|
Date Thu, 5 Feb 2004 22:35:37 +0100
Objet: Fw:(fr) Voile : ni obligation religieuse ni interdiction
étatique
________________________________________________
A G E N C E D E P R E S S E A - I N F O S
http://www.ainfos.ca/
_________________________________________________
http://cnt-ait.info/article.php3?id_article=861
Une mère juive (rappelons ici que, pour en être une,
il n’est pas nécessaire d’être juif ni
même d’être une mère - c’est un archétype
universel) offre à son fils deux cravates, l’une est
rouge, l’autre est bleue. Pour lui faire plaisir, il en porte
une le lendemain, mettons la rouge. En le voyant, dépitée,
la mère fond en larmes :
"J"étais sûre que l’autre ne te plairait
pas". Immanquablement, s’il avait porté la bleue,
il aurait droit exactement à la même scène.
Face à cette "double contrainte", il ne lui reste
plus que deux choix : porter les deux cravates ensemble, c’est-à-dire
devenir fou, ou bien n’en porter aucune, c’est-à-dire
rompre avec sa mère. Le lien avec les femmes musulmanes ?
Celles-ci sont également soumises à une double contrainte
: la religion les somme de porter le voile alors que l’État
le leur interdit (à l’école). Pour se libérer
d’un de ces pouvoirs, elles sont contraintes de se soumettre
à l’autre et réciproquement. Il leur reste alors,
tout comme au fils juif, deux possibilités. Soit elles se
plient aux deux autorités, donc tentent en même temps
de porter et d’ôter leur voile, ce qui est contradictoire
donc impossible. Soit elles refusent simultanément l’obligation
et l’interdiction de le porter, ce qui est absurde mais constitue
la seule réponse logique au monde absurde dans lequel elles
vivent. Ce deuxième choix est aussi contradictoire que le
premier mais, ici, la contradiction est dépassable : refuser
les deux injonctions revient à rompre avec tous les pouvoirs
à la fois, en somme, à entonner encore une fois ce
bon vieux "ni dieu, ni maître".
Enfin, ce ne sont pas seulement les femmes musulmanes qui se retrouvent
dans la même situation que le fils qui a reçu les deux
cravates, c’est le cas de toutes les personnes, qui, en toute
bonne foi, souhaitent prendre une position dans ce débat.
En effet, s’ils se prononcent contre le foulard, ils risquent
d’être suspectés d’arrière- pensées
racistes. S’ils prennent la position opposée, ils se
verront prêter une complicité objective avec les islamistes.
C’est la situation classique qui conduit à s’autocensurer
de peur que la vérité ne puisse être utilisée
par l’adversaire. L’expérience montre combien
ce type de démarche aboutit au contraire du résultat
recherché. Pendant la guerre froide, les "intellectuels
de gauche", sommés de choisir entre les deux blocs (c’est-à-dire
entre un capitalisme d’État et un capitalisme de marché)
ont opté dans leur majorité pour le bloc soviétique
et ont tu ses crimes pour que leur dévoilement ne renforce
le camp occidental et pour ne pas "désespérer
Billancourt". Une décennie plus tard, la vérité
-malgré leurs efforts- fut connue de tous et le discrédit
en rejaillit non seulement sur le bloc de l’Est mais aussi
sur l’idée même de Révolution qui fut,
depuis, associée à celle de totalitarisme. Seuls,
certains osèrent refuser l’ensemble de l’alternative
qui leur était imposée et critiquèrent, d’un
point de vue révolutionnaire, l’URSS, contribuant à
ce que les nouveaux Billancourt puissent encore concevoir quelque
espoir.
De la même manière, dans le débat actuel, il
est nécessaire de dire la vérité -quelque soit
l’avantage que tel ou tel adversaire puisse en tirer à
court terme. A long terme, comme chacun le sait, "seule la
vérité est révolutionnaire".
NI DIEU
Il se trouve que le voile islamique est à la fois un signe
d’appartenance religieuse et une discrimination sexiste. En
lui s’opposent les droits de la femme et les "droits"
de la religion. Défendre les uns revient à nier les
autres. En tant que communistes libertaires, nous défendons
sans hésiter les droits de l’individu contre ceux de
sa culture. Ici, il sera essentiellement question de l’Islam,
puisque le débat actuel porte sur ses pratiques, mais ce
qui en sera dit s’applique dans ses grandes lignes sans difficultés
aux trois monothéismes (juif, chrétien, musulman,
par ordre d’apparition). Ils ont en commun un profond mépris
de la femme et une haine de la sexualité. Plus précisément,
ils partent d’un double postulat : le désir serait
exclusivement masculin et, par ailleurs, il est -sauf exception-
coupable. Ils en concluent que, pour réprimer ce désir,
il faut réprimer son objet : les femmes. Et pour cela, les
occulter. Ainsi la charia impose que les femmes, par une sorte d’apartheid,
soient cantonnées dans l’intimité du foyer et,
quand elles en sortent, dûment accompagnées par un
tuteur, qu’elles soient voilées.
