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Origine : http://pmo.erreur404.org/Maxiservitude.htm
I- D'où l'on parle
Qu'on s'en félicite ou qu'on s'en défie, chacun s'accorde
à voir dans la "liaison recherche-industrie" le
moteur de l'économie grenobloise depuis la domestication
de la "houille blanche" en 1869 par l'entrepreneur Aristide
Bergès : ingénieur et patron.
Ce que personne ne voit ou ne veut voir, ce sont les rapports de
production, l'ordre social, les effets sur le milieu et somme toute
l'évolution politique qu'entraîne de cycle en cycle
ce moteur économique. Les uns parce qu'ils y trouvent leur
avantage, si mince et illusoire soit-il. Les autres par aveuglement
véritable ou veulerie enragée. Car ils ne veulent
ni agir suivant leurs idées ni perdre la face en avouant
leurs redditions. Et changeraient-ils d'avis qu'ils le feraient
sans le dire, ou en expliquant encore pourquoi ils avaient raison
d'avoir tort.
Pourquoi s'en prendre au Centre d'Etudes Nucléaires Grenoblois
(CENG), quand un quelconque comité Chiapas vous pourvoit
en bonne conscience à bon marché ? Il est bien plus
judicieux pour un chercheur à l'INRA de s'opposer à
Le Pen qu'aux chimères génétiques ; comme il
est bien plus gratifiant pour un écolo-citoyen de perpétuellement
chicaner les effets de cette liaison recherche-industrie (nuisances,
risques majeurs, abus de pouvoir) plutôt que de dénoncer
cette liaison et par là de s'attaquer enfin aux causes. Mais
il est vrai qu'on quitterait alors l'expertise technicienne pour
la contestation politique, ce qui serait anti-grenoblois.
Ces choses-là ne sont pas mystérieuses. Il n'y a pas
besoin de diplôme pour dire que le roi est nu. Ni que cette
cuvette est le fief d'une techno-caste au règne à
peine troublé de quelques remontrances issues de ses propres
rangs (Ades, Verts, Frapna). Si un ingénieur nucléaire
encadre l'Adès (l'Hadès !… Tout de même
! qui n'a pas tressailli à ce lapsus militaro-mortifère
?), que le directeur général et le chargé de
relations publiques de l'université Joseph Fourier (biotechs
et Biopolis) administrent les Verts entre deux expulsions de gitans,
pourquoi le rédacteur en chef d'Isère Nature (mensuel
de la Frapna) ne serait-il pas aussi l'ex-chargé de com'
de Schneider, conseiller municipal à La Tronche et défenseur
des labos militaires sis sur sa commune ? (cf Isère Nature,
juin 2002)
On finit par en rire. Et si ces banalités égrenées
dans quelques papiers, lors de quelques réunions publiques,
ont pu faire sensation, tout le mérite en revient au silence,
à l'interdit, aux dénégations qui les recouvraient.
Voici trente ans qu'elles auraient pu, qu'elles auraient dû
se dire ; certains avaient commencé dans les années
70 à dénoncer "la fac au service des patrons",
qui par un prodigieux tête-à-queue, célébrèrent
finalement les "grains de technopole" et le "territoire
endogène innovant" (c'est Grenoble). N'importe quel
économiste ou sociologue, dans une ville où ils se
marchent dessus, aurait pu en dire autant à condition d'avoir
la moindre conscience professionnelle. N'importe quels républicains,
révolutionnaires et radicaux, dans une ville où l'on
éclate de bouffissure progressiste, auraient dû en
dire autant, s'ils avaient eu la moindre conscience politique.
Mais voilà des décennies que les uns font carrière
tandis que les autres font des comités Chiapas, braient que
le fascisme ne passera pas, réclament des pilules de sodium
pour les voisins de l'Institut Laüe Langevin ou fustigent "la
fausse conscience" en doctes conciliabules. Sans jamais s'aviser,
les uns que leur carrière mène aux horreurs, les autres
que si les zapatistes avaient passé leur temps à faire
des comités Dauphiné, leur cause n'aurait jamais franchi
les lisières de la forêt Lacandon ; que le fascisme
à front de taureau est une solution archaïque par rapport
à ce qui se mijote dans nos laboratoires technopolitains
; que les pilules de sodium ne suppriment ni les réacteurs
nucléaires ni les nucléocrates ; que fustiger la "fausse
conscience" reste de la fausse conscience tant qu'elle en reste
là.
C'est devant ce constat de mutisme que le premier venu, pour peu
qu'il lui reste un brin d'échine, peut faire œuvre utile
quoi qu'en disant ce que tout le monde tait. D'où l'on voit
qu'il serait abusif d'attribuer à d'autres qu'au simple citoyen
des discours trop communs pour mériter des noms propres.
Ce qui présente le double avantage de retourner le mot de
citoyen contre ceux qui s'imaginent l'avoir déposé,
et de rire des transes radicales à sa moindre mention.
A vrai dire, le titre de simple mitoyen, piéton et résident
de cette mitée, suffisait pour dire ce que n'importe qui
aurait dû dire. La preuve. Et si c'est encore trop, l'on dira
comme tel autre : "C'est un homme ou une pierre ou un arbre
qui va commencer le quatrième chant."
II- La prochaine révolution industrielle
Le temps file cependant, à Grenoble toujours plus vite qu'ailleurs,
toujours avec un temps d'avance, et c'est ici plutôt qu'ailleurs
que se fomente la prochaine révolution industrielle : celle
des nanotechnologies. On parle de Minatec, bien sûr, le méga-projet
européen qui ne se reconnaît que deux rivaux, à
Los Angeles et à Tsukuba (Japon). Minatec en fait n'étant
que la pièce centrale (formation, recherche et applications)
d'un dispositif qui comprend Nanotec 300 (fabrication de plaquettes
de silicium) et Crolles 2 (site de recherche et de production co-fondé
par Philips, Motorola et STMicroelectronics).
Quelques chiffres, ça fait sérieux.
Minatec, de source officielle, c'est 150 millions d'euros d'investissement
(mais Le Point du 4/10/02 dit 170 millions, et Les Echos du 15/04/02,
180 millions d'euros). Soit près de 127 millions d'investissement
public, dont 113 environ des collectivités locales.
On comprend devant ces chiffres que Jean Therme, le directeur local
du Commissariat à l'Energie Atomique, ait rendu un hommage
insistant aux élus de l'Isère pour leur "courage"
et "les risques" qu'ils savaient prendre avec l'argent
public (cf conférence au CRDP de Grenoble le 27/11/02).
De Nanotec 300, Pascal Colombani, administrateur général
du CEA, nous dit que c'est un projet à 400 millions d'euros,
plus du double de Minatec, à négocier "avec les
financeurs potentiels, collectivités locales, industriels,
Etat…" (Le Daubé, 01/06/02)
Enfin Crolles 2, c'est 2,8 milliards d'euros d'ici 2007, le plus
gros investissement industriel en France depuis la construction
des dernières centrales nucléaires, "grâce
à des aides publiques massives atteignant 543 millions d'euros
(395 de l'Etat et 148 des collectivités locales)" selon
l'AFP (12/04/02).
Soit au bas mot 3,350 milliards d'euros dans les nanotechnologies
grenobloises, dont 670 millions d'argent public, comprenant 261
millions de financement local - hors Nanotec 300, bien sûr,
dont le montage reste à négocier.
Commence-t-on à voir tout le prix que nos technarques attachent
à ces projets ? Et s'il se trouvait encore des citoyens assez
simples pour croire à leur "démocratie",
n'auraient-ils pas dû débattre avec eux de ces colossales
largesses, au lieu d'en trancher entre élus ? Las, même
sur cette question de gros sous qui touche à leur fonds de
commerce, les économes de l'Adès n'auront pas dépassé
une courageuse abstention de vote.
Quant aux ressources humaines et matérielles, elles seront
à la hauteur de ces crédits mirifiques.
Minatec : 60 000 m2 de bâtiments sur le Polygone scientifique,
4500 profs, ingénieurs, étudiants, etc.
Nanotec 300 : 150 chercheurs et "un nouveau bâtiment
évolutif" avec des salles blanches.
Crolles 2 : 5000 m2 de salles blanches, 550 chercheurs, 650 ingénieurs
et techniciens et 4500 emplois indirects (sous-traitants, sous-traités,
etc).
A quoi s'ajoutent "les 4 milliards d'euros déjà
mobilisés en dix ans par les acteurs de la filière
microélectronique avec le soutien des collectivités
locales", "une filière innovante" avec dans
la cuvette 3000 chercheurs qui déposent chaque année
300 brevets de portée mondiale, 15 000 salariés répartis
dans 200 établissements, les plus grandes firmes du secteur
(Atmel, STMicroelectronics, Philips, Motorola, Infineon, On Semiconductor,
Soitec, Memscap, Thales, ASML, Applied Materials, Silvaco, Air Liquide,
Synopsis), "plus de 25 start up à fort potentiel"
créées dans les cinq dernières années
(Tronics, Apibio, Team Photonics, Iroc Technologies, Xenox, Opsitec,
Polyspace…). Ladite filière s'adossant par ailleurs
à 220 laboratoires, 5 centres de recherche, etc (cf Lettre
de Minatec, n°4, sept 02).
Il est vrai que certains contestent cette nanovision. Le secteur
des nouvelles technologies compte 35 000 salariés à
Grenoble. Depuis la ZIRST de Montbonnot, Jean-Pierre Verjus, dircom'
de l'Institut National de Recherche en Informatique et Automatique
(INRIA) proclame que "parler de Grenoble comme de la capitale
des nano et microtechnologies est une erreur stratégique.
L'industrie des logiciels emploie la moitié des effectifs
dans les high tech du bassin d'emploi. Surtout les logiciels sont
devenus indissociables du matériel. Dans un téléphone
mobile, il y a autant de puces que de logiciels. Mieux vaut nous
présenter comme la capitale du numérique." (L'Essentiel
de Grenoble et de l'Isère, 7/02/01)
De leur côté, Raymond Avrillier et Christine Garnier,
écologistes grenoblois, estiment au conseil de la Métro
que "les créations d'emplois prévues à
Minatec (1200 chercheurs publics, 1000 emplois industriels directs)
sont surestimés, qu'il n'y a pas de financeurs privés
alors que cet argent public va bénéficier entre autres
à des entreprises privées – les start up –
qui vont peut-être, par la suite, partir ailleurs faire bénéficier
d'autres territoires (notamment le Voironnais) de leurs taxes professionnelles."
(Le Daubé 22/12/01)
Alors ? Grenoble est-elle la capitale du nano ou du numérique
? Devons-nous guerroyer contre les félons voironnais qui
braconnent nos taxes professionnelles ? Et si les nécrotechnologies
créaient bel et bien de l'emploi, de la croissance, des revenus,
devrions-nous en vouloir pour autant ?
Ceci dit pour rappeler aux lecteurs du Monde Diplomatique, aux voyageurs
de l'anti-mondialisation, aux pourfendeurs de la marchandisation,
où ils vivent et de quoi ils vivent, eux qui prétendent
un peu vite que leurs vies ne sont pas à vendre. Si ces étourneaux
sautillent et se dispersent d'une action à l'autre, suivant
l'actualité du jour, les maîtres du monde qu'ils disent
combattre savent bien, eux, où se trouve le front. Ils savent
où concentrer leur effort de guerre pour ouvrir au marché
de nouveaux espaces, de nouveaux profits, et surtout de nouveaux
pouvoirs. "Le Vivant, nouveau carburant de l'industrie",
nous explique sur quatre pages Le Monde du 10 septembre 2002. "A
l'aube du XXIe siècle, les progrès obtenus dans l'ingénierie
à l'échelle nanométrique des organismes vivants
permettent d'extraire la même brique de base, la molécule
de carbone, et de la transformer, comme le fait la pétrochimie,
en lessives, textiles, plastiques, carburants, etc."
"La commission (NDR européenne) veut promouvoir les
nanotechnologies", rapporte le Pan European du 15 juin 2002.
"… c'est la raison pour laquelle l'exécutif de
l'Union européenne a décidé de lui allouer
700 millions d'euros au titre du 6e programme cadre de Recherche
et Développement (2002-06). Ce thème devrait faire
l'objet d'une journée d'information présidée
par le commissaire européen chargé de la Recherche,
Philippe Busquin, le 14 juin à Grenoble (France), au centre
de recherche de pointe du CEA-Minatec… Avec les contributions
du secteur privé, l'investissement global devrait atteindre
un milliard d'euros."
Le gouvernement américain, de son côté, injecte
chaque année 600 à 700 millions de dollars dans ce
secteur.
