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BIOPOUVOIR, BIOPOLITIQUE, POLITIQUE DÉclinaisons italiennes
OTTAVIO MARZOCCA

Origine : http://www.biopolitica.cl/docs/Marzocca_Biopolitique.doc

Dès le début des années 90, en Italie s’est développé un débat intense sur la biopolitique. Il apparaît intéressant surtout parce que, bien qu’il assume Foucault comme référence principale, il a souvent produit des conceptions de la biopolitique et du biopouvoir qui dépassent largement le sens que le philosophe français avait voulu attribuer à ces notions.

Il me semble que les auteurs qui ont le plus contribué à ce débat sont notamment Giorgio Agamben, Antonio Negri et Roberto Esposito. Donc, ce sont les principaux aspects de leurs positions que je voudrais analyser ici [1].

1.  Agamben:  souveraineté et vie nue

Giorgio Agamben attribue à Foucault le mérite d'avoir été le premier à mettre en évidence que dans la modernité « l'espèce et l'individu comme simple corps vivant deviennent l'enjeu des stratégies politiques » de la société [2]. Mais pour lui il s’agit surtout de faire fonctionner ensemble la pensée de Foucault et celle de Hannah Arendt qui, avec vingt ans d'avance par rapport à Foucault, « avait analysé, dans The Human Condition, le procès qui porte l'homo labòrans et, avec lui, la vie biologique à occuper progressivement le centre de la scène politique de la modernité » [3].

L’entrecroisement de la perspective foucaldienne et de la perspective arendtienne est nécessaire, selon Agamben, pour dépasser les « difficultés » et les « résistances » des deux auteurs à saisir et à dégager des implications essentielles de leurs réflexions.

Foucault, en particulier, n'aurait pas saisi que le camp (de concentration et d'extermination) est le « paradigme » et le « lieu par excellence de la  biopolitique »; Arendt, par contre, n'aurait pas réussi à lier son analyse de la biologisation essentielle de la politique à ses « enquêtes pénétrantes » du totalitarisme, et donc elle aurait manqué de reconnaître dans ce dernier le résultat du fait que dans notre temps « la politique est intégralement devenue biopolitique » [4].

Naturellement, ici nous intéresse surtout de comprendre les raisons qui auraient empêché Foucault de reconnaître dans le camp la forme la plus représentative du biopouvoir.

Selon Agamben, la raison principale est la suivante: Foucault exclut de pouvoir retrouver dans le pouvoir souverain le noyau originaire du biopouvoir. Comme on sait, en effet, Foucault tend à présenter le biopouvoir comme profondément différent du pouvoir souverain. Agamben croit, par contre, que le rapport entre biopouvoir et pouvoir souverain soit profond et, pour ainsi dire, structural:  « l'implication de la vie nue dans la sphère politique, dit il, constitue le noyau originaire, même si occulte, du pouvoir souverain. Ou mieux, on peut dire que la production d'un corps biopolitique soit la performance originaire du pouvoir souverain » [5].

L'auteur radicalise cette thèse jusqu’à soutenir que l'histoire entière de la politique occidentale recèlerait une vocation bio-politique. Il suffirait de réfléchir attentivement sur la séparation, caractéristique de la Grèce ancienne, entre la sphère de la vie naturelle et la sphère de la vie politique, sur laquelle se fonde la définition aristotélicienne de la polis. Selon Agamben, cette séparation ne constitue pas du tout un obstacle à la transformation de la politique en bio-politique, comme on pourrait croire, car elle comporte, « dans la même mesure, une implication (…) de la vie nue dans la vie politiquement qualifiée ». S'il est vrai, en effet, que la distinction entre vivre et vivre bien, entre zoé et bíos, correspond à la séparation concrète entre l’espace privé de la reproduction biologique et l’espace publique des relations politiques, il est vrai aussi que cette séparation comporte une « exclusion inclusive, comme si la politique était le lieu où le vivre doit se transformer en vivre bien, et comme si la vie nue était depuis toujours ce qu’il faut politiser » [6].

Donc, pour Agamben, le fait que la vie nue soit éloignée de l’espace publique n'est pas simplement un effet nécessaire de la politique de la polis, mais c'est plutôt la condition qui autorise la politique à faire de la vie elle-même la matière à transformer politiquement, c'est-à-dire à bio-politiser [7].

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Agamben a sans doute le mérite de pousser à considérer des aspects concernant la bio-politique qui ne peuvent pas être négligés, mais ses thèses entraînent aussi des problèmes théoriques considérables qu’on peut essayer de résumer ici.

D’abord, son discours risque d’effacer un élément essentiel qui fonde aussi bien la généalogie foucaldienne du biopouvoir que la possibilité d’utiliser la pensée de Hannah Arendt dans la réflexion critique sur la bio-politique. Pour ce qui concerne Foucault, je me réfère au fait, rappelé aussi par Agamben, que dans la Volonté de savoir la biopolitique est présentée comme le dépassement de la définition aristotélicienne de l'homme : « animal vivant et en outre capable d'une existence politique » [8]. D’autre part, en ce qui concerne Hannah Arendt, je me réfère au fait très connu qu’elle fonde justement sur la ‘validité’ de la distinction grecque entre la sphère de la vie naturelle et la sphère de la vie publique son livre intitulé The Human Condition, ouvrage qu’Agamben lui-même considère fondamental afin d’utiliser la pensée de cet auteur dans la réflexion sur le bio-pouvoir.

