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« CONTRIBUTION A L’ANALYSE DU CAPITALISME CONTEMPORAIN »
Par Jean-Luc Sallé

Origine : http://assoc.orange.fr/continuer.la.cgt/jeanlucs.htm

Conférence Internationale Syndicale - Annecy - 29 – 30 sept. – 1er oct. 2000

Sommaire
I/ - Le néo-libéralisme : stratégie globale du capitalisme
I/1 – Approche théorique du néo-libéralisme
I/2 – Les grandes lignes du néo-libéralisme
II/ - Globalisation et mondialisation capitaliste
II/1 – Mondialisation et limites de la mondialisation
II/2 – Contribution à l’analyse de l’impérialisme aujourd’hui
II/3 – Les multinationales et les Etats nationaux
II/4 – Physionomie des Etats impérialistes : rivalités et danger de guerre
CONCLUSION


I/ - Le néo-libéralisme : stratégie globale du capitalisme

La conférence d’Oren (mai 1999) faisait le constat d’une « offensive sans précédent » contre les travailleurs et les peuples. Le néo-libéralisme symbolisé par les Reagan, Thatcher règne dans la pensée économique bourgeoise et broie tous les acquis sociaux sur son passage.

Le credo politique néo-libéral est connu : dénonciation du « pouvoir excessif des syndicaux » pour repousser loin en arrière les formes de domination de la classe capitaliste ; charges contre les fonctions publiques « dévoreuses d’emplois » pour mieux remettre en cause les nationalisations opérées après la seconde guerre mondiale, par des privatisations (qui constituent un accaparement de biens nationaux au profit des monopoles) ; nécessité d’adapter le procès de travail à la « compétition mondiale » pour mieux précariser les emplois et flexibiliser les horaires. Les conséquences sociales de cette politique sont dramatiques :

baisse drastique du pouvoir d’achat des salariés et pensionnés,

dépendance accentuée des pays semi-coloniaux, néo-coloniaux,

accroissement de la misère et du chômage à l’échelle mondiale,

répression contre les forces du travail et les syndicats,

guerres conçues par les grandes puissances impérialistes pour repartager le monde à leur profit.

Dans cette jungle capitaliste, les syndicalistes de la résignation poussent à faire croire « qu’il n’y a plus de grain à moudre » pour les travailleurs et qu’il faut donc plier l’échine en attendant des jours meilleurs. Pourtant, toutes les contradictions du système monopoliste s’aiguisent, la colère et les luttes grandissent, tant et si bien que certains hauts-commis du grand capital comme Ricardo Petrella (1) appelle face aux menaces et blocages à créer « une structure de correction des excès » seul moyen pour eux de pérenniser à long terme le système d’exploitation.

I/ 1 - Approche théorique du néo-libéralisme

Des questions traversent le mouvement ouvrier, le néo-libéralisme est-il une étape du capitalisme préparant le passage à une économie en voie de mondialisation où même déjà mondialisée ? Le capitalisme « triomphant » de la fin du XXème siècle ne rend-il pas caduc tout espoir de transformation sociale révolutionnaire ? Dès lors ne faut-il pas mener la lutte exclusivement contre les « excès » du néo ou ultra-libéralisme, accepter les lois du marché sans les dérives du « tout financier » en « orientant les capitaux vers les investissements productifs » ?

Des réponses à ces questions découlent des pratiques différentes, voire antagoniques, ou engagement dans le syndicalisme de lutte de classe contre un patronat à l’offensive ou syndicalisme d’adaptation pour gérer socialement, « le mieux possible » le système capitaliste ?

Pour comprendre le capitalisme contemporain, il faut remonter à sa crise structurelle initiée à la fin des années 60 et qui au-delà des « embellies » provisoires continue de sévir. Son origine se situe dans le fait que le niveau de la demande ne suit pas la production, c’est la surproduction qui crée des difficultés accrues pour le capital monopoliste à s’approprier le profit maximum.

Un certain économisme est enclin à penser que les profits augmentent quasi-spontanément, c’est oublier le rôle de la politique des Etats capitalistes qui visent à créer les conditions de l’obtention du profit maximum des grands monopoles. La tendance continuelle à la baisse de la rentabilité qui est une loi incontournable du capitalisme, oblige dans certaines périodes à un remodelage général des sociétés.

Dans ce siècle, nous avons connu deux grandes stratégies économiques : le Keynésianisme (2) ou régulation monopoliste d’Etat et le néo-libéralisme. Ni l’une ni l’autre ne sont des « étapes » du système capitaliste mais des réponses conjoncturelles pour contrecarrer la crise capitaliste.

Ce sont là deux politiques économiques de l’impérialisme qui ne constituent pas un « choix ». Contrairement à ce que certains théoriciens du mouvement ouvrier pensent, le néo-libéralisme n’est pas « l’idéologie » propre à la classe bourgeoise monopoliste pas plus que le Keynésianisme n’est la particularité d’autres secteurs moins réactionnaires.

La preuve est que les grandes multinationales : General Motors, Ford, Toyota, Renault etc. ont conduit ces deux politiques économiques et ont simplement changé la donne avec une conjoncture modifiée quand les recettes de Keynes n’étaient plus opérantes. Les idéologues qui vantaient l’efficacité d’EDF (France) sont prêts à entonner le bris de son monopole d’Etat parce que la crise structurelle actuelle par son ampleur et sa durée menace le fonctionnement général des sociétés capitalistes.

Le néo-libéralisme est donc selon nous, la réponse du capital financier aux développements structurels et conjoncturaux du capitalisme.

Le grand capital n’a qu’une « idéologie » : celle qui lui assure profit maximum et pérennisation du système. La crise de 1929, très brutale et rapide, aux conséquences sociales très lourdes : millions de chômeurs, paupérisation absolue des travailleurs dans maints pays, ruine des petits épargnants, fermetures d’entreprise, a conduit le capital monopoliste et les gouvernements à son service à remodeler déjà les sociétés.

Les théories de Keynes ont alors été appliquées dans beaucoup de pays, notamment celles sur la nécessité d’une intervention économique de l’Etat bourgeois. Rappelons que pour Keynes, l’Etat doit se charger des dépenses sociales (à partir des impôts sur les revenus directs et indirects dont les travailleurs assurent la charge principale, ce qui implique aussi un fort secteur public d’économie (avec tarifs privilégiés pour les monopoles privés).

Ces mesures constituaient une « rupture » avec les méthodes précédentes de « régulation » économique fondées sur le « laisser-faire » tempéré, il est vrai par le développement du capitalisme d’Etat durant la 1ère guerre mondiale, notamment dans le complexe militaro-industriel.

En quelques années, le Keynésianisme permit au capitalisme de surmonter le gros de sa crise, au prix fort pour l’humanité car le déclenchement de la seconde guerre mondiale est lié étroitement aux mesures capitalistes pour relancer l’économie.

Après 1945, face à un monde dévasté, le coût des investissements pour la reconstruction était tel que la bourgeoisie eut recours plus que jamais à l’intervention et à la régulation monopoliste de l’Etat, visant à faire endosser ces frais par l’ensemble des travailleurs par l’exploitation et le biais des impôts (directs et indirects).

De plus alors, les conditions objectives étaient défavorables au capital. La victoire sur le fascisme hitlérien et japonais allait conduire à renforcer les aspirations démocratiques et sociales, nationales-libératrices pour les peuples coloniaux, les luttes de classe dans tous les pays allant jusqu’à la rupture avec le capitalisme dans toute une série d’Etats formant un vaste camp socialiste regroupant 1/3 de l’humanité. Tous ces facteurs pris ensemble obligèrent le capital à manœuvrer en recul. Des concessions : nationalisations, sécurité sociale, prévoyance, droits syndicaux élargis, conquêtes démocratiques furent arrachées par les peuples. Le capital n’avait guère le choix pour sauver son système de la contagion révolutionnaire : faire des « concessions » coexistant avec la restauration de la réaction sur toute la ligne dès que les circonstances permettaient la contre-offensive des monopoles et de leurs Etats : guerre de Corée, guerres coloniales conduites par la France, coups d’Etats multiples dans le monde contre les forces de progrès, expédition coloniale de Suez etc.

Ce « compromis » Keynésien allait durant plusieurs décennies (les « trente glorieuses ») limiter relativement les effets de la surproduction par l’amélioration relative du niveau de vie dans les Etats de capitalisme développé. Ce « compromis » était fondé sur le « socialpartnership », c’est-à-dire, sur les accords entre patronat et syndicats réformistes (3) basés sur l’élévation de la productivité du travail contre une hausse modérée des salaires, et quelques avantages sociaux accordés pour limiter les exigences du mouvement gréviste. Les partisans du capitalisme pensaient alors avoir trouvé les méthodes pour résoudre les contradictions internes du système.

La crise des années 70 continuée encore, allait montrer le caractère peu scientifique et rationnel de ces espoirs. « L’Etat-providence » allait voler en éclat car la nouvelle crise de surproduction allait révéler l’impuissance de la régulation monopoliste d’Etat, des théories keynésiennes, à limiter puis à stopper la crise et surtout à assurer le profit maximum en ces temps de récession économique.

L’époque des « concessions » était révolue, d’autant que les contre-révolutions allaient briser l’URSS et ses alliés. Le capital se fixait l’objectif alors de reprendre ce qui avait dû être cédé dans un autre rapport de forces mondial. Le néo-libéralisme allait s’imposer comme la nouvelle politique économique des classes dominantes.

La particularité de la situation actuelle, liée à l’ampleur planétaire de la crise est que le néo-libéralisme est devenu le programme mondial de l’impérialisme, tant et si bien qu’on peut parler de globalisation. En effet, pressé par le besoin impératif de débouchés nouveaux par la conquête de marchés, le capitalisme étend sa sphère d’influence sur tout le globe, toutes les activités humaines sont soumises aux lois du marché. Les richesses produites sont accaparées par l’oligarchie financière d’où polarisation renforcée et inégalités croissantes : trois multimilliardaires possèdent plus que le PIB des 48 pays les plus pauvres ! 80 pays ont vu leur niveau de vie régresser à ce qu’il était en 1980. En Afrique, la consommation a reculé de 20 % en 20 ans ! Ce sont là parmi bien d’autres chiffres tout aussi accablants, les résultats de la politique néo-libérale.