Tim Harper, directeur exécutif de l'European Nanobusiness
Association, note sobrement : "Le montant communément
accepté du marché mondial des nanotechnologies en
2015 est au-dessus d'un trillion d'euros." Mille milliards
si l'on préfère. Soit un quarantième du PIB
de la planète en 2000 (Courrier de l'Unesco, nov. 2000).
Mais encore une fois, c'est l'intention qui compte, la maîtrise
de la matière, et non l'argent qu'on y met.
On s'étonne d'autant plus d'avoir à insister sur ce
mécanisme que la "liaison recherche-industrie"
est une idée reçue du capitalisme, depuis la machine
de Watt (1736-1819) et la première révolution industrielle.
Grenoble ne se signalant que par un certain paroxysme, une obsession
locale, faute de matières premières ou de possibilités
commerciales, de devenir ce fameux laboratoire où les techno-rats
s'enorgueillissent tant d'expérimenter les effets de la technification
du monde.
"Ce qui se joue à Grenoble est réellement essentiel
pour l'avenir de notre économie. Ces retombées iront
bien au-delà des quelques 8000 emplois que Crolles 2, Minatec
et Nanotec créeront dans les prochaines années. C'est
l'affirmation de la volonté de l'Europe d'occuper une position
stratégique sur l'échiquier mondial des technologies
majeures qui façonnent le XXIe siècle." (Pascal
Colombani, administrateur général du CEA, in Lettre
de Minatec n°4, sept 02).
III- Découvrons les nanotechnologies
Mais qu'est-ce que les nanotechnologies finalement, et en quoi
servent-elles ce projet ? Le préfixe "nano" fait
référence au milliardième de mètre,
soit environ un cent millième de l'épaisseur d'un
cheveu. Né en 1981 dans le laboratoire d'IBM à Zürich,
le microscope à effet tunnel est le premier outil à
avoir permis l'observation de la matière à l'échelle
de l'atome, entre 0,2 et 0,3 nanomètre. A l'aide d'une sonde
métallique, il "palpe", la surface à étudier
en mesurant les interactions entre la pointe de la sonde et les
atomes de l'échantillon, dont il reconstitue l'image par
ordinateur avec une précision de 0,01 nanomètre. Avec
cet instrument, voir c'est toucher. Il devient possible de manipuler
des atomes, un par un, pour dessiner par exemple le logo d'IBM à
l'aide de 35 atomes de xénon.
La nanotechnologie concerne la fabrication et la reproduction de
mécanismes et de produits élaborés de toutes
pièces à partir d'atomes ou de molécules. Le
matériel génétique et la matière inerte
deviennent ainsi des jeux de Légo manipulables à volonté,
dans les nano-usines du futur. Exactement comme la nature produit
des arbres, des montagnes et des êtres vivants avec de la
matière première moléculaire. Il ne s'agit
plus de refaçonner les éléments puisés
dans l'environnement mais bel et bien d'instaurer une nouvelle nature
: des nanorobots capables d'auto-reproduction et programmés
pour assembler atome par atome les matériaux qui transformeront
l'eau en vin, le charbon en diamant, etc. Modifier un matériau
à l'échelle macroscopique, c'est en effet changer
radicalement ses priorités. On sait que les propriétés
de nombreux matériaux naturels aux qualités mécaniques
exceptionnelles tiennent en bonne partie à leur structure
à l'échelle nanométrique, et non à leur
seule composition chimique. Ainsi les nanotubes de carbone, dotés
de propriétés extraordinaires, permettent de fabriquer
des diodes et des transistors de taille moléculaire. Outre
l'ordinateur miniature, ils pourraient donner naissance à
des matériaux composites d'un type nouveau, des câbles
souples ultra-résistants ou des conteneurs d'hydrogène
liquide.
La nanotechnologie est à la matière inerte ce que
la biotechnologie est au vivant. La recherche sur les nanotechnologies
s'intéresse actuellement surtout aux molécules de
carbone, mais elle pourrait s'étendre à la table complète
des éléments. Entre 10 et 100 nanomètres notamment,
la nature réalise de nombreuses machines moléculaires.
Les virus sont des robots chimiques, les bactériophages,
des nano-machines, les flagelles des spermatozoïdes, des micro-moteurs
biologiques. D'où la continuité entre bio et nanotechnologies,
aboutissant aux nanobiotechnologies. Les chercheurs savent déjà
manipuler des bactéries pour leur faire produire des substances
particulières, notamment médicamenteuses. En manipulant
atomes et molécules un à un, on revient au stade antérieur
à l'apparition de la vie. Autrement dit, si je peux rassembler
comme je veux atomes et molécules, je peux créer une
autre vie. Virus artificiels, connexions entre nerfs et ordinateurs,
transparence absolue du génome, machines microscopiques et
donc invisibles, biopuces pour effectuer des tests biologiques ou
génétiques en un clin d'œil et avec un encombrement
minimal. Une compagnie d'assurance ou un employeur pourrait ainsi
déterminer instantanément les prédispositions
génétiques d'un individu, à l'aide d'une infime
prise de sang (compression de Libération du 2-3/12/00, de
Science et Vie de février 2000, janvier 2001, octobre 2002
et de Défis du CEA, mai-juin 2002).
Dans l'immédiat c'est en électronique, pour la fabrications
des "puces", que s'imposent micro et nanotechnologies.
Une puce est une plaquette de silicium sur laquelle sont gravés
les composants élémentaires, les transistors, qui
par extension ont donné leur nom aux postes de radio de l'époque
yéyé. Depuis 1975, le nombre de transistors par plaquette
de silicium double tous les 18 mois, de 2300 jadis à 55 millions
aujourd'hui, tandis que leur prix chute verticalement. En 1973,
le coût d'un million de transistors équivalait à
celui d'une maison : 76 000 € ; en 2005, il ne vaudra plus
que le prix d'un Post-It : 0,004€. Concurrence oblige. Mais
inversement le volume des investissements nécessaires pour
suivre une telle croissance double tous les quatre ans. A tel point
que l'industrie de l'électronique est devenue la plus coûteuse,
devant l'automobile et le nucléaire (cf Chroniques du CEA,
n°7, mars 2002). "Les budgets investis ont doublé
en dix ans", confirme Joël Monier, directeur de la R&D
de STMicroelectronics (Isère Magazine, mai 2002). Dans Le
Monde, il estime que ce coût a été "multiplié
par dix en trois ans". On ne dispose pas du chiffre énoncé
dans une troisième interview, mais bref, le financement est
si élevé qu'il contraint certains groupes à
s'allier pour éviter que la concurrence ne conduise prématurément
au monopole. C'est pour fabriquer des puces que ST, Philips et Motorola
ont bâti leur usine de Crolles 2, à 3 milliards d'euros.
c'est pour mettre au point les nouvelles technologies du silicium
que le CEA bâtit Nanotec 300, son centre de recherche à
400 millions d'euros. Et c'est pour dépasser le silicium,
grâce aux nanopuces, aux transistors moléculaires,
aux ordinateurs à ADN (cf Demain le nanomonde, Jean-Louis
Pautrat, éditions Fayard), que ce même CEA allié
à l'INPG nous inflige son Minatec à 150 ?… 180
millions d'euros ? Avec l'appui du ministère de la Recherche
et du commissaire européen à la Recherche. Comprenons
bien : avec 208 milliards de dollars en l'an 2000, le marché
des composants est le premier au monde (cf Chroniques du CEA, n°71,
mars 2002).
Mais pourquoi tant de puces ?
IV - A quoi servent les nanotechnologies ?
Le Pan European du 15/06/02 nous résume. "La nanotechnologie
permet déjà de nouvelles applications dans des secteurs
aussi divers que les technologies de l'information (TI), l'industrie
automobile, les cosmétiques, les produits chimiques et les
emballages. Elle devrait également ouvrir la voie à
de nouvelles applications et favoriser le développement de
nouveaux secteurs industriels. Le stockage et la distribution d'énergie,
la détection, les mesures et les essais, les processeurs
et les techniques d'affichage, la bio-analyse et l'administration
des médicaments, la robotique et les appareils médicaux
figurent parmi les secteurs les plus prometteurs."
On croirait entendre le Senhor Olivares, le blanc-qui-vend-tout,
dans les albums de Tintin. Ne sommes-nous pas ces sauvages que les
trafiquants dépouillaient de leurs richesses et de leur liberté
en échange de leur camelote; gris-gris, verroteries, eau-de-feu
? Ne sommes-nous pas ces gogos que Pérec décrivait
dans Les Choses (une histoire des années soixante) et qui
comblent d'objets fétiches, leur vide intérieur ?
Ce futur est tellement obsolète que nous imposent nos technarques.
Quand on entend Jean Therme et ses pareils nous agiter leur pacotille
sous le nez, outre la honte que l'on ressent d'être à
ce point insulté, on ne peut s'empêcher de songer que
c'est justement à ces achats de pacotille, qu'ils mesurent
"le moral des ménages". Que leur bonheur, c'est
décidément le taux de croissance. On songe encore
aux pathétiques appels à la "consommation patriotique"
qui aux Etats-Unis et en France suivirent les attentats du 11 septembre
2001. A Bush le père, déclarant "non-négociable"
"notre niveau de vie", alors qu'il faudrait 12 planètes
comme la nôtre d'ici 2050 pour étendre au reste du
monde ce "niveau de vie", sous lequel déjà
succombe la terre. (cf Silence n°280, fév 2002)
Mais qu'importe puisque nos technarques ont inventé le feu
rafraîchissant et le développement durable ? Puisque
Jean Therme, directeur de cette "entreprise citoyenne"
qu'est le CEA, a signé avec l'Ademe (Agence de l'environnement
et de la maîtrise de l'énergie) un "partenariat"
pour "optimiser" ses "gestions de déplacements
et d'énergie". (Le Daubé. 27/03/02) Ce qui somme
toute ne peut pas faire plus de mal qu'un sparadrap sur une jambe
de bois.
Quand on lit la propagande des nanotechnologies dans leurs dossiers
de presse, dûment régurgités par celle-ci, que
l'on a deux fois assisté au même numéro communicationnel,
avec les mêmes transparents, de Jean-Charles Guibert (responsable
des programmes de partenariat à Minatec) ou de Jean Therme
(directeur du CEA-LETI), on reste finalement effaré de ce
qu'ils nous offrent pour vendre leurs projets.
A quoi servent les puces ? A tout. Vous aurez tout pour rien : une
cafetière (1 puce), un pèse-personne (1 puce), une
carte bancaire (1 puce), un radio-réveil (3 puces), un auto-radio,
un organizer (6 puces), une télé, un portable (10
puces), un micro-ordinateur (50 puces !), sous oublier la sempiternelle
607 Peugeot-qui-embarque-autantd'électro-nique-qu'un-Airbus-d'il-y-a-dix-ans.
"Demain de nouveaux produits bourrés de composants électroniques
miniaturisés envahiront notre quotidien" nous avertissent
les Nouvelles de Grenoble (sept 2002). "Nos mobiles deviendront
de véritables instruments multimédias connectés
à Internet. Nos stylos communiqueront à distance avec
des ordinateurs. Santé, mais aussi matériaux, vêtements,
voitures… plein de domaines bénéficieront d'améliorations
encore insoupçonnées ou de totales transformations."
Minatec : Maxitoc.
Et Chronique (trimestriel du CEA Grenoble) de renchérir numéro
après numéro, nous promettant "des jeux vidéos,
des télécommandes, des téléphones du
3e type, l'écharpe multimédia, des biopuces etc"
qui "changeront en profondeur notre vie quotidienne" (n°69,
p.6)
Sans doute. Et à elle seule cette prédiction justifierait
un de ces débats-spectacles dont la société
du même nom a le rituel. Mais il est typique de nos technarques
de changer d'abord "en profondeur notre vie quotidienne",
puis de nous communiquer ensuite, le caractère souhaitable
et souhaité de ces changements.
Science et Vie d'octobre 2002 ajoute au catalogue : des disques
durs à haute densité, de l'anti-polluant pour diesel,
du verre auto-nettoyant, du béton ultra-haute performance,
des "boîtes quantiques" pour suivre à la
trace les protéines d'une cellule, tandis que Isère
Magazine de décembre 2002 nous rabâche encore l'écharpe
et le frigo "communicants" (et d'ailleurs qu'ils se débrouillent
entre eux, ces objets n'ont plus besoin de nous) ou l'étiquette
de supermarché "intelligente", quoique son QI n'ait
pas été divulgué.