Donc, on peut peut-être affirmer qu’Agamben, en faisant remonter à la polis l'origine de la complicité profonde entre le biopouvoir et la politique occidentale, risque de déstabiliser les bases mêmes de son discours.

Mais, à ce propos, on peut indiquer encore un autre problème théorique : par ce recul des origines du biopouvoir, Agamben risque indirectement de ne donner aucune valeur à la discontinuité historico-culturelle entre la polis et les institutions politiques qui tendent à l'exercice d'un imperium extensif et intensif sur le territoire et sur les sujets, autrement dit les institutions qui, dans l’histoire occidentale, tendent de plus en plus à exercer un pouvoir souverain dans le sens précis du terme.

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Quoi qu’il en soit, Agamben insiste surtout sur la vocation biopolitique du pouvoir souverain et pour expliquer cette vocation il fonde son discours sur l'élément principal de la souveraineté dont on aurait perdu la conscience. Cet élément est l'état d'exception, c'est-à-dire la condition essentielle de l'exercice plein et effectif du pouvoir souverain. De ce point de vue, Carl Schmitt est l'auteur auquel  Agamben croit indispensable de se référer.

En définissant le souverain « comme celui qui décide sur l'état d'exception », Schmitt nous permettrait de comprendre que la souveraineté est, en même temps, à l’intérieur et à l’extérieur de l'ordre juridique, que « souverain est celui dont on reconnaît le pouvoir de proclamer l'état d'exception et de suspendre, de telle manière, la validité de l'ordre juridique » [9].

C’est dans la souveraineté ainsi entendue qu'on peut reconnaître le noeud biopolitique dans lequel elle serre la vie. Dans la décision sur l'exception il devient évident que la souveraineté consiste à disposer de la vie même, de la possibilité de « la suspendre » avec la loi, en l'exposant à l'oscillation entre une pure survivance et la possibilité d’être tuée.

Cette implication de la vie dans l'exercice de la souveraineté, selon Agamben, peut être perçue dans sa forme archétypique par la notion d'homo sacer, utilisée par le droit romain archaïque pour indiquer celui qui était mis au ban. L'homo sacer ne pouvait pas être exécuté ni avec une punition juridique ni avec un rite religieux, mais celui qui le tuait n'était pas condamné pour meurtre. Donc l'homo sacer, dit Agamben, était celui qui pouvait être tué, mais pas sacrifié. Et c’est à travers cette définition que l'auteur croit de montrer le noyau biopolitique du pouvoir souverain. « Souveraine, dit il, c'est la sphère dans laquelle on peut tuer sans commettre meurtre et sans célébrer un sacrifice, et sacrée, c'est-à-dire ‘tuable’ et pas ‘sacrifiable’, c'est la vie qui a été capturée dans cette sphère » [10].

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Par conséquent, on peut dire d’abord que, selon Agamben, biopouvoir et pouvoir souverain sont structuralement liés, ensuite que la bio-politique est nécessairement destinée à se renverser dans une tanatho-politique. Ainsi s'explique aussi la thèse fondamentale de l'auteur selon laquelle le camp est le paradigme biopolitique du moderne [11].

Évidemment Agamben se réfère surtout au lager nazi, mais il ne pense pas que le sens biopolitique du camp réside uniquement dans les pratiques eugéniques. La discrimination et l'extermination raciale n'ont pas été les seules manières par lesquelles le nazisme a réalisé la 'suspension' bio-tanatho-politique de la vie. Agamben rappelle que le nazisme a mis aussi en oeuvre, de manière atroce et systématique, l'expérimentation médicale sur celles qu’on appelait Versuchepersonen et l'extermination d'individus infirmes par le "Programme d'euthanasie pour malades incurables". Dans ces cas le nazisme ne se proposait pas des buts eugéniques. Donc on peut dire qu’il n’a pas voulu réaliser seulement l'amélioration de la race, mais aussi et surtout la prise complète de la vie par la souveraineté [12]

Si l’on comprend que le vrai sens bio-tanatho-politique du camp a été la décision souveraine « sur la valeur et sur la valeur négative de la vie » [13], on peut comprendre aussi qu’il n’a fait que porter aux extrêmes conséquences un biopouvoir que toutes les autres formes de souveraineté de notre temps sont prêtes à exercer. Ceci, selon Agamben, a été démontré, par exemple, par le fait qu'au XX siècle, aux États-Unis comme dans d’autres pays occidentaux, des expérimentations médicales létales sur des détenus et des condamnés à la peine capitale ont été menés sur une grande échelle [14].  

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Évidemment Agamben ne néglige pas le rôle fondamental que le savoir médical joue dans le cadre du biopouvoir. Ou mieux, il soutient même que désormais « la décision souveraine sur la vie nue se déplace aujourd'hui sur un terrain sur lequel le médecin et le souverain semblent échanger leurs rôles » [15].

En réalité cette possibilité que le médecin et le souverain échangent leurs rôles est énoncée, mais pas approfondie par Agamben. De toute façon, dans son discours il tient pour certain que la ressource fondamentale du biopouvoir est l'état d'exception qui, dans notre époque, « tend de plus en plus à se présenter comme le paradigme dominant de gouvernement » et « comme un seuil d'imprécision entre la démocratie et l’absolutisme » [16].

