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Origine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Relativit%C3%A9_du_normal_et_du_pathologique
Au plus simple et au plus court, il y a la révolte et la
critique de l’Antipsychiatrie européenne de Ronald
Laing, David Cooper, Thomas Szasz et les autres, pour qui la pathologie
mentale est une invention du pouvoir médical conféré
par quelque autorité politique. Thomas Szasz est psychiatre
et "Professeur Emeritus" de psychiatrie aux États
Unis et ses aphorismes élégants et éclairants
sont très connus et souvent cités. Pour le moment,
voir Thomas S. Szasz ici (en) http://en.wikipedia.org/wiki/Thomas_Szasz
* "Parler à Dieu, c'est une prière, entendre
Dieu parler, c'est de la schizophrénie".
* "La maladie est une altération des fonctions du corps,
or l’esprit ne fait pas partie du corps. La maladie mentale
est un mythe”.
Généralité
Commençons avec cette petite histoire inventée à
partir des travaux de Margaret Mead sur le comportement de cour
(courting behavior) entre garçons et filles dans le cadre
du contact transculturel entre les Américains et les Anglais,
où, selon l'humoriste irlandais George Bernard Shaw, "l'Américain
et l'Anglais sont deux peuples séparés par une même
langue ". Le terrain de cette étude a été
l'Angleterre, durant la Seconde Guerre Mondiale, qui fut, de toute
l'Histoire, la plus grande "ville de garnison" américaine
où stationnèrent les militaires en vue de la prochaine
"invasion" de l'Europe continentale occupée par
les armées nazies.
* Un jeune Américain et une jeune anglaise se rencontrèrent
du regard complice et se contèrent fleurette. Là dessus,
le jeune Américain donna à la jeune Anglaise un baiser
à "bouche-en-veux-tu". Illico, celle-ci s'est enfuie,
effrayée et très en colère.
Du point de vue du jeune Américain, le comportement de la
jeune Anglaise pourrait être qualifié d'hystérie
si elle s'enfuit ou de nymphomanie si elle l'amène directement
au lit. Du point de vue de la jeune Anglaise, le comportement du
jeune Américain pourrait être qualifié de délinquant
ou d'obssédé sexuel.
En effet, dans le processus de cour, du premier contact visuel
jusqu'à la copulation, chaque culture définit la séquence
des étapes à franchir et à respecter par les
jeunes gens. Aux États-Unis, le baiser sur la bouche est
aux toutes premières étapes, tandis qu'en Angleterre,
il est aux toutes dernières, le point de bifurcation entre
s'enfuir ou se préparer au coït. Le monde animal, déjà,
connaît ces malentendus illustrés par l'historiette
suivante.
* Un jeune chiot de par le monde alla chercher amitié. Chemin
faisant, il rencontra un jeu chaton avenant. Le jeune chiot agita
de la queue pour manifester sa joie, plissa ses oreilles pour proposer
une amitié et s'aplatit en signe de soumission. Alors, le
jeune chaton lui tomba dessus toutes griffes dehors et une bataille
homérique s'ensuivit.
Du point de vue du jeune chiot, tout le comportement du jeune chaton
pourrait être qualifié de paranoïaque. Du point
de vue du jeune chaton, le jeune chiot pourrait bien être
violent , agressif et asocial. En effet, toutes les manifestations
de joie, d'amitié et de soumission du jeune chiot sont des
signes de colère, d'agression et d'attaque dans le monde
des félins. Comme pour l'Américain et l'Anglaise,
le chiot et le chaton, si l'on passe d'une culture à une
autre, de l'américaine à l'anglaise, par exemple,
et si on apprend plusieurs langages (le "canin" et le
"félin", par exemple), on commence à comprendre
que les significations et les valeurs d'un comportement sont relatives
et que la "réalité" peut paraître
très différente selon les différentes cultures
(comprenant les langues et les langages) et on se rend compte qu'il
n'y a pas de "Réalité Réelle". Ceux
qui ne participent pas à notre "culture", vision
du monde ou "Weltanschauung" (ou "Kultur" en
allemand) ne sont ni des fous, ni des méchants.