V- Grenoble et les nano-armes
Quand elles ne sont pas futiles, les applications des nanotechnologies
sont effroyables. Aussi nos technarques communiquent-ils le moins
possible sur le côté militaire et policier de leurs
technologies duales. Pour compenser, on reproduira in extenso, cet
articulet du Daubé paru le 3 avril 2001 :
"Les microtechnologies, un enjeu de taille pour la Défense.
La journée "Science et Défense" menée
par la Direction Générale pour l'Armement, inaugurait
hier les 2e rencontres internationales des micro et nanotechnologies,
Minatec 2001, qui se déroulent au World Trade Center jusqu'au
6 avril.
"La pertinence d'une journée "Science et défense"
dans le cadre de la semaine Minatec, provient du fait que les performances
de nombreux équipements et systèmes de défense
dépendent très directement des caractéristiques
et de la disponibilité des composants issus de la microélectronique
et des microtechnologies. Une tendance renforcée par l'évolution
de ces mêmes technologies qui génère des améliorations
majeures de performances, économiques ou techniques, voire
des ruptures dans l'architecture ou les concepts d'emploi."
Une introduction de Laurent Malier, responsable du départements
Composants de la Direction Générale pour l'Armement,
pour mettre en lumière le rôle déterminant des
technologies dans les systèmes de défense (missiles,
éléments structuraux, radars…)
Cette journée était l'occasion d'exposer, aux quelques
200 congressistes, les priorités déduites des besoins
de défense et ce, par le biais de différentes conférences
réparties selon trois grandes thématiques: microtechnologies
pour l'électronique et le traitement du signal, capteurs
intégrés pour la maîtrise du renseignement et
enfin, matériaux et structures "intelligents" ou
nanostructurés.
L'objectif ? Tisser des liens pour une prise en compte optimale
des besoins de défense.
Avec, en 2000, près de 90 MdF de commandes passées
à l'industrie (niveau record depuis dix ans), un investissement
en recherche et développements technologiques sur les trois
dernières années représentant plus de 300 MF
dont environ un tiers portant sur les technologies génériques,
la Direction Générale pour l'Armement vise à
devenir un acteur majeur de l'Europe de la Défense, tant
au niveau de la conception des programmes d'armement que de leur
réalisation.
Un objectif auquel cette journée devrait contribuer, sans
compter sur le fait qu'elle propulse également Grenoble au
rang de capitale internationale.
Pourquoi avoir choisi la capitale dauphinoise ? Pour son rayonnement
mondial à travers ses nombreux laboratoires, centres de recherches
et universités qui constituent une source inépuisable
d'innovations dans laquelle la Direction Générale
pour l'Armement pioche régulièrement. Un choix qui,
selon Laurent Malier, s'est imposé tout naturellement."
Tout naturellement.
On imagine en effet "le rayonnement mondial" de notre
"capitale internationale" quand des populations d'Irak,
du Liban, du Kurdistan et autres Palestines reçoivent sur
la tête ces "matériaux et structures "intelligents"
ou nanostructurés", dont nos laboratoires, centres de
recherches et universités "constituent une source inépuisable".
C'est là qu'on mesure toute la pertinence de ces internationalistes
qui loin de se concentrer sur des mesquineries locales, combattent
par procuration dans des guerres lointaines. Et il doit être
bien doux pour ces bombardés exotiques de savoir qu'à
Technopolis, après une dure semaine au service de "l'innovation",
le progressiste grenoblois trouve encore la force de manifester
contre leur massacre.
Dans La Guerre au XXIe siècle (Editions Odile Jacob, janvier
2000) un certain Laurent Murawiec, ex (?) militant d'extrême-droite,
ex-consultant du ministère de la Défense et chargé
de conférences à l'EHESS, désormais analyste
à la Rand Corporation, la boîte à idées
du Pentagone, disserte sur "Mems, robots et silicone"
(cf p.183)
"Les MEMS (NDR Systèmes Micro-Electro-Mécaniques)
sont les premières générations de micro-machines
: il s'agit de capteurs et de moteurs miniatures de la taille d'un
grain de poussière dont les prototypes entrent déjà
en service aujourd'hui dans l'industrie (…) L'airbag qui équipe
les voitures comporte un détecteur de mouvement de la taille
d'un cheveu; ce petit morceau de silicone détecte une accélération
brutale du véhicule avant de déclencher le gonflement
du ballon.(…) Plus l'ingénierie au niveau atomique,
déjà courante, maîtrisera la construction atome
par atome, plus on pourra passer du niveau microscopique au niveau
du nanomonde, de l'infiniment petit. Plus tard, après 2020
peut-être, ce seront les machines moléculaires qui
prendront leur essor, capteurs moléculaires, nanotubes de
carbone à partir desquels on construira des transistors moléculaires…
La Défense se sera emparée de ce nouveau microcosme
pour y porter l'attaque et la défense. Une application des
MEMS actuellement à l'étude serait une "poussière
de surveillance" qui serait vaporisée au-dessus d'un
champ de bataille, ou d'une aire sous observation;(…) Les
pionniers de la technologie des MEMS, les utilisent déjà
dans l'aéronautique pour améliorer la portance des
ailes des avions en réduisant les turbulences.(…)
La technologie MEMS a et aura des applications militaires multiples:
elle contribuera à rendre l'obus "intelligent",
à stabiliser les missiles (un MEMS à 20$ au lieu d'un
gyroscope à 1000$ !), à améliorer l'analyse
des menaces (en remplaçant les spectomètres de laboratoires
à 17 000 $ l'unité) (…)
La robotique de bataille a devant elle un brillant avenir. Contrairement
aux anticipations de la science-fiction, il s'agit moins de robots-guerriers
que de petits robots légers, peu coûteux, versatiles,
monofonction, micro ou nanorobots utilisés comme capteurs
ou transmetteurs, ou comme armes hautement spécialisées.
Les chercheurs ambitionnent de faire coopérer ces micro-unités
sous la forme de réseaux neuronaux de bataille.(…)
Le triage et la modélisation des données seraient
effectués par une architecture englobante d'intelligence
artificielle (…)
Les androïdes de la science-fiction viendront plus tard, les
androïdes de guerre en particulier, avec le développement
de la puissance de calcul, des réseaux neuronaux, de la reconnaissance
de forme et des capacités de simulation. C'est donc la robotique
plus que les robots qui sera exploitée par la guerre (…)
On passera ensuite aux ordinateurs à molécules d'ADN
pour exploiter leurs prodigieuses capacités de stockage.
On passera également aux ordinateurs quantiques, et finalement
à la bionique, c'est à dire à l'intégration
directe entre l'homme et la machine – qui fait aujourd'hui
ses premiers pas en chirurgie, pour donner aux tétraplégiques
la capacité de mouvoir un curseur d'ordinateur par la pensée,
c'est à dire par l'intermédiaire d'un entrelacement
de l'organique et du silicone au niveau neuronal."
Certes, quand la guerre devient chirurgicale, la moindre des choses
est que la chirurgie répare ensuite ses dégâts
et serait-on tétraplégique, qu'on rêverait sans
doute de cette prothèse intégrée. Mais à
supposer que ladite prothèse ne soit pas un pur leurre, on
voit comme les nécrotechnologies avancent toujours sous couvert
civil, humanitaire ou médical. Ce qui avait conduit le mathématicien
Grothendieck, médaille Fields 1966, à renoncer et
appeler au renoncement à toute recherche . Les plus abstraites
portant leurs applications en elles, comme la nuée l'orage.
On n'a pas ici de ces vains scrupules et la technocom grenobloise
s'égosille à célébrer Tronic's et PHS
Mems, deux "essaimages" du CEA-LETI fabricants de MEMS.
Créée en 1997, Tronic's va augmenter sa capacité
de production de quelques milliers de capteurs à plusieurs
millions par an. Tronic's bénéficiera pour cette opération
d'une aide exceptionnelle de 275 000 € du conseil général
de l'Isère. La société emploie 20 personnes
et a réalisé en 2001 un chiffre d'affaires de 1,5
M€ (Lettre de Minatec n°3, avril 2002). Mais la perle de
"l'essaimage" grenoblois, la gloire des start up locales,
c'est Memscap, un scion de l'INPG (Institut National Polytechnique
de Grenoble). "Sans-fil et optique pour Memscap" (Le Monde
31/01/02). "MEMS, comment des microsystèmes ont fait
la fortune d'un chercheur grenoblois" (Objectif Rhône-Alpes,
avril 2001). "Memscap, une réussite grenobloise"
(Le Daubé, avril 2002) "Memscap vers le futur"
(Le Daubé 5/11/02). On ne reproduira pas tout le press book
mais puisque le technogratin se rengorge sur la valeur exemplaire
de cette boîte, autant s'y arrêter un peu.
A l'origine de cette parabole, Jean-Michel Karam, un étudiant
de l'Esiee (Ecole Supérieure d'Ingénieurs en Electrotechnique
et Electronique, à Paris) et du laboratoire Tima (Techniques
de l'Informatique et de la Microélectronique pour l'Architecture
des ordinateurs) de l'INPG. "Quand je suis arrivé dans
ce laboratoire en 94, j'ai tout de suite créé un groupe
de recherche spécialisé dans les Mems qui est devenu
rapidement le premier laboratoire public à faire des produits
technologiques pour l'industrie. C'est là que j'ai vu qu'il
y avait un marché énorme et que c'était le
moment de monter ma boîte. Du coup, j'ai quitté mon
poste de chercheur où j'avais la sécurité de
l'emploi pour lancer Memscap." (Objectif Rhône-Alpes,
avril 01)
Détail touchant, Karam "débauche" le prof
qui l'avait poussé dans cette voie, retour de "débauche"
en somme. En 1997, à 27 ans, il lance Memscap avec 400 000
F de fonds propres et 12 millions de frs de filiales de France Telecom
et de la Banque Populaire. En avril 2000, il "lève"
encore 72 millions de frs auprès des mêmes et d'un
groupe suisse. En avril 2001, "il crée la surprise en
levant 760 millions de frs alors que le Nasdaq est au plus bas."
"Même si aujourd'hui Memscap ne réalise que 20
millions de frs de chiffre d'affaire avec 100 salariés, cette
entreprise est valorisée en bourse à 2,8 milliards
de frs. Et ce n'est qu'un début pour son PDG, Jean-Michel
Karam qui affiche sans complexe son ambition : devenir le leader
mondial dans son secteur." (id)
Un an plus tard, c'est chose faite et le Daubé revient sur
"le fabuleux destin de la jeune entreprise". Implantée
dans huit pays. Présente sur tous les marchés. Disposant
déjà de 73 brevets. Avec une nouvelle usine à
520 millions de francs, construite à Bernin dans le Grésivaudan
et un chiffre qui double chaque année. Dans moins de cinq
ans, Memscap vaudra au moins des dizaines de milliards de dollars
selon Jean-Michel Karam. "Dans l'une des salles de conférence
situées au rez-de-chaussée de l'immense et toute nouvelle
usine –la "fab"- du spécialiste des "Microelectromechanicals
Systems", et en présence du consul général
des Etats-Unis à Lyon, Cameron Scott Thomson, on fait le
point sur le marché mondial de ces étonnants micro-composants
électroniques qui croît sans faiblir, sur les perspectives
de Memscap, sur ses résultats du troisième trimestre."
(Le Daubé 5/11/02)
Principaux clients ? La Nasa, Kodak, Microsoft, Motorola, Bosch,
Xerox, Samsung et STMicroelectronics. "Rappelons que les MEMS
de la société rebondissent dans les secteurs des communications
sans fil et optiques, du médical et du biomédical,
de l'aérospatial et du militaire." (id)
Rebondissons. Comme le dit Jean-Charles Guibert, "ambassadeur
itinérant de Minatec" : "La vocation in fine, c'est
de créer de l'industrie et des emplois" (Chronique du
CEA n°73, automne 2002). Comme le répète Vincent
Comparat, simultanément directeur de recherches à
l'Institut des Sciences Nucléaires et du Rouge et le Vert,
bulletin de l'Ades : "Minatec(…) Les recherches effectuées
ne sont pas pilotées par des intérêts militaires
(même si elles peuvent avoir des implications militaires)
et ne posent pas à priori de problèmes d'éthique
importants. Elles visent à assurer à Grenoble une
position de leader sur les développements futurs dans les
micro et nanotechnologies.(…) C'est la poursuite du modèle
de développement grenoblois qui a été une réussite
par le passé, et qui avait tendance à s'essouffler
à cause d'une concurrence beaucoup plus forte d'autres pôles
universitaires et de recherche. C'est aussi la poursuite du modèle
qui associe recherche, formation et transfert vers l'industrie.