Donc, malgré tout, l'auteur ne se pose pas du tout une question essentielle qu’on peut synthétiser de la façon suivante: est-ce que le pouvoir souverain est depuis toujours biopolitique parce qu’il est capable de s'exercer de manière inconditionnelle sur la vie? Ou est-ce qu'il devient vraiment biopolitique seulement lorsqu’il se sert de savoirs et de techniques spécifiques de traitement de la vie? Le pouvoir nazi a été complètement biopolitique parce qu’il était un pouvoir absolu? Ou est-ce qu'il s'est confié au savoir biomédical parce qu’il ne pouvait pas se passer de lui pour être vraiment biopolitique?

Si l'exercice d'un pouvoir absolu avait été suffisant pour réaliser entièrement et systématiquement la vocation bio-tanatho-politique de la souveraineté, peut-être que déjà l'État absolutiste de l’Ancien Régime aurait pu réaliser complètement cette vocation. Mais, si l’on attribue quelque valeur au travail généalogique de Foucault, on doit reconnaître par contre que c’est  l'inadéquation du pouvoir absolu par rapport à l'administration de la vie qui a poussé l'État moderne à se douer de savoirs, d'arts et de techniques de gouvernement spécifiquement biopolitiques.

En définitive, je crois qu’en fait Agamben ne considère pas jusqu’au bout la question du savoir-pouvoir ou plus précisément cette idée de Foucault selon laquelle le régime de souveraineté est devenu biopolitique seulement lorsqu’il est arrivé à faire fonctionner pour soi un régime spécifique de vérité capable de transformer des effets de savoir en effets de pouvoir et vice-versa [17].

À ce propos je rappelle seulement le rôle fondamental que, selon Foucault, les sciences de police, l'économie politique et les sciences de la vie ont joué dans le « déplacement d'accent » d'un État territorial à un État de population [18]. Et j'ajoute que le bio-tanatho-pouvoir nazi n’a pu pas s'exercer effectivement  par l'appropriation et l'expansion du Boden, mais par la maîtrise pratico-discursive du Blut.

Si je rappelle tout ceci, c’est surtout pour remarquer en général l’érosion du pouvoir souverain produite par la diminution relative de l’importance du fondement territorial (le nomos de la terre) de l'État, fondement qui est une condition essentielle de l'exercice de la souveraineté selon la théorie politique de Carl Schmitt sur laquelle Agamben fonde son discours [19]. Comme on sait, la diminution de l’importance du territoire est un facteur déterminant de l’érosion actuel du pouvoir souverain de l’État.

2. Negri:  la biopolitique au-delà du biopouvoir

L'usage que Negri fait de la notion de biopolitique est motivé surtout par la préoccupation de l'actualiser pour analyser les transformations du capitalisme postmoderne et les formes de sa contestation.

 

Negri insiste d’abord sur l'idée que la biopolitique constitue le résultat d'un « passage » de la discipline des individus au contrôle des populations. Aujourd'hui ce passage marquerait la transition « du fordisme au post-fordisme » ;  aujourd'hui, dit Negri, « le contrôle passe plus à travers la télévision qu’à travers la discipline d'usine, à travers l'imaginaire et l'esprit, plutôt qu'à travers la discipline directe des corps » [20]. Quoiqu'il reconnaisse clairement que pour Foucault « la biopolitique représente une grande médecine sociale qui s'applique à la population afin d’en gouverner la vie » [21], dans son effort d'actualisation Negri tend évidemment à dilater le sens de la biopolitique.

En réalité cette ‘dilatation’ semble relever surtout de la nécessité de dépasser certaines limites et certaines indécisions que Negri retrouve chez Foucault. Il souligne, en particulier, avant tout une tendance initiale du philosophe français à présenter le biopouvoir comme intimement lié aux logiques de renforcement de l'État et aux sciences de police. Seulement par la suite Foucault tendrait à faire sortir la biopolitique de ces limites, en la concevant comme « une économie politique de la vie en général » [22].

Évidemment, Negri veut éviter de concevoir la biopolitique comme destinée à s’épuiser a cause de la crise de l'État nation. Mais l'énormité de la dimension que la biopolitique peut atteindre en dépassant les limites de l'État ne porte pas Negri à penser simplement qu'un biopouvoir mondialisé peut devenir incontrôlable pour la société. À ce problème il en superpose un autre. Il se demande en effet:  « Devons nous penser la biopolitique comme un ensemble de bio-pouvoirs qui dérivent de l'activité de gouvernement ou, au contraire, dans la mesure où le pouvoir a investi la vie, la vie aussi devient un pouvoir? » [23].

Sa réponse est que la biopolitique n'est pas destiné à fonctionner inéluctablement au profit d'un pouvoir extérieur à la vie;  ou mieux, désormais c’est possible d’élaborer la définition d’une biopolitique libératrice et affirmative. Donc Negri propose de distinguer clairement les idées de biopouvoir et de biopolitique, en entendant par biopouvoir les technologies, les structures et les fonctions du pouvoir sur la vie, et par biopolitique « le complexe des résistances » et des « expériences de subjectivation et de liberté ». En définitive, dit il, la biopolitique doit être entendu comme « une extension de la lutte de classe » [24].

Mais ce qui caractérise la position de Negri est surtout l'effort de rétablir « l’importance de la production dans les procès biopolitiques ». En effet, Foucault n'aurait pas saisi « les dynamiques réelles de la production dans la société biopolitique ». Bref, c'est la redécouverte de la ‘position centrale’ du travail productif qui permet d’actualiser complètement l'idée de biopolitique. Par conséquent, Negri élabore une sorte de conception biopolitique de la « nouvelle nature du travail productif » [25].

