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Ainsi, après trente ans de tergiversations, deux ans après
un premier feu vert du gouvernement Jospin, le gouvernement Raffarin
a donné son feu vert pour la construction d'un aéroport
à Notre-Dame des Landes.
Le débat public :
"Au delà de l'affrontement verbal, parfois salutaire
pour une certaine vitalité démocratique, c'est la
nécessité d'un regard partant vers l'avenir qui est
apparue. Cette vision de l'avenir est la condition pour que notre
territoire reste attractif, notamment pour les plus jeunes."
Telle est la Conclusion de la contribution au débat des Présidents
des Conseils de développement de Nantes, Saint-Nazaire, Rennes
et Angers, bien entendu favorables à la Construction de cet
aéroport.
En gros, on vous a entendu, on vous a même laissé gueuler,
histoire de donner un vernis démocratique à cette
parodie de débat… Maintenant la récréation
est terminée, c'est l'avenir de nos enfants qui est en jeu,
soyez sympas quoi !
Ce débat public lancé en décembre 2002 n'a
pas permis aux opposants d'avoir gain de cause : comment aurait-il
pu en être autrement ?
L'ensemble des décideurs politiques (Mairies et Communauté
Urbaine de l'agglomération nantaise, Conseils généraux
et Régionaux des PdL et de Bretagne) et économiques
(Chambre de commerce et d'industrie, entreprises de TPE, MEDEF)
étaient de fervents supporters de ce projet.
Les élus sont censés incarner "l'intérêt
général". Les entrepreneurs sont censés
apporter du "dynamisme" à la région : leur
lobbying a fort bien fonctionné, souvent relayé par
les directions d'organisations syndicales (par le biais du Conseil
économique et social régional), pour qui tout ce qui
sert l'emploi est bon à prendre.
Il y aurait donc consensus donc autour du "développement".
La démocratie consisterait-elle seulement à installer
des talus coupe-bruit et à dévier de quelques degrés
la direction des pistes ?
Des besoins ? Les besoins de qui ?
Manger, boire, se vêtir, se loger, se cultiver, se soigner,
s'éduquer, s'amuser, se déplacer : la notion de besoins
semble limpide… Cette question du besoin et de l'intérêt
collectif est centrale : elle touche à notre humanité
même. Pourtant, n'avons-nous pas abandonné à
certains le droit d'exprimer ces besoins ?
Selon ses zélateurs (pouvoirs politiques et économiques),
l'aéroport actuel de Nantes-Atlantique arrivera bientôt
à saturation avec ses deux millions de passagers annuels,
trois millions dans moins de dix ans. Ainsi, des soi-disant élites
prétendent qu'il ne peut en être autrement, qu'on ne
peut arrêter le progrès : eux sont modernes, eux savent
exprimer ce qu'est l'intérêt général.
L'éditorial intitulé "Grandir pour un meilleur
avenir" de Jean-Marc Ayrault dans le Nantes-Passion de novembre
2003 est l'expression même de cette "modernité",
qui revient à faire de Nantes une ville réservée
aux classes moyennes et aux "bobos" (bourgeois bohèmes),
forcément valorisante pour son "personnel" politique.
Mais en grattant un peu, on s'aperçoit que ces "besoins"
sont avant tout ceux que le système économique (qu'on
appelle capitalisme) suscite auprès des personnes solvables
: ce sont ses besoins propres. Car le système capitaliste
est face à un dilemme : croître ou mourir, croître
au prix d'incroyables gaspillages et surtout au prix de l'oppression
des peuples du Sud, afin d'exploiter leurs richesses naturelles.
Or notre planète est un système fini. L'expansion
de l'activité humaine ne pourra croître infiniment.
Face aux projets pharaoniques (infrastructures de transport et d'énergie)
par lesquels les Etats et la Commission européenne veulent
relancer la sacro-sainte croissance, il est temps de reprendre la
main.
Car de qui se moque-t-on ?
On nous promet des investissements censés répondre
à l'intérêt général : un aéroport
(et des lignes à grande vitesse) servent en premier lieu
aux besoins des personnes et surtout des entreprises qui ont les
moyens de s'offrir ce genre de déplacement (leurs salarié-e-s
étant parfois contraints à se déplacer du fait
d’une clause de mobilité dans leur contrat de travail,
sans souhaiter particulièrement ces trajets).
