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La commission école de la coordination des intermittents
et précaires d'idf (comecolescip @ no-log.org)
propose un texte issu de réunions entre intermittents, enseignants,
chercheurs, précaires
Site des intermittents et précaires d'idf : http://cip-idf.ouvaton.org/
ON A FAIM
Précarité sans droit
Comme dans toutes les sphères de la société,
les emplois dans la recherche connaissent une précarisation
croissante, précarisation non pas accidentelle mais structurelle.
Non seulement il faut passer par au moins 20 ans de précarité,
du DEUG au post-doc, avant de prétendre au moindre statut,
mais les postes fixes sont désormais si rares que de plus
en plus de "chercheurs précaires" alternent, voire
cumulent CDD avec des institutions publiques ou privées et
ASSEDIC ou RMI. Quant aux intermittents du spectacle, soi-disant
trop nombreux à se reposer sur les ASSEDIC, plus d’un
tiers ne bénéficiaient déjà pas de leur
régime spécifique d'assurance-chômage avant
sa réforme Les réformes qui attaquent les intermittents
et les chercheurs, comme toutes les réformes en cours, achèvent
d’instituer comme seul possible une précarité
dénuée de droits sociaux, qui soumet chacun aux choix
des employeurs, qu’ils soient privés ou publics Ce
n'est pas seulement la précarisation imposée de nos
pratiques que nous dénonçons, mais la destruction
de droits collectifs qui garantissaient la liberté de nos
activités, alors même que nos systèmes de garantie
de revenu dans la discontinuité de l'activité pourraient
inspirer d'autres pratiques
A L ATTAQUE
Science sous contrôle et culture de l’exception
La destruction des droits collectifs s’accompagne d’une
politique de contrôle des savoirs que nous fabriquons. Ce
contrôle est frontal pour la recherche, où les grandes
directions de ce qui doit être recherché sont indiquées
par des directives autant nationales qu’européennes
et où l’origine ciblée des financements interdit
toute recherche fondamentale non médiatiquement ou financièrement
justifiée Quant au rapport Belloc, qui guide la réforme
du statut des enseignants-chercheurs qui permettait jusqu’ici
une certaine liberté dans leurs recherches en échange
de l'obligation d’enseigner 192h devant un public d'étudiants,
il préconise de sanctionner les recherches qui ne suivent
pas les orientations thématiques choisies par des heures
de cours supplémentaires. Le contrôle du temps et des
pratiques accompagne le contrôle des savoirs Cette "thématisation"
de toutes les orientations de recherche rejoint le système
de subventions de l’exception culturelle. Il s'agit de permettre
la survivance, à côté d’une recherche
et d’une culture immédiatement rentables, de quelques
« pôles d’excellence » bien contrôlés
: par des orientations thématiques imposées par l’Etat
pour la recherche publique, par des subventions discrétionnaires
pour la culture Nous refusons cette recherche dite d’excellence
comme cette culture de l'exception. Nous refusons de n'avoir le
choix qu'entre les lois du marché et l’excellence sous
contrôle
AVIS DE CHAOS SOCIAL
Choix de vie
Ce que nous, chercheurs et intermittents, avons en commun dépasse
la production de savoir et de sensible. C'est un certain rapport
au temps irréductible à celui de l'emploi, grâce
à un statut pour les uns, à un régime d'assurance-chômage
pour les autres, ce sont des pratiques quotidiennes, des formes
d’existence Les réformes qui nous touchent sont du
domaine du contrôle de nos fabriques, mais aussi de nos temporalités,
de nos subjectivité, de nos choix de vies. Elles marquent
la fin d’une certaine ouverture des professions « intellectuelles
», commencée dans les années 70 avec l’explosion
du nombre de professeurs, de chercheurs, d'artistes, de journaliste,
photographes, ... En même temps qu’elles opèrent
une sélection des savoirs, ces réformes sélectionnent
les individus qui ont accès à la formation, aux outils
