace d’un
système de normes opérant d’emblée au
plan des pratiques et des conduites.
C’est précisément déjà en quoi
nous avons affaire à un phénomène pleinement
nouveau. Le capitalisme ne croît pas seulement parce qu’il
gagne des territoires nouveaux, se soumet des populations de plus
en plus nombreuses, transforme en marchandises tous les fruits de
l’activité humaine. Assurément, c’est
là la voie classique de l’accumulation capitaliste
telle qu’elle a été analysée par Marx,
Hilferding ou Rosa Luxemburg. Mais le capitalisme croît également
par une autre voie, qui, pour être le plus souvent inaperçue,
n’en est pas moins puissante : celle de la diffusion sociale
d’un système de normes d’action. Ce système
de normes déborde largement le seul cadre de l’entreprise
pour gagner, par un processus de réticulation, de multiples
institutions et relations sociales. Loin d’être l’obstacle
que l’on croit à cette extension de la logique du marché,
l’État en est vite devenu l’un des principaux
agents, sinon le vecteur essentiel. Entre ses mains, les instruments
de l’action publique légués par la gestion sociale-démocrate
et keynésienne sont paradoxalement devenus des leviers pour
transformer de l’intérieur la logique de fonctionnement
de l’action publique et la mettre au service d’une mutation
profonde de la société. Aussi est-il parfaitement
inepte de chercher à penser cette transformation dans les
termes classiques d’une limitation de l’intervention
gouvernementale : il ne s’agit pas de limiter, mais en un
certain sens d’étendre, ou plutôt de transformer
(l’État) pour étendre (la logique du marché).
On peut alors se demander quels rapports l’on peut établir
entre cette extension de la « logique du marché »,
c’est-à-dire de la concurrence, à des institutions
qui ne produisent pas de « marchandises » au sens strict
du terme, qui ne sont donc pas des entreprises capitalistes, et
la logique de l’accumulation du capital, qui suppose, elle,
la production en quantité croissante de marchandises. Il
faut alors faire l’hypothèse que la rationalité
néolibérale se caractérise précisément
par l’autonomisation et l’extension de la « logique
de marché » en dehors de la sphère marchande.
Ce qui revient à dire que le néolibéralisme
se caractérise par la transformation de la concurrence en
forme générale des activités de production,
en particulier celles qui produisent des services non marchands,
et des relations sociales hors même de la sphère productive.
Mais, telle est du moins la thèse de cette contribution,
cette autonomisation et cette extension ne procèdent pas
de l’action souterraine de supposées « lois immanentes
de la production capitaliste », que la concurrence se chargerait
d’imposer à chaque capitaliste individuel sous la forme
d’une dure « contrainte extérieure [4] ».
Bien plutôt sont-elles l’effet de pratiques, de techniques,
de discours qui généralisent ce que le jargon managérial
appelle les « bonnes pratiques » et qui, partant, homogénéisent
à l’échelle de la société les
manières de faire et d’être.
DE L’EXTENSION UNIVERSELLE DU « DOMAINE DE
LA CONCURRENCE »
Le capitalisme connaît de profondes mutations, dont aucune
n’est irréductible au jeu des apparences que ferait
miroiter une inaltérable identité à soi-même.
Le trait le plus caractéristique du capitalisme néolibéral
est, insistons-y, l’élargissement et l’intensification
de la concurrence par la mondialisation. Un retour sur la notion
même de concurrence nous permettra de mieux le comprendre.
Si nous savons la concurrence essentielle au fonctionnement du
capitalisme comme système, nous le devons tout particulièrement
à deux auteurs, Marx et Schumpeter, qui ont eu le mérite
de l’avoir établi, respectivement contre l’économie
classique et contre l’orthodoxie néoclassique.
Les économistes classiques (Smith, Ricardo) considèrent
la concurrence comme une simple condition de la marche harmonieuse
des échanges marchands. L’essentiel est pour eux ailleurs
: dans la complémentarité qu’impliquent aussi
bien la spécialisation des tâches qui est au cœur
de la division du travail que l’équivalence qui règle
l’échange lui-même. Marx perçoit très
vite la logique propre que la concurrence imprime à tout
le système capitaliste. Loin d’être garante d’une
coordination spontanée des activités qui bénéficierait
à tous, cette logique est à ses yeux porteuse d’une
instabilité chronique et de crises à répétition.
Dans un passage saisissant de Misère de la philosophie (1847),
il réplique en ces termes à Proudhon qui définissait
la concurrence comme « l’émulation pour l’industrie
» : « La concurrence n’est pas l’émulation
industrielle, c’est l’émulation commerciale.
