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Origine http://www.humanite.fr/journal/2001-10-17/2001-10-17-251993
Enseignant à l’IEP d’Évry, Olivier La Cour-Grandmaison
préside l’association 17 octobre 1961-17 octobre 2001
contre l’oubli. Il a coordonné la publication de l’ouvrage
collectif 17 octobre 1961, un crime d’État à Paris
(1).
Quel bilan tirez-vous de l’action commune engagée voilà
maintenant plus d’un an par de nombreuses organisations pour
la reconnaissance officielle par la République des crimes d’octobre
1961 ?
Olivier La Cour-Grandmaison. Au nom de l’une de ces associations
du moins, je peux affirmer que cette action a d’ores et déjà
permis de mettre en avant des revendications politiques de grande
importance : en particulier, la reconnaissance du crime contre l’humanité
commis le 17 octobre 61, de faire partager par une large partie de
l’opinion la condamnation du massacre, la nécessité
d’ouvrir toutes les archives, de mettre en place un lieu de
mémoire sur cette tragédie, et de lui donner une place
réelle dans les manuels scolaires. Notre association a d’abord
mené une très large campagne de signatures pour obtenir
le soutien de la part de partis et d’organisations sur le texte
d’un appel unitaire reprenant ces revendications - à
ce jour plus de 300 élus locaux, nationaux et européens
y ont souscrit, signe d’une attention plus importante accordée
par l’opinion publique au 17 octobre 1961. Des témoins,
des enfants de témoins sont sortis du silence mais aussi des
appelés du contingent en Algérie et un nombre grandissant
de jeunes sensibles à l’appel des intellectuels pour
la condamnation de la torture, aux aveux du général
Aussaresses et qui veulent aujourd’hui savoir ce qui s’est
réellement passé ce jour-là, quel a été,
plus généralement, le comportement des forces de police
et de l’armée durant la guerre, ainsi que le confirme
d’ailleurs le sondage que vous avez publié dans l’Humanité
la semaine dernière.
Qu’attendez-vous aujourd’hui des autorités politiques
de ce pays ?
Olivier La Cour-Grandmaison. L’ensemble des responsables politiques
sont désormais tenus de se prononcer sur ces crimes : le silence
n’est plus de mise. De ce point de vue, si un pas en avant a
été franchi avec la décision de la municipalité
de Paris de poser une plaque commémorative au pont Saint-Michel,
je déplore que le texte retenu n’évoque ni l’idée
du crime contre l’humanité ni la responsabilité
de son auteur, l’État. En aucun cas donc cette initiative
parisienne ne saurait dispenser les plus hautes autorités du
pays de prendre leurs responsabilités. De même, si Lionel
Jospin s’est exprimé personnellement l’an dernier
en parlant d’" événements tragiques ",
ni la responsabilité de la police dans le crime ni celle des
responsables politiques de l’époque n’ont été
clairement établies et encore moins condamnées officiellement.
Il faut bien le dire : en la matière tout reste à obtenir.
Entretien réalisé par
Lucien Degoy
(1) La Dispute, 2001, 288 pages, 19 euros (124,63 F).
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