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Origine : http://www.socp.umontreal.ca/vies_a_vies/v13n3-1.html
Revue Vies à vies
Idées et orientations sexuelles par Annick Baudin Psychologue
Nous naissons mâle ou femelle (sexe biologique) mais ni masculin,
ni féminin, et encore moins homme ou femme. Nous devenons des hommes
et des femmes, deux termes auxquels sont associés des modèles déterminés
de masculinité et de féminité, historiquement et culturellement
définis. Ce processus s’échelonne tout au long de notre vie
dans une interaction continue entre le biologique et le contexte
socioculturel.
Identité de genre et identité sexuelle
L’identité de genre, c’est se savoir mâle ou femelle,
c’est se savoir appartenir à un sexe précis. Il s’agit
d’un sentiment profond, de différenciation et d’appartenance
à l’un ou à l’autre sexe qui s’élabore très tôt,
vers la seconde année. C’est l’identité de genre qui
permet à l’enfant de se dire garçon ou fille. L’enfant
prend conscience de la différence des sexes par la connaissance
de sa propre structure anatomique et par celle de l’autre
sexe. L’identité de genre est à la source même de l’identité
de soi. Elle peut la renforcir ou l’affaiblir et revêt par
conséquent une importance déterminante en ce qui concerne la santé
physique et psychique. L’incertitude d’un être quant
à son genre risque de susciter en lui des états d’angoisse
aiguë, voire des phénomènes d’aliénation. Le transsexualisme
illustre de manière spectaculaire la différence entre identité sexuelle
et identité de genre. Il démontre que l’identité de genre
est indépendante du sexe biologique, puisque le transsexuel a la
conviction d’être enfermé dans un corps dont l’anatomie
ne correspond pas à son identité de genre.
L’identité sexuelle, quant à elle, se définit comme un ensemble
de comportements, d’attitudes, de symbolisations et de significations
qui s’élabore progressivement au cours du développement psychosexuel
de la personne. Elle est un processus d’imitation, d’éducation
et d’apprentissage et se modèle à partir des représentations
que l’enfant intériorise sur la façon dont il doit penser
et se comporter comme être sexué.
Le parent du même sexe joue un rôle considérable dans la formation
de l’identité sexuelle. Le père pour le garçon et la mère
pour la fille doivent conserver une image positive. Jusqu’à
environ trois ans, la relation à la mère est plus exclusive tant
pour le garçon que pour la fille. Puis l’intérêt pour le père
s’accroît et graduellement naît un conflit interne (complexe
d’Oedipe). Pour se représenter comme masculin, le petit garçon
doit cesser de s’identifier à la mère. Il doit se séparer
d’elle et se défaire des aspects de la mère en lui. Cette
séparation lui permettra de se tourner vers le père pour s’en
approcher, entrer en rivalité avec lui et ensuite devenir comme
lui. Être comme son père, c’est, entre autres, désirer des
rapports sexuels avec des femmes. La petite fille, tel le garçon,
est d’abord identifiée à la mère puis, petit à petit, le père
va apparaître comme un idéal à imiter et à posséder, ce qui va entraîner
une dépréciation de la mère et un amour incestueux pour le père.
Cette impasse pourra être résolue en acceptant qu’elle ne
pourra avoir le pénis du père, symbolisé par le désir d’avoir
un enfant de ce dernier. En se rapprochant à nouveau de sa mère,
la petite fille poursuivra son processus d’identification
et désirera des rapports sexuels avec des hommes. Durant l’Oedipe
(3-6 ans), l’enfant vit l’amour envers le parent du
sexe opposé d’une manière exclusive, ce qui l’amène
à réagir avec agressivité envers le parent du même sexe. Pour en
sortir, il lui faudra renoncer à l’amour « incestueux »
et à la haine envers le parent de son sexe. L’issue habituelle
de l’Oedipe est l’identification au parent du même sexe.
Plus l’enfant s’identifie à un parent moins il s’identifie
à l’autre.
L’orientation sexuelle
L’orientation sexuelle correspond à l’orientation des
fantasmes, des désirs et des conduites sexuelles vers une personne
du même sexe (orientation homosexuelle), de l’autre sexe (orientation
hétérosexuelle) ou des deux sexes (orientation bisexuelle).
Freud a découvert, en étudiant la sexualité infantile, que la libido
est une pulsion indéterminée quant à l’objet*. Cette énergie
n’a pas d’objet déterminé dès l’origine. C’est
à elle de découvrir son objet à travers l’évolution sexuelle.
La manière dont se résout l’Oedipe oriente le choix d’objet
sexuel.