De nos jours, l’émulation industrielle n’existe
qu’en vue du commerce. Il y a même des phases dans la
vie économique des peuples modernes où tout le monde
est saisi d’une espèce de vertige pour faire du profit
sans produire. Ce vertige de la spéculation, qui revient
périodiquement, met à nu le véritable caractère
de la concurrence qui cherche à échapper à
la nécessité de l’émulation industrielle
[5]. » Dans cette première perspective, le «
vertige de la spéculation » apparaît ainsi comme
la manifestation spectaculaire de la subordination de l’industrie
au commerce que la « contrainte » de la concurrence
impose à tous les agents de la production : on produit pour
vendre à meilleur prix que ses concurrents, donc en vue d’extorquer
le plus grand profit possible, non pour développer l’industrie.
Pour le dire dans le langage du Capital, on dira que le problème
est celui de la « réalisation » par la vente
du surcroît de valeur produit par le producteur immédiat
(le travailleur).
L’orthodoxie néoclassique (Walras, Pareto) comprend
de son côté la concurrence comme un cadre permettant
à l’action rationnelle des agents économiques
de conduire à un état idéal d’équilibre
: toute situation non conforme aux conditions de la concurrence
pure et parfaite est ainsi regardée comme une anomalie qui
fait obstacle à la réalisation d’une harmonie
postulée entre tous ces agents. Schumpeter remet précisément
en question cette primauté de l’état d’équilibre
et, par voie de conséquence, le privilège de la statique
sur la dynamique : l’évolution économique, explique-t-il
dans sa Théorie de l’évolution économique
(1911), est essentiellement faite de ruptures et de discontinuités
liées à des innovations multiples, depuis la création
de nouveaux produits jusqu’à l’ouverture de nouveaux
marchés en passant par la mise au point de nouveaux procédés
et l’utilisation de matières premières nouvelles.
Dans cette seconde perspective, la figure centrale est celle de
l’entrepreneur. Ce dernier est avant tout un innovateur, qui
n’hésite pas à briser le cours ordinaire des
choses en s’opposant à la routine dont sont prisonniers
ceux qui se contentent d’exploiter les méthodes traditionnelles,
il est l’homme de la « destruction créatrice
». Ce que Schumpeter met ainsi en évidence, c’est
que l’innovation constitue la forme majeure de la concurrence
: davantage que sur les prix, la concurrence porte sur les stratégies,
les procédés et les produits.
Cette double référence a l’avantage de mettre
en lumière les deux grandes formes que peut prendre la concurrence
dans le système capitaliste. D’une part, la concurrence
par les prix, de l’autre la concurrence par l’innovation.
Le capitalisme néolibéral ne met bien évidemment
pas fin à la concurrence par les prix, mais, en donnant une
place nouvelle à la concurrence par l’innovation, il
se donne les moyens de jouer sur la complémentarité
de ces deux modes de la concurrence de manière tout à
la fois à en étendre le champ et à en intensifier
le jeu.
Ce tournant survient à la fin des années 1970 et
au début des années 1980, non pas du fait d’un
quelconque « complot », mais par l’effet de processus
multiples et convergents qui ont du même pas « globalisé
» les marchés et généralisé la
concurrence. Par enchaînements et phénomènes
de boucle, l’accumulation du capital s’en est trouvée
considérablement accélérée. L’influence
grandissante des oligopoles transnationaux auprès des autorités
étatiques comme l’expansion des circuits financiers
off-shore ont favorisé la multiplication des « microdécisions
» politiques favorables à leur expansion [6]. Alors
que le « fordisme » national épuisait ses ressorts,
les entreprises transnationales sont apparues comme des «
modèles » de performance, capables de maintenir de
hauts niveaux de productivité et de rentabilité du
fait même de l’extension planétaire de leurs
activités. La politique des gouvernements connut dans ces
conditions une réorientation significative : l’État
s’engagea dans un soutien logistique, fiscal, diplomatique
de plus en plus actif aux oligopoles, devenant ainsi leur partenaire
dans la guerre économique mondiale. Par là s’explique
que l’État se soit fait le relais de la pression concurrentielle
mondiale, notamment en conduisant directement la « reforme
» des institutions publiques et des organismes de protection
sociale au nom de la compétitivité « nationale
». Cependant, ce qui est en jeu, au-delà de la transformation
de l’État, c’est la gestion des populations,
au sens même où l’entendait Michel Foucault,
c’est-à-dire en tant qu’elle cible les individus
eux-mêmes jusque dans leur manière de vivre.
