L’injonction de la mobilité est née dans les
années 80. Sans mobilité pas de salut. Pour trouver
un emploi il faut être mobile.
Mais en fait ce sont tous les aspects de la vie et de la société
qui deviennent mobiles. Et la mobilité devient valorisante.
Le témoin le plus important de ce changement est le téléphone
portable qu’on appelle communément « un mobile
». Rares sont ceux et celles qui n’en ont pas. Et même
ces personnes savent qu’elles seront obligées de s’y
soumettre car l’organisation de la société fait
que le téléphone portable devient dans certains cas
indispensable, tout comme a pu le devenir la voiture.
Cette mobilité fonctionne en lien avec une autre injonction
de notre société qui consiste à dire «
jouissons de la vie au quotidien » et pour jouir de la vie,
cela entraîne ou peut entraîner des changements permanents
ou des abandons. Abandons qui ne sont pas vécus sur le mode
dramatique, puisque c’est pour pouvoir mieux profiter de la
vie, assouvir les désirs.
Pour être bien, il ne faut pas être en manque de désir
à assouvir. L’un chasse l’autre. L’assouvissement
est très individualiste, même si c’est dans un
cadre collectif et même si parfois celui-ci est mis en avant
comme valeur partagée et importante.
Il y a visiblement une grande difficulté dans notre société
à gérer le manque, à accepter les contraintes
dans la vie privée, alors qu’elles peuvent être
acceptées dans la vie professionnelle.
Cela touche nos investissements militants, affectifs, relationnels,
de loisirs.
D’où nos difficultés à construire des
projets militants sur le long terme.
Les projets qui fonctionnent sont ceux
• qui durent sur une courte période, qui sont événementiels.
Ils n’engagent pas les personnes sur le long terme et donc
dans une stabilité importante.
• qui durent sur le long terme. Ils s’appuient sur des
personnes stables, qui ont de l’expérience et qui en
acceptent les contraintes.
Les mobiles, les nomades ne peuvent fonctionner et vivre que s’il
y a des personnes stables sur lesquels ils peuvent s’appuyer.
Ces personnes stables vont de ceux et celles qui permettent de manger,
se vêtir à ceux et celles qui permettent de se transporter
ou de faire tourner les ordinateurs en passant par ceux et celles
qui assurent la santé, ou encore des structures militantes
sur lesquelles il est possible de s’appuyer.
Les exigences des nomades et des stables ne sont pas les mêmes.
Les difficultés du camp No Border de cette année 2004
peuvent illustrer en partie cette problématique.
Les nomades sont prêts à se déplacer à
l’arrache comme ils disent, le projet est de faire ce qu’on
pourra, sans obligation de résultat et chaque personne s’engage
individuellement.
Le stables ont besoin de repères, de pouvoir s’appuyer
sur des choses solides où les risques sont limités,
parce que leur engagement par ailleurs ne leur permet pas de faire
la même chose que les nomades.
Cette difficulté peut aussi être illustrée
par le jardin collectif qui est très ouvert et où
l’engagement des personnes est très divers et où
peu de projets arrivent à terme.
Heureusement il y a quelques personnes stables pour assurer sa pérennité
et éviter que toutes les plantes ne crèvent par grandes
chaleurs ou récolter au bon moment.
Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur, mais de
voir les aspects positifs et négatifs et les risques de conflits.
Georges Birault Nantes le ?? en septembre 2004
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