Les élites se félicitent du fait que les compagnies
aériennes à bas prix vont permettre de "démocratiser"
les trajets en avions. Les élites disent même que "la
réalisation d'un aéroport est un outil de développement
permettant de multiplier les échanges et de rapprocher les
hommes" (toujours les Conseils de Développement de Nantes,
etc). Quelle farce quand on sait tous les moyens mis en œuvre
par les pays d'Europe pour empêcher les personnes étrangères
désargentées, comme les demandeurs d'asile ou les
personnes cherchant à rendre une simple visite à leur
famille, de parvenir "chez nous".
Et pourtant, des besoins non satisfaits, il y en a !
Parler de besoins, c'est donc parler de celles et ceux dont les
besoins vitaux sont loin d'être satisfaits, y compris dans
nos contrées dites riches. C'est pointer à Nantes
la question de la cherté et de la "pénurie"
du logement, résultat d'une politique d'expansion de la ville
qui vise à attirer d'abord des classes relativement aisées.
C'est pointer en France la montée des inégalités
liées aux diverses mesures gouvernementales (niveaux des
retraites en forte baisse, abandon de services publics de proximité)
ou patronales (accords Unedic par exemple signés avec des
syndicats complaisants).
Plus grave : le pouvoir s'attaque aux personnes les plus modestes,
que ce soit pécuniairement ou sécuritairement, mais
aussi symboliquement. Car non content de dégrader les conditions
de vie des personnes les plus défavorisés, il cherche
à nous culpabiliser sur le thème de l'abandon des
personnes âgées, sur le gaspillage de l'eau ou de l'électricité
pendant la canicule et tout récemment en mettant à
l'index des personnes de plus de 55 ans, dont la sortie de l'emploi
est dissimulée par des arrêts maladie qui plomberaient
la Sécu, etc.
Parallèlement, l'Etat, et ce n'est pas nouveau, participe
au nom de l'intérêt général au développement
capitaliste, en accordant généreusement des exonérations
de charges aux entreprises, ainsi que des subventions permettant
notamment de pallier les défaillances des grands patrons
(dans les banques et l'industrie) ou de satisfaire par exemple les
lobbies de l'agro-business, conduisant à des gaspillages
délibérés (irrigation de cultures industrielles
subventionnées, assèchement de zones humides).
Mais les subventions se font surtout par une politique de "grands
travaux", dont une grande partie ne bénéficie
guère à la population, si ce n'est sous forme d'emplois
(donc aussi d'exploitation). Car quel est l'intérêt
pour la grande partie de la population du développement du
complexe militaro-industriel (porte-avion ou technologies du tout-sécuritaire,
par exemple), d'infrastructures de “ déménagement
du territoire ” comme la multiplication d'autoroutes ou d'aéroports
?
Des grands travaux qui s'auto-alimentent :
Pour revenir au projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes,
un projet adjacent est de le mettre en liaison ("hub")
avec de grosses infrastructures routières, créant
un afflux de camions, ainsi qu'avec le TGV. Bref, tout le confort
à la porte de celles et ceux qui ont les moyens. Il faut
savoir que ce "confort" qu'apporte la recherche de vitesse
se paiera alors au prix fort. Car tout cela nécessite une
énergie phénoménale, qu'elle soit sous forme
d'hydrocarbures ou d'électricité.
Or, la région est déficitaire en électricité
(on peut même parler d'organisation de la pénurie avec
la mise en sommeil de 2 tranches de la centrale thermique de Cordemais).
Aujourd'hui, il est notamment impossible d'électrifier la
voie ferrée de la Roche/Yon pour cette raison. Avec les projets
mégalomanes de développement de la "métropole
Nantes/St Nazaire" chers autant à la droite départementale
et régionale qu'à Jean-Marc Ayrault et cie, les besoins
énergétiques seront en forte progression et on nous
mettra alors devant la "nécessité" de nouvelles
sources d'énergie : et c'est là que les mêmes
"responsables" politiques et économiques nous resserviront
l'avenir radieux-actif avec une centrale de 3ème génération
en Basse-Loire.
Ce confort-là, franchement nous n'en voulons pas, parce
qu'il sera réservé à une minorité de
personnes aisées et parce qu'une majorité de la population
en subira les retombées.
Outre le fait de refuser énergiquement ces projets, il est
nécessaire également de se poser la question de la
finalité de la production et du travail : travailler pour
faire vivre un système ou travailler pour répondre
à des besoins. Même la notion des besoins et de leur
maîtrise doit être débattue.
Des libertaires nantaises et nantais Nantes, le 20 novembre 2003
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