Si l’on s’interroge maintenant sur le sens précis
dans lequel s’est exercée cette pression, il faut alors
revenir à la combinaison des deux modes de concurrence dont
nous avons parlé précédemment : c’est
en effet cette combinaison inédite qui donne à la
logique néolibérale de la concurrence son visage si
particulier. À s’en tenir au plan strictement économique,
on peut en effet faire procéder de ces deux modes deux logiques
productives différentes et cependant profondément
imbriquées [7]. La première est la logique de la «
division cognitive » du travail, celle qui prédomine
dans les secteurs de pointe (biotechnologie, pharmacie, électronique,
informatique, etc.) : il s’agit alors d’organiser la
production en fonction du découpage de blocs de savoirs relativement
homogènes (par exemple, la recherche-développement
ou le marketing), de sorte que c’est la nature des connaissances
et des compétences dont il faut tirer parti qui commande
la répartition des activités. On entend ainsi encourager
la course à l’innovation. La seconde est la «
division taylorienne » du travail, que la première
a non pas abolie, mais réactivée. Il s’agit
cette fois de fragmenter le processus de production selon une logique
de minimisation des coûts et des délais, de manière
à faire face à la concurrence par les prix. L’essentiel
est qu’un nombre croissant d’activités soient
soumises à la fois à la concurrence par l’innovation
et à la concurrence par les prix, au point que l’on
peut parler d’une véritable « hybridation »
des deux logiques [8].
L’extension de la logique du marché au-delà
de la sphère du marché, celle des biens et des services
et des « facteurs de production », requiert en un certain
sens que l’on fasse droit à cette double dimension
de la concurrence. Toute la difficulté de cette entreprise
est que l’on ne saurait procéder à une exportation
pure et simple de la double logique qui structure le champ économique.
Car celle-ci ne régit que l’organisation du travail
à l’intérieur des secteurs directement marchands.
Or, la grande question pratique du néolibéralisme
est : comment plier les sujets à cette norme, tous les sujets,
y compris ceux qui ne subissent pas directement la pression du marché
dans leur travail ? Comment faire intérioriser aux individus
la pression externe de la concurrence de manière à
faire de celle-ci la norme même de la subjectivité
?
La nouveauté du néolibéralisme tient précisément
au travail d’homogénéisation qu’il opère
au-delà de la partition entre marché et non-marché,
en imposant une norme de rapport social à tous les niveaux
de l’existence collective et individuelle. De la relation
entre les économies au rapport à soi, du plus global
au plus intime, une même forme relationnelle tend désormais
à prévaloir.
LA CONSTRUCTION POLITIQUE DES SITUATIONS DE MARCHÉ
L’imposition de cette forme de la concurrence n’a rien
de naturel. Elle n’est pas le résultat de processus
spontanés. Elle n’est pas non plus l’effet d’une
sorte de « cannibalisation » inhérente à
la dynamique du capitalisme. Elle résulte d’une construction
politique.
16 Contrairement à ce que prétend la critique marxiste
traditionnelle, elle ne se réduit pas à la «
marchandisation ». Pour cette dernière, le grand automate
du capital ne peut s’arrêter de coloniser de nouveaux
territoires pour accroître directement la production de survaleur.
C’est ainsi qu’a été souvent analysée
la « privatisation » des services publics, assimilée
à la privatisation des entreprises publiques. L’école,
l’hôpital, la justice relèveraient du même
traitement que Renault, France Télécom, et demain
sans doute La Poste : l’essentiel consisterait dans l’élargissement
du champ d’accumulation du capital, c’est-à-dire
dans la reconquête de domaines et d’entreprises qui
ont été momentanément nationalisés,
ou dans la transformation d’administrations en entreprises
privées. Cette critique, qui s’appuie sur des phénomènes
aussi massifs qu’incontestables, reste cependant partielle,
voire, dans bien des cas, superficielle. Elle voit mal que, par
l’exacerbation de la mise en concurrence des économies
et des entreprises, c’est tout le « social » et
tout le « politique » qui peu à peu finissent
par relever de la logique néolibérale. Encore faut-il
préciser que la concurrence dans le capitalisme mondialisé
n’est pas seulement ce qui commande la transformation des
fins et des modalités de l’action publique, elle est
aussi le moyen par lequel l’action publique peut parvenir
à augmenter ses performances dans tous les secteurs. Il faut
encore ajouter que, dès lors que le facteur de compétitivité
le plus important est aujourd’hui le « capital humain
», la formation de l’individu, son « développement
personnel » dans et hors l’entreprise, sa subjectivité
au travail comme dans la vie privée, doivent également
être remodelés selon le principe de la concurrence.
