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Origine :
http://www.alterinfo.net/Pour-faire-du-fric,-Bush-conduit-le-capitalisme-du-desastre-exploiteur-de-la-souffrance-du-onde_a21465.html
Dès que le baril de pétrole a dépassé
140 dollars, même les animateurs les plus enragés des
médias de droite ont dû faire ressortir leur image
de marque populiste en consacrant une partie de chaque spectacle
à dénigrer la grosse industrie pétrolière.
Certains ont été jusqu'à m'inviter pour une
conversation amicale sur un nouveau phénomène insidieux
: « le capitalisme du désastre. » Ils vont d'habitude
bien, jusqu'à ce que ça se gâte.
Par exemple, l'animateur de la radio « conservatrice indépendante
» Jerry Doyle et moi avons eu une conversation parfaitement
aimable sur les sordides compagnies d'assurance et les hommes politiques
ineptes quand ça s'est produit : « Je crois que j'ai
un moyen rapide de faire baisser les prix, » a annoncé
Doyle. « Nous avons investi 650 milliards de dollars pour
libérer une nation de 25 millions d'habitants. Ne devrions-nous
pas tout simplement leur demander de nous donner le pétrole
? Ça devrait se faire tanker après tanker, comme l'embouteillage
de circulation entrant dans le Tunnel Lincoln, le Lincoln puant,
à l'heure de pointe avec des lettres de remerciement du gouvernement
irakien. . . Pourquoi ne prenons-nous pas tout simplement le pétrole
? Nous avons investi pour libérer un pays. Je peux résoudre
le problème de faire tomber le prix de l'essence en dix jours,
pas dix ans. » Il y avait quelques problèmes avec le
plan de Doyle, bien entendu. Le première est qu'il décrit
le plus grand casse de l'histoire du monde. Le second est qu'il
est trop tard : « Nous » sommes déjà en
train de mettre à sac le pétrole de l'Iraq, ou du
moins sur le point de le faire.
Dix mois se sont écoulés depuis la publication de
mon livre La stratégie du choc : La montée d'un capitalisme
du désastre, où je soutiens que la méthode
favorite aujourd'hui pour remodeler le monde dans l'intérêt
des compagnies multinationales est d'exploiter systématiquement
l'état de peur et de désorientation qui accompagne
les moments de grand choc et de crise. Avec le monde entier ébranlé
par de multiples chocs, il semble que ce soit un bonne époque
pour voir comment et où est appliquée la stratégie.
Et les capitalistes du désastre ont été occupés
par les pompiers privés déjà sur les lieux
dans incendies de forêt au nord de la Californie, jusqu'à
la saisie des terres frappées par le cyclone en Birmanie,
en passant par le projet de loi sur le logement se frayant un chemin
au Congrès. Le projet de loi contient peu d'entrave au logement
abordable, déplace la charge du prêt hypothécaire
sur le contribuable, et fait en sorte que les banques qui ont fait
des prêts douteux obtiennent quelques dividendes. Pas étonnant
qu'il soit connu dans les couloirs du Congrès comme «
Le plan de crédit suisse, » d'après l'une des
banques qui l'ont généreusement proposé.
Désastre d'Iraq : Nous l'avons ruiné, nous
l'avons (juste) acheté
Mais ces cas de catastrophes sont du capitalisme d'amateur par
rapport à ce qui se déroule au Ministère du
Pétrole irakien. Cela a commencé par des contrats
de service annoncés sans appel d'offres pour ExxonMobil,
Chevron, Shell, BP et Total (ils n'ont pas encore été
signé, mais sont toujours en cours). Payer des multinationales
pour leur expertise technique n'est pas inhabituel. Ce qui est étrange,
c'est que ces contrats sont presque toujours destinés à
des sociétés de services pétroliers, pas aux
compagnies de première importance dont le travail est l'exploration,
la production et la possession de la richesse carbonée. Comme
le signale Greg Muttitt, l'expert pétrolier londonien, les
contrats ont un sens seulement dans le contexte de procès-verbaux
dans lesquels les pétroliers de première importance
ont revendiqué leurs droits de premier refus sur les contrats
ultérieurs distribués pour la gestion et la production
des gisements pétroliers irakiens. Dit autrement, d'autres
entreprises seront libres de faire une offre pour ces contrats futurs,
mais ces entreprises gagneront.