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Il insiste sur le caractère intellectuel, communicatif et linguistique des formes du travail post-fordiste. Ces formes manifestent immédiatement une qualité sociale et relationnelle et, donc, elles sont immédiatement projetées vers la possibilité d'une reconquête collective des forces productives que le capitalisme contrôle [26]
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La nature biopolitique du travail postmoderne émerge clairement, dit Negri, si on considère qu'il se base directement sur la « productivité des corps » et sur l'implication des « affects ». Etant donné qu’il s’appuie surtout sur le langage et sur la communication et qu’il est essentiellement social et relationnel, le travail postmoderne réside nécessairement dans les corps de la « multitude » qui en constitue la puissance productive et il met constamment en jeu leur affectivité;  Selon Negri, il « produise et manipule affects » [27].

De ce point de vue, le savoir social et les capacités intellectuelles, qui se développent avec le progrès technologique, ne se transforment plus en puissance technoscientifique séparée, incorporée dans les machines et opposée au travail. L'intellectualité de masse du travail contemporain rompt ce rapport, car aujourd'hui l'outil principal de la production est le langage, et par le langage « le cerveau humain se réapproprie l'instrument de travail » [28]. Donc, l'intellectualité sociale du travail coïncide avec « le corps linguistique qui s'est fait machine biopolitique » [29]; ce n'est plus possible de distinguer en lui la production de la reproduction de chaque expression de la vie [30].

Par ce discours Negri soutient que désormais la biopolitique constitue la condition de possibilité « d'un contre-pouvoir, d'une puissance, d'une production de subjectivité » qui peut se libérer, en jaillissant « de la vie même, non seulement du travail et du langage, mais aussi des corps, des affects, des désirs, de la sexualité » [31].

Donc, la biopolitique n'est pas seulement un terrain d’affrontement avec le  biopouvoir, mais aussi le contexte d'une production de subjectivité. Par cette thèse Negri porte aux extrêmes conséquences le rétablissement de l’importance du travail: étant donné que la force productive du travail n'est plus simplement économique, mais surtout biopolitique, l'implication productive immédiate de la vie constitue pour le travail une possibilité immédiate de produire subjectivités autonomes et libres. C'est le passage de la politique à l'éthique, la construction éthique des sujets politiques d'une multitude qui se libère, ce qui se rend à la fois possible et nécessaire dans le contexte biopolitique de la postmodernité [32].

Par conséquent, nous pouvons dire que Negri, d'un côté théorise l'autonomie du « travail biopolitique » vis-à-vis du biopouvoir: de cette manière il fait apparaître injustifié l'hésitation de Foucault a « franchir la ligne » qui séparerait le champ du pouvoir de l’espace dans lequel les vies parleraient d’elles-mêmes [33]; de l'autre côté Negri réunit sur le terrain du « travail biopolitique » la production économique, la subjectivation éthique et l'action politique, qui, dans la recherche de Foucault, semblent devoir conserver leur spécificité et leur autonomie relative.

Plus précisément, Negri risque d’abord de disperser les résultats de la généalogie foucaldienne du travail entendu comme disposition forcée, produite par la prédominance politique d'une certaine éthique sociale [34]; il risque aussi de sous-estimer l'importance de la distinction foucaldienne entre stratégies politiques de libération et pratiques éthiques de liberté, ces dernières jouant un rôle critique aussi bien par rapport au pouvoir que par rapport aux stratégies mêmes de libération. Celles-ci aussi, selon Foucault, ouvrent continuellement « un champ pour de nouveaux rapports de pouvoir, qu'il s'agit de contrôler par des pratiques de liberté » [35].

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Comme nous l’avons vu, Negri croit franchement à la possibilité de pratiquer la biopolitique comme une politique libératrice, tandis qu'Agamben ne semble pas accorder beaucoup de crédit à cette possibilité.

Sur le fond de cette divergence se place encore une fois la distinction célèbre, que Hannah Arendt reprend d'Aristote en la réélaborant, entre la sphère de la vie qualifiée (bíos) par l'action politique et celle de la vie naturelle (zoé) simplement reproduite par le travail. Negri considère cette distinction comme actuellement inutilisable, car, aujourd'hui,  dit il, « la présence du travail au centre de la vie et l'extension de la coopération sociale à travers la société deviennent totales » [36]. Selon lui, aujourd'hui le travail inclut les qualités et les potentialités de l'action et de la vie politique [37].

D’après Agamben, par contre, la sortie complète de la vie nue et du travail des frontières de la simple reproduction biologique témoigne le fait que la vie naturelle (zoé) n'est plus surtout l'objet d'une exclusion de la dignité du bíos, mais elle est complètement exposée à la normativité et à la décision biopolitique qui en discrimine nécessairement et dangereusement les potentialités irréductibles à la socialisation politico-productive [38]. Donc, dit Agamben, quelles que soient  les possibilités d'une nouvelle politique, « il est certain qu'il faudra mettre de côté l'emphase du travail et de la production » [39].

Je crois que, au moins à ce propos, Agamben a le mérite de laisser ouvert un problème qu’il serait opportun de ne pas considérer ‘anachronique’.

3. Esposito:  le biopouvoir homéopathique

Les notions sur lesquelles Esposito mène sa réflexion sur la biopolitique sont celles d'immunité et d'immunisation. De cette manière il replace la genèse du biopouvoir dans la sphère d'influence du savoir médical; donc il semblerait établir ainsi un rapport de consonance avec la pensée de Foucault. Mais les choses ne sont pas si simples.