C’est même d’ailleurs le point sur lequel les
discours néolibéraux insistent le plus, bien que la
mise en pratique s’avère difficile : fournir à
l’économie les individus les mieux adaptés à
la guerre commerciale généralisée, c’est-à-dire
les plus performants. La formation de ces individus et l’entretien
« tout au long de la vie » de leur capacité à
affronter la compétition trouvent un véhicule privilégié
dans la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Les vertus
d’un management à tendance psychologique et comptable
ont montré en ce domaine leur efficacité, non sans
entraîner des ravages humains dont nous découvrons
l’ampleur [9].
Mais si tout doit concourir d’une manière ou d’une
autre à la compétitivité économique,
tout relève alors du même « traitement humain
» que l’on connaît dans les entreprises les plus
directement exposées à la concurrence. C’est
justement par là que la « concurrence » devient
une norme générale susceptible d’être
transposée à n’importe quelle activité
concrète. Ce ne sont pas telles ou telles activités
concrètes qui se réalisent dans des conditions de
concurrence données, ce sont toutes les activités
humaines, jusqu’aux plus éloignées du marché
mondial, qui sont requises de fonctionner de façon homogène
selon la logique de la concurrence.
Ce qui est nouveau, c’est cette indifférence à
la nature particulière des activités concrètes
qui permet la transposition de la norme à toutes les activités
et à toutes les professions, transposition présentée
alors comme la « solution » universelle pour diminuer
les coûts de fonctionnement des services publics et augmenter
la productivité des salariés. Mais cette transposition
hors marché de la concurrence qui est la norme du marché
n’est en rien l’effet automatique des « lois immanentes
» du capitalisme. La relation entre l’intérieur
et l’extérieur est exactement l’inverse de celle
que Marx avait en vue : la « contrainte extérieure
» de la concurrence ne manifeste pas à la surface le
jeu implacable des lois immanentes qui opèrent dans les profondeurs
de la production, mais elle doit conquérir l’intériorité
des sujets. Une telle intériorisation suppose une politique
active, une institutionnalisation de la concurrence. Quand la situation
n’est pas « naturellement » marchande, il convient
de créer une situation concurrentielle à l’extérieur
et à l’intérieur des services, c’est-à-dire
une situation de marché sans marchandises, soit ce que nous
proposons d’appeler un quasi-marché. Cela vaut tout
particulièrement pour les secteurs d’activité
où la marchandisation pure et simple, c’est-à-dire
la transformation en marchandise, donc en produit directement échangeable
contre monnaie, n’est pas réalisable. L’évaluation
quantitative est l’élément décisif de
cette construction des quasi-marchés, donc l’opérateur
de la transposition de la norme concurrentielle.
LE FÉTICHISME DE LA QUANTITÉ
Pour mettre en concurrence les individus, pour les pousser à
la performance maximale, il faut pouvoir donner un prix à
ce qu’ils font et à ce qu’ils sont. Évaluer
signifie donner une valeur, ce qui, dans les conditions spécifiques
d’un marché, signifie donner un prix. Construire un
quasi-marché implique par conséquent de définir
une quasi-monnaie. Il faut disposer d’un système d’information
qui soit l’analogue de ce qu’est un système de
prix pour un marché. Un système de marché concurrentiel
requiert un dispositif de fabrication de la valeur. L’évaluation
quantitative sera le mode par lequel on peut guider les individus,
les contraindre à se contrôler eux-mêmes, les
transformer en sujets du calcul constitués de telle sorte
qu’ils poursuivent les objectifs qui leur ont été
assignés comme s’il en allait de leur propre désir.
Cette évaluation est l’une des pièces fondamentales
de la construction d’un marché. Celle-ci suppose un
travail de normalisation qui porte autant sur les productions que
sur les producteurs. Il n’est pas en effet de marché
sans un instrument qui soit à la fois un instrument de mesure
des valeurs, un instrument de transaction des produits et un instrument
de valorisation de l’activité.