I/ 2 - Les grandes lignes du néo-libéralisme

Nous avons vu que confronté à des crises structurelles graves, le capital a toujours cherché son issue dans la restructuration du système, dans le remodelage des sociétés pour assurer profit maximum et sauvegarde du capitalisme.

Le néo-libéralisme indique un tournant économique réactionnaire sur toute la ligne ; comme le Keynésianisme cette « nouvelle » donne vise à faire payer la crise aux travailleurs mais à un degré de surexploitation jamais atteint.

A cette fin, il s’agit pour les monopoles, de reprendre tous les acquis cédés dans une période d’offensive de la classe ouvrière, de durcir les formes de domination de classe. Ainsi, est conduite une politique de déréglementation généralisée qui vise à modifier le contenu de la régulation monopoliste d’Etat (cette « déréglementation » accordant toutes les libertés aux monopoles plus antisociale, antipopulaire, antinationale).

Pour le capital financier, l’Etat doit être entièrement orienté vers l’application du néo-libéralisme. Ainsi, « l’Etat-Providence » est vidé de tout contenu, partout les dépenses sociales de l’Etat sont limitées.

Si nous prenons le processus de privatisation des services publics, nous pouvons mesurer ce qu’est cette « dérégulation monopoliste d’Etat ». En France après la seconde guerre mondiale, le capitalisme monopoliste d’Etat (CME) contrôlait de nombreux secteurs d’activités productives, secteur financier (banques et assurances), aluminium, chimie légère, électronique, pétrole, gaz, électricité, chemins de fer, transports aériens.

L’Etat était fortement implanté dans les secteurs du verre, de l’automobile, de l’informatique où il assurait la moitié de la production, ainsi que dans le bâtiment, les travaux publics, la pharmacie.

Le secteur d’entreprises publiques à son apogée représentait 18 % des salariés, chiffre descendu à 10 % (1985), actuellement avec la marche forcée aux privatisations, conduites par tous les gouvernements successifs au-delà des étiquettes politiques, c’est moins de 5 % des salariés qui travaillent dans le secteur public !

Ce désengagement de l’Etat a été (et est) spectaculaire : secteur financier, informatique, sidérurgie, défense nationale, automobiles, téléphonie etc. Des privatisations « rampantes » sont lancées avec l’ouverture au capital privé, d’entreprises nationales comme Air-France, France-Télécom ou avec la suppression du monopole public : Electricité de France, Gaz de France soit 550 milliards de francs de biens publics acquis par le capital privé (en 10 ans !).

Cette politique, en pillant la propriété publique, vise à assurer le profit maximum à des intérêts particuliers dans des secteurs devenus juteux maintenant que la recherche a été assurée par le financement public : (informatique, téléphonie). De plus, les critères de rentabilité financière sont introduits dans les entreprises restées publiques.

Ainsi, la SNCF ne gère plus les voies ... s’occupe uniquement des voyages ainsi la recherche exclusive de bénéfices conduit à la fermeture de lignes peu fréquentées, jugées « non-rentables » pourtant d’utilité publique !

Dans le domaine de la santé, la recherche du profit conduit à une situation sanitaire dramatique : M. Aubry annonce la fermeture de 120 000 lits d’hôpitaux en France dans les années à venir !

Cette déréglementation conduit aussi à la fermeture d’entreprises en difficultés provisoires ou de rentabilité sur moyen ou long terme. Ainsi les chantiers navals du Havre (ACH) subventionnés par l’Etat depuis des années sont brutalement fermés sur injonction de Bruxelles (avec le consentement du gouvernement Jospin). C’est toute une activité importante (la construction navale) qui est liquidée, une nouvelle preuve de la désertification croissante de régions entières, du point de vue économique.

Ces privatisations - au-delà de la France - concernent l’ensemble des pays qui s’étaient dotés d’un fort secteur public.

La déréglementation concerne aussi le droit à l’emploi. On sait que grâce aux luttes, plusieurs constitutions bourgeoises reconnaissent ce droit, du moins formellement. Certains économistes baptisent la période keynésienne : « celle du plein-emploi ». Cette appellation est pour le moins excessive car le chômage est organique au capitalisme, toutefois, la crise actuelle s’est traduite par un chômage de masse. Les 500 plus grandes firmes mondiales licencient 550 000 travailleurs par an ! Les statistiques officielles dénombrent 800 millions de privés d’emploi dans le monde, partout une partie des salariés est exclue de la production parfois pour une longue durée voire la vie.

Les « mesures d’accompagnement » du chômage ne sont qu’une tentative certes d’assurer un minimum vital très bas pour ces personnes mais aussi de généraliser et systématiser les conditions d’appartenance à « l’armée industrielle de réserve ». La paupérisation absolue, la marginalisation de certaines catégories du prolétariat exclues de la production, devient la règle y compris dans les pays de capitalisme développé.

En France, il y a environ 700 000 chômeurs de longue durée recensés (la réalité est sûrement pire !), 8 millions de pauvres selon les catégories du BIT. On appelle les « SANS » tous les êtres marginalisés par le système (sans papiers, sans logement, sans emploi, sans aucun droit).

La mise en concurrence des salariés portée au pinacle par les néo-libéraux induit plusieurs effets. Dans les Etats impérialistes, pour faire baisser le « coût du travail » les monopoles écartent tendanciellement du travail simple, les travailleurs autochtones, recourent aux immigrés, chassés de leur pays par la misère, les dictatures, guerres et les menaces de famine ; ces derniers sont payés en moyenne 30 % de moins qu’un autochtone.

Ce recours à l’immigration est une des raisons pour lesquelles le capital diffuse racisme et discriminations par l’intermédiaire des partis fascistes, afin de semer la graine de la discorde et de la désunion entre prolétaires. L’autre méthode consiste à délocaliser les entreprises vers des pays où les salaires sont notoirement bas : Asie du Sud-Est, Europe de l’Est, ex-Républiques soviétiques.

Toutes ces mesures visent à baisser directement ou indirectement les salaires, d’où le phénomène de paupérisation absolue et relative. Les capitalistes cyniquement précisent leur objectif « la France vit un scandale économique, social et moral en payant 20 % de la population active à ne rien faire » (J. Gandois CNPF Le Monde 27.2.95). D’où les attaques contre les statuts et protections en mettant en concurrence « travailleurs statutaires » et « privés d’emploi ».

Le but est simple : faire payer toujours plus le chômage et l’exclusion, non par ses fauteurs capitalistes mais par ceux qui ont un emploi ! C’est le recours à la précarité : petits boulots, contrats à durée déterminée (CDD), emplois-jeunes, intérims, autant de dénominations qui camouflent une sinistre réalité : emplois sans garantie, absence de droits syndicaux, très bas salaires puisqu’on ne travaille pas à temps complet et non prise en compte de l’ancienneté.

Les « emplois-jeunes » assurent parfois des tâches incombant à des fonctionnaires mais n’en ont ni la garantie de l’emploi, ni la grille de salaire, ni le statut ! Outre une manière de « camoufler » le chômage et de surexploiter la jeunesse, c’est aussi une offensive contre les statutaires que la presse, aux ordres du patronat, présente comme « privilégiés ».

L’objectif est de niveler par le bas, non en assurant un emploi stable et qualifié à tous les jeunes mais en généralisant la précarité. D’ores et déjà en France, des entreprises publiques comme la Poste ont recours à l’intérim (30 % des emplois). Le néo-libéralisme veut partout casser les acquis et statuts, casser le droit syndical.

A cet égard, dans les Etats impérialistes, on observe un développement de l’économie parallèle, du « marché et du travail au noir » par le recours, entre autre, aux travailleurs immigrés clandestins, véritables esclaves modernes.

Dans un pays comme le nôtre avec les difficultés évidentes à avoir des statistiques fiables, on évalue entre 13 à 20 % du PNB, la part des richesses produites par les travailleurs « clandestins ». La jeunesse, les femmes, l’immigration sont les catégories qui sont utilisées comme cobayes par le capital pour expérimenter ce que doit être la société dérégulée. En France 40 % des salariés de moins de 25 ans connaissent en emploi précaire, alors qu’un emploi sur 3 créé est lui-même précaire !

A travers les jeunes, le capital met en place la société capitaliste sans entraves juridiques, ni limite dans l’exploitation qu’il construit pas à pas. Pour cela, le remodelage des sociétés passe évidemment par un bouleversement des conditions et formes de travail.

L’objectif affiché par les monopoles est clair : produire plus avec moins de travailleurs ; le néo-libéralisme va multiplier la flexibilité des horaires de travail, inspirée des méthodes de Toyota, il s’agit d’adapter la production et la vente de la force de travail aux besoins du marché par l’annualisation du temps de travail.

En France, la loi Aubry communément appelée « Loi des 35 heures », loin d’être une avancée sociale, est en réalité une contre-réforme qui vise à la casse des acquis sociaux, à l’instauration d’une déréglementation générale des conditions de travail. Le pire est qu’ainsi est détournée l’aspiration légitime des salariés à la réduction réelle du temps de travail, sans baisse du salaire.

Examinons brièvement quelles sont les conséquences d’une telle loi : avec les « 35 h » en moyenne annuelle, toutes les conventions collectives ont été rendues caduques et les dispositions substituantes sont loin d’offrir les mêmes garanties, les horaires hebdomadaires journaliers sont variables, certains jours de congé sont pris en compte dans la moyenne annuelle (« jour à zéro heure »), les heures supplémentaires dans la plupart des cas n’en sont plus et entrent en compte dans le calcul annuel.

Le maintien des salaires est garanti dans certains accords mais sans préciser sur la base des 39 heures précédentes ... ce qui ouvre la voie à des interprétations restrictives, d’autant que certains accords de branche stipulent des « baisses acceptées de salaire ... contre la création d’emplois ».

En fait, cette loi, comme le préconise le néo-libéralisme, permet au patronat de baisser les salaires réels, « de lutter » contre le chômage par un partage du travail existant, de lever les contraintes (pour le capital) journalières et hebdomadaires. Déjà chez Simca, on a expérimenté la journée de 10 h de travail, liquidant au passage un des plus anciens acquis sociaux : la journée de 8 h !