De ce point de vue les collectivités, conseil général,
Métro et Ville de Grenoble, se devaient de soutenir fermement
cette initiative." (Le Rouge et le Vert N°84 fév/mars
2002)
En somme "le développement grenoblois" (recherche,
industrie, emplois) n'a pas d'odeur. Notre niveau de vie n'est pas
négociable. Les comparatistes ne voient nulle objection aux
nanotechnologies tant qu'elles servent à remplir les magasins
d'électro-ménager. Et ces gens qui sont pourtant les
mieux placés pour savoir (écolo-citoyens, mais aussi
scientifiques, économistes, sociologues etc.), ignorent ce
que sait n'importe quel lecteur du Daubé : "Le rayonnement
mondial" de notre "capitale internationale", "à
travers ses nombreux laboratoires, centres de recherches et universités
qui constituent une source inépuisable d'innovations dans
laquelle la Direction Générale pour l'Armement pioche
régulièrement."
Où l'on voit que le "développement grenoblois"
était du "développement durable" avant la
lettre.
VI – La robotique folle
C'est bien l'avis de Geneviève Fioraso (adjointe au développement
économique, à l'innovation, au commerce et à
l'artisanat à la ville de Grenoble), qui n'est pas une techno-dinde
puisqu'elle parle couramment l'anglais, et même en chaque
occasion. Dans chacun de ses glougloutements, respectueusement reproduits
par les Affiches (31/05/02), Le Daubé (18/09/02), les Nouvelles
de Grenoble (sept 2002), elle nous serine : "A Grenoble, innover
pour développer les emplois, les services et la culture des
nouvelles technologies".
"Le numérique, des micro et nanotechnologies aux services
sur Internet en passant par le développement logiciel, les
multimédias, la robotique et les télécommunications
: plus de 30 000 emplois directs aujourd'hui dans l'agglomération,
les biotechnologies, les nouvelles technologies de l'énergie."
Notons au passage ce techno-pidgin : ces gens parlent comme ils
pensent, en style télégraphique. Et intéressons-nous
à la robotique en effet proliférante dans la cuvette.
Que ce soit à l'INRIA (Institut National de Recherche en
Informatique et Automatique), à l'INPG et bientôt à
Minatec. Peu importe que cette robotique soit "civile"
ou "militaire", que ces automates soient soudeurs, guerriers,
chirurgiens ou polyvalents, quand leur destin réside dans
la volonté de leurs ingénieurs. Ainsi le laboratoire
Intelligent Autonomous Systems de Bristol (Grande-Bretagne- a mis
au points des slugbots, des robots carnivores qui chassent les limaces
et les broient pour en tirer l'énergie nécessaire
à leur alimentation. Pourquoi des limaces ? "Pour débuter
nous n'avions pas la prétention de construire un robot puma
capable de chasser un zèbre, explique Ian Kelly, chercheur
en fin d'études qui refuse d'être pris en photo après
avoir avoué qu'il craint des représailles des associations
de défense des animaux." (Science et Vie, nov 2000).
A défaut de les dévorer, les robots chasseurs d'hommes
(drones) survolent déjà certaines régions pour
tuer leurs proies à l'improviste et nul doute qu'on ne les
emploie toujours plus au maintien de l'ordre. Il semble cependant
que leur malfaisance augmente avec leur miniaturisation. Si les
chercheurs nous leurrent avec "des machines à récurer
les artères, des correcteurs de gènes, des tueurs
de virus et de tumeurs, des puces mille fois plus puissantes que
les ordinateurs actuels, des capteurs d'énergie solaire à
haut rendement ou des armées de milliards de robots capables
de dépolluer sols et nappes phréatiques" (Libération,
2-3/12/00), il s'en trouve au sein du système pour trahir
leur effroi.
"Les technologies que je pointerais du doigt comme particulièrement
inquiétantes pour les cent prochaines années sont
les nanotechnologies, l'intelligence artificielle et les biotechnologies
(…). Avec les nanotechnologies (c'est-à-dire la possibilité
de créer des robots minuscules capables de manipuler directement
les atomes) se pose le problème de la masse visqueuse grise
: ces nano-entités pourraient se multiplier jusqu'à
réduire le monde à une masse gluante. Quant aux biotechnologies,
il est évident que nous avons là un gros problème,
car elles se rapprochent des nanotechnologies et de l'intelligence
artificielle. Une fois que nous aurons commencé à
implanter des nanotechnologies dans des organismes et que nous nous
mettrons à élever des bactéries à capacités
nanotechnologiques, nous serons en mesure d'aller bien plus loin
que le Borg (un être monstrueux amalgame de technologie et
de chair) de Startrek. Et ces organismes surhumains pourraient ne
pas beaucoup nous aimer…" (Ian Pearson, chercheur en
cybernétique. New Scientist dans Courrier International,
oct 02).
"L'impact des technologies de l'information sur les cinquante
prochaines années sera plus important que tout ce que nous
connaissions jusqu'alors, puisque les ordinateurs nous permettront
de modéliser puis de transformer le monde physique. Le Human
Genome Project marque les débuts de la biologie en tant que
science de l'information, et la nanotechnologie, qui offrira les
moyens de concevoir et de manufacturer des produits à l'échelle
de l'atome, n'est pas loin derrière (…). Ces nouvelles
sciences du XXIe siècle – génétique,
nanotechnologie et robotique (nous abrègerons en GNR) –
pourraient bien créer une masse gigantesque de nouvelles
richesses, peut-être de l'ordre d'un million de milliards
de dollars. Cette prodigieuse création de richesses, accompagnée
des autres impacts des nouvelles technologies, débouchera
sur des changements infiniment plus importants que ceux des deux
premières phases de la révolution industrielle (…).
Très certainement, l'ingénierie génétique
pourra permettre l'eugénisme, ce qui nous obligera à
décider qui nous voulons être ; les spécialistes
de la nanotechnologie pourront changer arbitrairement le monde physique,
et il nous reviendra de décider dans quel genre de monde
nous souhaitons vivre ; les ingénieurs de la robotique pourront
mettre en marche des machines plus puissantes et plus intelligentes,
dont le pouvoir nous menacera, de sorte que nous devrons décider,
avant de créer de telles espèces, si nous (du genre
homo sapiens) voulons continuer à exister (…).
Grâce aux biotechnologies, les nanotechnologies seraient à
même de détruire la biosphère, une armée
de robots complètement cinglés comme nous n'en voyons
encore que dans les films pourrait débouler (…). Plus
encore, certaines technologies sont si dangereuses – les nanotechnologies
illimitées, par exemple – que nous devrions purement
et simplement en interdire la pratique, comme le reconnaissent certains
des nanotechniciens les plus en pointe" (Libération,
24/08/00).
L'auteur de ces lignes, Bill Joy, est directeur scientifique et
co-fondateur de Sun Microsystems, l'une des plus grosses boîtes
d'informatique américaines, il a été nommé
vice-président du Comité présidentiel consultatif
des technologies de l'information des Etats-Unis, créé
pour servir de "guide et de conseil dans tous les secteurs
de l'information high tech, d'accélérateur du développement
des technologies de l'information, vitales pour la prospérité
américaine du XXIe siècle".
Pour les internautes, il est surtout l'inventeur du langage Java,
"cet incontournable standard du net", dit le Daubé,
dans son compte-rendu d'inauguration du nouveau site de recherche
et développement de Sun Microsystems, voici un mois, à
Montbonnot.
"Pour les personnalités invitées, à commencer
par le préfet, Alain Rondepierre, cette ouverture vient renforcer
"l'intelligence" d'une vallée qui déploie
ses seniors de l'innovation technologique jusqu'à Crolles
et son prometteur triptyque STMicroelectronics) Philips –
Motorola. Une opinion partagée par Jim Mitchell et David
Nelson-Gal, vice-présidents du Sun Microsystems, Richard
Cazenave, député, Bernard Saugey, sénateur,
Mathieu Chamussy, conseiller régional, Edmond Roy, vice-président
du Conseil Général et, bien sûr, André
Eymery, maire de Montbonnot-Saint-Martin…" (Le Daubé,
15/11/02).
Dommage que Bill Joy n'ait pas été là pour
leur faire part de son horreur devant ces "innovations"
auxquelles il contribue pourtant avec ses collègues chercheurs.
Avec Jean-Louis Pautrat par exemple, physicien au CEA-LETI de Grenoble,
l'un des initiateurs de Minatec, qui dans un livre en forme de prophétie
auto-réalisatrice (Demain le nanomonde, J.L Pautrat. Editions
Fayard, 2002), conclut par l'éthico-verbiage de routine,
citant un article de ce même Bill Joy ("Why the future
doesn't need us", Wired, 8/04/00)
"Le comble serait atteint le jour où ces robots deviendraient
capables de se reproduire… Certains, comme Ray Kurzweill (The
Age of Spiritual Machines, Penguin Books, 1999), affirment déjà
qu'il sera possible de fabriquer un calculateur simulant le fonctionnement
du cerveau humain et de ses milliards de neurones. Par une opération
semblable à la copie du disque dur d'un ordinateur, on pourrait
alors transférer au calculateur l'ensemble de l'activité
cérébrale d'un individu. Nous avons aussi montré
que des progrès convaincants avaient été réalisés
dans l'utilisation de l'ADN comme support et programme d'automates
logiques. L'auto-réplication est bien une autre propriété
de l'ADN, voire de certains peptides. Ainsi le gray goo problem
(NDR la matière grise gluante) n'est peut-être pas
tout à fait à exclure du champ des hypothèses.
La menace paraît suffisamment sérieuse à Bill
Joy pour qu'il souhaite voir apparaître une mobilisation des
esprits semblables à celle qui a permis dans la seconde moitié
du XXe siècle, d'aboutir à un relatif mais jusqu'à
présent efficace contrôle des armes nucléaires.
Il en appelle à une prise de conscience des dangers courus
par la société et à une active contribution
des scientifiques à la mission de vigilance. En d'autres
termes, gardons-nous de nous engager dans la mise au point d'entités
capables de s'auto-reproduire, qu'elles soient issues de la robotique,
de la génétique ou de l'association des deux."
(Demain le nanomonde)
Dans son article de Wired, Bill Joy explique ce "gray goo
problem", ce problème de "matière grise
gluante" ou plutôt grouillante qui alarme les technologues
américains. "Concrètement, les robots, les organismes
génétiquement modifiés et les nanorobots sont
unis par un redoutable facteur aggravant : ils ont la capacité
de s'auto-reproduire. Une bombe n'explose qu'une fois; un robot,
en revanche, peut se démultiplier, et rapidement échapper
à tout contrôle."
Si cela vous rappelle "l'apprenti-sorcier", dites-vous
pourtant que nous ne sommes pas dans un dessin animé, que
ces robots ne sont pas de simples balais-porteurs d'eau, et qu'il
n'y aura pas de maître-sorcier pour enrayer le cataclysme
juste à temps.
Tout l'effort de conscience d'un Pautrat consiste à citer
Bill Joy, qui cite Ray Kurzweill, qui cite Theodore Kaczynski, l'un
des plus lucides critiques des nécrotechnologies, mieux connu
sous le nom d'Unabomber. Gagnons du temps : lisons La Société
industrielle et son avenir par Theodore Kaczynski (Editions de L'Encyclopédie
des Nuisances).
Tout l'effort de conscience d'un Bill Joy consiste à suer
son angoisse et ses remords, et à en appeler à la
conscience de ses pairs, pour contrôler les technos folles
qu'ils ont mises au point. La comparaison avec le nucléaire
est lumineuse. Faut-il rappeler à l'honnête Pautrat,
physicien au Commissariat à l'Energie Atomique, que le contrôle
"relativement efficace" de l'arme nucléaire aboutit
à sa dissémination dans 70 pays, en grande partie
grâce à la France et au CEA (cf Affaires atomiques,
D. Lorenz. Editions des Arènes), à l'usage de munitions
à l'uranium appauvri, à la hantise des "bombes
sales" aux déchets radioactifs, sans compter les ravages
de l'atome civil. Mais comme titrait Le Monde au lendemain d'Hiroshima
: "Une révolution scientifique".
Des états d'âme de Bill Joy et Cie, on peut dire ce
que disaient André Breton et les surréalistes à
propos d' Oppenheimer et Cie. "Les protestations contre la
course aux armements que certains physiciens affectent de signer
aujourd'hui, nous éclairent au plus sur leur complexe de
culpabilité, qui est bien dans tous les cas l'un des vices
les plus infâmes de l'homme. La poitrine qu'on se frappe trop
tard, la caution donnée aux mornes bêlements du troupeau
par la même main qui arme le boucher, nous connaissons cette
antienne. Le christianisme et ses miroirs grossissants que sont
les dictatures policières nous y ont habitués.