Perspectives anthropologiques
Cultures, langues et langages conduisent à esquisser l'apport
des anthropologues au renversement ou recadrage des théories
et pratiques sur le comportement humain. Le psychiatre ou le psychologue
n'est pas dénué de jugements préconçus:
il a en tête un certain modèle de la maladie et de
la santé mentale qu'il cherche à appliquer au patient
qu'il reçoit. Il cherche souvent, malgré lui, de voir
jusqu'à quel point le cas qu'il doit traiter peut s'expliquer
ou se comprendre à partir du modèle théorique
propre à l'école dans laquelle il a été
formé et à laquelle il appartient. Or et avec une
certaine simplification, il semble que l'anthropologue suit des
procédures exactement inverses. Il n'a, lorsqu'il est confronté
à une culture qui lui est étrangère, qu'un
minimum de présupposés. Il demeure, par les règles
de sa discipline, un observateur attentif mais passif qui cherche
simplement à comprendre, sans préconception, le fonctionnement
et les règles de fonctionnement de cette culture ou de cette
civilisation qui lui est étrangère.
ll semble que le principal apport de l'anthropologue en psychologie
se situe peut-être ici: en se faisant le promoteur d'un renversement
de perspective, il a beaucoup contribué à introduire
l'interaction dans le champ de la psychiatrie et de la psychologie,
là où, auparavant, il n'y avait qu'action et réaction.
L'autre apport est dans la relativité du normal et du pathologique,
ces deux apports formant une Gestalt figure-fond et sont indissociablement
liés en s'interpellant mutuellement.
En exemple illustratif, à Bombay, en Inde, des "swamis",
c'est-à-dire des "saints", présentent des
signes, c'est-à-dire des "symptômes, qui tombent
dans le diagnostic de "schizophrénie catatonique"
en Occident, tandis qu'en Inde ils sont considérés
comme des saints. Autrement dit, ce qui est conçu comme pathologique
dans une culture est normalité dans une autre. On se heurte
à ce même phénomène à l'intérieur
d'une même culture: quelqu'un qui est hypersensible est taxé
de "fou", alors que quelqu'un d'autre, qui est insensible,
est soit disant "normal" et inversement selon le groupe
social et l'époque où ils se trouvent. D'autre part,
il y a encore ce phénomène encore plus "fou":
le Génie qui ne rentre dans aucun des critères de
la normalité quotidienne. Nous pouvons voir que toute nouvelle
idée scientifique et artistique, vraiment novatrice, est
de l'ordre du délire, du point de vue du contenu, en ce qu'il
s'agit d'une projection de l'imaginaire sur le "réel"
et du point de vue de la forme, en ce qu'il s'agit d'une déviance
par rapport aux habitudes de pensée et d'action. Ce n'est
que parce qu'elle accepte a priori d'être modifiée
ou même abandonnée sous l'effet des confrontations
avec de nouvelles observations et expériences qu'elle s'en
sépare finalement.
Perspectives antipsychiatriques
La "folie", en dernière analyse, est un phénomène
social d'attribution d'une signification et d'une valeur à
un comportement humain. Les premiers asiles d'aliénés
modernes, devenus par la suite hôpitaux psychiatriques, ont
été créés en Angleterre par des aristocrates
pour mettre "hors circuit" des jeunes aristocrates anglais
dont la conduite risque de mettre en péril la fortune et
la réputation familiales. Les "goulags" de Soljenitsyne
ne sont que des formes soviétiques de ces asiles d'aliénés
pour "dissidents".
Qu'il soit aristocrate anglais "dépensier" ou
soviétique russe "dissident", le "fou du roi"
a une fonction très importante dans le groupe social, celle
de la "victime émissaire" m(cf. René Girard),
immolée parce que sacrée et, en retour dans la logique
récursive ou circulaire, sacrée parce qu'immolée.
Elle est la purgation, l'expulsion et l'expression du groupe social,
c'est-à-dire le symptôme d'une maladie dont le groupe
social est atteint. On a pu constater que dans des familles où
se trouvaient des cas de schizophénie, le "patient identifié"
fait office de "fou du roi".