Grâce à cette « loi Aubry » un lien décisif pour la bourgeoisie monopoliste s’opère entre l’accroissement du taux de profit par l’utilisation plus intensive et extensive des équipements et la pression vers le bas des salaires et pensions (c’est-à-dire du taux auquel est rémunérée la force de travail).

Dernier volet, on le voit accompagnant la flexibilité, c’est l’austérité, politique mise en œuvre depuis au moins deux décennies mais qui va en s’aggravant au fur et à mesure de l’offensive néo-libérale. Pour réaliser de tels objectifs qui constituent un véritable recul de civilisation, l’Etat bourgeois voit son rôle économique non pas diminué mais modifié. La période keynésienne, les théories sur « l’Etat-providence » ont fait naître des illusions à caractère réformiste sur la nature de classe de l’Etat.

Dans les années 60, des théoriciens du mouvement ouvrier avançaient la thèse que « l’Etat sous le CME n’est pas seulement la propriété du capital mais aussi l’expression du rapport de forces entre les classes antagoniques ». En somme, les luttes pouvaient aboutir (sans transformations sociales et révolutionnaires) à modifier, infléchir le pouvoir de classe du capital.

« L’Etat-providence » était conçu dans cet ordre d’idées comme un stade irréversible atteint par le capitalisme, garantissant un certain niveau de vie même si les injustices et les inégalités persistaient, justifiant ainsi les options du réformisme syndical, politique. La crise de surproduction et la politique néo-libérale ont montré le peu de consistance scientifique de ces « théories » même si des illusions sur le Keynésianisme persistent encore.

Il est bon de rappeler que les enseignements de Keynes ont permis la mise en place par l’oligarchie financière d’une politique assurant par l’exploitation salariale, le pillage (néo) colonial des Etats dépendants, le profit maximum des monopoles, politique certes moins brutale que l’actuelle option néo-libérale mais qui concourait aux mêmes objectifs de classe.

Les Entreprises d’Etat nationalisées n’étaient nullement des « ilôts de socialisme » mais du capitalisme d’Etat, même si toutefois - période de concession oblige - les garanties, droits, acquis des personnels étaient souvent plus élevés que dans les monopoles privés. Rappelons que les acquis, salaires étaient d’ailleurs financés à la fois par le pillage et la domination impérialiste et par le budget d’Etat et les ponctions sur les revenus des travailleurs par l’imposition. Si les traits permanents du capitalisme se retrouvent tant dans le Keynésianisme que le néo-libéralisme (plus-value accaparée par le capital, propriété privée des moyens de production et d’échange, exploitation de l’homme par l’homme, contradiction entre le caractère social de la production et la propriété monopoliste etc.) leurs différences, non dans l’objectif stratégique mais dans les méthodes, les formes, les rythmes naissent dans la modification du rapport de force mondial : offensive ouvrière et populaire d’où réforme keynésienne, offensive du capital d’où néo-libéralisme.

Ce terme d’offensive ne signifiant pas que le capital ne rencontre plus d’obstacles, au contraire, la crise le pousse à des options antipopulaires qui peuvent mettre en péril, à terme, son édifice politique de domination. Le passage d’une politique à l’autre a été rendu nécessaire par la crise de la régulation monopoliste d’Etat (CME) impuissante à empêcher ou enrayer la crise de surproduction. Dès lors, le néo-libéralisme s’il modifie certaines fonctions de l’Etat bourgeois, ne les supprime pas.

Le CME (capitalisme monopoliste d’Etat) d’ailleurs n’est pas un « stade suprême du stade suprême impérialiste » comme certains le pensaient mais une politique conjoncturelle découlant du rapport de forces. Nous laissons aux spécialistes le soin de déterminer si le CME persiste ou non, en tous les cas avec le néo-libéralisme nous avons évoqué précédemment une « dérégulation monopoliste d’Etat » car la politique réactionnaire du capital est conduite avec toute l’autorité et la puissance de l’Etat des monopoles.

L’Etat, par l’intermédiaire des gouvernements à son service, fait appliquer et systématiser les mesures monétaristes et néo-libérales, dans chaque pays : déréglementations, austérité, flexibilité, précarité, chômage massif. En France, par exemple, l’Etat est aujourd’hui le premier utilisateur de travail précaire : 1/3 des emplois à la Poste, 1/6 à l’Education Nationale …

L’Etat est pionnier dans la réduction des dépenses sociales (Sécurité Sociale), à « laisser-faire » les fermetures d’entreprises, à préparer les projets de retraite par capitalisation, à privatiser progressivement la Sécurité Sociale, à préparer un projet de loi sur l’épargne obligatoire pour détourner une partie des salaires vers la spéculation boursière et les fonds de pension américains ou autres.

Les aides publiques de l’Etat au capital privé deviennent la règle budgétaire :
+ 300 milliards de francs en 5 ans. L’Etat français s’inscrit dans la politique de partage du monde entre grandes puissances impérialistes (ce qui ne supprime pas luttes féroces et concurrences entre eux) et permet la casse des secteurs jugés « non rentables » afin de promouvoir une politique des « créneaux » avec ses rivaux : c’est par exemple la liquidation de la sidérurgie et du textile en France.

L’Etat propose les « plans sociaux » divers pour les personnels licenciés et prend les « aides » sur le budget public. On voit donc que l’intervention économique de l’Etat demeure sous le néo-libéralisme et que les phrases des idéologues sur le « moins d’Etat » ne sont que billevesées.

Cette politique néo-libérale constitue nous l’avons vu une réponse conjoncturelle à la crise économique actuelle pour conjurer son explosion par des krachs ou toute autre manifestation aiguë de ce mal organique, les contradictions ne sont en rien atténuées et sont même aggravées tant le caractère inhumain et les limites historiques du capitalisme apparaissent avec clarté (pour qui veut bien le voir).

Pour encadrer et réprimer les travailleurs, les Etats bourgeois développent les appareils coercitifs : armée, police, gendarmerie, justice, à un degré jamais atteint. De l’héroïque grève des mineurs britanniques aux syndicalistes des forges de Clabecq, toute la puissance répressive de l’Etat est mise en branle pour écraser les luttes ouvrières.

En Turquie, la bourgeoisie pratique une politique de terreur ouverte contre le mouvement syndical, en France sous la présidence du socialiste Mitterrand, ce sont plus de 100 000 délégués syndicaux qui ont perdu leur emploi dans les années 80, 70 000 ces cinq dernières années.

La politique de globalisation capitaliste conduit l’armée des grandes puissances impérialistes, Etats-Unis en tête, à endosser plus que jamais le rôle de gendarme du capitalisme contre les pays récalcitrants à des degrés divers au « nouvel ordre mondial » : Irak, Yougoslavie.

Les Etats impérialistes veillent aussi à l’application des sanctions économiques : embargo, blocus contre les Etats qui refusent la globalisation capitaliste comme Cuba. Si la globalisation (nous le verrons dans la seconde partie) conduit au nom de la toute puissance des sociétés multinationales à s’attaquer aux souverainetés nationales y compris des Etats développés, à recoloniser le « Tiers-Monde », ce n’est d’ailleurs pas contre les bourgeoisies « nationales » mais avec leur assentiment, et cela ne supprime pas les fonctions politiques et économiques des Etats nationaux (au moins pour la forme sinon par le contenu).

Le néo-libéralisme ne signifie pas non plus, l’emploi unique des méthodes de coercition. Des « concessions » sont encore opérées, il est vrai moins adressées aux classes et couches sociales, en tant que telles qu’aux individus », d’où le syndicalisme « rapproché », de « l’individu » vanté par les bureaucraties réformistes.

Quelles sont les formes prises par ces « concessions » ? Tout d’abord la recolonisation en marche du « Tiers Monde » par la surexploitation des peuples permet de maintenir un certain standing de vie à certaines catégories de salariés. C’est flagrant aux Etats-Unis où la dette des ménages dépasse la dette publique mais aussi dans les autres pays par l’octroi de « sinécures » de fonctions d’encadrement de toutes sortes pour certains syndicalistes ou élus qui forment une bureaucratie ouvrière « au-dessus » de la classe prolétarienne et qui par ses aspirations s’apparente à la petite-bourgeoisie.

C’est ensuite le recours massif à l’actionnariat des salariés dans les pays impérialistes qui touche notamment les travailleurs des entreprises anciennement nationalisées pour lier les personnels actionnaires aux résultats de « leur » entreprise.

Si cela ne constitue pas des gains très substantiels, se diffuse cependant une mentalité là aussi petite-bourgeoise dans la classe ouvrière ; cf. aussi les fonds de pension qui pillent une partie du salaire en actions-partie du capital des sociétés, ce qui accroît la dépendance des travailleurs vis à vis de ce même capital : une grève peut alors entraîner une chute de la valeur boursière des actions !

L’objectif pour les multinationales est stratégique : intégrer la classe ouvrière par « l’empetit-bourgeoisement » de ces couches supérieures aux vues et objectifs du capital. C’est-à-dire, généraliser et globaliser la politique conduite aux Etats-Unis envers les ouvriers blancs.

Même dans un pays comme la France avec ses traditions de lutte de classes, ces mesures ne sont pas sans effet : 80 % des salariés de France Télécom ont des actions, il y a au total 6 millions d’actionnaires (même chiffre qu’en 1985) mais plus « populaires » qu’auparavant. Bien sûr, cela ne change rien quant au fond à la propriété des monopoles mais retarde la prise de conscience et peut créer des illusions sur le système capitaliste, c’est là un chantier important du syndicalisme révolutionnaire.

De plus, la montée des services, la désectorisation de certains monopoles et la création ainsi de PME (petites et moyennes entreprises : 5 millions en France), filiales ou sous-traitants de ces monopoles, favorise le développement de nouvelles couches moyennes qui constituent une base sociale pour le réformisme et l’allégeance au capital.

Dans les pays en voie de recolonisation, la domination impérialiste cherche un soutien dans la bourgeoisie grande et moyenne devenue compradore et s’enrichissant comme « intermédiaire » dans l’échange inégal.