Des noms parés de titres officiels, au bas d'avertissements
adressés à dees instances incapables d'égaler
l'ampleur du cataclysme, ne sont pas à nos yeux un passe-droit
moral pour ces messieurs, qui continuent en même temps à
réclamer des crédits, des écoles et de la chair
fraîche. De Jésus en croix au laborantin "angoissé"
mais incapable de renoncer à fabriquer de la mort, l'hypocrisie
et le masochisme se valent."
"Démasquez les physiciens, videz les laboratoires"
proclamait ce tract qui, depuis le 18 février 1958, n'a fait
que gagner en urgence, tandis que nous ne cessions de perdre du
temps, en attendant qu'il soit trop tard.
VII – Tout le pouvoir aux puces
"Nos amies les puces prennent le pouvoir partout" bêtifiait
Le Daubé du 4 avril 2001, dans un énième article
à la gloire des nécrotechnologies locales. "Les
puces font des sauts de géant. Minatec déroule son
tapis d'innovations à Grenoble. Un rendez-vous des micro
et nanotechnologies consacré par ses intervenants internationaux,
et qui promet de surprenantes révolutions dans notre quotidien
très miniaturisé. GemPlus, par exemple. Les cinq mille
ingénieurs du premier fournisseur mondiales de solutions
pour cartes à puces travaillent au… tout petit et tout
intelligent dans une épaisseur de plastique d'un millimètre.
Et même moins pour le système puce et antenne noyé
dedans, l'antenne permettant de communiquer à distance avec
un lecteur, permettant à un utilisateur de régler
son accès à un tramway, une remontée mécanique
ou un immeuble sécurisé… Et même mieux,
puisque, selon Jean-Luc Ledys, de GemPlus, on pourra sur la carte
inclure du film, des images, du son, avec de la reconnaissance vocale
!" Nos amies les puces prennent le pouvoir partout. "Bosch
les positionne partout dans l'automobile. Philips comme Nokia, propose
des "vidéo-tablettes" permettant de suivre son
trajet auto ou train partout sur la planète… Voilà
de quoi motiver nos chercheurs, tout particulièrement portés
par les mesures d'accompagnement du ministère français
de la Recherche, qui regardent de près les innovations levées
au CEA, et tout particulièrement au LETI/CEA-Grenoble, fer
de lance du projet de pole Minatec."
On ne saurait mieux que ce valet de com' dire que les chercheurs
sont des mercenaires, les commandos de choc du techno-capitalisme.
Et il n'est que trop vrai qu'ils travaillent à la révolution
et à la miniaturisation de notre quotidien. Mais, s'il vous
plait, quand nous a-t-on demandé notre avis sur cette prise
de pouvoir "par les puces" ? Et qui peut croire qu'elle
se limitera à la sotte bimbeloterie dont on bourre nos vacuités
contemporaines ?
Applied Digital Solutions, une boîte de Floride, commercialise
depuis l'an dernier "VeriChip", une puce de la taille
d'un grain de riz, qu'un simple piqûre injecte dans le corps
humain. VeriChip fonctionne comme un émetteur radio. Quand
on l'active grâce à un scanner, elle livre le "code
d'identification" du porteur. Il suffit alors d'introduire
ce code dans une banque de données informatiques pour récupérer
le dossier de la personne concernée (patient, victime, suspect,
etc.). VeriChip est la version up to date de la carte d'identité,
une des inventions les plus liberticides de la Révolution
française. Qui s'offusque de VeriChip doit réclamer
l'abolition de la carte d'identité, à l'introduction
de laquelle les anglais ont résisté deux cents ans.
Selon son vice-président, Keith Bolton, Applied Digital Solutions
aurait signé des contrats avec des sociétés
d' Amérique du Sud, avides d'acquérir la technologie
VeriChip pour identifier leurs employés. La puce coûte
environ 220 €, le scanner environ 1650. (cf. Libération
11-12/05/02)
VeriChip peut être dotée d'un système GPS relié
au réseau satellitaire qui permettra de surveiller tous les
mouvements du porteur. "Là encore, selon Keith Bolton,
ce sont les états d'Amérique du Sud qui le réclament.
Face à leurs problèmes de kidnapping, ils pensent
que cet appareil de détection serait la solution immédiate."
A Sâo Paulo, par exemple, l'homme d'affaires Antonio de Cunha
Lima s'apprête à lancer VeriChip. "C'est un garde
du corps électronique, explique Lima, qui refuse d'en révéler
le prix. Il est ce qu'il y a de plus sûr contre l'enlèvement.
Il aura un grand succès au Brésil. J'ai déjà
une liste d'attente: des hommes d'affaires, des professions libérales…"
(Libération 26/07/02)
En septembre 2002, nos amies les puces font de nouveaux sauts de
géant dans les esprits. Après le meurtre de deux fillettes,
Holly et Jessica, dans la petite ville de Soham (Grande Bretagne),
Kevin Warwick, un chercheur en cybernétique de l'Université
de Reading, propose d'implanter VeriChip dans le bras ou l'estomac
des enfants pour prévenir les enlèvements. Cette proposition
rencontre un vif succès, suivant l'agence Reuters (3/09/02).
"Après l'affaire Holly et Jessica, nous avons discuté
en famille de ce que nous pourrions faire… je sais que rien
n'est infaillible, mais nous pensons que la puce jouera un certain
rôle pour la protéger" déclare la maman
d'une petite Wendy, dans les colonnes du Daily Mirror.
Mais qui protégera la petite Wendy de sa maman ? Et comment
pourra-t-elle "vivre sa vie" quand à toute heure
du jour et de la nuit, sa maman saura où elle se trouve,
ce qu'elle fait et à qui elle parle ? Comme il est désuet
ce "panoptikon" dont Foucault nous parlait dans Surveiller
et Punir, habile dispositif architectural pour "tout voir"
dans les lieux du pouvoir. Nos amies les puces prennent le pouvoir
partout. Parallèlement à VeriChip, Applied Digital
Solutions commercialise une montre reliée au système
GPS. Cette montre est utilisée par les autorités pénitencières
de Californie pour surveiller les prisonniers en liberté
conditionnelle. Trop facile à ôter estime-t-on à
Londres, au Ministère de la Peur. "La dernière
idée en vogue consisterait à implanter sous la peau
des pédophiles déjà condamnés un "tag"
électronique apte à signaler les indices avant-coureurs
d'une possible récidive. Cette puce en silicone serait mise
en place sous simple anesthésie locale.
Selon des documents obtenus par l'hebdomadaire The Observer, ce
minuscule équipement, relié à un satellite,
enregistrerait les battements de cœur et la tension artérielle
de l'individu surveillé, et alerterait sur l'imminence d'un
éventuel acte de délinquance. Il décèlerait
non pas l'état d'excitation sexuelle du pédophile,
mais sa nervosité et sa peur. Le système fonctionnerait
de la même manière que celui qui permet de retrouver
la trace d'un véhicule disparu. La mise au point de ce système
a d'ailleurs été demandé à la compagnie
Tracker, qui gère le plus grand réseau de recherche
des voitures volées. Cette innovation perfectionnerait les
méthodes de contrôle actuelles, qui ne permettent que
de localiser le délinquant sans enregistrer ses pulsions.
Le projet, salué par les associations de lutte contr
e les crimes sexuels, suscite l'hostilité des défenseurs
des droits civiques. John Wadham, directeur de l' Organisation Liberty,
dénonce cette "vision effrayante de l'avenir".
"Où s'arrêtera-t-on, demande-t-il. Implantera-t-on
ensuite des puces sous la peau des marginaux ou des demandeurs d'asile
?" (Le Monde 19/11/02)
John Wadham est bien naïf. C'est sous sa peau à lui,
sous la peau de tous les mal-pensants, de chaque individu, qu'on
implantera cet électroflic. Et avec empressement. "De
nombreux adolescents réclament la VeriChip parce qu'ils pensent
que c'est cool" dit le vice-président d'Applied Digital
Systems. (Libération 12/05/02)
Cool. Les années 2000 seront gaies, vigoureuses, technologiques
et actives, comme disent les médias branchés.
"A terme, selon Libération (id), certains imaginent
d'implanter des puces prés du cerveau ou de la moelle épinière,
ce qui permettrait d'agir sur les émotions ou les mouvements."
Le terme, c'est maintenant. Voici treize ans déjà,
qu'à l'hôpital de Grenoble on implante des électrodes
dans l'hypothalamus des victimes de la maladie de Parkinson pour
calmer leurs tremblements à l'aide de stimulations électriques.
(cf Dauphiné News n°4, janv 1989)
Louable invention. Au Downstate Medical Center de Brooklyn, l'équipe
de John Chapin implante également des électrodes dans
le cerveau de roborats (ou de rabots comme préfère
le dire Jean-Louis Pautrat), téléguidés ensuite
par radio. Les signaux produits par une micropuce fixée sur
le dos des animaux, sont émis à partir d'un ordinateur
(Le Monde 5-6/05/02). Pour dresser les rats, il suffit comme avec
les hommes, de stimuler les zones de plaisir et de douleur. Jean-Louis
Pautrat note plaisamment "qu'au cours du réglage d'une
de ces installations de thérapie, la patiente aurait même
affirmé que le système stimulait parfaitement l'orgasme!
Sommes-nous en présence des futures cyberdrogues ?"
(cf Demain le nanomonde, p.229)
Mais après tout si l'avenir de la reproduction passe par
les fivettes, les mères-porteuses, le clonage et le Procédé
Bokanovsky, pourquoi le plaisir ne jaillirait-il pas d'une connexion
électronique ?
Une expérience célèbre avait montré
comment des rats équipés d'électrodes, et disposant
d'une pédale pour déclencher à volonté
ce spasme de plaisir, finissaient par mourir de faim, mais heureux,
à force d'appuyer sans relâche sur leur pédale.
On voit toute la richesse d'application que technarques et maîtres-rats
sauront tirer de ces ingénieux dispositifs, et qui laissera
loin derrière les grossières expériences des
docteurs nazis. Ne serait-ce qu'en termes militaires, les performances
de roborats, robots-singes, robots-pigeons ou robots-dauphins pourraient
surpasser celles de purs automates. En terme de maintien de l'ordre,
une population "électronifiée" offrirait
enfin la solution finale aux troubles à l'ordre public. Aussi
la Darpa, une agence du Ministère de la Défense américain,
a-t-elle bien raison de financer ces recherches.
Selon le précieux Pautrat, John K. Chapin, reconnaît
que "ce ne serait certainement pas une bonne idée de
répéter ces expériences sur des primates ou
des hommes". Ces travaux impliquent en effet une forme de prise
de contrôle propre à soulever nombre de questions éthiques
si elles s'exerçaient sur des animaux supérieurs.
Habituer un individu à recevoir des impulsions de récompense
reviendrait, dit encore Chapin, à créer une situation
proche de la dépendance à la cocaïne."
Cool.
Dans Le Monde, ce même Chapin indique que : "Nous essayons
d'éviter le recours à des animaux plus gros à
cause des problèmes éthiques". Cette réserve
affichée par les chercheurs permet d'esquiver une autre question
plus délicate encore: sera-t-il un jour possible de piloter
ainsi des êtres humains ?"
Sachant à quelle vitesse on modifie les lois de bioéthique
"compte-tenu de l'avancée des connaissances" on
voit bien que cette enfilade d'euphémismes et de périphrases
signifie en réalité : Il sera un jour possible de
piloter ainsi des êtres humains. Mais ce jour est si proche,
si fort l'obscurantisme techno, si puissante la technocaste, que
ce journaliste n'ose sans doute pas s'avouer à lui-même,
ce qu'il murmure à mots couverts, de crainte d'être
mal vu. Et l'on sent bien que les minauderies "éthiques"
d'un Chapin ou d'un Pautrat ne sont que des camouflages de pure
forme à de prochains faits accomplis.
"Les problèmes éthiques" sont juste le problème
que constitue l'existence d'opposants à l'automatisation
de l'espèce humaine.
"VeriChip constitue un progrès majeur pour la traçabilité
du cheptel humain. On voit clairement comment son usage se répandra.
D'abord en invoquant le prétexte humanitaire. La puce, nous
dit-on, permet aux médecins d'intervenir plus vite en cas
de problème. C'est ainsi que commencent toutes les dérives
technologiques : voyez le clonage humain. Puis se construiront autour
d'elle des systèmes toujours plus nombreux, qui justifieront
qu'on "empucèle" des couches toujours plus larges
de la population. Un jour viendra où l'on ne pourra plus
vivre sans elle – comme c'est déjà le cas sur
Internet sans carte bancaire. Ce jour-là, on envisagera de
l'implanter systématiquement à la naissance. Son port
deviendra obligatoire. Se "dépuceler" sera criminel".