Le problème n’est pas de savoir si ce qui est mesuré
par le système de prix renvoie à une « utilité
sociale », mais s’il est susceptible de transformer
la conduite des individus en les faisant entrer dans une logique
d’autocontrôle et de performance. Lorsqu’on s’interroge
sur le « sens de l’évaluation », il faut
veiller à ne pas se satisfaire d’une critique dénonçant
l’absurdité de la mesure ou le caractère réducteur
du « chiffre ». Le système de prix peut être
parfaitement absurde, comme dans le cas de la recherche scientifique,
où la mesure de la valeur d’une recherche est censée
se faire par le nombre d’articles placés dans des revues
à comité de lecture et par le nombre de citations
qu’ils suscitent, il peut être parfaitement odieux et
dangereux comme dans l’évaluation de l’activité
policière par le nombre de reconductions à la frontière,
ce n’est pas tant la signification « substantielle »
de la mesure chiffrée qui importe que la simplicité
de l’usage qui est fait du chiffre. La qualité d’un
système de prix est son caractère autoréférentiel.
Un prix ne se rapporte qu’à un autre prix. Un nombre
d’articles, de contraventions, de gardes à vue n’est
comparable qu’à un autre nombre d’articles, de
contraventions ou de gardes à vue. La principale «
qualité » de la quantification, c’est précisément
de faire l’économie de toute référence
encombrante à un autre système de valeur, à
une autre forme d’appréciation et de jugement qui serait
coûteuse en temps. Le système de prix permet de se
passer d’une délibération plus complexe et plus
longue, il permet de réduire les « coûts »
de la production d’un jugement à critères multiples
et hétérogènes.
L’un des principaux théoriciens du néolibéralisme,
Friedrich Hayek, a particulièrement bien compris l’intérêt
économique de disposer d’un système de prix.
Dans un article remarquable,« L’usage de la connaissance
dans la société », Hayek explique que la réussite
de la société capitaliste tient à la mise en
place d’un système d’information par les prix
qui procure la connaissance la plus importante du point de vue économique,
commercial et financier : la connaissance de ce qu’il faut
apporter sur le marché, en quelle quantité, à
quel moment. Ce qui importe à cet égard n’est
pas la connaissance des règles générales, la
connaissance scientifique des causes et des effets, c’est
la connaissance des circonstances qui permettront de maximiser les
gains. Cette connaissance des opportunités à saisir
est donnée par la variation des prix. Agir efficacement,
c’est agir grâce au seul système d’information
des prix. La quantité, selon Hayek, devient ainsi la seule
« connaissance pertinente » pour l’action : «
Cette économie de marché fonctionne en affectant à
chaque type de ressource rare un index numérique qui n'a
aucun lien avec une quelconque caractéristique de ce bien
particulier, mais qui reflète, ou dans laquelle est résumée,
sa signification au regard de la structure de production. »
Pour Hayek, ce gain peut être étendu partout où
l’on peut créer un tel système d’information.
Il pense surtout à l’époque aux transactions
à l’intérieur de l’entreprise susceptibles
de remplacer avantageusement les formes de planification qui règlent
les approvisionnements. Les échanges entre ateliers, entre
départements, entre filiales gagneraient ainsi à se
laisser guider « en interne » par un tel système
de prix.
Codifier et quantifier une activité ont précisément
pour vertu de la réduire à une donnée d’information
simple qui peut conduire à une décision rapide et
à une sanction sans discussion sur le marché. C’est
bien cette logique qui s’est étendue grâce à
la diffusion des outils du management à la gestion des services
et des hommes dans les entreprises et, maintenant, dans les domaines
d’activité les plus divers. Par ces procédés
et ces techniques, toute une discipline comptable des individus
se met en place.
FABRIQUER LA SUBJECTIVITÉ COMPTABLE
Comme le soulignait déjà Bentham à la fin
du XVIIIe siècle, le grand art de la direction des hommes
est de faire se rejoindre intérêt privé et efficacité
professionnelle afin de briser net toutes les incitations à
l’oisiveté, à la paresse et au vice. Tout est
dirigé, dans le « management de la performance »,
vers un objectif économique d’efficacité. Cet
objectif est atteint par une modification de la subjectivité
qui consiste à constituer les salariés en sujets de
la valeur.
En quoi consiste cette subjectivité comptable et financière
?
Il s’agit de gouverner plus efficacement les individus, de
les faire produire plus, en abandonnant les anciennes procédures
administratives de pouvoir jugées inefficaces. Le nouveau
mode de gouverner consiste à passer d’un commandement
juridico-administratif, soupçonné de rendre les individus
passifs et dépendants, à une logique économique
fondée sur la compétition et l’incitation matérielle,
qui est censée rendre les sujets plus actifs, plus autonomes
dans la recherche des meilleures solutions, plus responsables des
résultats de leur travail.