Enfin, dans le monde entier, le parasitisme croissant du capitalisme se reflète dans le laxisme des Etats vis à vis de « l’argent facile » des trafics divers : drogues, armes, prostitution. On assiste à l’élargissement du Lumpen-Prolétariat composé d’éléments voués à une misère extrême et qui pour survivre, croient trouver leur planche de salut dans des activités illicites gagnant en quelques heures le salaire mensuel d’un ouvrier ; c’est là aussi une forme non négligeable de corruption des travailleurs, d’autant que prospérant dans l’économie parallèle, le Lumpen-Prolétariat est prêt à servir les basses besognes du régime capitaliste.

Parallèlement, le capital a besoin de soutien social et politique au sein du mouvement ouvrier. Le néo-libéralisme cherche aussi l’appui du réformisme syndical et politique. La crise économique a provoqué une crise du réformisme qui avait particulièrement vu grandir son influence sous la politique de régulation monopoliste d’Etat dite « Etat Providence ». La politique de compromis mettait en avant les organisations syndicales signatrices d’accords dont le contenu au-delà de quelques miettes accordées, allait dans le sens du renforcement des cadences productives dans les usines !

La ligne du refus des concessions financières limite l’espace traditionnel accordé au réformisme, ce dernier a donc dû s’adapter, suivre le tournant réactionnaire et se transformer en syndicalisme d’accompagnement, ouvertement pro-patronal.

Dans ces conditions, en effet, les organisations réformistes deviennent purement et simplement des chambres d’enregistrement et des caisses de résonance de la politique des monopoles. La collaboration de classe est prônée et présentée comme le dernier cri de la « modernité ».

Les conditions objectives aggravées pour la classe ouvrière et les salariés mettent en péril à terme, l’influence de masse d’un réformisme voué à signer des accords entérinant la régression sociale et montrant ainsi l’inefficacité de la collaboration de classe.

C’est la raison pour laquelle le patronat cherche avant tout à faire pénétrer par ses agents, les organisations syndicales révolutionnaires, de façon à infléchir leur cours dans le sens réformiste, en s’appuyant principalement sur les éléments bureaucratisés et en créant des structures communes de « dialogue Employeurs-Employés » à l’instar de « Confrontations » (4) en France. Une fois le syndicalisme, à l’origine de lutte et de masse, intégré au capital, il y aurait pour le capital, réussite dans l’objectif de recomposition syndicale générale réformiste, assurant ainsi tranquillité et pérennité au système d’exploitation.

Le syndicalisme révolutionnaire est donc à la croisée des chemins. Les restructurations industrielles, la pression du chômage ont créé aux travailleurs et aux syndicalistes des difficultés nouvelles avec un rapport de forces international plus défavorable. Partout cependant existent des forces de résistance, conduisant même une véritable contre-offensive prolétarienne comme en Corée du Sud, Indonésie, Turquie. Là est l’avenir, non dans la résignation mais dans le déploiement des luttes. Il faut dépasser et vaincre nos insuffisances (provisoires) :

1°/ - à co-organiser les luttes au plan international, à faire vivre en pratique la solidarité de classe dans les maisons-mères des métropoles et dans les filiales des pays dominés,

2°/ - sur le plan national, à fédérer les luttes encore dispersées, à vaincre le corporatisme pouvant encore subsister,

3°/ - à conduire un combat théorique et pratique incessant contre le réformisme tout en visant à arracher les masses à des chefs intégrés au système par l’unité d’action sur des bases de classe et une plate-forme clairement revendicative.

Pour cela, il faut ne pas se tromper de cible. Le néo-libéralisme n’est pas un stade du capitalisme « indépassable », il n’est pas non plus une dérive financière par rapport au « bon vieux temps » du capitalisme industriel : mais l’adaptation des lois permanentes du capitalisme à la conjoncture actuelle.

Déjà, certains idéologues néo-libéraux comme Jeffrey Sachs préconise face aux conséquences du krach financier en Asie de « nationaliser les banques y compris au Japon ».

La pause relative dans la crise largement fondée sur une reprise économique artificielle et fragile pousse certains économistes à renouer avec Keynes, ce n’est pas encore le courant dominant certes mais il faut être attentifs d’autant que certains progressistes prônent une « économie régulée », une « spéculation contrôlée », la « démocratisation des organismes financiers supranationaux » et ouvrent ainsi sur fond d’échec du néo-libéralisme, la voie du retour à la politique économique précédente pour mieux assurer le profit maximum et sauver l’impérialisme.

Nous ne devons pas viser à aménager « socialement » un système dans l’incapacité de satisfaire les besoins sociaux, matériels, culturels, d’assurer le minimum vital à la majorité des habitants du globe, un système où une oligarchie s’enrichit de plus en plus et où les travailleurs se paupérisent.

Notre cible bien comprise, ce n’est pas telle ou telle politique du capital mais bien le capitalisme dans son ensemble, puisque nous vivons la contradiction fondamentale entre les possibilités objectives de satisfaire tous les besoins (grain à moudre pour le syndicalisme révolutionnaire) et l’incapacité historique du capitalisme à satisfaire ces besoins :

2 milliards d’individus sont privés d’eau potable

1 milliard de personnes sont menacées par la famine et la malnutrition

développement foudroyant du sida en Afrique qui crée une pandémie de masse, menace pour l’existence humaine

II/ - Globalisation et mondialisation capitaliste

« Le processus de mondialisation marque le début de la fin du système national en tant qu’alpha et oméga des activités et des stratégies planifiées par l’homme »
- Ricardo Petrella -

« Les capitalismes nationaux sont caducs, on constate l’inanition des pouvoirs publics, les Etats ne défendent plus les intérêts des citoyens » - Sous-Commandant Marcos -

Il est frappant (et curieux) de constater que deux personnalités aussi différentes et contrastées aboutissent au même constat : fin des Etats-nations et des économies nationales avec toutefois davantage de prudence pour le thuriféraire du système qui parle seulement de « début de la fin ».

La mondialisation fait couler beaucoup d’encre, ce n’est en effet pas une question secondaire puisque de son analyse découle l’appréhension du monde contemporain et la stratégie pour le transformer.

II/ 1 - Mondialisation et limites de la mondialisation

Les thèses avancées dans le mouvement ouvrier peuvent être synthétisées ainsi (provenant de divers courants politiques et syndicaux). « Le nouvel ordre, c’est l’unification du monde en un unique marché » ; « on assiste à un procès d’autonomisation des multinationales par rapport à leurs Etats nationaux ».

Rappelons que toute conclusion hâtive dans l’étude d’un phénomène outre les conséquences négatives dans la pratique, peut involontairement servir les objectifs du capital, qui en diffusant la vision d’un monde déjà mondialisé vise à semer résignation et à justifier le néo-libéralisme prétendu conséquence de la mondialisation.

Ce qui est sûr, c’est que nous vivons un phénomène de globalisation capitaliste, c’est-à-dire une politique définie par les plus puissants Etats impérialistes avec leurs multinationales, pour être appliquée partout dans chaque pays, les Etats-Unis jouant le premier rôle.

Cette globalisation est la voie capitaliste pour malgré la crise, assurer le profit maximum. Ces multinationales sont aux avant-postes pour conduire la surexploitation : licenciements massifs, intensification du travail, « toyotisme », flexibilité, précarité et éclatement des conventions collectives ou statuts, achats d’entreprises anciennement nationalisées.

Le néo-libéralisme pas plus que la politique keynésienne n’atténue les contradictions internes et externes du capitalisme, comme nous l’avons vu. La crise financière en Asie montre les limites du néo-libéralisme. La suraccumulation de capitaux a provoqué - notamment chez les « Dragons », ces Etats d’Asie dont le système vantait la « réussite économique » pour justifier le capitalisme : krach et ruine de millions d’épargnants. Nous avons là une contre-publicité vivante pour les défenseurs des fonds de pension.

Des résistances populaires ont surgi, parfois spontanément, et ont adopté des formes de lutte violentes quasi insurrectionnelles : Thaïlande, Indonésie, Corée du Sud, Philippines ... Nous avons là plusieurs objections aux tenants d’une économie mondialisée achevée, sans rôle significatif des Etats-Nations : quand le capitalisme est malade, des maillons faibles apparaissent correspondant à des économies et à des Etats nationaux, la colère, les grèves, l’opposition à la crise capitaliste surgissent avant tout aussi nationalement.

Autre preuve que le monde n’a pas épuisé le rôle des nations, ce sont les contradictions aiguës qui surgissent entre Etats nationaux surtout impérialistes, exprimées parfois par des accents guerriers.

« Nous devons maintenir en place les mécanismes destinés à dissuader nos rivaux potentiels ne serait-ce que d’aspirer à un rôle régional ou mondial plus important ». (Directives du Pentagone 1994/99). Ou ces déclarations du Président Bush, survenues juste après la disparition de l’URSS, « maintenant, l’ennemi public n° 1 est le Japon » ; les déclarations contre l’Union Européenne ne manquent pas non plus « Nous devons empêcher l’Union Européenne de contester notre suprématie mondiale » (Déclaration du Pentagone).

Ces contradictions interimpérialistes pour la conquête de l’hégémonie portent à un degré supérieur le danger de guerre directement entre grandes puissances, ou par pays interposés. Le capitalisme reste bien la source matérielle, objective des guerres. Dans les tentatives actuelles de repartager le monde à leur profit, les impérialismes coalisés et concurrents ont jusqu’ici déchaîné la violence contre les « Etats-voyous », curieux et inadmissible concept qui désigne les Nations-Etats récalcitrants à des degrés divers à la mise en place du nouvel ordre mondial impérialiste.

Nous avons là, la justification des agressions criminelles contre l’Irak et la Yougoslavie qui sont aussi des « guerres » de rivalité entre grandes puissances où chacun essaye de placer des pions, de conquérir des marchés, au détriment des autres.

La globalisation ne peut donc être comprise comme l’extinction des Etats et Economies nationaux, là aussi, nous sommes confrontés à une politique du capital qui peut être mise en échec nationalement, ce n’est donc pas un processus inéluctable puisque plus que jamais l’inégalité de développement économique entre pays persiste, occasionnant l’apparition de maillons porteurs de contradictions explosives. Plusieurs mythes entretenus par les idéologues du capital et le réformisme tombent :

celui d’un « co-développement » grâce aux « pays riches » et « profitables aux deux parties ».