La normalité et la pathologie impliquent une relation de
pouvoir et d'autorité, le pouvoir de définir l'altérité,
le normal et le pathologique, le changement et la stabilité.
Ce pouvoir demande toujours une position individuelle dans un "système"
(groupe social ou famille) tout entier qui impose, d'une façon
impersonnelle, cette contrainte à l'individu. Dans la thérapie
familiale systémique, on cherche précisément
à empêcher que la guérision du "patient
identifié" ne fasse éclater le reste de la famille
qui, souvent, délègue un autre membre de la famille
comme un nouveau "patient identifié" et ainsi de
suite pour préserver ces constances et sa structure. Sans
cette relation de pouvoir, il n'y aurait pas de double contrainte
pathologique, mais humour et créativité.
Il y a des doubles contraintes qui sont imposées par la
famille et par la société et qui, à un moment
(signifiant à la fois "instant" et "rapport
de forces"), deviennent intolérables. Dans ce cas là,
l'individu se réfugie dans la maladie mentale ou la dissidence.
Chaque famille et chaque société, pour pouvoir exister
et satisfaire des exigences biologiques, psychologiques ou sociales,
établissent et imposent un certain nombre de règles.
Mais, en même temps, elles laissent un espace de liberté
ou "jeu", suffisamment souple pour que chacun puisse développer
son propre style personnel ou sa propre individualité. Dans
des familles ou des sociétés dites "saines",
il y a presque toujours une possibilité de métacommuniquer,
c'est-à-dire de commenter et de discuter sur des actes ou
des comportements. Dans les familles ou sociétés "troublées",
toute métacommunication est interdite, à l'instar
des dictatures, des sociétés totalitaires où
il faut non seulement obéir, mais encore ne pas poser la
moindre question ou exprimer le moindre commentaire.
On peut soutenir que, dans ces cas là, la "maladie
mentale" ou la "dissidence" n'est plus l'état
d'un individu isolé, mais la dialogique ou dialectique qui
s'instaure à l'intérieur d'un groupe qui a besoin
de la répartition ou de la "distribution de rôles"
pour fonctionner correctement. Alors, la "guérison"
d'un "malade" pourrait faire apparaître un autre
"malade", ou faire ressurgir la maladie chez le patient
"guéri", ou encore faire éclater le groupe
dans lequel il est inséré, dans l'hypothèse
de Donald D. Jackson d'une "homéostasie familiale"
qui est l’état stable et la conservation de la structure
des relations.
Thérapies systémiques familiales
En effet, c'est la difficulté avec le traitement individuel
qui, souvent, fabrique des récidivistes, lorsque les patients
"guéris" retrouvent leur milieu de vie habituel.
Dans les traitements classiques, il est relativement facile de guérir
un malade mental et de le faire parvenir à un état
de fonctionnement satisfaisant. Mais, dès qu'il rentre dans
sa famille, la situation préalable - celle qui l'a envoyé
à l'institution psychiatrique - se rétablit. Dans
cette perspective, il n'y a que deux solutions: soit le "malade"
redevient "fou" de nouveau, soit s'il a la force de caractère
ou s'il a résolu les contradictions pour résister
à cette influence pathogénique de la famille, de la
société ou du groupe social, presque inévitablement
un autre membre du groupe commence à manifester une symptomatologie.
Il s'agit d'un contexte de règles, souvent implicites, dont
les membres ignorent (aussi bien dans la signification française
qu'anglaise de "ne pas savoir" et de "ne pas vouloir
savoir") l'existence et la source.
En élargissant le champ d'observation et d'action, de l'individu
au groupe social primal qui est sa famille, de groupe en société
et de société en culture, on arrive ainsi à
relativiser le normal et le pathologique. Cette relativité
n'est pas seulement transculturelle, mais encore temporelle à
l'intérieur d'une même culture qui varie et fluctue
dans le temps. La "folie" est absolument relative aux
idées du moment (comme "instant" et "rapport
de forces") et du lieu sur la normalité et la déviance
et aux pouvoirs qui ont la capacité de privilégier
certaines idées plutôt que d'autres et de les imposer.
Le pouvoir est cette possibilité de transformer les préférences
des uns en obligations de tous dont les balises sont des normes.