La subjectivation comptable des salariés passe par l’emploi
de méthodes standardisées de management, consistant
à codifier l’activité, à en quantifier
les résultats, à fixer des scores ou objectifs quantifiés
à atteindre durant l’exercice en faisant appel à
des techniques d’étalonnage (benchmarking), à
évaluer l’activité réalisée et
à la comparer aux objectifs fixés, à sanctionner
matériellement et symboliquement la réalisation effective,
à déterminer de nouveaux scores et objectifs à
atteindre. Il s’agit de gouverner les individus grâce
au ressort de l’intérêt personnel, en les faisant
entrer subjectivement dans une logique comptable qui mette en rapport
les objectifs quantifiables qu’ils parviennent à atteindre
et les sanctions qui leur seront distribuées.
La construction d’un tel univers codifié et quantifié,
ainsi que toutes les relations standardisées entre les niveaux
de la chaîne d’objectivation et d’évaluation
qui construisent la « responsabilisation comptable »
de chaque salarié (accountability) sont des techniques de
pouvoir dont le principe pourrait s’énoncer ainsi :
« Surveiller mieux pour produire plus. » Mieux surveiller,
c’est-à-dire plus efficacement, ne consiste pas à
alourdir le commandement autoritaire et à resserrer les mailles
de la règle bureaucratique. Cela consiste à mettre
en place un dispositif par lequel l’individu se verra contraint
de se surveiller constamment lui-même, de s’autocontrôler
et, mieux encore, de se sentir obligé de dépasser
sans cesse les résultats calculables pour ne pas subir les
sanctions liées au manque d’efficacité et pour
bénéficier au contraire des récompenses attribuées
à la performance. Il s’agit de soumettre des salariés
à un dispositif managérial qui reconstruit à
leur échelle un quasi-marché et fait fonctionner à
leur usage une loi de la valeur interne à l’entreprise
ou à l’administration qui les emploie. Cette entrée
dans la subjectivité comptable requiert de construire partout
des systèmes d’information et d’incitation qui
seront autant de dispositifs analogues à ceux du marché,
qui fonctionneront sur le modèle du marché, et qui
forceront ceux qui y seront pris à jouer sur le marché
comme s’ils étaient des entreprises, donc à
« gérer » leurs efforts pour maximiser leurs
gains. Les sociologues du travail appellent ce type de relation
« l’autonomie contrôlée ». On la
qualifierait sans doute mieux en parlant d’hétéronomie
individualisée ou de contrainte intériorisée.
Dans le jargon managérial, on dit des salariés soumis
à ce système de fixation d’objectifs qu’ils
sont « objectivés ». Travailler constamment selon
un tel régime de contrôle de soi-même et de pression
auto-imposée pour atteindre les objectifs est présenté
comme une condition de l’engagement maximal dans l’activité.
Le salarié est obligé de « donner tout ce qu’il
a », de mobiliser sa subjectivité tout entière.
On voudrait qu’il fasse de son « plein gré »,
en « pleine liberté », ce que l’on attend
de lui sans avoir à lui rappeler tout le temps ce qu’il
doit faire et comment il doit le faire.
À cette fin, on agit sur deux ressorts fondamentaux. Le
premier est la rivalité. On met les salariés en compétition
pour les inciter à se montrer les plus performants. Il s’agit
de contraindre les individus à « agir librement »
sur le marché ainsi construit, de les guider vers des conduites
« rationnelles » de maximisation de leur intérêt,
de leur faire adopter des stratégies efficaces. Le second
ressort est la peur. Cette peur est d’abord celle d’être
mal évalué par ses supérieurs hiérarchiques.