L’impérialisme, au-delà des déclarations démagogiques, ne favorise pas le développement industriel du Tiers-Monde. Les fermetures d’entreprises, les délocalisations touchent aussi ces pays dès lors qu’ils deviennent de potentiels concurrents (Corée du Sud : secteur électro-ménager, automobile) où que la classe ouvrière y lutte pour l’amélioration de ses conditions de travail et salaires.

En fait, l’impérialisme ne « développe » l’industrie dans les pays du Tiers-monde » qu’à deux conditions :

- que cela lui assure des surprofits

- que le développement du pays soit relatif et limité (et fixé par la puissance oppressive).

Comment, alors que l’impérialisme recolonise certains Etats, en domine d’autres, que ces mêmes pays impérialistes se livrent une guerre commerciale impitoyable pour le seul bénéfice de « leur pays », parler d’une économie « mondialisée », il faut plutôt parler d’extension des économies impérialistes « nationales » et des rapports de production capitaliste à tous les continents, à tous les pays.

Face à toutes les campagnes annonçant l’avènement du « village-monde », les courants réformistes de gauche diffusent l’idée, parfois avec succès (« Monde Diplomatique », organisation ATTAC, projet de Taxe Tobin) de corriger les excès du mondialisme, du néo-libéralisme, ou de « l’ultra-libéralisme » en prônant :

a/ la « formation de grands blocs économiques politiques face aux Etats-Unis
(cf. théorie du philosophe français Pierre Bourdieu),

b/ en « démocratisant » les organisations internationales de l’impérialisme.

Nous allons tenter de démontrer que c’est une méconnaissance totale de l’impérialisme contemporain dominé par une poignée d’Etats.

II/2 - Contribution à l’analyse de l’impérialisme aujourd’hui

Le capitalisme demeure au stade impérialiste-monopoliste de son développement.

Première caractéristique : l’internationalisation croissante de la production.

Ce phénomène n’a pas débuté avec la « mondialisation » ou la « globalisation », il a sa source dans l’essor économique et le développement capitaliste naissant de certains Etats européens dès le 16ème siècle. Ce phénomène a pris une ampleur remarquable avec la formation du stade impérialiste du capitalisme, voici plus de 100 ans.

Cette internationalisation se traduit par les échanges économiques, culturels, humains (inégaux). Nous avons là aussi un phénomène qui n’est pas intrinsèquement l’apanage du capitalisme. Les échanges internationaux existaient sous le féodalisme, l’internationalisation peut aussi servir de cadre au développement égalitaire des nations sous un régime débarrassé de l’exploitation de l’homme par l’homme, avec la propriété sociale des moyens de production, une planification mondiale et une division internationale du travail contractuelle qui permettraient enfin à l’humanité de rompre avec la misère, le chômage, la famine et l’analphabétisme.

L’internationalisation croissante est aussi la marque de la contradiction fondamentale entre le caractère de plus en plus social des forces productives et l’appropriation de plus en plus oligarchique de la plus-value.

Certains traits de ce phénomène sont, ou modifiés, ou nouveaux :

le marché financier est maintenant relativement mondialisé (relativement car seuls quelques Etats ont un marché financier !), sur fond de luttes aiguës et de développement inégal entre places boursières, de fusions et acquisitions, trois places boursières sont dominantes : New-York, Tokyo, Londres,

grâce aux moyens de télécommunication moderne, les échanges financiers sont devenus instantanés, ce qui accentue et accélère l’exportation des capitaux (la prédominance de l’exportation des capitaux sur celle des marchandises est un trait organique de l’impérialisme),

la finance (capitalisation boursière) attire les hauts salaires mais aussi l’actionnariat ouvrier (à caractère souvent imposé, il est vrai), tant et si bien que dans les grands Etats impérialistes, la bourse devance les banques comme principal moyen d’investissement !

le profit maximum reste l’objectif fondamental des monopoles mais sa recherche à court terme, voire immédiate, devient décisive dans la stratégie des entreprises, d’où accentuation de l’internationalisation de la spéculation financière.

Ces données modifiées ou nouvelles confirment et renforcent la suprématie du capital financier, l’hégémonie de l’oligarchie financière dans les Etats capitalistes, une oligarchie d’Etats dominant le monde et se « partageant » selon leur poids respectif les organismes financiers supranationaux : FMI, OCDE, OMC, Banque Mondiale etc., les Etats-Unis gardant, nous le verrons ainsi l’hégémonie mondiale.

Autre donnée modifiée, elle concerne l’internationalisation du procès de travail. Le Net s’il permet des transactions de toutes sortes et peut même provoquer des tempêtes boursières dans la « nouvelle économie » (cf. Iloveyou), favorise une gestion internationalisée des Entreprises, où la maison-mère qui a son siège dans tel ou tel Etat impérialiste va désectoriser ses activités dans des filiales dans d’autres Etats souvent dépendants, ce qui occasionne délocalisations dans le pays de la « maison-mère » et gestion centralisée des filiales quasi immédiate par le moyen de l’informatique.

Les sociétés multinationales gèrent donc leurs entreprises, de leur siège social à l’échelle continentale voire mondiale. Si nous prenons l’exemple de Ford, un holding a été créé pour coordonner toutes les activités en Europe (idem pour General Motors).

Ainsi, les entreprises à l’étranger se transforment en « sites spécialisés » sur la base d’une division du travail très poussée, le centre décisionnel, même pour les petites opérations se localisant au siège social, d’où dépendance accrue des filiales par rapport à la multinationale, cette dépendance concourant aussi à empêcher une politique anticapitaliste alternative ; imaginons un gouvernement nationalisant telle filiale, quelle utilité nationale et sociale peut avoir une usine fabriquant exclusivement des esssuies-glaces d’une Ford produite dans des dizaines de pays !

La division entre maison-mère et filiales grandit tant et si bien que le commerce inter-firme (principalement américaines, japonaises, allemandes) représente maintenant 1/3 du commerce mondial. La maison-mère gardant la maîtrise de toute la production et du commerce est rattachée à son Etat impérialiste qu’elle sert.

L’Etat capitaliste national continue à gérer les intérêts collectifs de la bourgeoisie monopoliste ; par exemple, Washington sert ses multinationales mais arbitre les rivalités, si nécessaire, entre Ford et General Motors qui ont d’ailleurs leurs avocats et représentants directs dans l’appareil d’Etat.

Comme nous l’avons montré, le néo-libéralisme et l’internationalisation croissante ne modifient pas le rôle de l’Etat capitaliste (national) qui demeure l’organisateur collectif de la classe capitaliste et subordonne les intérêts d’un monopole fut-il tout puissant aux intérêts de l’ensemble des monopoles (cf. Procès à Micro-Soft et à Bill Gates).

Avec l’impérialisme, certains monopoles internationaux jouent un rôle premier dans la mise en valeur de la politique de leur Etat bourgeois en contribuant à l’assujettissement de tel Etat dépendant, Elf, Total sont une des armes de l’impérialisme français pour contrôler sa zone néo-coloniale.

Les moyens de pressions des Etats impérialistes se sont accrus grâce à l’instantanéité des échanges financiers, puisque des multinationales, des banques nationales ou continentales, des Etats peuvent sanctionner par la spéculation financière, la fuite immédiate des capitaux, toute politique gouvernementale d’un autre Etat jugée contraire aux intérêts de la globalisation capitaliste.

Cette instantanéité n’a pas d’ailleurs que des avantages et aggrave certaines contradictions du capitalisme puisqu’elle a largement favorisé le krach asiatique en soufflant la panique d’où les propositions, même de certains néo-libéraux, de réglementer internationalement les marchés financiers.

Le processus d’internationalisation ne conduit pas actuellement à l’effacement des origines et du caractère nationaux des grandes firmes qui restent contrôlées majoritairement par des actionnaires du pays d’origine.

De plus, si le commerce et les investissements s’internationalisent, la plus grande proportion des avoirs et de leurs ventes se situent dans le pays d’origine. Selon les experts entre 70 et 75 % de la valeur ajoutée des multinationales a été produite dans le pays du siège social.

Sur les 100 firmes les plus actives à l’étranger, 18 seulement y ont la majorité de leurs avoirs ; s’avère également un mythe, le prétendu « management internationalisé » ; dans les 500 plus grandes entreprises américaines, 2,1 % des membres des conseils d’administration sont étrangers.

Certes, les Etats-Unis usent d’un protectionnisme qu’ils combattent chez les autres, mais même si la participation étrangère est plus grande dans les firmes de l’UE (mais pas au Japon), les conseils d’administration restent sous le leadership des capitalistes nationaux.

Autre fait qui souligne le caractère encore « national » des capitalismes développés, les pratiques financières, commerciales sont définies par chaque Etat, pour favoriser ses entreprises locales, y compris dans l’UE où derrière « l’Union » officielle, agissent les rivalités.

On voit même certains hommes d’Etat lors de leurs déplacements officiels endosser le rôle de représentants de commerce de leurs monopoles nationaux (cf. le Président Chirac pour l’Airbus ou le TGV !). Les garanties, exonérations, tarifs préférentiels dont bénéficient les grandes firmes sont accordés et fixés par les Etats ; de même, la majeure partie de la recherche, de l’espionnage industriel s’effectue au profit de « sa » nation.

Les coopérations dans ce domaine ne s’exercent qu’une fois que le plus fort ait imposé le prix de monopole pour tirer de substantiels profits, même les projets européens communs se placent sous la domination de tel ou tel Etat dans tel ou tel secteur.

La conjoncture (menace de krach) a même obligé les 100 plus grandes firmes mondiales à réduire leurs activités à l’étranger en raison des conditions économiques dégradées et incertaines, des révoltes sociales dans certains Etats néo-colonisés ou dépendants.

Cela appelle plusieurs réflexions : le processus de mondialisation est une tendance du développement économique, existent des limites objectives qui constituent une contre-tendance qui sont suffisamment fortes pour qu’on conclut que le procès de mondialisation est loin d’être achevé.

De plus, le néo-libéralisme globalisé se trouve confronté à l’aiguisement des contradictions qu’il engendre en raison de sa politique, ainsi la recolonisation en marche du « Tiers-Monde » contrecarre cette mondialisation vantée par les thuriféraires du capital, en ruinant certaines économies nationales poussant les monopoles, parfois au redéploiement intérieur (cf. les dévaluations de la monnaie de 50 à 60 % en Asie du Sud-Est).