Le problème principal d’Esposito est la coexistence, à l'intérieur du biopouvoir, de politiques qui conservent et de politiques qui détruisent la vie. Esposito reconnaît que Foucault a exposé lucidement la tendance de la bio-politique à se renverser en tanatho-politique, mais il soutient également que le philosophe français n’en a pas identifié les causes de façon convaincant. La preuve évidente de cette lacune émergerait, en particulier, dans les incertitudes qui caractériseraient la tentative foucaldienne de définir le rapport entre biopouvoir et pouvoir souverain : parfois Foucault soulignerait la fracture profonde entre pouvoir souverain et biopouvoir, pour marquer l'attention positive à la vie qui caractérise ce dernier ; parfois il théoriserait une relation de complémentarité entre l'une et l'autre forme de pouvoir, pour expliquer le fait que la biopolitique se renverse en tanatho-politique par la restauration du pouvoir de vie et de mort, qui caractérise la souveraineté traditionnelle [40].

Bref, Foucault ne donnerait pas une véritable explication de l'implication réciproque entre la vie et la mort qui s'instaure dans le biopouvoir. Plutôt il tendrait à juxtaposer deux tendances opposées et à décrire simplement l'oscillation entre l'une et l'autre, sans saisir les raisons profondes de cette oscillation.

Tout cela, selon Esposito, naît du fait que Foucault pense la bio-politique en gardant les deux idées de vie et de politique dans leur « caractère absolu », « comme originairement distinctes et seulement par la suite reliées de manière extrinsèque » [41]; dans le discours de Foucault il manquerait un « paradigme plus ductile », un « point de jonction » entre souveraineté et biopouvoir, utile à clarifier complètement la communication nécessaire entre la mort et la vie qui s'est instaurée dans la politique moderne [42].

Selon Esposito, cet « point de jonction » manquant peut être retrouvé justement dans le caractère essentiellement immunitaire de la politique de la modernité. En reconsidérant l'histoire de cette politique comme l’histoire d'une immunisation continue de la société, on peut arriver à comprendre pourquoi la politique moderne est devenue une bio-politique, et pourquoi elle produit à la fois des effets positifs et négatifs, conservatifs et destructifs. Esposito pense que tout cela s'explique surtout si on considère que « l'immunisation est justement une forme de protection négative. Ceci signifie que si l'immunité, nécessaire à protéger notre vie, est poussée au-delà d'un certain seuil, elle finit pour la nier » [43]. La protection immunitaire risque toujours d’activer le mécanisme pervers de la maladie auto-immune: celle-ci, en effet, représente « le seuil au-delà duquel l'appareil protecteur se révolte contre le même corps qu'il devrait protéger, en le portant à l'explosion » [44].

C'est la hantise de la contagion qui conditionne profondément la protection politique de la société moderne, d’abord en termes généralement métaphoriques, puis en termes plus directement biomédicaux. Tout ceci, selon Esposito, peut être repéré dans la pensée d'auteurs classiques comme Hobbes, Rousseau, Sieyès, ou dans les théories de penseurs contemporaines comme Parsons ou Luhmann [45]. Certes, les sociétés de toute époque ont cherché à se protéger des facteurs qui en mettaient en danger la cohésion. Mais, dit Esposito, seulement la société moderne organise systématiquement cette protection en termes immunitaires et par conséquent elle crée les conditions pour que la vie devienne l'objet concret de la politique et pour que la négation de la vie soit possible de manière permanente [46].

La force herméneutique du paradigme immunitaire à propos de la modernité, dit Esposito, se révèle clairement si on analyse le rapport entre individu et société. La société moderne se reproduit comme communauté seulement par l'exemption, c'est-à-dire par l'immunisation des individus qui la composent de l'intensité originaire du lien communautaire. La cohésion et la survivance de la société sont le résultat de l'opposition fonctionnelle entre un modèle individualiste et l'organisation du commun qui cependant se conserve justement dans la mesure où il s’immunise de l'excès insoutenable de la relation communautaire. En ce sens, l'immunitas est la forme complémentaire et en même temps négative de la communitas [47].

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Quoi qu’il en soit, ce qu’intéresse Esposito c’est de mettre en évidence surtout le fait que dans la politique moderne la défense et le renforcement du corps social passent constamment à travers la neutralisation et le risque de destruction de la vie. La politique moderne ne se limite pas à lutter contre les facteurs de danger. Elle mène cette lutte par l'inclusion immunitaire de ce qu'elle entend contrarier; mais, en accomplissant constamment cet effort, elle enferme la vie dans « une sorte de cage », elle soumet le corps social « à une condition qui, en même temps,  en nie ou en réduit la puissance expansive. Comme la pratique médicale de la vaccination du corps individuel, aussi l'immunisation du corps politique fonctionne en introduisant à son intérieur un fragment de la même substance pathogène dont elle veut le protéger et qui, donc, en bloque et contredit le développement naturel » [48].

Selon Esposito, le nazisme représente le comble de l'application de cette logique. Avec le nazisme soit le caractère biopolitique soit la matrice immunitaire de la politique moderne se manifestent sans aucune médiation. Il représente le moment dans lequel le seuil de biologisation directe de la politique est franchi définitivement. Ce n’est que le nazisme qui dépasse complètement l'usage généralement métaphorique de la référence à la vie:  « entre politique et biologie chaque diaphragme tombe» et « les hommes politiques assument les procès biologiques comme critère de leurs actions » [49].  C'est le franchissement complet et explicite de ces limites qui, selon Esposito, rend le nazisme unique par rapport à tout autre régime politique moderne.