(Jean-Michel Truong, chercheur en Intelligence Artificielle, Libération
du 11-12/05/02)
Ce que l'histrion Warwick confirme à corps et à cri.
Ce cyber-intégriste ne se contente pas de prêcher l'implantation
de mouchards chez les enfants. Il s'est truffé le bras de
puces, ainsi que celui de sa femme, pour échanger leurs sensations
à distance et se connecter sur ordinateur. Warwick espère
ainsi commander un robot par signaux électriques émis
du cortex. Des macaques équipés ont déjà
réussi à remplacer la commande manuelle par la commande
cérébrale. Si l'ordinateur renvoie le signal vers
le cerveau, c'est lui qui prend la commande du geste. Prétexte
humanitaire ? Warwick dit qu'il espère ainsi faire marcher
les paralytiques. Mais évidemment il pourra faire marcher
n'importe qui. Ses ambitions visent d'ailleurs rien moins que l'interconnexion
de l'humain à l'ordinateur pour accéder au savoir
total de l'humanité et créer ainsi l'espèce
supérieure des cyborgs. "Ceux qui décideront
de rester humains et refuseront de s'améliorer auront un
sérieux handicap. Ils constitueront une sous-espèce
et formeront les chimpanzés du futur."(id)
"Warwick espère provoquer le débat, comme la
naissance de Dolly a alimenté celui sur le clonage. Bien
qu'il attende d'importants progrès de l'assistance informatique,
il ne cache pas que cette technologie, si elle n'est pas contrôlée,
est grosse de dangers. Par exemple, si l'ordinateur est capable
de faire bouger le bras de Warwick sans la volonté de ce
dernier, alors cela tendrait à suggérer qu'un jour
un ordinateur pourrait contrôler un individu à distance,
au lieu de l'inverse – ce qui, admet-il, est une perspective
troublante. "Si nous arrivons à créer des entités
surhumaines, cela pourrait signifier la fin de l'humanité",
remarque Warwick. Et même ce cyborg estime que c'est là
une question à laquelle les humains, et non les ordinateurs,
doivent répondre." (Science /Courrier International,
oct,nov,déc 02)
Trop tard. Warwick, Chapin, Antinori et tous leurs pairs, ont décidé
pour nous. Même quand ils feignent des états d'âme
pour nous faire croire le contraire ou du moins "qu'ils ne
feraient pas n'importe quoi." Objectif atteint : c'est à
"ceux qui savent", aux spécialistes, voire aux
spécialistes de l'éthique, bio ou pas, que nous remettons
le sort de l'humanité. Nous ne sommes déjà
plus tout à fait humains, nous qui abandonnons notre prérogative
d'humain (le libre-arbitre), à leurs manipulations.
Parce que des écrivains clairvoyants (Aldous Huxley, Georges
Orwell, Philip K. Dick) ont romancé nos désastres
longtemps avant que des cinéastes n'en fassent des films,
des lourdauds qui posent aux esprits forts voient encore de la science-fiction
dans nos désastres les plus actuels. Phantasmes !…
Parano !… On n'en est pas là !
Ainsi n'est-il pas vrai qu'au bout d'un siècle et demi, les
ravages de l'industrie dégradent et menacent la vie sur terre.
Que nous nous fassions depuis 67 ans, à la possibilité
d'une apocalypse nucléaire. Que le conditionnement de masse
façonne nos passivités frénétiques.
Que des filets de contention (électroniques, génétiques,
etc.) sous l'égide de "comités d'éthique"
ou de "commissions des libertés", resserrent leurs
mailles sur nous, jusqu'à l'entière soumission.
On a vu en avril dernier, à Grenoble plus qu'ailleurs, défiler
un grand concours de dupes nous appelant à préférer
"l'escroc au facho". Maintenant que sous le masque de
l'escroc reparait comme prévu la trogne du facho, ces doubles
dupes nous invitent à combattre les lois sécuritaires.
Toujours après coup. Toujours à courte vue. Sans jamais
anticiper sur les innovations autoritaires. Le Pen, Sarkozy, et
tous leurs émules ne sont que des épouvantails. Ce
qui rend leurs menaces crédibles, c'est l'existence préalable
d'une techno-police. Vidéo-surveillance, logiciels de reconnaissance
et de surveillance électronique, biométrie, fichage
informatique et génétique, flash-balls, laser, taser,
etc.
Comme le claironne Science et Vie d'octobre 2002 : "La science
et la technologie sont devenues les meilleures alliées de
la police. Et encore plus depuis les attentats du 11 septembre…
Neuro-sciences, imagerie cérébrale, techniques d'identification
high tech, armes neutralisantes et non plus mortelles: dans le secret
des laboratoires se trame activement l'avenir de la lutte contre
la criminalité. Avec des résultats déjà
inouïs !"
On mesure la pertinence de ces collectifs "ras-l'front"
ou "contre les lois Sarkozy" qui prétendent s'opposer
"au fascisme" ou à "la répression"
sans mot dire de la science policière. Qui dûment informés,
laissent sans réaction une conférence du chef de la
section biologique du Laboratoire de Police Scientifique de Lyon,
le 21 novembre 2002, à la maison du Tourisme (courtoisie
du Centre de Culture Scientifique Technique et Industrielle). Conférence
consacrée à l'apologie du fichier génétique,
au cours de laquelle, on put entendre la conférencière
se plaindre des entraves que les Droits de l' Homme apportaient
au travail de police.
Qui ne voit que ces fichiers (génétiques, photographiques,
digitaux) menacent tout un chacun, et qu'il ne dépend que
de nos maîtres d'étendre la qualité de "criminel"
à tout mal-pensant ?
Ceux qui s'opposent à Le Pen ou aux lois Sarkozy sans d'abord
s'opposer à VeriChip ou au projet Nanobio, préparent
notre esclavage. Ce sont les mêmes qui défilaient en
avril dernier contre "Le Pen et ses idées", sans
dire un mot contre l'expulsion des gitans du campus par la police
et les technarques universitaires. C'est que dans leur indigence,
ils ne connaissent ni VeriChip, ni Nanobio, ni l'endroit où
ils vivent. Et ils n'en veulent rien connaître, de crainte
d'être confrontés à leur incapacité.
Pareils au proverbial imbécile qui cherche ses clés
sous le réverbère, "parce que là, au moins,
il y a de la lumière", alors qu'elles gisent à
trois pas dans l'obscurité du caniveau. Ce qui ne les empêche
pas de se croire mieux au fait que "les gens" et de puiser
dans cette supériorité supposée, l'aliment
de leur activité paroissiale. "Réu" pour
décider d'une prochaine "réu", meeting mensuel,
manif trimestrielle, procession de Pâques, pèlerinage
de Florence, Journées Mondiales de l' Antimondialisation.
Mais après tout, il est bien normal que ces limitants qui
"luttent toujours par procuration, se retrouvent ailleurs pour
ce faire. Toujours ailleurs et demain, jamais ici et maintenant.
VIII- Découvrons Nanobio
On vous parle de Grenoble aujourd'hui. Du projet Nanobio sommairement
décrit dans le numéro 69 de Chronique du CEA (automne
2001)
"Imaginez le CEA Grenoble en 2010… Parions que le pôle
Nanobio qui explorera un nouveau domaine à l'intersection
de la biologie et de la physique aura pris forme."
"La stratégie du CEA Grenoble s'illustre par un trèfle.
A chaque feuille du trèfle est associé un "programme
structurant" c'est à dire un projet spécifique
multi-partenaire. Le pôle Minatec est dévolu aux micro
et nanotechnologies, INERA (Initiative Nouvelles Energies Rhône-Alpes)
aux nouvelles énergies et NanoBio aux nano et biotechnologies.
Ouverts, ces programmes fédèrent la recherche, l'enseignement
et l'industrie. De nouveaux terrains de recherche apparaissent entre
les trois lobes de la feuille, au CEA Grenoble on appelle cela l'interdisciplinarité."
Hors le CEA Grenoble on appelle cela association de malfaiteurs.
Si l'on a rendu aux prétendues biotechnologies, leur vrai
nom de nécrotechnologies, si l'on a saisi quelle puissance,
la maîtrise de l'infini petit donnait à nos technarques,
de leur aveu même (cf La conférence de Jean Therme
au CRDP le 27/11/2002 "De l'infini petit à l'infinie
puissance"), comment ne pas voir quel surcroît de pouvoir
leur donnera l'hybridation du vivant et de la matière ?
Une fois de plus, comme pour Minatec et les nanotechnologies, comme
pour les chimères génétiques (OGM) ou le plan
Messmer (la nucléarisation d' EDF), on se dit que ce projet
aux conséquences incalculables exigerait un débat
public, contradictoire et loyal, avec toutes les informations à
disposition, avant de décider quoi que ce soit (de nouveaux
assauts contre le Vivant et l'espèce humaine par exemple).
Que nous devrions tous décider de ce projet qui nous concerne
tous, parce que le discernement entre le bien et le mal est une
compétence universelle, inséparable de la dignité
humaine, et non le privilège des technarques, ni celui des
élus et de bio-éthiciens à la botte. A la date
où l'on écrit, c'est quasiment dans le secret que
s'élabore le projet NanoBio. Raison de plus pour partager
avec le public les maigres informations que l'on a pu glaner.
"A l'interface entre sciences du vivant et sciences de l'ingénieur,
les nanobiotechnologies constituent un nouveau champ de recherche,
particulièrement prometteur en termes d'applications. La
diminution de taille de dispositifs d'analyse biologique, déjà
entamé avec l'apparition des biopuces sur le marché
du diagnostic, est une tendance forte dans le domaine de l'instrumentation
pour la biologie. Les avantages de la miniaturisation sont nombreux,
et répondent à des enjeux technologiques et économiques
importants dans les secteurs de la pharmacie et du diagnostic, ainsi
que pour les recherches en sciences du vivant et de la santé.
Après la miniaturisation apportée par les microtechnologies,
les nanotechnologies permettront des avancées significatives
pour l'étude du vivant. A l'échelle du nanomètre,
les dimensions du monde biologique (molécules telles que
acides nucléiques et protéines) sont atteignables
par des nano-outils physiques ou chimiques, et permettent de repousser
les frontières de notre connaissance (…)"
Françoise Charbit, Cellule de Développement Régional,
projet Nanobio, CEA Grenoble.
Le cévé de Françoise Charbit, disponible sur
Internet, indique que "cet ingénieur ENSI en sciences
des matériaux et docteur en gestion de l'Ecole Polytechnique,
est responsable de la prospective technologique à la Direction
des Technologies Avancées du CEA, centre de recherche public
orienté vers le transfert de technologies aux industriels,
dans le domaine de l'électronique, des matériaux et
de la robotique. Son activité a pour but d'aider les laboratoires
à définir leurs stratégies de recherche.
Sa thèse sur la gestion des technologies émergentes,
réalisée à partir d'une recherche-intervention
chez Thomson CSF, a remporté le prix de la meilleure thèse
CIFRE (thèse effectuée sur un problème posé
par un industriel, en relation étroite avec l'entreprise),
décerné à l'occasion des dix ans de cette procédure.
Elle a participé à de nombreuses missions de conseil
en stratégie technologie chez des industriels de l'électronique
professionnelle (Thomson CSF, Dassault Electronique, Compagnie des
Signaux)."
Voilà qui dessine un "profil" familier comme ils
disent. Extrême technologie. Recherche publique asservie aux
intérêts industriels (qui ne coïncident pas forcément
avec les nôtres). Et même cette petite pointe de "dualité"
civile et militaire (Thomson CSF, Dassault Electronique) qu'il faut
toujours souligner, même si les applications "civiles"
suffisent le plus souvent aux désastres futurs.
Le 12 septembre 2002, à Lavignac, se tenait une rencontre
entre le projet NaTTBio-Toulouse et le projet NanoBio-Grenoble.
Des traces que cette rencontre a laissées sur Internet, il
appert :
Que le projet de pôle d'innovation NanoBio a été
initié en mars 2002 par le CEA-Grenoble dans le but de fédérer
l'ensemble des compétences présentes sur le Polygone
Scientifique Louis Néel, concourant aux nanobiotechnologies:
physique, chimie, biologie, mathématiques appliquées,
micro et nanotechnologies.