Le mode de production capitaliste se caractérise encore à l’échelle mondiale par la domination d’une poignée d’Etats impérialistes (les mêmes puissances qu’au début du 20ème siècle, dans une hiérarchie modifiée). La haute technologie, la recherche sont concentrées dans 5 Etats (+ 80% des brevets mondiaux).

Les IDE (investissements directs à l’étranger) ont augmenté 5 fois plus rapidement que la valeur de la masse commerciale, 10 fois plus que la production industrielle depuis 15 ans. Ces IDE concernent surtout des portefeuilles spéculatifs (recherche du profit maximum immédiat), ce qui aggrave les fluctuations et les tempêtes boursières, provoquant krach ou risque de krach, hier l’Asie, demain la Russie, le Brésil ... ? Nous avons là un facteur d’aggravation de la crise structurelle du capitalisme.

Les IDE mettent en mouvement la plus grande masse financière jamais atteinte, en 1995 les IDE se sont montés à 230 milliards de dollars mais ont rapporté 5 200 milliards de dollars !

Les valeurs et rentrées financières sont concentrées dans 5 puissances : Etats-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni à hauteur de 65 % des transactions mondiales ; avec inégalités entre eux puisque les Etats-Unis à eux seuls totalisent 25 % des transactions mondiales, 6 % des IDE proviennent d’Etats du Tiers-Monde.

Cette décennie, les IDE des Etats impérialistes en direction de « Tiers-Monde » ont été multipliés par 5, l’Asie étant à 70 % la cible de ces transactions.

L’Afrique est un continent laissé pour compte avec seulement 4 % du montant des IDE (essentiellement en Afrique du Sud ou dans les Etats pétroliers). L’Europe Centrale et de l’Est n’est pas mieux lotie avec 6,5 % des IDE.

De tous ces chiffres, nous pouvons tirer plusieurs leçons : la loi capitaliste-impérialiste du développement inégal persiste plus que jamais et va même en s’aggravant. On est donc encore loin d’une économie mondiale et intégrée ou d’une « inégalité relative dans le développement mondial ». Les IDE revêtent surtout un caractère essentiellement spéculatif : 90 % des IDE nord-américains concernent des rachats, des prises de part liées aux privatisations.

Lorsque les IDE se déploient dans la production, ils ne touchent que des pays où les salaires sont plus bas que dans le pays d’origine. Ainsi l’heure moyenne de travail est payée 1,5 dollar en Europe de l’Est contre 26 dollars en Allemagne ; ce qui explique la pénétration économique de l’impérialisme allemand dans cette zone.

Toutefois, les IDE ne sont qu’une partie minime de la spéculation financière, puisque chaque jour dans les principales places boursières sont échangées 1 230 milliards de dollars de devises (5 fois environ le budget annuel de la France !).

Ce cancer financier obtenu au détriment de la satisfaction des besoins souligne plus que jamais le caractère parasitaire du capitalisme.

L’accroissement du volume des opérations bancaires est supérieur au volume du commerce mondial, sur 70 dollars échangés au marché des devises, 1 seul paye l’échange de marchandises ou de services.

Le commerce mondial des marchandises atteint 3 000 milliards de dollars, alors que les obligations liées aux crédits bancaires ou boursiers atteignent 75 000 milliards de dollars ! preuve aussi du caractère pourrissant de ce système dominé par le capital financier et une oligarchie financière.

II/3 - Les multinationales et les Etats nationaux

Certains théoriciens du mouvement ouvrier défendent l’idée que les multinationales détruisent les fonctions de l’Etat-nation et sont les véritables maîtres du monde.

Certes l’économie contemporaine confirme largement la caractéristique selon laquelle l’impérialisme est le capitalisme de monopoles, qu’il signifie centralisation et concentration du capital.

En 1969, on comptait 7 300 sociétés multinationales ; actuellement ce sont 37 000 firmes multinationales qui opèrent dans le monde, marque de l’internationalisation croissante des forces productrices.

Sur les 200 plus grands monopoles mondiaux, 166 (83 %) appartiennent aux 5 plus grandes puissances impérialistes (cf. tableau ci-dessous).

 

PAYS

FIRMES

PRODUIT BRUT
(Milliards de $)

Etats-Unis

80

1 305,5

Japon

35

657,3

Royaume-Uni

18

264,7

Allemagne

17

207,5

France

16

182,6

 

Notons que l’UE compte 64 firmes, ce qui souligne ses potentialités de rivale des Etats-Unis. Toutefois, ce chiffre ne tient pas compte du fait qu’actuellement, ces monopoles agissent principalement pour les intérêts impérialistes de « leur » Etat.

Ces 200 oligopoles réalisent 30 % du Produit Mondial Brut.

Précédemment, nous avions évoqué le rapport entre « maison-mère » et filiales pour pouvoir conclure que la politique des multinationales est double : centralisation accrue des capitaux et des options décisionnelles au sein des sièges sociaux, décentralisation de la production dans les filiales installées dans les autres Etats.

Ce sont seulement des tendances puisque nous avons vu que les délocalisations n’étaient pas exclusives à certains Etats développés.

La situation est dramatique pour le « Tiers-Monde » touché par des mesures d’ajustement structurel édictées par l’impérialisme mondial qui ont préalablement liquidé souvent les industries locales traditionnelles. 80 pays se sont vus imposer ces mesures d’ajustement qui signifient extension du chômage, paupérisation absolue pour les habitants, austérité et ruine parfois du pays. En effet, les Etats développés voient une solution à la crise de surproduction dans l’exportation des biens d’équipement à des pays qui en sont dépourvus. Cela n’est qu’un palliatif temporaire.

Cette tendance de l’impérialisme via les multinationales à transférer une partie de la production, a des conséquences lourdes pour le prolétariat des pays impérialistes : chômage, baisse des salaires par la concurrence etc. Ici la division internationale du travail prend des traits sinon nouveaux du moins accentuée avec la parcellisation des tâches à l’échelle internationale. Ainsi, le profit maximum est garanti puisque le salaire (à travail égal) varie de 1 à 30 entre la maison-mère et les filiales.

Cette division internationale du travail accroît l’interdépendance par la dépendance y compris d’Etats de capitalisme développé par rapport aux trois centres impérialistes. Cela signifie-t-il formation d’une macro-économie mondiale ? Non, parce que demeurent les Etats qui avec « leurs » multinationales forment un mécanisme complexe d’interaction (cf. le passage des dirigeants des sociétés privées à l’appareil d’Etat et vice-versa).

Ces 37 000 multinationales d’un poids très inégal puisque la concentration et la centralisation du capital se renforçant, 200 en fait jouent un rôle décisif, sont en rivalité : les fusions-acquisitions ne cessent de se multiplier, les Etats sont amenés à exercer une fonction importante dans ce processus.

La question étant fort complexe, nous pensons qu’il y a confusion souvent entre la politique de liquidation des souverainetés nationales conduite au moyen du néo-libéralisme par le capital financier au nom de la « libéralisation » des marchés (pour empêcher aussi les formes nationales de résistance) et la disparition de l’Etat-Nation.

Dans l’histoire, bien des pays sont passés sous le joug militaire, politique d’un agresseur : le pays perdait sa liberté et son indépendance mais non seulement la nation n’était pas détruite mais le sentiment national était la source du combat pour chasser l’envahisseur.

Le capitalisme et plus encore au stade impérialiste est marqué par la loi d’inégalité de développement source objective des contradictions et rivalités entre Etats et entre monopoles. Certains pays deviennent dominants par le pillage, l’assujettissement des autres, d’autres gagnent puis perdent l’hégémonie mondiale. La particularité du monde contemporain est que les Etats-Unis écrasent le globe de leur domination et façonnent selon leurs stricts intérêts la politique de la plupart des Etats.

En fait, deux pays : le Japon et l’Allemagne (à condition que l’UE reste sous son leadership et se fédéralise toujours plus, constituant une véritable entité politique et économique) peuvent concurrencer les Etats-Unis.

Concernant le capitalisme, trois types d’Etats existent :

- 1/ les Etats impérialistes « dominants » en rivalité pour l’hégémonie mondiale : Etats-Unis, Japon, Allemagne qui constituent sous leur égide de vastes espaces économiques continentaux. Les Etats-Unis, seul Etat à l’influence transcontinentale, est le seul à être totalement « indépendant » tandis que ses rivaux sont partiellement soumis à l’impérialisme US par le biais de l’occupation militaire ; ce qui peut provoquer pressions ou conflit armé si l’hégémonie nord-américaine est contestée.

- 2/ autres Etats impérialistes « dominants/dominés » en raison de l’inégalité de développement

Dominants à l’égard de pays plus « faibles » si l’on prend par exemple la France qui s’est emparé de trois monopoles clés de l’économie belge ou qui continue de se subordonner les Etats de la « zone Franc » en Afrique noire,

Dominés en partie aussi puisque sous la dépendance plus ou moins partielle d’impérialismes plus puissants ; en France toujours, les Etats-Unis, le Japon, la RFA détiendraient plus de 30 % du capital des Entreprises locales.

- 3/ les Etats capitalistes ou pré-capitalistes soit dépendants, soit totalement subordonnés, en voie de recolonisation sous des formes modifiées par le surendettement, la filialisation de l’économie, le rôle du FMI et des ajustements structurels.

Signalons aussi, mais ce n’est pas l’objet de notre étude, les quelques Etats dont Cuba, la Corée populaire qui tentent de maintenir une économie alternative au capitalisme mais qui en raison du rapport de forces mondial ne peuvent échapper aux pressions impérialistes, dans tous les domaines.

De ce tableau esquissé, plutôt qu’analysé en profondeur, il faut se garder de plusieurs interprétations erronées.

1/ rien n’est moins stable que l’impérialisme, ne figeons pas les deux premiers types de pays, les luttes et rivalités incessantes peuvent conduire un pays à se renforcer au détriment des autres (cf. le Japon et l’Allemagne ruinés en 1945).