La "normalité" est tout ce qui est à l’intérieur
de ces balises et la "déviance" est tout ce qui
est au-delà. La culture est de l'ordre des idées et
des représentations engendrées par les activités
des êtres sociaux dépendants de la nature inorganique
et de la nature organique sans lesquelles ils n'existeraient pas.
Dans les sociétés anciennes, la "folie"
est l'expression d'une possession magique ou démoniaque qui
demande quantité d'exorcismes pour provoquer la guérison.
Dans les sociétés modernes, la "folie" est
l'expression d'une définition juridique sur la santé
et la maladie mentales qui a pour objet la capacité d'un
accusé de subir un procès juste et équitable,
quant au degré de sa responsabilité dans le délit
commis.
En exemple illustratif et dans les Indes néerlandaises (maintenant
l'Indonésie), l'amok était considéré
par les habitants des îles de cet archipel comme une possession
magique ou démoniaque (les "mauvais esprits") qui
donne à un individu cette fureur homicide. L'individu en
état d'amok court dans les rues, un poignard (un "kris
") à la main, et blesse ou tue toutes les personnes
qu'il rencontre. La coutume voulait qu'on l'arrêtât
en le tuant à son tour, car seule la mort était sensée
pouvoir mettre fin à cet état de possession. Les autorités
coloniales hollandaises ayant pris le contrôle des îles,
les mentalités se sont occidentalisées et l'amok n'est
plus considéré comme une possession démoniaque,
mais comme un état pathologique. L'individu pris dans cet
état n'est plus tué, mais capturé et interné
dans des hôpitaux psychiatriques locaux. En élargissant
le champ d'observation et d'action, on apprécie mieux la
relativité du symptôme et de la maladie, dans l'oscillation
figure-fond d'une Gestalt inconcevable avec la conception biologique
et intrapsychique traditionnelle de la maladie et de la santé
mentales. À cet Gestalt figure-fond de la maladie et du symptôme
correspond celles de cause-effet et individu-famille.
Symptôme et maladie
À côté de la relativité du normal et
du pathologique, il y a la relativité de la maladie et du
symptôme. En élargissant le Gestalt (ou totalité)
figure-fond, la maladie physique comme la tuberculose pulmonaire
offre un exemple illus-tratif dans lequel la personne phtisique
atteinte par les ravages du bacille de Koch n'est que la manifestation,
l'expression ou le symptôme d'une maladie qui est la pauvreté,
les conditions de vie et de travail dures et malsaines. En replaçant
le tuberculeux guéri, de retour du sanatorium, dans son milieu
d'origine et dans les conditions de vie et de travail préalables
à son hospitalisation, on peut s'attendre à des rechutes.
Cette illustration physique aiderait à mieux comprendre la
pathologie familiale dans la schizophrénie, comme la tuberculose
pulmonaire est une pathologie sociale de la pauvreté et des
mauvaises conditions de vie et de travail.
Dans l'étiologie sociale de la tuberculose pulmonaire, le
Canadien Henry Norman Bethune était un pionnier de la médecine
sociale préventive, comme l'Anglais Gregory Bateson l'était
à l'étiologie sociale de la schizophrénie,
en particulier, et, en général, à la maladie
mentale. Dans l'interpellation mutuelle de la figure et du fond,
du symptôme et de la maladie, ce qui est figure et ce qui
est fond, ainsi que ce qui est symptôme et ce qui est maladie
est le produit d'un choix délibéré ou involontaire
de l'importance accordée à des termes ou des systèmes.
Dans l'exemple illustratif de la tuberculose pulmonaire, en mettant
l'accent sur l'individu tuberculeux et en soignant sa "maladie",
on évacue les problèmes socio-économiques qui
sont à la source de la pauvreté et des mauvaises conditions
de vie et de travail, constituant en soi la "maladie"
dont la bacille de Koch est un élément déclencheur
et le tuberculeux un symptôme, on privilégie le maximal
à court terme, créant des rechutes et des épidémies
("e-pidemos ": littéralement, "sur le peuple").