La question de l'unicité du nazisme est un autre sujet à propos duquel Esposito différencie de façon critique son point de vue de celui de Foucault. Ce dernier, tout en étant extrêmement conscient de la radicalité incomparable du biopouvoir nazi, risque de faire de la biopolitique un élément de continuité essentielle entre le nazisme et l'histoire précédente [50]. C’est en ce sens qu’Esposito interprète la thèse de Foucault selon laquelle « le nazisme, après tout, n'est pas que le développement paroxystique des nouveaux mécanismes de pouvoir instaurées a partir du XVIII siècle » [51].

Certainement on peut reconnaître le bien-fondé de cette critique. Mais, d'autre part, aussi la thèse d'Esposito selon laquelle le nazisme dépasse complètement l’usage métaphorique du langage biomédical et immunologique présente des aspects problématiques.

Il n' y a point de doute que, comme dit Esposito, « la lutte mortelle organisée et répandue par la propagande du régime est celle qui oppose le corps et le sang originairement sain de la nation allemande aux germes envahisseurs pénétrés à son intérieur avec le but d'en miner l'unité et la vie même » [52]. De ce point de vue, il est incontestable que le nazisme poursuivait un but immunitaire, mais il poursuivait ce but justement par la propagande et, donc, surtout de manière métaphorique. Certes, ceci ne signifie pas que le nazisme n'avait pas accompli entièrement son passage a la biologisation complète de la politique. Au contraire, l'usage de la terminologie immunologique était surtout publicitaire et métaphorique, car il ne correspondait pas à la logique désormais concrètement eugénique qui dominait la biopolitique nazi. 

Même Esposito remarque que les idéologues du Reich ont utilisé un « répertoire épidémiologique » et « bactériologique » pour représenter les Juifs comme « bacilles », « bactéries », « parasites », « virus », « microbes » [53]. Il remarque, en outre, que « cette représentation était en contraste évident avec la théorie mendélienne du caractère génétique - et donc pas contagieux - de la détermination raciale » [54].

Mais tout ceci ne montre pas seulement que les nazis confondaient de manière spécieuse les maladies contagieuses et les maladies héréditaires [55]. Cela signifie surtout que, si le nazisme exerçait complètement son biopouvoir, c’était parce qu'il était allé au-delà de la simple immunisation et il s'était installé désormais sur le terrain de la manipulation de la vie.

De cette manière, peut être, le nazisme a montré indirectement aussi les limites, plus que la validité complète, du paradigme immunitaire par rapport au fonctionnement et à l'analyse des formes avancées du biopouvoir.

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Esposito se mesure lui aussi avec l'exigence d'une biopolitique libératrice et affirmative, mais il la considère plus comme un problème inévitable que comme une possibilité immédiatement réalisable. De toute façon, il en retrouve quelques conditions surtout dans la pensée de Canguilhem. Cet auteur, selon Esposito, a déconstruit radicalement la norme entendue comme critère « en même temps, descriptif et prescriptif du comportement humain », en la reconduisant « au sens de pure manière d'être du vivant. En tel cas non seulement la santé, mais aussi la maladie constitue une norme qui ne se superpose pas à la vie, mais qui en exprime une situation spécifique » [56].

On peut remarquer ici que, quand Canguilhem soutient que « la norme d'un organisme humain est sa coïncidence avec soi-même », il entend dénoncer et conjurer exactement le risque que la norme se transforme en « coïncidence avec le calcul d'un généticien eugéniste » [57].

Cela aussi semble montrer que la biopolitique est surtout un terrain d’affrontement avec un biopouvoir qui dans notre époque ne cesse pas de se renouveler avec les moyens de la génétique plutôt que de l'immunologie.

4. Conclusion

Une dernière question reste à poser: est-ce qu'il est possible de retrouver chez Foucault les éléments pour une biopolitique affirmative et libre ?

Comme on sait, dans La volonté de savoir il repère clairement la naissance, depuis le XIX siècle, d'une série de luttes qui revendiquent « la vie, entendue comme besoins fondamentaux, essence concrète de l'homme, réalisation de ses virtualité, plénitude du possible » [58]. Foucault remarque aussi que ces luttes constituent le fond sur lequel s’est progressivement affirmée « l'importance du sexe comme objet d’affrontement politique» [59]. Dans le cadre de La volonté de savoir, cela signifie que ces luttes souvent ont opposé au biopouvoir la vision mythologique du sexe comme lieu de la vérité du sujet et de sa libération véritable. Donc il ne faudrait pas idéaliser ces luttes mêmes.

Dans la même année où il publia ce livre, Foucault écrivait, à propos de la conception biologique des races, qu’aujourd'hui il faudrait penser une « bio-histoire » qui ne soit pas l'histoire mythologique et unitaire de l'espèce humaine, et  une « bio-politique » qui ne soit pas celle des divisions, des conservations et des hiérarchies, mais celle de la communication et du polymorphisme [60].

Je ne crois pas que cela implique l'idée d'une biopolitique active de la profusion des énergies. Je crois, plutôt, que Foucault fait allusion à une biopolitique capable de renoncer à soi même.