Une semaine après que les marchés de services sans
appel d'offre aient été annoncés, le monde
a entrevu pour la première fois son prix réel. Après
des années de pressions directes en coulisses, l'Iraq a officiellement
ouvert tout grand six de ses principaux gisements pétroliers,
constituant environ la moitié de ses réserves connues,
à des investisseurs étrangers. Selon le Ministre du
Pétrole irakien, les contrats à long terme seront
signés d'ici un an. Bien qu'en apparence sous contrôle
de l'Iraq National Oil Company, les entreprises étrangères
garderont 75 pour cent de la valeur des contrats, ne laissant que
25 pour cent à leurs partenaires irakiens.
Ce genre de ratio est inconnu dans les riche États pétroliers
arabes et perse, où obtenir la majorité du contrôle
national sur le pétrole fut la définition même
de la victoire dans les luttes anticolonialistes. Selon Muttitt,
jusqu'à présent l'hypothèse est que les multinationales
étrangères pourraient être introduites pour
développer de tout nouveaux gisements en Iraq sans prendre
la direction de ceux qui sont déjà en production,
et qui n'exigent par conséquent qu'un minimum de support
technique. « La politique a toujours été d'attribuer
ces gisements à l'Iraq National Oil Company, » m'a-t-il
dit. En ne donnant que 25 pour cent au lieu des 100 pour cent prévues
à la compagnie irakienne, c'est un renversement complet de
cette politique
Qu'est-ce qui a donc rendu possible un marché aussi dégueulasse
dans un Iraq qui a déjà tant souffert ? Ironiquement,
ce sont les souffrances de l'Iraq, sa crise sans fin, qui est avancée
pour expliquer l'accord qui risque de priver sa trésorerie
de sa principale source de revenus. La logique se présente
ainsi : l'industrie pétrolières irakienne a besoins
du savoir-faire étranger parce que des années de sanctions
l'ont privé des nouvelles techniques et l'invasion et la
poursuite des violences l'ont dégradée davantage.
Et l'Iraq a besoin d'urgence de recommencer à produire du
pétrole. Pourquoi ? À nouveau, à cause de la
guerre. Le pays est brisé en plusieurs morceaux, et les milliards
distribués aux firmes occidentales pour les contrats sans
appel d'offre n'ont pas réussi à reconstruire le pays.
Et c'est là que les nouveaux contrats sans appel d'offre
ont un rôle à jouer : ils soulèveront plus d'argent,
mais l'Iraq est devenu une telle place traîtresse, que les
principales compagnies pétrolières doivent être
amenées à prendre le risque d'investir. Ainsi, l'invasion
de l'Irak a adroitement crée l'argument en faveur de son
pillages.
Plusieurs des architectes de la guerre en Irak ne prennent même
plus la peine de nier que le pétrole était un facteur
important de motivation. Dans l'émission « Les faits
» de la Radio Publique Nationale, Fadhil Chalabi, l'un des
principaux conseillers irakiens aux préparatifs de l'invasion
de l'administration Bush, décrivait dernièrement la
guerre comme « un mouvement stratégique des États-Unis
d'Amérique et du Royaume-Uni pour leur présence militaire
dans le Golfe afin de sécuriser les fournitures de pétrole
pour l'avenir. » Chalabi, qui a servi comme Vice-Ministre
du pétrole irakien et a rencontré les principaux pétroliers
avant l'invasion, a décrit cela comme « un objectif
principal. »
L'invasion de pays pour s'emparer de leurs ressources naturelles
est illégale en vertu des Conventions de Genève. Cela
signifie que l'énorme tâche de reconstruction des infrastructure
irakienne, dont son infrastructure pétrolière, est
de la responsabilité financière des envahisseurs de
l'Iraq. Ils devraient être forcés de payer des réparations.