de production et de diffusion, à la possibilité d'exercer
ces activités Pour les intermittents comme pour les chercheurs,
il ne s’agit pas tant de défendre un statut, que de
revendiquer la possibilité de fabriquer du sensible et du
savoir selon nos propres temporalités, d’avoir le choix
de nos modalités d’existence et de coopération,
le choix de nos formes de vie, le choix de préférer
ne pas
LIBERTE DE CIRCULATION
Ouverture de la science et accès à la culture comme
biens communs
Toutes les productions de l’esprit humain forment le bien
commun de l’humanité. Le bien commun, c’est ce
que tous ensemble nous produisons, ce qui nous appartient, à
nous tous, ce qui naît, vit et meurt dans notre activité
coopérative quotidienne. Chercheurs sans statuts, artistes
au RMI, critiques à la pige, publics, étudiants, patients
et profanes, nos mobilisations subjectives, intellectuelles et affectives
tissent notre imaginaire social, nos savoirs sensibles. Le temps
passé à chercher, à rêver, à bricoler,
à ne rien faire, à parler, n’est pas l’apanage
des artistes ou des chercheurs, il est simplement humain ; il participe
de notre intelligence collective C‘est au nom de cette intelligence
collective, de ce bien commun inaliénable, que nous exigeons
une véritable ouverture de la science sur la société
et posons plus largement la question de l’accès à
la culture
La question de la production et de la circulation des biens communs
- la connaissance, la culture, l'information, la santé, l’enseignement
- est une question "publique" par excellence. Elle ne
concerne pas seulement ceux dont le métier est de les produire,
mais aussi et surtout ceux pour qui et grâce à qui
on les fabrique. Alors que les politiques de professionnalisation
opposent producteurs et consommateur, nous affirmons qu’entre
le chercheur et le paysan, entre le malade et le médecin,
entre le spectateur et l’intermittent comme entre l’étudiant
et le professeur des chaînes de coopération et de coproduction
sont possibles. Les malades du sida nous ont déjà
montré comment les recherches et expertises autour du VIH
ne pouvaient se passer ni de leurs savoirs ni de leurs collaborations
Les choix politiques qui portent sur l’enseignement, la culture,
la recherche, la santé ne touchent pas seulement les modalités
de travail, les revenus de ses producteurs, les savoirs fabriqués,
mais aussi et surtout les publics, leurs droits à l'accès
à la connaissance, à la culture, à l'information,
le coût qu'ils doivent payer pour y accéder et les
contenus de ce qu'ils apprennent, voient, écoutent
Nous ne pouvons pas non plus séparer la production et la
circulation des connaissances, de la question de la répartition
de la richesse, puisque, dans nos sociétés, il s'agit
encore et toujours de puissants dispositifs de pouvoir qui régulent
l'accès ou l'exclusion aux savoirs comme aux richesses matérielles
Un sociologue nous fait remarquer que « au cours de votre
vie, vous passez 33.000 heures à l'école, 63.000 heures
au travail et 96.000 devant la télé. Cela veut dire
que toute l'espérance de vie que vous avez gagné depuis
l'apparition de la télé, vous la passez devant le
poste » Est-il souhaitable que tout le temps de vie gagné
grâce à la recherche médicale ou à la
réduction de temps de travail, nous le passions devant TF1?
Ce qui est en jeu, en réalité, c’est la subjectivité
individuelle et collective, les formes de vie, les modalités
de l'être ensemble
Face à ces nouveaux dispositifs de contrôle de nos
temps, de nos subjectivités, de nos vies, choisissons dès
maintenant d’opposer des luttes transversales articulées
par un refus commun ; entreprenons une contamination où s’affirme,
contre leurs déserts, nos mondes
Texte paru sur la liste : I N F O Z O N E
s a m i z d a t . n e t
web page : http://listes.samizdat.net/wws/info/infozone_l/
fil d'infos : http://infos.samizdat.net/blog/
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