Au moment où il a dépassé les thèses de La volonté de savoir par ses recherches sur le souci de soi, certainement il n'a pas abandonné la critique des mythologies de la libération. L’un de ses objectifs a été de démanteler les réflexes conditionnés qui piègent les luttes dans les mécanismes de pouvoir qu'elles mêmes contestent. Entre ces ‘réflexes’, je crois qu’il faudrait indiquer exactement l'idée que la  ‘vie’, le ‘sexe’ ou quelques ‘essences concrètes de l'homme’ doivent être ‘valorisées’, ‘développées’ ou ‘libérées’ à tout prix.

De ce point de vue, le souci de soi ne doit pas tendre simplement à soustraire au biopouvoir le bíos ou la zoé pour en faire la matière d'une mise en valeur plus créatrice. Plutôt, le souci de soi s’occupe de l'ethos, entendu comme manière de se mettre en relation avec soi, avec les autres et avec le monde pour se dégager des habitudes consolidées, des réactions immédiates, des « faux valeurs » et du « faux commerce » qui aident le biopouvoir a s'exercer et se reproduire [61].

Le biopouvoir, en effet, n'est pas seulement une institution, un appareil ou un système mal fait, mais c'est très souvent l'effet inattendu des discours et des pratiques les plus innocentes.




* Communication présentée au Colloque International « Le politique vue avec Foucault », Science Po, CIR,  Paris, 7-8 janvier 2005.

[1] Outre les textes de ces trois auteurs qui seront cités par la suite, entre les contributions au débat italien sur la biopolitique cf. G. Agamben, Forma-di-vita, in AA.VV., Politica, Cronopio, Napoli 1993, pp. 105-114, publié en version française in “Futur antérieur”, 1993, n. 15, et ensuite in Id., Mezzi senza fine. Note sulla politica, Bollati Boringhieri, Torino 1996; G. Dal Lago, Normalità dello stato di eccezione, “Aut aut”, 1996, n. 271-272, pp. 87-92; le compte rendu de L. Ferrari Bravo du livre de G. Agamben, Homo sacer,  “Futuro anteriore”, 1996, n. 1, pp. 167-172; V. Marchetti, La biopolitica e i sogni della ragion di stato, in A. Mariani (éd.), Attraversare Foucault, Edizioni Unicopli, Milano 1997, pp. 163-173; S. Vigna, Al bando. Riflessioni su “Homo sacer” di Giorgio Agamben, in A. Dal Lago (éd.), Lo straniero e il nemico, Costa & Nolan, Genova 1998, pp. 152-169; G. Agamben, La guerra e il dominio,  “Aut aut”, 1999, n. 293-294, pp. 22-23; G. Dal Lago, Senza luogo,  “Aut aut”, , 2000, n. 298, pp. 5-12; M. Bascetta, Verso un’economia politica del vivente, in U. Fadini, A. Negri, C. T. Wolfe, Desiderio del mostro, Manifestolibri, Roma 2001, pp. 149‑162; A. Negri, Il mostro politico. Nuda vita e potenza, ibid., pp. 179-210; L. Cedroni, P. Chiantera-Stutte (éd.), Questioni di biopolitica, Bulzoni, Roma 2003; A. Cutro, Sovranità e vita in Michel Foucault,  “La società degli individui”, 2003, n. 17, pp. 67-80; P. Perticari (éd.), Biopolitica minore,  Manifestolibri, Roma 2003; L. Bazzicalupo, R. Esposito (éd.), Politica della vita. Sovranità, biopotere, diritti, Laterza, Roma-Bari 2003; A. Cutro, Michel Foucault. Tecnica e vita, Bibliopolis, Napoli 2004; S. Delucia, Biopotere, biopolitica, bioetica,  “Millepiani”, 2004, n. 27, pp. 99-116
.

[2] G. Agamben, Homo sacer. Il potere sovrano e la nuda vita, Einaudi, Torino 1995, p. 5.


[3] Ibid., p. 6.


[4] Ibid., pp.   6 e 131-132.


[5] Ibid., p. 9.


[6] Ibid., p. 10.


[7] Ibidem


[8] M. Foucault, La volonté  de savoir, Gallimard, Paris 1976, éd. it. p. 127.


[9] G. Agamben, Homo sacer, op. cit.., pp. 15-19. Cf. C. Schmitt, Politische Teologie. Vier Kapitel zur Lehre von der Souveränität, München-Leipzig, Duncker & Humblot, 1922-1934, éd. it., pp. 33-34, et en outre G. Agamben, Stato di eccezione, Bollati Boringhieri, Torino 2003.


[10] G. Agamben, Homo sacer, op. cit., p. 92.


[11] Cf. Ibid., pp. 129 sq., et en outre G. Agamben, Quel che resta di Auschwitz, Bollati Boringhieri, Torino 1998.


[12] Cf. G. Agamben, Homo sacer, op. cit., pp. 150-159 et 171-177.


[13] Ibid., p. 158.


[14] Ibid., p. 174-177.


[15] Ibid., p. 159.


[16] G. Agamben, Stato di eccezione, op. cit., p. 11.


[17] Sur les questions foucaldiennes du savoir-pouvoir et du ‘régime de vérité’ cf. l’importante analyse de B. Han, L’ontologie manquée de Michel Foucualt, Millon, Grenoble 2003, surtout les pp. 189-217.


[18] M. Foucault, Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France. 1977-1978, Gallimard-Seuil, Paris 2004, Résumé, p. 373; cf. en outre, ibid., leçon du 25 janvier 1978, pp. 57-81.


[19] Cf. C. Schmitt, Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum Europaeum, Greven Verlag, Köln 1950.