2/ enfin, il faut appréhender que les formes d’assujettissement, de domination se font principalement aujourd’hui par le biais économique plus que par les interventions et l’occupation militaire, donc l’oppression est moins « palpable » et visible, plus facile à camoufler

3/ dans les Etats impérialistes (dominants/dominés), la bourgeoisie monopoliste nationale n’est nullement une victime, en fait la souveraineté et l’indépendance des nations sont devenues un fardeau pour le capital financier, le cadre national (sous l’angle des acquis, des luttes, des conquêtes) est vu comme empêcheur de réalisation du profit maximum.

La domination de tel Etat sur tel autre engendre à son tour les tentatives du pays dominé mais impérialiste de conquérir tel ou tel pays plus faible, c’est la loi de l’inégalité de développement.

Donc, pas d’union sacrée avec « sa » bourgeoisie, pas de soutien à « son » impérialisme contre les Etats-Unis par exemple mais lutte globale internationale contre l’impérialisme mondial, et nationale contre son propre impérialisme et capital ; il faut organiser la solidarité internationaliste de tous les exploités.

 

II /4 – Physionomie des Etats impérialistes : rivalités et danger de guerre

Toute l’analyse de « Continuer la CGT » se fonde sur l’impérialisme conçu comme stade économique du capitalisme et non seulement comme une « politique étrangère agressive d’un Etat ».

Le nouvel ordre mondial dominé par les Etats-Unis ne signifie pas que le capitalisme forme un camp uni. Cette unité (relative) a pris le dessus sur les rivalités après la seconde guerre mondiale quand existait un camp socialiste, maintenant les rivalités et conflits se déchaînent. Au centre de ces rivalités se trouvent trois Etats ou blocs : les Etats-Unis, le Japon, l’Union Européenne. Au 21ème siècle, l’hégémonie américaine peut être mise en péril comme le montre le tableau ci-dessous concernant les prévisions économiques dans 20 ans.


PRÉVISION PIB en 2020
 

% par rapport à la part mondiale

Union Européenne

12

Etats-Unis

11

Japon

5

Chine - Russie – Inde - Brésil - Indonésie pris ensemble

35

Source OCDE The World en 2020

Bien sûr ce ne sont là que des indications possibles mais qui montrent que nous allons entrer dans une période de grande instabilité puisque les Etats-Unis sont menacés dans leur leadership, les dirigeants américains avouent leurs craintes en diffusant des déclarations bellicistes :

« l’Euro pourrait conduire à la guerre » (J. Feldstein conseiller économique du Président Bush), craintes confirmées par certains indices.

OBLIGATIONS ÉMISES
 

1996

1997

1998

1999

Dollars

173,2

252,1

227,3

193,9

Euros (en milliards de dollars)

4,7

9,6

77,9

330,2

 

Cette perte d’hégémonie se traduirait par des tentatives de repartage du monde au profit des impérialismes montants sur fond d’incertitudes car même l’UE (à condition qu’elle forme un Etat unique et non plus un bloc) ne serait pas en mesure d’imposer son hégémonie véritable.

Les forces impérialistes en présence

1 – les Etats-Unis se préparent dès maintenant à affronter leurs concurrents ; les potentialités sont grandes, les Etats-Unis restent de très loin la 1ère puissance mondiale (environ ¼ du produit mondial brut). Le « nouvel ordre mondial » se construit sur leur initiative, impulsion et direction, sa domination est patente dans les organisations internationales (FMI, OCDE, OSCE, G 7, OTAN, Banque mondiale, OMC, ONU) même si des résistances d’autres pays capitalistes existent, les Etats-Unis en viennent facilement à bout pour l’instant.

Les multinationales les plus riches sont américaines et servent les intérêts de leur impérialisme. Les armes des Etats-Unis pour assurer leur hégémonie sont multiples :

§ ordre néo-libéral globalisé orchestré par eux

§ ingérences politiques dans la politique des autres Etats

§ pressions militaires y compris sur les « alliés »

§ guerres avec emploi d’armes nouvelles de haute technologie

§ terrorisme d’Etat avec le bombardement ou l’invasion d’Etats qui ne constituent aucune menace pour eux (Somalie, Afghanistan, Grenade etc.)

§ levée des diverses mesures protectionnistes des autres Etats (projet AMI)

§élargissement à l’est de l’OTAN

§pressions sur l’Union Européenne avec l’appui de la Grande-Bretagne très encline à défendre les intérêts US au sein de l’UE

§ marché nord-américain ALENA

Economiquement, la situation est plus contrastée ; certes le taux de croissance, la « reprise » sont plus marqués qu’en Europe ou au Japon, le taux de chômage moindre, mais cette relance a un caractère largement artificiel : revitalisation des capacités de production pour l’exportation (au détriment des rivaux) d’où rétrécissement du marché global pour ses concurrents mais effets de retour prévisibles sur l’économie américaine, enfin les emplois créés principalement dans les services sont plus des « jobs » que de véritables emplois.

Les obstacles demeurent, le déficit commercial, la dette colossale, le recours aux emprunts étrangers qui font des Etats-Unis le débiteur n° 1. Enfin, contradiction organiquement liée au leadership, le poids des dépenses militaires : 262 milliards de dollars (37 % des dépenses mondiales – 1995) contre 150 milliards à l’UE dont la grande majorité des Etats sont membres de l’OTAN (ou associés), 42 milliards pour le Japon,
8 milliards : la Chine !

Ce gouffre financier pour la guerre, s’il assure l’hégémonie incontestable des Etats-Unis, aggrave en même temps ses handicaps économiques. L’arsenal américain constitue un potentiel massif de destruction de la planète au service non des « droits de l’homme » et de la « paix » mais des seuls multimilliardaires nord-américains.

Dans le même temps, 30 % de la population est illettrée, 45 millions d’américains vivent en-dessous du seuil de pauvreté (principalement noirs et portoricains). Les Etats-Unis restent le pays de la discrimination raciale, des ghettos, d’une polarisation extrême.

2 – l’Union Européenne (UE)

Pour l’instant, l’UE constitue une tentative de cartellisation, de bloc d’Etats impérialistes associés (et concurrents). L’objectif des monopoles et des Etats français, allemand, britannique était de trouver une solution à la surproduction due (selon eux) à l’étroitesse des marchés nationaux par la « libre circulation des capitaux et des hommes » là où la rentabilité est plus élevée et de former ainsi un impérialisme « Européen » puissant pouvant contester aux américains leur hégémonie.

L’UE est une création du capital financier pour ses objectifs de classe, dévoyant les aspirations populaires à la coopération, à l’entente et au rapprochement ; c’est une œuvre réactionnaire sur toute la ligne.

Social : c’est le nivellement par le bas, les mêmes attaques contre les statuts, les salaires, l’emploi. Chantre du néo-libéralisme, d’ailleurs imposé par le Pacte d’Amsterdam, l’UE privatise ; l’ensemble des secteurs est visé, partout règne la rentabilité capitaliste.

Ce bloc impérialiste en formation a des potentialités dans sa lutte concurrentielle avec les autres impérialismes. L’UE (fédérée) regrouperait 30 pays et 600 millions d’habitants.

Actuellement, la puissance dominante reste l’Allemagne. Le « miracle économique allemand » était basé sur la priorité accordée à l’investissement dans les nouvelles technologies et le marché intérieur, faute d’être une puissance (néo) coloniale.

Parmi les 37 000 multinationales mondiales, 7 500 sont allemandes. L’Allemagne contrôle par exemple des pans importants de l’économie française son rival n° 1. Mais le « miracle » s’essoufle, l’annexion de la RDA, la montée de l’inflation et du chômage soulignent que la reprise y est moins marquée que chez ses voisins.

Dans le domaine politique et diplomatique, l’Allemagne a été aux avants postes pour une unité toujours plus organique de l’Europe, outre que sa concurrence avec les Etats-Unis passe par la formation d’une entité européenne unie, elle aspire à une fédération qui casserait les Etats-Nations par le bas en les « provincialisant » et le haut par le supranationalisme (cf. Maastricht-Amsterdam).

Aucune situation n’est figée, les impérialismes français et anglais hésitent entre plusieurs stratégies. Jusqu’ici, la France s’est rangée à « l’axe Berlin (Bonn) Paris » pour derrière le sillage allemand parvenir à constituer une grande puissance impérialiste en Europe, n’hésitant pas à sacrifier les acquis sociaux de la Résistance antifasciste, pour satisfaire le profit maximum.

De récents éléments et faits montrent que l’impérialisme français s’engage dans une contre-offensive voulue par certains monopoles : fusions dans le secteur bancaire et de l’armement, prises de participations ou de contrôle d’EDF dans le secteur électrique et énergétique de plusieurs Etats, pénétration économique en Belgique, situation de relative pause dans la crise etc. Cela annonce-t-il une tentative de modifier la hiérarchie de l’axe Berlin-Paris d’où le rapprochement aussi Londres-Berlin en riposte ? l’avenir le dira.

La Grande-Bretagne demeure une puissance impérialiste affaiblie mais non négligeable du point de vue financier et militaire. Sa stratégie traditionnelle a été d’avoir un pied dans l’Europe, tout en développant l’alliance préférentielle avec les Etats-Unis dont elle est le cheval de Troie dans l’UE. Là aussi, des modifications semblent apparaître notamment avec le ralliement au Projet Européen de Défense (Déclaration de St-Malo) rejoignant les préoccupations françaises et allemandes sur la nécessité d’une armée européenne, après la guerre contre la Yougoslavie.

Les peuples n’ont donc rien de bon à attendre de cette UE dont le bilan pour les travailleurs est catastrophique : 52 millions de chômeurs, 25 à 30 % de la population européenne en-dessous du seuil de la pauvreté. Cette continentalisation économique en détruisant les souverainetés, les acquis, les conventions collectives est rendu possible par les forces réformistes syndicales et politiques entièrement acquises à l’Europe capitaliste.

La CES est une chambre d’enregistrement des décisions et diktats patronaux, une force d’accompagnement visant, en prônant la collaboration de classe, à étouffer les luttes de classe et à satisfaire la construction de l’Europe des monopoles.

Le prolétariat, les travailleurs d’Europe n’ont rien à gagner au projet européen capitaliste, sinon les licenciements massifs à travers les « rationalisations », la paupérisation de certaines populations par la désertification de régions entières (cf. le sort de l’ex-RDA avec 30 % de chômeurs), les inégalités sociales croissantes. Nul besoin de l’UE pour voyager, travailler et étudier à l’étranger ; au contraire, c’est l’ennemi la bourgeoisie monopoliste européenne qui sortirait renforcée par la régression sociale, économique généralisée.