Que ce projet s'appuie sur le potentiel de recherche du CEA (LETI,
DSV, DSM, DRT), de l'Université Joseph Fourier, de l'Inserm,
de l'Inria, de l'UCB de Lyon et de l'ENS Lyon, avec un fort tropisme
vers le génopole Rhône-Alpes.
Que plusieurs groupes de travail interdisciplinaires ont déjà
planifié 30 projets du court au moyen et long terme, couvrant
des domaines aussi variés que les micro et nanobiosystèmes,
les plateformes technologiques avancées et des briques technologiques
de base. (NanoBio regroupe environ 200 à 250 chercheurs venant
d'une trentaine d'unités) Pour les experts et les candidats
chercheurs on citera les exposés sur "la Biophotonique",
les "Biomicrosystèmes" ou la "Protéomique
à haut débit", qui dans le business scientifique
succède à la génomique, depuis l'achèvement
du décryptage du génome humain.
Ensuite, il se passera avec le "pôle Nanobio" ce
qui s'est passé avec le "pôle Minatec". "La
vocation, in fine", étant "de créer de l'industrie
et des emplois" (Jean-Charles Guibert, "l'ambassadeur"
de Minatec). Nos techno-scientistes iront traire les fonds publics
auprès de la Commission Européenne, du ministère
de la Recherche et des Nouvelles Technologies, du Conseil Général
de l'Isère, de la Métro et de la Ville de Grenoble.
Ce que dans leur novlangue on appelle "promouvoir ce nouveau
champ disciplinaire vers les instances". De deux choses l'une.
Soit "les instances" n'y connaissent rien, mais dûment
impressionnées par l'expertise de leurs interlocuteurs, elles
financent ce néo-pôle. Parce que c'est bon pour l'image,
l'emploi, la croissance, la connaissance, et que si on ne le fait
pas "on va prendre du retard" sur les Allemands, les Américains,
les Japonais, etc. C'est, disons, le modèle Carignon-Pinocchio.
Soit "les instances" s'y connaissent parce qu'elles sont
issues directement de la technocaste et elles ne sont que trop avides
de "financer l'innovation". C'est le modèle Destot-Fioraso,
modifié Corys (du nom de la malheureuse start-down du CEA
jadis lancée par l'actuel maire de Grenoble et son adjointe
à l'innovation.)
Une fois que la technarchie a tout décidé, financé,
voté (moins l'abstention de l'Ades), vient le moment de communiquer
au simple citoyen 1) Que le pôle Nanobio c'est tout profit
pour lui (voir ci-dessus, l'emploi, la croissance, etc) ; 2) Que
d'ailleurs la décision est "démocratique"
puisque les élus informés par les techno-scientistes
l'ont prise pour lui ; 3) Que de toutes façons il n'y peut
rien puisque c'est le "Progrès" et qu'il n'y connaît
rien.
"Communiquer, toujours, clame Jean Therme, directeur du CEA-LETI.
La haute technologie ne peut progresser que si elle est acceptée,
donc comprise par la société : OGM, biotechnologies…
Les applications de la recherche préoccupent les Français.
A nous d'expliquer ce qu'il en est, de faire partager notre passion,
de faire comprendre le sens de notre travail… et de susciter
des vocations."
"La communication est essentielle, renchérit Pascal
Colombani (administrateur général du CEA), à
l'heure où subsistent certaines des interrogations sur le
nucléaire, sur le CEA, et l'image qu'en a le public. Mais,
comme pour toutes les autres activités, il faut dépenser
l'argent de façon efficace. Le CEA n'a rien à cacher
tant sur ce qu'il fait que sur la façon dont il le fait.
Il doit être transparent." (Chronique du CEA n°69,
sept-oct-nov 01)
OGM, biotechnologies, nucléaire… Pas un instant, au
paroxysme de leur "communication", nos technarques n'envisagent
que celle-ci pourrait être réciproque. Que des opinions
éduquées, curieuses, férues de techno-science
comme elles ne l'ont jamais été pourraient avoir raison,
que du moins elles devraient décider elle-même de leur
destin. La morgue éclate dans ces propos où l'opinion
ignorante, puérile par définition, doit être
"travaillée" pour "comprendre le sens"
des OGM, des biotechnologies, du nucléaire. Comme il sied
bien que le directeur du CEA-LETI dévoile la parenté
profonde de ces trois malfaisances. Et comme l'on comprend cette
nécessité de "communiquer toujours". Sans
ce matraquage permanent, qui sait ce que "le public",
"les Français" iraient penser par eux-mêmes.
Ce que l'on nous communique, ce sont les décisions prises
à notre sujet. La "transparence" n'étant
que la publication après-coup des attendus. Ce que démontre
une fois de plus l'histoire de Nanobio.
IX – Objecteurs de recherche
Interpellés sur leurs responsabilités dans les méfaits
des techno-sciences (pollutions, nuisances, catastrophes), nos technarques
ont coutume de répondre qu'ils n'en ont pas. Plus impudent
qu'un vampire ministériel, les Feuerstein et les Therme ne
s'avouent ni coupables ni responsables du siphonnage des fonds publics
en faveur de leurs projets, ni des rejets et déchets résultant
de la "valorisation" de leurs recherches et autres "transferts
de technologie", ni des "dérives policières
ou militaires" des applications de leurs recherches, ni des
calamités bien civiles résultant d'autres applications.
"Je déplore, dit Jean Therme, que les Américains
aient mis au point un système mondial d'espionnage électronique
(NDR le système Echelon) et que l'on exporte en Chine les
déchets informatiques, mais je n'y suis pour rien."
(conférence au CRDP 27/11/02). Les responsables selon ces
irresponsables, ce sont les "politiques" qui ont signé
les décisions – sous la pression et après expertise
des scientifiques. Ou bien les électeurs qui choisissent
les élus. Comme si la démocratie représentative
n'était pas la démocratie des représentants,
un euphémisme pour technocratie. Que la liberté de
vote et de candidature ne soit pas grossièrement annulée
par les combinaisons de l'argent, des médias et des machines
électorales. Comme si nous voulions donner notre voix, alors
que le premier parti issu des urnes au printemps dernier est précisément
celui des abstentionnistes et du dégoût envers nos
"élites".
Ils mentent bien sûr, mais quand bien même diraient-ils
vrai que cela ne les disculperait pas pour autant. Ils réincarnent
en effet cette banalité du mal dont l'on vit quelques spécimens
paroxystiques chez ces fonctionnaires consciencieux qui géraient
de lourds problèmes d'intendance et de transport, chez ces
cheminots dont les trains arrivaient imperturbablement à
destination, chez ces subordonnés qui ne faisaient qu'obéir
à leurs supérieurs, chez ces brillants scientifiques
se livrant à de passionnantes expériences sur un matériel
de choix, chez tous ces spécialistes qui ne s'occupaient
que de leur partie et surtout pas du reste. C'est-à-dire
du Tout. On sait que le mal c'est de ne pas s'occuper d'abord du
Tout, mais de sa petite partie, coupée et bornée.
Chacun chez soi et les vaches folles seront bien gardées.
On sait que le tribunal de Nuremberg jugea coupables les plus voyants
de ces irresponsables. Mais aussi que les plus savants se sauvèrent
chez leurs vainqueurs avec leurs maux acquis, pour perpétuer
leurs progrès en balistique, physique nucléaire ou
virologie. Travaux aujourd'hui poursuivis par les élèves
de leurs élèves, leurs héritiers.
Faut-il que ce décervelage ait été préparé
de longue main pour que l'on en soit réduit aux banalités
de base, aux leçons de morale de l'école primaire
et aux cours d'instruction civiques des collèges secondaires.
Chercheur sous la blouse blanche, tu reste un citoyen, et peut-être
même un homme. Si tu ne cherches pas d'abord, au-delà
de ton écran d'ordinateur, tu n'es que le machin de ta machine,
ton propre ennemi et celui de tes semblables.
La marchandisation du vivant a une histoire, qui va du trafic des
corps à celui des gènes et bientôt des protéines.
A Grenoble où l'on se vante d'avoir toujours une révolution
d'avance, il est bien vrai que les vieilles familles ont tiré
leur fortune de la traite, et que leur représentant à
la Constituante, Barnave, combattit de toutes ses forces un autre
député de l'Isère, l'abbé Grégoire,
qui réclamait l'émancipation des Noirs. Cet épisode
connu sous le nom de "question coloniale" bouleversa d'ailleurs
la première assemblée révolutionnaire et précipita
sa fin (cf Robert Chagny, Au temps de l'esclavage et de son abolition
: planteurs grenoblois à St Dominique, in La Pierre et l'Ecrit,
PUG 1999).
Aujourd'hui, tandis que les économistes de l'Inra Grenoble
travaillent sur "l'acceptabilité des OGM", le "double
étiquetage" et les "perspectives des start up de
biotechnologie", Roland Douce, enseignant-chercheur à
l'université Joseph Fourier, directeur de l'Institut de Biologie
Structurale, membre de l'Académie des Sciences, rédige
le rapport souhaité par Claudie Haigneré, ministre
de la Recherche et des Nouvelles Technologies pour ouvrir nos champs
aux cultures transgéniques (cf Le Monde 14/12/02). On attend
l'objection de conscience d'un seul chercheur parmi les 18 000 qui
servent paraît-il dans nos 250 laboratoires technopolitains.
Coïncidence, ce même Roland Douce présentait
le 15 novembre dernier à la presse un Partenariat pour la
Biologie Structurale regroupant quatre centres de recherche grenoblois
: le Synchrotron (ESRF), le Laboratoire Européen de Biologie
Moléculaire (EMBL), l'Institut de Biologie Structurale (IBS
: lui-même une unité mixte CEA/CNRS, UJF) et l'Institut
Laüe Langevin (ILL).
Objectif ? Compléter le séquençage du génome
humain par l'analyse des inter
actions entre gènes et protéines. Financement ? "2
à 3 millions d'euros au total". Soit un ou deux Minatec
– pardon pour l'à peu près. "Roland Douce,
directeur de l'IBS soulignait pour sa part "les enjeux scientifiques
considérables et les enjeux industriels tout aussi considérables"
de l'étude en profondeur des protéines, ces "acteurs
du vivant par excellence" (…). Le centre sera aussi ouvert
à des partenariats avec l'industrie, notamment de la santé.
Des contacts seraient déjà sérieusement avancés
même si pour l'instant rien n'est rendu public." (Le
Daubé 16/11/02)
Hors ces contacts secrets, mais qui devraient apporter "une
forte valeur ajoutée pour la santé humaine",
Roland Douce pouvait confier à l'assistance son bon espoir
de voir la création de ce Partenariat pour la Biologie Structurale
(PBS), entraîner l'installation à Grenoble de l'Institut
de Virologie Structurale (IVS), dont on ne doute pas qu'il devrait
lui aussi apporter une "forte valeur ajoutée pour la
santé humaine" et d'autres "partenariats"
ou "instituts" tant ces recherches prolifiques se reproduisent
à haut débit.
Roland Douce est ce que nous appelons un technarque, un membre de
la techno-caste, comme Bernard Bigot, dircab' de Claudie Haigneré,
présent à cette signature de partenariat. Et au niveau
local du techno-gratin, comme Geneviève Fioraso ou Jean Caune,
chargé de la Recherche à la Métro, aussi présents
ce jour-là, mais qui s'esbignaient vite pour se rendre à
un colloque sur "la culture scientifique, technique et industrielle."
La technification à Grenoble est une activité à
temps plein. Trop-plein, même, si l'on ose dire.
L'artificialisation du Vivant au aussi son histoire. "Dans
leur revue Courants, les élèves de l'Institut Polytechnique
de Grenoble citent, parmi les grandes dates de l'histoire dauphinoise,
l'année 1738 : création de l'automation par Vaucanson
(…). Ses premiers travaux scientifiques, aussi originaux qu'ignorés,
eurent l'ambition de montrer par la mécanique ce que pouvait
être la vie. Au sens précis que l'on donne aujourd'hui
au terme "cybernétique", on peut dire sans crainte
d'être taxé de moderniser le personnage que Vaucanson
a été un authentique précurseur de cette discipline.
Nous prouverons, qu'appuyé par un petit groupe d'hommes animé
par une volonté royale, il passa toute une partie de sa longue
existence à la recherche de ce que fut la pierre philosophale
des "biomécanistes" du temps : l'homme artificiel."
(cf Jacques Vaucanson, Mécanicien de génie, A. Doyon,
L. Liaigre, PUF 1966).
Las, ce splendide projet, célébré par le philosophe
La Mettrie (1746 : L'Homme Machine) et l'encyclopédiste d'Alembert
(cf l'article L'âme des bêtes), était trop en
avance sur son temps. Vaucanson se rabattit sur la mise au point
de métiers à soie, dont l'introduction dans les fabriques
lyonnaises provoqua, selon nos auteurs, "le plus important
mouvement de grève qu'ait connu l'ancien régime".