[20] A. Negri, Guide. Cinque lezioni su impero e dintorni, Raffaello Cortina Editore, Milano 2003, pp. 79-80. Cf. en outre Id., Kairòs, Alma Venus, Multitudo, Manifestolibri, Roma 2000, et les livres publiés avec M. Hardt, Impero, Il nuovo ordine globalizzato, Rizzoli, Milano 2001, et  Moltitudine. Guerra e democrazia nel nuovo ordine imperiale, Rizzoli, Milano 2004.


[21] A. Negri, Guide, op. cit., p. 80.


[22] Ibid., p. 80. Dans ses notations  critiques Negri  reprend l’analyse proposée par J. Revel, Le vocabulaire de Foucault, Ellipses, Paris 2002, pp. 13-15.


[23] A. Negri, Guide, op. cit., p. 80.


[24] Ibid., pp. 81-82.


[25] M. Hardt et A. Negri, Impero, op. cit., pp. 44 et 43.


[26] Ibid., pp. 43-44. A ce propos, Negri reprend les analyses des auteurs  qui, avec lui, tentent de renouveler l'héritage et de dépasser les limites du "neo-marxisme operaiste" italien. Cf. C. Marazzi, Il posto dei calzini. La svolta linguistica dell’economia e i suoi effetti nella politica, Casagrande, Bellinzona 1995, et P. Virno, Grammatica della moltitudine, DeriveApprodi, Roma 2003.


[27] M. Hardt et A. Negri, Impero, op. cit., pp. 44.


[28] Cf. A. Negri, Guide, op. cit., p. 72.


[29] A. Negri, Kairòs, Alma Venus, Multitudo, op. cit., p. 150.


[30] Ibid., p. 147.


[31] A. Negri, Guide, op. cit., p. 81.


[32] Cf. ibid., pp. 81 e 145-148.


[33] M. Foucault, La vie des hommes infâmes, in Dits et écrits, op. cit., III, p. 241.


[34] Cf. M. Foucault, Dialogue sur le pouvoir, in Dits et écrits, Gallimard, Paris 1994, III, pp. 470-475.


[35] M. Foucault, L’éthique du souci de soi comme pratique de la liberté, in Dits et écrits, op. cit., IV, p. 711.


[36] M. Hardt et A. Negri, Il lavoro di Dioniso, Manifestolibri, Roma 1995, p. 17.


[37] Cf. aussi P. Virno, Mondanità, Manifestolibri, Roma 1994, pp. 90-91.


[38] Cf. G. Agamben, Homo sacer, op. cit., pp. 209-211.


[39] G. Agamben, L’opera dell’uomo, “Forme di vita”, 2004, n. 1, p. 123.


[40] R. Esposito, Bíos. Biopolitica e filosofia, Einaudi, Torino 2004, pp. 16-39. L’auteur se référe sourtout à les theses que Foucault expose dans “Il faut defendre la société”, Seuil-Gallimard, Paris 1997, et dans La volonté de savoir, Gallimard, Paris 1976. Sur le paradigme immunitaire cf.: R. Esposito, Immunitas. Protezione e negazione della vita, Einaudi, Torino 2002; Id., Biopolitica, immunità, comunità, in L. Bazzicalupo, R. Esposito, Politiche della vita, op. cit., pp. 123-133; Id., Il nazismo e noi, “MicroMega”, 2003, n. 5, pp. 165-174. A propos du rapport entre souverainété et biopouvoir en Foucault cf. J. Terrel, Les figures de la souveraineté, in F. le Blanc et J. Terrel (sous la direction de), Foucault au Collège de France: un itinéraire, Presse universitaires de Bordeaux, Bordeaux 2003, pp. 101-129.


[41] R. Esposito, Bíos, op. cit., pp. 38-39.


[42] Ibid., p. XIII.


[43] R. Esposito, Biopolitica, immunità, comunità, op. cit., p. 126.


[44] R. Esposito, Il nazismo e noi, op. cit., p. 170.


[45] Cf. R. Esposito, Immunitas, op. cit., pp. 52-61 e 134 sq.; Id., Bíos, op. cit., pp. 41-46.


[46] Cf. R. Esposito, Bíos, op. cit., pp. 52 sq.


[47] Ibid., pp. 47-49.


[48] Ibid., p. 42.


[49] Ibid., p. 118.


[50] Ibid., p. 116.


[51] M. Foucault, “Il faut defendre la société”, op. cit., leçon du 17 mars 1976, éd. it., p. 224.


[52] R. Esposito, Il nazismo e noi, op. cit., p. 171.


[53] R. Esposito, Bíos, op. cit., p. 122.


[54] R. Esposito, Il nazismo e noi, op. cit., p. 172.


[55] R. Esposito, Bíos, op. cit., p. 129.


[56] Ibid., p. 208.


[57] G. Canguilhem, Nouvelles réflexions concernant le normal et le pathologique (1963-1966), in Le normal et le pathologique, PUF, Paris 1966, éd. it., p. 222.


[58] M. Foucault, La volonté de savoir, op. cit., éd. it., p. 128.


[59] Ibid., p. 129.


[60] M. Foucault, Bio-histoire et bio-politique, in Dits et écrits, op. cit., III, p. 97.


[61] Cf. M. Foucault, L’herméneutique du sujet. Cours au Collège de France. 1981-1982, Gallimard-Seui, Paris 2001, en particulier  les cours du 10 et du 17 février 1982.