Origine :
http://www.humanite.fr/journal/2005-04-12/2005-04-12-460096
« Placardisée », Hélène Iglesias
travaille à l’Office français de protection
des réfugiés et apatrides.
Qu’est-ce qui vous choque le plus dans la façon
de travailler à l’OFPRA ?
Hélène Iglesias. La carte de réfugié
a été supprimée. Il n’y a plus rien qui
puisse fonder l’identité du statut de réfugié,
sauf une petite inscription, par la préfecture, sur la carte
de séjour. Résultat : sans papier attestant de son
statut, le réfugié se fait renvoyer dans toutes les
démarches qu’il entreprend. Et puis, on se moque du
monde : l’OFPRA ne motive jamais ses décisions. Tout
y est mystère. Pourtant, il est important pour les gens,
pour qu’ils s’approprient leur histoire, pour leurs
enfants, qu’ils connaissent les raisons qui ont joué
sur leur vie.
Avez-vous un exemple de refus opposé à un
demandeur ?
Hélène Iglesias. Il suffit qu’il manque une
photo, une signature dans un dossier, il est renvoyé sans
appel, sans que soit prise en compte la complexité de ce
que l’on demande à des gens qui ne parlent pas notre
langue et ne connaissent pas nos procédures. En fait, l’institution
est très violente vis-à-vis, à la fois, des
demandeurs d’asile et de ses agents. Aucun cégétiste
ne peut obtenir une fonction de responsabilité, ne peut contribuer
à infléchir la réflexion vers l’esprit
de protection, ce qui est pourtant le fondement du droit d’asile
et de l’accueil des réfugiés.
Existe-t-il des résistances, mises à part
celles des syndicalistes ?
Hélène Iglesias. Imaginez l’arrivée
d’un groupe de plus d’une centaine d’Afghans.
Nos supérieurs demandent qu’ils soient traités
en procédure prioritaire, c’est-à-dire en demande
« manifestement non fondée », avec recours non
suspensif, ce qui aura pour effet leur renvoi immédiat. Les
officiers refusent. Dix minutes plus tard, deux agents précaires
sont chargés de rédiger des rejets et ils le font.
Mais la pression qu’ils subissent l’explique : ils sont
sous contrat de deux, trois, six mois, parfois un an. Comment peuvent-ils
défendre le droit des étrangers quand ils ne peuvent
même pas défendre le leur ? L’OFPRA a embauché
trois cents personnes sans visite médicale. Aucune structure
ne s’occupe de ce suivi. C’est illégal. Nous
l’avons fait remarquer. Rien n’a bougé.
Y a-t-il un espoir de voir changer cette orientation ?
Hélène Iglesias. À court terme, non. Il y
a eu plusieurs audits pour savoir si nous faisions bien notre travail.
Ils se sont soldés par l’externalisation du service
du téléphone. Nous sommes, normalement, chargés
de protéger les réfugiés. Nous leur devons
la confidentialité de leurs déclarations. Comment
être sûrs de personnes non assermentées ? L’OFPRA
enregistre actuellement le taux le plus bas jamais connu d’acceptations
avec 5 %. Il affiche 7 % parce qu’il ajoute les enfants et
les femmes de réfugiés. Mais près d’un
enfant de réfugiés sur deux est obligé d’entrer
clandestinement pour retrouver ses parents.
E. R.
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