L'optimal, à longue échéance, serait le renversement
total où le tuberculeux ne serait plus le "malade",
mais le "symptôme" d'une maladie dont le remède
n'est plus médical, mais des solutions socio-politiques à
la pauvreté et aux mauvaises conditions de vie et de travail.
Dans l'oscillation d'une Gestalt figure-fond, symptôme-maladie,
pour la tuberculose pulmonaire, il est évident que le choix
de ce qui est symptôme et de ce qui est maladie est un produit
du pouvoir que détient une partie de l'éco-système
social de définir et de ponctuer, c'est-à-dire de
découper en intervalles privilégiées discontinues
une séquence continue et régulière, spatiale
et temporelle d'interactions. D'autre part, l'attribution de la
maladie au tuberculeux est une microscopie, tandis que concevoir
ce tuberculeux comme le symptôme d'une maladie sociale est
une macroscopie, dans l'élargissement et l'approfondissement
du champ d'observation et d'intervention.
Dans la schizophrénie, en particulier, et, en général,
la maladie mentale, l'attribution du symptôme et de la maladie
rejoint la position du pouvoir à l'intérieur de la
société, du groupe social et de la famille. Le renversement,
en "psychologie communautaire", est la préoccupation
majeure consistant à montrer que la maladie mentale n'est
pas - comme on l'avait cru communément - un état affectant
un individu isolé, mais que c'est aussi une fonction (le
"fou du roi") que celui-ci assume à l'intérieur
d'un système social dont il fait partie et qui est, en l'occurence,
la famille.
Or, celle-ci sécrète son propre "mythe",
opérant ainsi une stricte attribution des fonctions ou des
rôles à ces différents membres. Celle, précisément,
de "malade" se montre déterminante et sert souvent
à masquer tous les autres problèmes qui peuvent se
poser à l'intérieur de la famille, comme le tuberculeux
pour des problèmes socio-économiques à l'intérieur
de la société. Comme la famille tend à maintenir
sa stabilité ou son statu quo, il est nécessaire de
s'attaquer au système familial entier, si l'on veut mener
une action thérapeutique valable et en profondeur, après
avoir dénoncé le théâtre familial du
quotidien et attaqué le pouvoir qui attribue la qualité
de "maladie" et de "symptôme". Cette action
thérapeutique valable et en profondeur vise à pouvoir
modifier à la fois la conduite du patient et libérer,
lui-même et les autres, de leurs "rôles" ou
"fonctions", c'est-à-dire des "double binds"
dont ils sont tous prisonniers. En d'autres termes, cette action
thérapeutique valable et profond consiste à découvrir
et à révéler le "mythe" familial,
son fonctionnement et ses structures de fonctionnement. C'est en
cela que les thérapies systémiques familiales tentent
de discriminer la maladie et le symptôme, ne se fiant pas
aux définitions faites a priori et en ne cherchant plus la
"cause" de la "maladie", mais plutôt la
modification du symptôme, d'un comportement, afin de réinsérer
le malade dans la société, l'association, la famille.
Pour mieux saisir l'esprit des thérapies systémiques
familiales, voyons les convergences et les divergences avec l'antipsychiatrie
de Ronald Laing et de David Cooper. Du point de vue théorique,
le modèle de lantipsychiatrie est un renversement du modèle
de la causalité traditionnelle. Selon cette vue traditionnelle,
le "fou" est la vraie "cause" qui fait souffrir
son entourage habituel, tandis que pour le modèle de l'antipsychiatrie,
le soit-disant "fou" est le seul être "sain"
et c'est la société qui est "malade". Cette
convergence est de faible utilité pour les thérapies
systémiques familiales, car elle n'est que le retournement
du vénérable déterminisme causal linéal
(antériorité de la cause sur l'effet) et linéaire
(proportionnalité de l'effet à la cause) où
les conditions initiales déterminent entièrement les
états finaux. Alors, la divergence est la tenue en compte
de l'équifinalité qui, en termes de cause et d'effet,
dit que des mêmes effets peuvent avoir des causes multiples
et différentes et qu'ils sont relativement indépendants
des conditions initiales et de la multifinalité qui, dans
ces mêmes termes, dit que des mêmes causes peuvent produire
des effets multiples et différents.