Ce mode de gouvernement donne en effet à la hiérarchie
des instruments de contrôle plus précis et des moyens
disciplinaires plus individualisés. Se met ainsi en place
une « chaîne managériale » qui va du chef
jusqu’au plus humble des subordonnés et le long de
laquelle chaque maillon est évalué par celui qui le
précède selon le principe, ou plus exactement, le
fantasme d’une continuité absolue [10]. Ce qu’il
faut bien voir, c’est que cette double exigence réalise
la transposition de la norme de la concurrence à la conduite
de sujets qui n’ont pas d’activité directement
marchande : de la concurrence par les prix (logique taylorienne),
on retient l’impératif de la flexibilité, l’obsession
du rendement à court terme, l’exigence d’une
évaluation de tous les instants ; de la concurrence par l’innovation
(logique cognitive), on retient l’exaltation de l’autonomie
sans limite, l’exhortation à se choisir soi-même
en permanence. Mais on se tromperait lourdement en rapportant chacune
de ces deux exigences à deux destinataires bien différents
: la valorisation de l’autonomie ne vaut pas seulement pour
les cadres supérieurs voués à la conception
et à la recherche, elle s’impose également aux
salariés astreints à la logique taylorienne la plus
implacable. Ce sont donc les mêmes sujets qui sont requis
d’intérioriser les deux exigences à la fois.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions que se produisent
de véritables situations de « rupture subjective »
chez certains cadres contraints du jour au lendemain de travailler
sur des plates-formes d’appel (ce qu’illustre exemplairement
le cas de France Télécom). C’est dire à
quel point la concurrence par l’innovation imprime profondément
sa marque au modèle de subjectivation qui fait la spécificité
du néolibéralisme.
Toutes ces techniques de pouvoir ne produisent rien de matériel
par elles-mêmes. Elles produisent mieux : une subjectivité
nouvelle, une subjectivité comptable, vouée à
sa propre exténuation. Tout l’art de persuasion du
management consiste à faire croire que ce nouveau régime
est voulu par les salariés, qu’il leur est favorable,
qu’il reflète au mieux une « société
d’individus ». Mais, contrairement à ce que prétendent
les apologues de la concurrence, cette dernière ne s’identifie
pas à l’illimitation d’un choix de soi-même,
elle est d’abord la contrainte d’avoir à choisir
dans une situation que l’on n’a pas choisie. Dans une
situation de marché imposée, on est obligé
de jouer. « Publish or perish » : la maxime qui vaut
pour les chercheurs n’est que la traduction sectorielle de
« vendre ou mourir », du « se vendre ou mourir
» sur le marché du travail. En d’autres termes,
la logique de la situation consiste à naturaliser ce qui
est politiquement construit, à faire que les sujets finissent
par trouver naturel de fonctionner dans le régime de la concurrence.
Ces techniques de codification et de comptabilisation permettent
ainsi d’étendre, en l’intégrant au fonctionnement
interne des entreprises et des institutions, l’une des caractéristiques
du capitalisme : la concurrence entre travailleurs. Les mots avec
lesquels Friedrich Engels décrivait dans La Situation de
la classe laborieuse en Angleterre la mise en concurrence des travailleurs
retrouvent une actualité cruelle : « La concurrence
est l’expression la plus parfaite de la guerre de tous contre
tous qui fait rage dans la société bourgeoise moderne.
Cette guerre, guerre pour la vie, pour l’existence, pour tout,
et qui peut donc être, le cas échéant, une guerre
à mort, met aux prises non seulement les différentes
classes de la société, mais encore les différents
membres de ces classes ; chacun barre la route à autrui ;
et c’est pourquoi chacun cherche à évincer tous
ceux qui se dressent sur son chemin et à prendre leur place.
Les travailleurs se font concurrence tout comme les bourgeois se
font concurrence. »
LE TRAVAIL ABSTRAIT
Cette forme générale de la concurrence construite
par transposition a les plus grands rapports avec le « travail
abstrait » tel qu’il est analysé par Marx, alors
même qu’elle ne relève plus de la logique purement
immanente du développement du capital. On sait que par «
travail abstrait » il faut entendre une forme de travail qui
fait abstraction des formes concrètes de l’activité
de production, c’est un « travail indifférencié
», ou une dépense de temps de travail quantifiable.
La dimension de la quantité est ici centrale. Le travail
concret est différent qualitativement d’un autre travail
concret. Il lui est incommensurable. Seule la quantité de
travail permettra de les comparer. Le travail abstrait est la forme
sociale que prend la multiplicité différenciée
des travaux concrets lorsque l’échange marchand se
généralise. Cette forme abstraite du travail comme
quantité de temps dépensé dans le travail règle
de facto les échanges, puisqu’elle seule permet de
déterminer la valeur relative des marchandises en les «
habillant » toutes d’une forme abstraite qui n’existe
que dans les cerveaux, la forme valeur des marchandises. L’analyse
de la vie économique réclame que l’on fasse
appel à une forme abstraite du travail sans laquelle on ne
peut comprendre « la substance » économique elle-même,
c’est-à-dire la valeur. Cette abstraction est mystérieuse
parce qu’elle est sociale, et ce qui est social est regardé
par les hommes comme naturel. Elle est sociale parce que c’est
la confrontation sur le marché des marchandises et la concurrence
à laquelle se livrent les producteurs qui donnent naissance
à la substance de la valeur, à cette « quantité
moyenne de travail socialement nécessaire » pour produire
une marchandise.
