Origine http://latelelibre.fr/index.php/2008/10/naomi-klein-et-la-crise-financiere-lintegrale-1-2-3/
Nous avons pu rencontrer Naomi Klein, cette journaliste et écrivaine
canadienne, auteure du livre “No Logo”, et plus récemment
de “la stratégie du choc” (2007, Actes Sud).
Alors que la crise financière s’installe dans le monde
entier, il nous a semblé utile d’entendre cette spécialiste
du “capitalisme du désastre”.
Partie 1
“La stratégie du choc” à l’œuvre
pendant la crise financière
“La règle du néolibéralisme
n’est pas le libre-marché, la règle c’est
l’intérêt des multinationales”
Dans cette première partie, Naomi Klein nous rappelle la
stratégie de l’idéologie “néo-libérale”:
profiter des crises pour installer un peu plus le système
du “laissez-faire”. Un système qui fonctionne
sur les bulles spéculatives et le secours de l’Etat
en cas de problème. Quand elles gonflent, les spéculateurs
font des profits, et ”quand les bulles éclatent, l
’Etat intervient et nationalise la dette, nationalise le risque”.
Une stratégie politique
Elle donne l’exemple édifiant du cyclone à
la Nouvelle Orléans. Selon elle, ce n’est pas le cyclone
“Erika” qui a détruit la ville, mais c’est
la démission de l’Etat sur tous les services publics
(notamment l’entretien des digues), qui a favorisé
la catastrophe.
“En fait, si vous vous rendez à la Nouvelle-Orléans
aujourd’hui, vous verrez la vision de la reconstruction de
l’administration Bush : elle consiste à finir le boulot,
à détruire l’Etat et le service public. Donc
le réseau des écoles publiques. Et pour l’ensemble
des logements sociaux, c’est pareil. La Nouvelle-Orléans
accueille beaucoup de logements sociaux. Dès que la ville
était sous les eaux, j’y étais à l’époque,
des hommes politiques et des lobbyistes ont déclaré
: « maintenant, nous pouvons fermer le projet de logement
». En fait, j’ai cité un homme politique républicain
qui disait : « nous ne pouvions pas arrêter le projet
mais Dieu l’a fait ».
Bush s’est invité à la TV et a déclaré
que nous aurions « la société de propriétaires
» à la Nouvelle-Orléans. Les particuliers vont
habiter dans leurs propres logements au lieu de louer un logement
social. Donc on peut observer un lien direct entre ce qui s’est
passé à la Nouvelle-Orléans et la crise hypothécaire
actuelle, celle des subprimes, nous ne vivons pas un accident de
l’histoire »
PARTIE 2
Comment le capitalisme a voulu oublier la crise de 1929
Lors de cette deuxième partie de l’interview, la journaliste
nous met en garde contre l’impression donnée par les
dirigeants libéraux. Que ce soit Bush ou Sarkozy, tous s’efforcent
de nous convaincre qu’ils veulent s’attaquer à
la crise. Selon la journaliste, ils n’ont en fait qu’une
idée en tête, continuer le travail entrepris depuis
des années: briser les acquis sociaux obtenus par les travailleurs
au siècle dernier.
“Je pense que Nicolas Sarkozy est un homme politique qui
sait dire aux gens ce qu’ils veulent entendre”. Elle
est très féroce avec Bush, qui lui aussi a pris ses
distances avec les traders de Wall Street: “il a déclaré
que Wall Street était “ivre” des profits, comme
s’il y était étranger. Or c’est lui qui
servait à boire, c’était lui le barman, et il
a fait semblant de tout découvrir.“
Elle revient sur la crise de 29, et sur les outils mis en place
lors du New Deal, pour réguler le système anarchique
des banques.
“Après le krach financier de 1929. Un choc est survenu
dans le système et Franklin D. Roosevelt a fait voter une
loi appelée «Glass-Steagall » qui a établi
une barrière entre les banques d’affaires et les banque
de dépôt. Selon cette loi, si vous vous lancez dans
la banque d’affaires, si vous voulez jouer, spéculer,
faire plein de profits, très bien mais le gouvernement ne
garantira pas vos investissements, c’est votre problème,
aller jouer au casino! Si vous voulez être une banque de dépôt,
si vous voulez la confiance des épargnants qui vous confient
les économies de toute une vie, nous allons garantir cette
épargne, c’est l’engagement de l’Etat ;
mais si nous sécurisons les économies, une banque
de dépôt ne peut pas spéculer, vous devez prendre
le moins de risque possible“.
Des lois qui ont été volontairement oubliées,
à partir du mandat de Ronald Reagan.
PARTIE 3
Pendant la crise, le peuple doit agir
“L’une des choses qui empêche les gens d’agir
c’est l’idée que nous sommes impuissants. Nous
l’entendons tout le temps. Tous ceux qui ont moins de 40 ans
ont grandi avec l’idée que le gouvernement est le problème,
pas la solution“
Pour terminer cette rencontre, je demande à Naomi Klein
comment, selon elle, le peuple peut agir contre ceux qui veulent
profiter de la crise pour faire passer en douce leur idéologie
noé-libérale (voir les épisodes précédents).
En bonne sociale-démocrate-radicale, elle balaie les deux
extrêmes : ni libéralisation, ni collectivisme.
Pas de pouvoirs concentrés en seulement quelques mains,
mais l’action collective de base. Elle donne les exemples
de la sécurité sociale au Canada, son pays, et les
programmes de logements aux USA, qui ont été obtenus
grâce à des actions directes.
« Les gens étaient expulsés de chez eux, comme
aujourd’hui, avec des saisies. Les voisins étaient
organisés dans des groupes solidaires. Quand les meubles
des voisins étaient déposés dans la rue, ils
les remettaient dans la maison. Ils prenaient ce genre d’actions
directes. C’est ce genre de pression qui a créé
le contexte pour que F.D Roosevelt dise à Wall Street «
Regardez, la gauche gagne du terrain dans le pays, il faut un compromis,
et ce compromis, c’est le New Deal ».
John Paul Lepers
images: Henry Marquis et Matthieu Martin
Montage : Smaïn Belhadj
Traduction: Kelly Pujar
Merci à Anthony Santoro
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