(Rappelons que le régime de Saddam Hussein a payé
9 milliards de dollars au Koweït en réparation pour
son invasion en 1990.) Au lieu de cela, l'Iraq est contraint de
vendre 75 pour cent de son patrimoine national pour payer la facture
de l'invasion et de l'occupation hors-la-loi.
Choc pétrolier : Ou vous nous donnez l'Arctique,
ou plus jamais vous ne conduirez
L'Irak n'est pas le seul pays au cœur d'une attaque à
main armée liée au pétrole. L'administration
Bush a activement recours à une crise apparentée,
la montée en flèche du prix du carburant, pour relancer
son rêve de forage dans l'Arctic National Wildlife Refuge
(ANWR, refuge naturel national en Arctique). Et les forages offshore.
Et dans le roc de schiste compact du Bassin de Green River. «
Le Congrès doit faire face à une dure réalité,
» a déclaré George W. Bush le 18 juin. «
À moins que les membres soient disposés à accepter
le niveau douloureux du prix actuel de l'essence, ou même
encore plus élevé, notre pays doit produire plus de
pétrole. »
C'est le Président en tant qu'Extorqueur en chef, avec le
pistolet de la pompe à essence braqué sur la tête
de son otage, qui se trouve être le pays tout entier. Donnez-moi
l'ANWR, ou tout le monde passera ses vacances d'été
dans son arrière-cour. Le dernier hold-up d'un Président
fumiste.
Malgré les FOREZ LÀ-BAS, et les FOREZ MAINTENANT,
distribuer moins d'autocollants en faveur des forages dans l'ANWR
devrait avoir peu d'impact visible sur l'approvisionnement pétrolier
mondial, comme le savent très bien les partisans du forage.
L'argument : ça pourrait néanmoins faire baisser le
prix du pétrole, ne se fonde pas sur des aspects économiques
solides, mais sur de la psychanalyse de marché : forer «
enverrait un message » aux spéculateurs en pétrole
signalant qu'il y a davantage de pétrole en route, ce qui
les amènerait à commencer à parier sur la baisser
des prix .
Deux remarques découlent de cette approche. Tout d'abord,
essayer de déstabiliser les hyperactifs spéculateurs
en matières premières est ce qui se fait pour gouverner
dans l'ère Bush, même au milieu d'une situation d'urgence
nationale. Deuxièmement, ça ne marchera jamais. S'il
y a une chose que nous pouvons prédire du comportement récent
du marché pétrolier, c'est que le prix va continuer
à monter sans se soucier du fait que de nouvelles sources
sont annoncées.
Prenez l'énorme boom pétrolier en cours dans les
sables bitumineux avérés en Alberta, au Canada. Pour
les spéculateurs, les sables bitumineux (parfois appelé
pétrole des sables) sont identiques aux propositions de sites
de forage de Bush : ils sont à proximité et parfaitement
sûrs, depuis que l'accord de libre-échange nord-américain
contient une disposition interdisant au Canada de couper l'approvisionnement
des États-Unis. Et, sans fanfare, le pétrole de cette
source en grande partie inexploitée est déversé
sur le marché, si bien que le Canada est maintenant le plus
grand fournisseur pétrolier des États-Unis, surpassant
même l'Arabie Saoudite. Entre 2005 et 2007, le Canada a augmenté
ses exportations vers les États de près de 100 millions
de barils. Pourtant, en dépit de cette importante augmentation
dans la sécurité des approvisionnements, le prix du
pétrole a tout le temps été en augmentation.
Ce ne sont pas les faits qui conduisent la poussée vers
l'ANWR, mais la pure stratégie de la doctrine de choc : la
crise pétrolière a créé des conditions
rendant possible de vendre une politique auparavant irrecevable
(mais très rentables).
Impact du prix des aliments : Les OGM ou la famine
Intimement liée au prix du pétrole, la crise alimentaire
sévit dans le monde. Non seulement le prix élevé
de l'essence fait grimper le coût des aliments, mais le boom
des agro-carburants a brouillé la démarcation entre
nourriture et carburant, écartant les producteurs vivriers
de leurs terres et encourageant la spéculation galopante.