Le meneur fut pendu, cinq autres envoyés aux galères,
et le reste des émeutiers, amnistiés par le roi. "On
a trop souvent dit que les causes de cette grève furent surtout
la crainte des ouvriers de voir adopter les nouveaux métiers
automatiques de Vaucanson qui allaient les faire mourir de faim
et les réduire au chômage : rien n'est plus faux. La
vindicte populaire ne s'est acharnée sur Vaucanson et Montessuy
qu'en tant qu'instigateurs et réalisateurs des règlements
de 1744" (id, p.195-203).
Ces règlements "à l'instigation de Vaucanson
et Montessuy" renforçaient le despotisme des maîtres-fabricants
sur les canuts qui perdaient toute marge de marchandage et liberté
de production individuelle. Ils instauraient "la discipline
de fabrique" si nécessaire aux nouveaux procédés,
aux nouvelles machines et aux gains de production. En apparence
les canuts révoltés n'étaient pas des pré-luddites,
ennemis des machines. Ni au sens classique que l'on a donné
à ce mouvement (crainte du chômage et de la concurrence
des machines), ni au sens néo-luddite (refus d'être
machinalisés). Mais ils haïssaient assurément
ce nouveau règlement qui rationalisait la production. Quelques
années plus tard, Vaucanson introduisit le premier métier
automatique, ainsi décrit au Mercure de France :
"C'est une machine avec laquelle un cheval, un bœuf ou
un âne font des étoffes bien plus belles et bien plus
parfaites que les plus habiles ouvriers en soye (…). Un cheval
attelé peut faire travailler trente de ces métiers,
une chute d'eau un bien plus grand nombre… Chaque métier
fait par jour autant d'étoffes que le meilleur ouvrier quand
il ne perd pas de temps." (id, p.210)
On connaît la suite. Le machinisme et la grande industrie.
L'électricité et la production de masse. La "liaison
recherche-industrie". Nucléaire, cybernétique,
robotique. Toute une filiation de "l'homme-machine", peut-être
née ici en effet d'un "mécanicien de génie",
et qui se diversifie deux siècles et demi plus tard entre
les différents laboratoires du CEA, de l'INPG, de l'INRIA,
pour confluer à nouveau (in-ter-dis-ci-pli-na-ri-té)
dans les bio-nanotechnologies. "L'homme artificiel", l'automate,
"le travailleur" comme on dit en tchèque (robot),
émerge de nos centres de recherche, et voilà que c'est
nous. On sait qu'Aristote voyait dans l'esclave une machine vivante,
et dans l'esclavage une nécessité tant qu'il n'y aurait
pas de machine artificielle pour souffrir l'ignoble travail (tripalium
: torture), indigne d'un homme libre. Mais en fait le travail n'était
que le signe de la servitude et non sa raison d'être. Contrairement
à ce que pensait Trotski, la paresse n'est pas le moteur
du progrès. Et l'avènement des robots soudeurs, pistoletteurs,
poinçonneurs, n'a pas émancipé leurs devanciers.
L'eut-il fait d'ailleurs, que "l'organisation des loisirs"
et le Ministère du Temps Libre y eussent mis bon ordre. L'essentiel
restant la sujétion du plus grand nombre au plus petit nombre.
Par ruse ou par force. Par le travail ou la télé.
C'est ce projet d'irréversible maîtrise que poursuit
la technarchie par l'artificialisation du vivant et l'animation
de l'inerte. La mécanisation des techno-serfs via la bio-cybernétique
et tout une machinerie sous commande, jusqu'à l'utopie techno-totalitaire
d'un monde-machine.
On peut discuter des applications "bonnes" ou "mauvaises"
de la recherche, soutenir que "l'outil est neutre" et
l'usage seul en cause, qu'il ne faut pas "jeter le bébé
avec l'eau du bain", "le bon grain avec l'ivraie",
etc. mais un fait demeure indiscutable : dans un monde où
s'opposent dominants et dominés, tout "progrès
des connaissances" sert d'abord les dominants, leur sert d'abord
à dominer, et autant que possible à rendre irréversible
leur domination. Les "retombées positives" n'étant
que les moindres maux dont on achète la soumission des dominés.
"Progrès" curatifs et palliatifs, quand la prévention
serait de renverser la domination qui provoque tant de nos maux,
pour s'en rendre ensuite l'indispensable thérapeute.
Ce simple fait ne devrait-il pas conduire tout chercheur prétendument
équipé d'une conscience à objecter ? Et l'ensemble
de sa corporation à proclamer un moratoire sur toute recherche
tant que ne serait pas réglée la question du pouvoir
?
Impossible justement, parce que tant d'otages dans l'urgence et
la souffrance attendent au moins quelque soulagement de la recherche.
Des déserteurs pourtant, peu nombreux, refusent de servir
cette science-là. On a cité le mathématicien
Grothendiek, médaille Fields 1966, qui renonça à
toute recherche lorsqu'il s'aperçut en 1970 que l'IHES (Institut
des Hautes Etudes Scientifiques) où il travaillait depuis
dix ans recevait des subventions du ministère de la Défense.
C'était dire qu'il n'y a pas de science innocente, si abstraite
soit-elle, qui ne puisse nuire. Grothendiek participa dès
lors aux activités du groupe "Survivre et vivre".
En 1972, dans une conférence au CERN de Genève (Centre
Européen de Recherches Nucléaires), il posait la question
que devrait au moins se poser tout chercheur "responsable",
"éthique", "citoyen", etc : "Allons-nous
continuer la recherche scientifique ?" En 1988, il refuse le
Prix Crafoord et ses 270 000 dollars de récompense, dénonçant
les dégradations de la science. En août 1995, un article
de Science et Vie nous apprend que "l'ermite mathématicien"
a "disparu" :
"Mais Grothendiek est fatigué, seul et de plus en plus
amer. Il vit isolé dans un petit village du Vaucluse, partageant
son temps entre le soin à ses vignes et la rédaction
d'un plaidoyer pour sa réhabilitation intitulé "Récoltes
et Semailles, réflexions et témoignage sur un passé
de mathématicien" (…). Il pratique aussi la méditation
nocturne, de mathématiques, ses visions sont devenues mystiques
puis religieuses, prophétisant la fin du monde pour octobre
1996. "Et puis, un jour, à l'occasion de la réimpression
de ses ouvrages, on s'est rendu compte qu'on avait totalement perdu
sa trace", se souvient Cartier (NDR un ex-collègue)
: on était en 1991, Grothendiek avait 63 ans. Depuis, plus
rien. On ignore même s'il est encore vivant."
En 1969, un autre mathématicien, Theodore Kaczynski, démissionne
de son poste de maître-assistant à l'université
de Berkeley. Comme Grothendiek, il fait d'abord campagne pour l'arrêt
total de la recherche scientifique, avec encore moins de succès
et dans un isolement pire.
"Le 22 janvier 1998 Theodore Kaczynski a reconnu devant un
tribunal californien être le terroriste que la police avait
dénommé "Unabomber", et par là même
être l'auteur du manifeste – Industrial Society and
its future – dont "Unabomber" avait obtenu la publication
dans la presse, en assurant qu'il cesserait en échange les
attentats à la bombe qu'il commettait depuis 17 ans. Ces
attentats, destinés selon leur auteur à frapper des
individus liés à la recherche scientifique ou diversement
impliqués dans la promotion du progrès technique,
avaient fait trois morts – le propriétaire d'un magasin
d'ordinateurs, un cadre d'une compagnie de publicité et le
président de la corporation des exploitants forestiers de
Californie – ainsi qu'un vingtaine de blessés. Dénoncé
par son frère, qui l'avait reconnu grâce aux indices
fournis par le texte du manifeste, Kaczynski avait été
arrêté le 3 avril 1996. Lors de son procès,
commencé en novembre 1997, le droit d'assurer lui-même
sa défense lui fut refusé, le juge invoquant sa "schizophrénie
paranoïde" et sa volonté de "manipuler le
procès" ; il finit donc par accepter de plaider coupable
et fut condamné à la prison à vie." (note
de l'Encyclopédie des Nuisances à son édition
de La société industrielle et son avenir).
Voilà qui rassurera une fois de plus les imbéciles
quant à la proximité supposée du génie
et de la folie. Depuis l'invention de la psychiatrie d'ailleurs,
ne faut-il pas être fou pour dénoncer, seul contre
tous, l'ordre du monde ? On ne discutera pas ici de savoir s'il
est plus humain d'isoler ces insoumis dans leur for intérieur
ou dans une cellule capitonnée ; de brûler les hérétiques
en place publique ou de les lapider à la vieille mode du
sacrifice. On se demandera plutôt si ce qu'on vu
ces chercheurs qui ne se prétendent pas, eux, irresponsables,
n'avait pas de quoi rendre fou. Mais qu'ont-ils vu, messieurs Therme,
Douce, Samarut, Van der Rest, Joyard, Feuerstein, Pautrat, etc ?
Dans son article déjà cité, Bill Joy dit :
"Nous avons de la chance que Kaczynski ait été
un mathématicien, et non un biologiste moléculaire."
C'était avant l'attaque au charbon qui frappa les Etats-Unis
en septembre 2001. Mais bien entendu, il est exclu qu'un biologiste
fou du CRSSA, de l'université Joseph Fourier ou de l'Institut
de Biologie Structurale n'utilise ses compétences à
des actes aussi "irresponsables", contraire à l'éthique,
à la déontologie, etc.
Bill Joy a vu quelque chose que n'ont pas vu nos technarques.
Tout l'automne a résonné des clameurs de la recherche
française devant les restrictions de crédit. La presse
de gauche, L'Humanité, Libération et Le Monde surtout,
sous la signature d'un ancien grenoblois de la LCR s'est fait l'écho
de cette doléance. "La recherche mal-aimée de
la droite" (Le Monde, 28/09/02). "Les laboratoires inquiets
des reports de crédits" (Le Monde 2/10/02). "Plus
de 4000 scientifiques protestent contre les restrictions budgétaires"
(Le Monde 19/10/02). "Les entreprises freinent leurs dépenses
de recherche" (id). "Un budget de la recherche sans "vision
à long terme". Une sévère critique du
Conseil Supérieur de la Recherche et de la Technologie (CSRT)"
(Le Monde 23/10/02).
Quand on voit L'Humanité publier un "appel de scientifiques"
pour "le rétablissement du budget de la Recherche",
signé par 5000 scientifiques, directeurs de laboratoires,
d'instituts, membres d'académies, présidents d'universités,
Prix Nobel et médailles Field (6/11/02), quand on lit dans
Le Monde du 23/10/02 l'immonde plaidoyer pro domo du Pierre-Gilles
de Gennes (Prix Nobel de Physique, membre de l'Académie des
Sciences, etc) : "Depuis le 6 août 1945, l'honneur des
scientifiques est battu en brèche. Chaque physicien est considéré
comme co-responsable des morts d'Hiroshima. Et pourtant ? Fermi
et Wigner n'avaient pas failli à l'honneur en expliquant
au président Roosevelt la possibilité des armes nucléaires.
La décision de les construire fut une décision du
peuple américain, à travers son président élu."
On en peut que songer au tract des surréalistes : "Démasquez
les physiciens, videz les laboratoires". C'est pourtant ce
qui a peu de chance d'arriver.
Un des bons esprits du siècle dernier écrivait en
1967, aux premiers âges de la consommation et de la cybernétique
: "Il reste une trentaine d'années pour empêcher
que l'ère transitoire des esclaves sans maîtres ne
dure deux siècles." (Raoul Vaneighem, Traité
de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations).
Nous y voici. Cette prévision d'une justesse remarquable
quant à sa chronologie pêchait encore par optimisme.
Nous avons des maîtres qui visent la fin de l'Histoire et
que nous servirons peut-être sans fin.
Simples Citoyens
Grenoble, 9 janvier 2003
Bibliographie
La société industrielle et son avenir, Theodore Kaczynski.
Editions de l'Encyclopédie des Nuisances (80 rue de Ménilmontant
– 75020 Paris).
Totalement inhumaine, Jean-Michel Truong. Editions les Empêcheurs
de penser en rond/Seuil.
The age of spiritual machines, Ray Kurzweil. Penguin Books.
La guerre au XXIe siècle, Laurent Murawiec. Editions Odile
Jacob.
Demain le nanomonde, Jean-Louis Pautrat. Editions Fayard.<
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