La loi de la valeur ne régit pas seulement la circulation
par la comparaison qu’elle permet entre marchandises ayant
réclamé une même dépense de travail,
elle régit aussi la production. Elle n’est pas seulement
en effet une loi d’équivalence entre les marchandises,
c’est une loi qui distingue et sanctionne les producteurs
selon leur productivité. Pour Marx, la valeur est donnée
par la quantité moyenne de travail « socialement nécessaire
». Par là il introduit la dimension de la concurrence
à laquelle se livrent les producteurs entre eux. La loi de
la valeur est telle que celui qui met plus de temps à produire
une marchandise que la moyenne sociale est puni. La concurrence
économique pousse à la lutte pour baisser le temps
de travail socialement nécessaire, pour diminuer le «
travail abstrait ». C’est ce que Moishe Postone désigne
par l’expression « effet de moulin de discipline »
: par la « contrainte externe » de la concurrence, les
conditions moyennes de productivité socialement nécessaire
s’imposent aux producteurs, de sorte que les déterminations
du « travail abstrait » s’en trouvent modifiées
[11].
La concurrence, plus que l’équivalence entre produits
réalisée par le marché, est ainsi l’opérateur
d’une homogénéisation sociale des conditions
de production. Elle prend elle-même un caractère abstrait
à partir du moment où le principe de concurrence est
érigé en facteur principal de performance économique,
non seulement entre entreprises, mais à l’intérieur
des entreprises comme moyen de stimulation et de contrôle
des travailleurs. Elle devient une sorte de « loi de la vie
» qui s’impose à tous et en toutes circonstances.
L’abstraction quantitative vit alors de sa propre vie, elle
devient – comme dit Marx – naturelle et mystérieuse
à la fois, elle s’impose aux métiers, elle fait
fi du sens que les travailleurs donnent à leur tâche,
elle plie toutes les relations sociales à sa règle,
jusqu’à se soumettre les élites politiques et
les forces sociales qui œuvrent à étendre son
champ d’application. Que cette extension imprévue de
la « loi » de la valeur procède de part en part
d’une construction politique, et non d’un procès
spontané d’auto-valorisation du capital, n’autorise
donc pas à y voir le résultat d’une machination
: parler d’une activité de construction n’implique
nullement que ce qui est construit le soit en vertu d’un plan
élaboré par avance et maîtrisé dans chacune
des étapes de son application. Nous l’avons appris
de Marx : le produit de l’activité des hommes n’est
pas le produit de leur conscience ou de leur volonté. N’est-ce
pas ce qui rend possible que le produit de leur activité
échappe à leur propre contrôle au point de dominer
leur activité elle-même ?
Notes
[1] . Michel Husson, Un capitalisme pur, Lausanne, éd. Pages
deux, 2008.Retour
[2] . Karl Marx, Le Capital, livre I, Paris, PUF, « Quadrige
», 2003, p. 693.Retour
[3] . Michel Foucault, Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Le
Seuil, 2004, p. 136.Retour
[4] . Karl Marx, Le Capital, op. cit., p. 663-664.Retour
[5] . Karl Marx, Misère de la philosophie, Paris, Éditions
sociales, 1968, p. 152.Retour
[6] . Voir Saskia Sassen, La Globalisation. Une sociologie, Paris,
Gallimard, « NRF Essais », 2009.Retour
[7] . El Mouhoub Mouhoud et Dominique Plihon, Le Savoir et la Finance,
Paris, La Découverte, 2009, p. 63-70.Retour
[8] . Ibid. Les auteurs montrent que cette hybridation vaut également
pour les activités bancaires elles-mêmes.Retour
[9] . Voir sur ce point Vincent de Gaulejac, La Société
malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial
et harcèlement social, nouv. éd. Paris, Le Seuil,
« Points », 2009. Retour
[10] . L’expression éloquente de « chaîne
managériale » est reprise d’un récent
rapport de J.-L. Silicani sur la réforme de la fonction publique.
Retour
[11] . Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Paris,
Mille et une nuits, 2009, p. 426-427.Retour
Pierre Dardot et Christian Laval « Néolibéralisme
et subjectivation capitaliste », Cités 1/2010 (n°
41), p. 35-50.
http://www.cairn.info/revue-cites-2010-1-page-35.htm.
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