Plusieurs pays d'Amérique Latine ont fait pressions pour
réétudier la campagne en faveur des agro-carburants
et faire reconnaître la nourriture comme un droit, et non
pas comme une simple marchandise. John Negroponte, le Ministère
des Affaires Étranges des États-Unis, a d'autres idées.
Dans un même discours offrant l'engagement étasunien
pour l'aide alimentaire d'urgence, il a demandé instamment
aux pays de lever leurs « restrictions aux exportations et
leurs droits de douane élevés » et d'éliminer
les « obstacles au recours à de nouvelles techniques
de production de plantes et d'animaux, notamment à la biotechnologie.
» De l'aveu général, c'était encore une
subtile arnaque, mais le message était clair : les pays pauvres
feraient mieux d'ouvrir un peu leurs marchés agricoles aux
produits étasuniens et aux semences génétiquement
modifiées, sinon ils pourraient risquer de voir leurs aides
coupées.
Les cultures génétiquement modifiées sont
apparues comme la panacée à la crise alimentaire,
du moins selon la Banque Mondiale, le président de la Commission
Européenne (le temps de « prendre sur soi »)
et le Premier Ministre britannique Gordon Brown. Et, bien entendu,
les compagnies agro-alimentaires. « Vous ne pouvez aujourd'hui
nourrir le monde sans organismes génétiquement modifiés,
» a dit récemment Peter Brabeck, président de
Nestlé, au Financial Times. Le problème avec cet argument,
du moins pour l'instant, est qu'il n'existe aucune preuve que les
OGM augmenteraient le rendement des cultures, et ils les diminuent
souvent.
Mais, même s'il y avait une simple clé pour résoudre
la crise alimentaire mondiale, voudrions-nous vraiment qu'elle soit
entre les mains des Nestlé et Monsanto ? Que nous en coûterait-il
de l'utiliser ? Au cours des derniers mois, Monsanto, Syngenta et
BASF ont racheté frénétiquement des brevets
de soi-disant semences de plantes « préparées
pour le climat, » qui peuvent pousser dans la terre desséchée
par la sécheresse et la salinité des inondations.
En d'autres termes, des plantes faites pour survivre dans un avenir
de chaos climatique. Nous savons déjà jusqu'où
ira Monsanto pour protéger sa propriété intellectuelle,
espionnant et poursuivant les agriculteurs qui osent épargner
des semences d'une année pour la prochaine. Nous avons vu
les médicaments brevetés du SIDA refusés pour
soigner des millions de gens en Afrique sub-saharienne. Pourquoi
les cultures brevetées, « préparées pour
le climat, » seraient-elles différentes ?
Pendant ce temps, parmi tous les discours enthousiasmants sur la
nouvelle génétique et les techniques de forage, l'administration
Bush a annoncé un moratoire de deux ans au maximum sur les
nouveaux projets d'énergie solaire sur les terres fédérales,
à cause, apparemment, de soucis environnementaux. C'est la
dernière frontière du capitalisme du désastre.
Nos dirigeants négligent d'investir dans les techniques qui
préviendront réellement un avenir de désordres
climatiques, choisissant plutôt de travailler main dans la
main avec ceux qui complotent des plans novateurs pour tirer profit
du chaos.
La privatisation du pétrole irakien, assure la domination
mondiale des cultures génétiquement modifiés,
en abaissant les dernières des barrières commerciales
et en ouvrant les derniers refuges naturels . . . Il n'y a pas si
longtemps, on cherchait à atteindre ces objectifs par des
accords commerciaux courtois, sous le sobriquet anodin de «
mondialisation. » Maintenant, cet ordre du jour disqualifié
est forcé de rouler sur le dos d'une série de crises,
se vendant lui-même comme une médecine qui sauve la
vie d'un monde dans la souffrance.
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Naomi Klein est une journaliste primée, chroniqueuse syndiquée
à l'international et au New York Times, auteur du best-seller
mondial, La stratégie du choc : La montée d'un capitalisme
du désastre, d'un best-seller antérieur, No Logo,
et de, entre autres, Journal d'une combattante : Nouvelles du front
de la mondialisation.
Original : http://www.thenation.com/doc/20080721/lookout
Traduction libre de Pétrus Lombard pour Alter Info
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