A nous syndicalistes de classe de trouver les formes du combat en commun pour nos revendications. Cette UE est dirigée par les monopoles et les Etats à leur service, nous serons vite dans une impasse si nous pensons transformer cette superstructure réactionnaire de l’intérieur par des réformes. Il faut s’engager dans l’internationale des luttes, contre le projet impérialiste européen.

3 – Le Japon

Autre pôle (le second par la puissance) du triangle qui domine le monde, le Japon a transféré outre-mer une grande partie de ses industries et est au premier rang pour une division parcellisée et internationale du travail : grandes firmes et multiples sous-traitants (cf. Toyota avec 36 000 sous-traitants).

Dans les filiales, le Japon impose la plus longue durée du travail au monde, les cadences les plus infernales, pour des salaires très bas. Il conduit une politique de cartellisation et de continentalisation de l’Asie du sud-est par le biais de l’ASEAN. Contrôler cet axe est vital pour les besoins d’expansion de l’impérialisme japonais.

Le renforcement de l’économie japonaise notamment dans le secteur financier (années 80/90) a inquiété Wall Street et le pentagone, qui ont orchestré une offensive protectionniste aux Etats-Unis, notamment dans le secteur de l’automobile. Par la suite, le ralentissement des activités économiques a obligé l’Etat japonais à intervenir pour relancer l’économie à hauteur de 390 milliards de francs, mais la croissance est restée quasi-nulle.

Malgré un dynamisme, de fortes multinationales, des capacités d’innovation et la surexploitation ouvrière, le Japon rencontre de sérieux obstacles dans la lutte pour l’hégémonie. Sa dette se monte à 90 % du PIB, son système bancaire après le krach asiatique est au bord de la faillite ; les dettes non recouvrables se montent à 350 milliards de francs
(10 % du PIB).

De plus, la dépendance japonaise vis à vis des Etats-Unis reste marquée :
l’auto-suffisance alimentaire représente 22 % des biens consommés (Allemagne 75 %, Etats-Unis 70 %), le Japon est le plus grand importateur agricole du monde ; plus grave encore, les besoins énergétiques du Japon sont couverts seulement à 0,3 % ! Le Japon est sous l’emprise du contrôle américain sur le secteur pétrolier mondial.

L’objectif du Japon est donc de constituer une grande puissance en Asie comme base pour une expansion ultérieure, certains monopoles évoquent la « grandeur militaire passée » et le « besoin d’espace vital ». Là aussi, le Japon est partie prenante d’un repartage du monde.

4 – La recolonisation du « Tiers-Monde »

Cette recolonisation revêt des formes modifiées. Les Etats sont formellement indépendants mais toutes leurs prérogatives économiques et sociales leur échappent. Les Etats du Tiers-Monde sont les victimes les plus touchées par la globalisation néo-libérale.

Dans l’Asie du Sud-est, beaucoup d’Etats limitaient les participations étrangères dans le capital des entreprises à hauteur de 25 %, le FMI a fait lever les restrictions et porter le seuil à 53 % en attente de le faire supprimer. C’est là, un exemple du processus de recolonisation dans une région qui est pourtant relativement développée.

La domination des grandes puissances impérialistes s’exerce à la fois par le biais de leurs multinationales et des organismes financiers supranationaux : Banque mondiale, FMI, OMC.

La Banque mondiale accorde les prêts aux Etats et par le biais des dettes pèse sur leur orientation dans le sens de l’application du néo-libéralisme.

Le FMI gère les monnaies ; c’est lui qui impose et veille au recouvrement de la dette au profit du capital financier international. Il s’appuie sur l’éviction du pouvoir des « capitalistes nationaux » remplacé par les secteurs compradores de la bourgeoisie qui agents de l’impérialisme (et vivant de l’échange inégal), font appliquer les mesures néo-libérales : réduction drastique des dépenses pour l’éducation et la santé, licenciements des fonctionnaires, liquidation du secteur d’Etat et privatisations, dévaluations monétaires sans compensation financière pour le peuple, suppression des produits subventionnés (souvent les produits alimentaires de base). La politique budgétaire (une des prérogatives essentielles de la souveraineté) est fixée par le FMI.

L’OMC est l’instrument de pénétration des multinationales : liquidation des industries traditionnelles, filialisation des usines rattachées aux monopoles mondiaux. Ce « libre échange » généralise et systématise l’échange inégal et profite à 70 % aux Etats impérialistes.

Les conséquences sociales sont catastrophiques : 75 % de l’humanité vit dans la misère. La maladie faute de crédits tue des millions de personnes qui seraient soignées dans les Etats « riches », la surexploitation, l’esclavage par la traite sexuelle des enfants, la prostitution sont le lot de plus d’un milliard d’individus.

215 millions d’Africains sont sous-alimentés, 1,3 milliard d’hommes et de femmes vivent avec moins d’1 dollar par jour, 600 millions n’ont pas de toits ! Ces chiffres montrent que le capitalisme constitue une menace pour la survie de l’humanité.

5 – Le repartage du monde et le danger de guerre

Trait important de l’impérialisme, sur la base du développement inégal s’instaure une lutte par tous les moyens pour le repartage du monde entre grandes puissances capitalistes.

L’existence de l’Union Soviétique, quoi que chacun puisse en penser, était un obstacle majeur au déchaînement impérialiste, au néo-libéralisme, à la recolonisation et à la guerre.

Pour limiter les effets de la crise structurelle de surproduction, l’impérialisme a un besoin impératif de conquérir de nouveaux marchés, d’exploiter les ressources du sous-sol à un moindre coût.

70 % des réserves mondiales de gaz sont concentrées au Moyen-Orient et dans la mer Caspienne. Les guerres d’Irak et de Yougoslavie sont les prémisses barbares d’un conflit majeur dans cette région du globe, où les transnationales au service de leurs Etats rivalisent férocement. Les troubles au Kurdistan, en Tchétchénie, Afghanistan, Géorgie, Moyen-Orient sont provoqués par les puissances impérialistes camouflées derrière des factions opposées.

La formation de l’UE, de l’Alena, de l’Asean montre que la continentalisation est au service de la guerre, jusqu’où ira la folie meurtrière de l’impérialisme avide de profits ? Nul ne peut le dire avec précision. La guerre mondiale à deux reprises est partie du continent européen, les événements de Yougoslavie nous incitent à la vigilance face à l’OTAN qui marche sur les pas du fascisme hitlérien.

La lutte contre le danger de guerre, la course aux armements, la militarisation des économies, les conflits armés sous l’égide des grandes puissances capitalistes, devient une tâche centrale des forces prolétariennes et de leurs organisations. Les syndicats doivent déployer le drapeau de la lutte contre la guerre en s’inspirant des succès et manifestations des travailleurs grecs lors de l’agression américaine et européenne contre la Yougoslavie.

CONCLUSION

Dans cette contribution qui vise à susciter débat et échanges d’analyses et d’expériences, nous avons voulu montrer qu’au-delà de ses politiques keynésienne ou néo-libérale, le capitalisme impérialiste reste l’obstacle à un avenir progressiste de l’humanité. Les solutions visant à corriger les excès, à considérer la continentalisation de puissants blocs impérialistes comme fatale ou pire comme positive, ne résoudraient aucun des problèmes auxquels sont confrontées les forces de travail.

Derrière sa puissance actuelle qui est réelle, des fissures, contradictions minent le système d’exploitation salariale, qui appréhendées, doivent redonner confiance à la classe ouvrière mondiale dans ses capacités de résistances et de luttes transformatrices, révolutionnaires.

La question de l’alternative au capitalisme grandira si nous ne partons pas d’un capitalisme mythifié, à la « mondialisation achevée ». Les antagonismes surgissent à partir des oppressions de classe mais aussi nationales formant des maillons explosifs sur la chaîne impérialiste.

Commencer la lutte nationalement contre son propre Etat, contre « ses » monopoles dans une perspective solidaire, interactive, internationale contre l’ensemble du système impérialiste, autour d’exigences communes, telle est selon nous la mission des forces de libération, du syndicalisme de lutte et de masse.

Jean-Luc Sallé


! Notes !

(1) Page 1 - Ricardo Petrella : ancien haut-fonctionnaire de l’Union Européenne

(2) Page 2 - Keynésianisme : un des principaux courants de l’économie politique bourgeoise à l’époque de la crise du capitalisme des années 30, fondé par John Maynard Keynes (1883-1946) et reposant sur la conception d’une nécessaire intervention de l’Etat capitaliste dans le processus de reproduction. Cette approche a été qualifiée de « macro-économie ». Des études portent sur les principales composantes de la demande – consommation et accumulation. La plupart des gouvernements des années 50 et 60 ont fondé leur politique sur la régulation de la demande globale grâce au budget d’Etat, à son déficit, au rôle de la monnaie, pour endiguer l’inflation. Cette régulation monopoliste d’Etat devient inconsistante face à l’aggravation de la crise de surproduction (années 70...).

(3) Page 3 – Le réformisme par essence vise à solutionner les maux du capitalisme par des réformes de façon à le transformer en société régulée, éliminant ses contradictions antagoniques. C’est une arme du capital pour combattre le mouvement révolutionnaire syndical et politique. A chaque période de l’histoire, le réformisme s’il conserve son essence, peut modifier sa forme. Sous le Keynésianisme, les syndicats réformistes oeuvraient pour une cogestion du système capitaliste, avec le néo-libéralisme et son offensive anti-ouvrière, les bureaucraties réformistes prônent le syndicalisme intégré aux intérêts monopolistes donnant à la collaboration de classe un contenu réactionnaire plus marqué.

(4) Page 9 – « Confrontations » est un club de réflexion regroupant des monopolistes comme J. Gandois, ancien Président du Centre National du Patronat Français (CNPF), J. Peyrelevade, des dirigeants de la CGT : JC Le Duigou, des dirigeants socialistes et communistes : PH. Herzog. Ce club apporte son soutien tant à l’Europe du capital qu’à une transformation du syndicalisme en courroie de transmission des secteurs monopolistes.



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