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Origine : http://endehors.org/news/3470.shtml
Lu sur Indymédia Lille : "Le texte qui suit a été
rédigé par une militante de la commission anti-patriarcale
de la Fédération Anarchiste, appelant à participer
aux réunions du groupe non-mixte de cette commission, de
création récente. Cette commission fonctionne en réunions
mixtes ET non mixtes (feminines ET masculines). Ce texte me semble
une base de réflexion importante sur les modes d'action et
d'organisation anti-sexistes.
Hélène
Quels outils pour les luttes féministes ? Réflexion
sur la non-mixité.
Outre la remise en cause perpétuelle de la légitimité
de nos luttes (quoi ? t'es féministe ? mais enfin, voyons,
c'est dépassé…aujourd'hui, c'est l'égalité
!), il nous faut encore nous justifier lorsqu'il s'agit de s'organiser
entre nous. Ah, là voilà, la question qui fâche,
qui fait causer, qui provoque tant de discussions enflammées.
La non-mixité se trouve ainsi souvent au cœur des débats,
et cela même quand ce n'est pas nous qui remettons le sujet
sur le tapis. Et oui, la non-mixité féminine gêne…mais
il est d'abord pour le moins surprenant que le féminisme
soit la seule lutte au sujet de laquelle on se pose la question
de savoir si son autonomie est légitime. On entend pourtant
régulièrement, concernant les sans-papier-e-s, ou
encore la lutte des Noir-e-s aux Etats-Unis, que l'indépendance
et l'autonomie est légitime, comme premier pas vers une émancipation
par rapport aux oppresseurs. Or, la légitimité des
groupes non-mixtes femmes est questionnée, voir condamnée,
et ceci majoritairement par les hommes…et c'est là
où le bas blesse : il y a là une volonté de
la part des hommes, de garder le contrôle sur les femmes,
leurs paroles et leurs actions. En effet, l'autonomisation des mouvements
de femmes menace directement les intérêts et les privilèges
dont jouissent les hommes dans nos sociétés patriarcales.
Oui, nous voulons nous organiser entre femmes, féministes,
lesbiennes…de tous horizons, de toutes classes sociales…et
nous le faisons !
Pourquoi ? ?
v Et pourquoi pas ? v Parce que l'espace dit « public »
(les bars, les rues, particulièrement la nuit…) est
un espace majoritairement investi par les hommes : il en va donc
de même pour l'espace militant. Il suffit de se pencher un
peu sur les chiffres des effectifs des syndicats, partis politiques,
organisations politiques… v Parce qu'il ne suffit pas qu'un
groupe soit composé à 50% de femmes pour que son fonctionnement
soit réellement mixte, et que cette mixité stricte
ne préserve, en aucun cas, les femmes du sexisme ambiant.
v Parce que la masculinisation de l'espace militant fait que les
femmes y sont trop peu nombreuses et/ou invisibilisées. Donc
les luttes et les revendications axées sur les droits des
femmes et leur émancipation sont mises sur la touche et/ou
considérées comme « secondaires ». v Parce
que personne ne nous libérera à notre place : seules
les femmes peuvent lutter efficacement pour leur émancipation
sociale et sexuelle, pour leur propre condition de vie. v Parce
que nous subissons toutes une oppression commune : le patriarcat,
et que celui-ci a toujours œuvré à diviser les
femmes. Il est donc nécessaire d'en prendre conscience et
de construire une solidarité entre toutes les femmes. v Parce
que la non-mixité nous semble par ailleurs un moyen indispensable
que les femmes doivent s'approprier. Il permet d'abord d'éviter
un certain nombre de rapports de domination sexiste, et il permet
ensuite aux femmes de se situer un peu plus en marge de la socialisation
féminine, qui nous rend excessivement dépendantes
au regard et au jugement des hommes, pour penser nos prises de décisions,
nos actions, et pour nous penser nous-mêmes.
Comment ? ?
v En nous créant des espaces de discussions et d'actions
où chacune est libre, et notamment en apprenant, de nouveau,
à considérer la valeur de nos discours et de nos réflexions
théoriques. v En remettant en cause l'ordre établi
: et notamment les privilèges des dominants. v En nous réappropriant
les réflexions et les théories féministes sur
lesquelles nos prédécesseures ont planché.
La question de la transmission est en effet centrale et nous permet
de continuer à avancer, à progresser et à nous
servir de nos acquis. v En questionnant la division des sphères
dites « publiques » et dites « privées
», et cela notamment parce que la sphère dite «
privée » enferme les femmes et les isole dans un rôle
qui ne participe aucunement à leur épanouissement
social. Le privé est politique…ce qui se passe dans
le lit, à la maison ou au travail relève de la construction
sociale des individu-e-s, d'un phénomène global qui
structure les rapports hommes/ femmes et cela doit être questionné
d'un point de vue politique.
Et comme il y a encore des tonnes de bonnes raisons de créer
des groupes non-mixtes femmes et qu'il y a encore des tonnes de
manières de faire…nous appelons toutes les femmes à
s'organiser et à venir y participer, car la pratique et le
vécu sont des outils privilégiés pour se faire
une idée sur les choses et leur pertinence.
Adeline Guéret Avril 2003.
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