En exemple illustratif de la multifinalité, une même
famille pathogène peut conduire différents membres
à présenter différentes symptômologies.
Du moment que l'on commence à penser et agir en termes de
causalité circulaire, récursive et récurente
de la rétroaction cybernétique et de l'interaction,
on se situe en dehors de ce cadre traditionnel et non contre ce
cadre, comme l'indique le préfixe "anti" de l’antipsychiatrie.
La "multifinalité" a été forgée
par Anthony Wilden pour désigner, au plus simple de la relation
de cause à effet, qu’une même cause puisse mener
à différents effets dont la représentation
mathématique serait une suite divergente.
En contraste, l’ "équifinalité de Ludwig
von Bertalanffy, toujours en termes simples de cause et effet, dit
que des mêmes effets puissent avoir des causes différentes,
à la manière d’une suite convergente, en mathématiques.
Pour une compréhension plus complète, plus profonde
et plus large, il serait utile de passer à une plus grande
abstraction des niveaux de réalité.
Niveaux de réalité
Paul Watzlawick a fait des niveaux de réalité son
cheval de bataille où chacun fait de sa réalité
la "Réalité".
* "[…] De la réalité chacun se fait une
idée. Dans les discours scientifique et politique, dans les
conversations de tous les jours, nous renvoyons en dernière
instance au référent suprême : le réel.
* Mais où est donc ce réel ? Et surtout, existet-t-il
réellement ? De toutes les illusions, la plus périlleuse
consiste à penser qu’il n’existe qu’une
seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont différentes
versions de la réalité, dont certaines peuvent être
contradictoires, et qui sont toutes l’effet de la communication
et non le reflet de vérités objectives et éternelles"
(Paul Warzlawick, "La réalité de la réalité",
Seuil, Paris, 1976).
Au premier niveau physique est la réalité objectale
nécessaire et insuffisante des êtres, faits et objets
répérables, observables, quantifiables et mesurables
directement par tous.
Au deuxième niveau social est la réalité psychique
des significations et valeurs conférées aux éléments
et systèmes de la réalité objectale précédente.
Ainsi, un .fait" ne devient "événement"
que par ses effets et réprcussions dans l'esprit des personnes.
Lorsque tout est oublié il n'y a plus d'événement,
seulement un fait enregistré dans quelque archive.
Au troisième niveau culturel est la réalité
symbolique des croyances et règles qui orientent et délimitent
les significations et valeurs possibles des parties de la réalité
objectale. Ainsi se révèle la relativivité
du bien et du mal, du normal et du patholologique, du beau et du
laid, du juste et du faux.
À ces réalités, il y a aussi la "réalité
bureaucratique" où est " réel " tout
ce qui est inscrit sur des documents officiels. Dans le ciel calme
et serein du début des années 70, un rapport d’expérimentation,
publié dans la vénérable revue "Science",
a éclaté comme une bombe.
Des étudiants "normaux" et parfaitement sains
se sont portés volontaires pour cette expérimentation.
Ils ont été présentés à un hôpital
psychiatrique avec leur "dossier médical" mentionnant
leur "maladie". Pendant leur séjour, tout le monde
les prenait vraiment pour "fous", avec des symptômes
appropriés et adéquats à leur "maladie
officielle", sauf les "fous", bien entendu. Cette
expérimentation venait appuyer les positions de Thomas Szasz.
Conclusion
Critique épistémologique des vices de pensée
et d’action la Théorie des contextes d’Anthony
Wilden est le fondement de la relativité du normal et du
pathologique en compagnie de celle du symptôme et de la maladie,
dans la grappe (cluster) de l’approche écosystémique
avec les paradoxes et double contrainte exprimée dans les
thérapies systémiques familiales dont le précurseur
est Alfred Adler avec son étiologie sociale de la Psychologie
individuelle dans le sentiment d'infériorité en Psychologie.
En politologie des études militaires et stratégiques,
la théorie des contextes se déploie dans la stratégie
et tactique de la Guerre psychologique et les autres détails
des forces armées et batailles. Le tout est dans une cohérence
de niveau intellectuel et linguistique.
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Strategist Companion", Routledge & Kegan Paul, London &
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