Il n’y a pas une théorie unique de l’homosexualité
et de la bisexualité : chaque cas doit être considéré pour
lui-même. Cependant nous pouvons essayer de tracer des éléments
fréquents de la structure de la personnalité homosexuelle et bisexuelle.
Une difficulté d’identification au parent du même sexe semble
être une caractéristique fondamentale chez la plupart des homosexuels.
Au lieu de se tourner vers le père pour lui ressembler, le futur
homosexuel se soumettra au père et restera principalement identifié
à sa mère. Il voudra avoir le père et non être comme le père. Chez
la fille, une fixation au père par une affection incestueuse soutenue
va entraîner une identification paternelle et favoriser le choix
de partenaire homosexuel. Ces difficultés peuvent découler, entre
autres, d’une autorité parentale excessive, d’une trop
grande proximité du parent du sexe opposé ou d’une faible
présence psychologique ou physique du parent du même sexe.
En fait, les configurations familiales peuvent être très différentes.
La caractéristique fondamentale est l’impossibilité, pour
l’enfant, de s’identifier suffisamment au parent du
même sexe. Par ailleurs, une situation familiale idéale n’empêche
pas que surviennent des événements traumatisants (viol, agression…)
pouvant avoir une influence définitive sur l’enfant. Il est
alors possible que le comportement homosexuel ou bisexuel ne corresponde
pas à la structure dominante de la personne. Dans ce cas, le choix
sexuel ne serait donc pas en harmonie avec la nature profonde de
l’individu.
Dans toute personne coexistent plusieurs identifications (préœdipienne
et post-oedipienne), au père et à la mère, de forces et de natures
diverses. L’identification féminine comporte toujours une
part de la personnalité de l’homme et l’identification
masculine une part de la personnalité de la femme. L’homosexualité
et l’hétérosexualité pures n’existent pas. Ainsi, tout
hétérosexuel a refoulé une ébauche de solution homosexuelle et vice
versa. Sur ce continuum, chacun trouve sa place.
La bisexualité peut être un état transitoire, instable, lié à l’adolescence.
Chez certains adolescents, l’orientation sexuelle n’est
pas claire. Pour mieux se connaître et faire ses choix, l’adolescent
peut vivre une période de bisexualité temporaire qui l’aidera
à s’orienter plus définitivement vers l’hétérosexualité,
reconnaissance qui s’avère parfois très douloureuse et qui
peut faire place à des sentiments d’angoisse et de dépression
importants. Finalement, la bisexualité peut constituer une orientation
sexuelle en soi. Elle peut-être sérielle (d’une homosexualité
exclusive à hétérosexualité exclusive) ou concurrente (partenaires
sexuels des deux sexes au cours d’une même période).
Telle l’homosexualité, la bisexualité ne peut être expliquée
à l’aide d’une seule théorie. Nous allons ici tenter
de comprendre cette orientation sexuelle en référence à la première
étape (préœdipienne) du développement de l’identité sexuelle :
la prise de conscience du genre. Je suis un garçon, je suis une
fille. Cette première étape correspond à un érotisme sans objet
sexuel déterminé. Tous les objets sexuels sont donc possibles. Il
se peut que l’enfant dont le processus de développement s’est
trouvé entravé avant son accomplissement, et qui demeure à cette
étape, puisse, une fois devenu adulte, jouir de relations sexuelles
avec des hommes et des femmes. Une relation amoureuse pourra être
établie avec un homme ou une femme, et les contacts physiques peau
à peau empreints de beaucoup de chaleur seront souvent privilégiés
à une sexualité génitale.
Il y a donc un déterminisme provenant de la petite enfance qui
rend notre orientation sexuelle prédominante homosexuelle, hétérosexuelle
ou bisexuelle, indépendante de notre volonté. En raison de la répression
familiale et sociale à l’égard des homosexuels et des bisexuels,
ces personnes intériorisent des schémas de culpabilité, de mépris
et d’oppression. De plus, les groupes d’appartenance
sont restreints et ne sont pas toujours perçus positivement rendant
l’identification problématique. Pour ces raisons, il est souvent
plus difficile pour les homosexuels et les bisexuels de trouver
un équilibre dans leur vie adulte et d’atteindre une pleine
maturité.
* Objet : une personne, homme ou femme, vers qui est dirigée
l’énergie sexuelle.
Références
BON, Michel. Développement personnel et homosexualité. Paris,
Épi Éditeurs, 1975.
Revue Vies à vies Volume 13, numéro 3 - Janvier 2001
Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec, Bibliothèque
nationale du Canada
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