Le ressentiment contre les femmes ne s’exprime pas uniquement
ainsi. Il consiste à nier aussi leur plaisir et leur désir.
Cette négation, qui s’exprime parfois physiquement
par l’excision, signifie symboliquement que les femmes ne
peuvent être que l’objet, jamais le sujet du désir.
Leur inégalité est donc ainsi fondée. A l’inverse,
prêter aux femmes un quelconque désir, aurait dû
amener, symétriquement à voiler les hommes. Et, même
sans aller jusque là, garantir une égalité
minimale des sexes, aurait dû conduire à enfermer plutôt
les hommes aux besoins si fougueux, si incontrôlables ...
Remarquons que la violence faite aux femmes se double d’une
autre violence, d’une moindre intensité, mais aux effets
aussi pervers, qui s’exerce sur les hommes. En effet, en voilant
la femme, on la désigne du coup, de manière paradoxale,
comme exclusivement et intégralement un objet de désir.
Objet interdit, donc encore plus désirable. Le voile interdit/suscite
l’envie des hommes ; interdit parce qu’il suscite, suscite
parce qu’il interdit.
La religion, comme les autres pouvoirs perfectionne ainsi, en pompier-pyromane
le contrôle social sur les individus.
En lisant ce qui précède, et vu le débat sur
le voile, rendu extrêmement confus, certains soupçonneront
une animosité spécifique contre l’Islam, voire
même du racisme. Les lignes qui suivent espèrent démontrer
non seulement que refuser le voile n’est aucunement raciste
mais que le tolérer l’est.
Etre raciste signifie reprocher à quelqu’un non ce
qu’il fait (exemple : avoir une pratique religieuse donnée)
mais ce qu’il est (être né arabe, noir ou blanc).
Or, être arabe n’équivaut pas à être
musulman. La religion, malgré toutes les pressions qui l’accompagnent,
relève du choix. On peut être arabe et chrétien,
juif ou athée. Il existe dans l’histoire arabe des
penseurs et poètes, nés dans des familles musulmanes,
qui ont choisi d’être hérétiques et même
blasphématoires à l’instar d’Hallaj (858
- 922) qui affirmait : "Je suis Allah".
De plus, si on généralisait cette confusion entre
arabe et musulman, nous serions contraints de confondre aussi occidental
et chrétien, ce qui est, on ne s’en étonnera
pas, la position du Front National. Selon la logique de ce même
parti, être pour l’IVG, est une position anti-catholique
et donc anti-française.
Subrepticement donc, hésiter à condamner le voile
par peur d’être raciste se retourne en une position
raciste. En effet, cela présuppose de définir l’identité
arabe en terme religieux, comme si une "race arabe" existait
et qu’elle était génétiquement déterminée
à être musulmane. De plus, cela mène à
tolérer pour les femmes arabes ce qu’on refuserait
pour les femmes occidentales, tout comme si la liberté et
l’égalité étaient des valeurs exclusivement
occidentales et ne pouvaient être conçues ou revendiquées
par les autres civilisations. On rejoint encore une fois les positions
dites différentialistes du FN.
Cela dit, distinguer arabe et musulman n’est pas suffisant.
En effet, une société n’est qu’un champ
de lutte entre plusieurs groupes, idéologies, courants, ...
et surtout classes sociales. La considérer comme un bloc
homogène serait la réduire au groupe dominant et à
son discours et donc, s’en rendre complice. Parler d’identité
collective (qu’elle soit arabe ou musulmane) sert à
masquer la domination des femmes arabes par les hommes arabes, des
ouvriers arabes par les patrons arabes et enfin des arabes agnostiques
et athées par les arabes religieux.
Est-il vraiment nécessaire de rappeler que cette même
logique s’applique aux autres "identités"
(française, chrétienne, juive, occitane, ...) ?
Pour nous, la seule identité valable est celle de l’individu.
Ce qui signifie que notre rejet de la religion se double d’un
rejet de l’État-nation.
NI MAITRE
De nombreuses consciences de "gauche" en accord avec ce
qui précède ne verront comme autre moyen de combattre
le voile que d’approuver son interdiction par l’État.
Ce qui revient à remplacer un maître réactionnaire
par un nouveau maître "émancipateur". Mais,
une libération partielle n’est qu’une nouvelle
servitude. Il nous reste donc à nous libérer de nos
libérateurs, et tout d’abord du mythe d’un pouvoir
émancipateur. Cette dernière expression est en effet
une contradiction dans les termes : le pouvoir ne peut chercher
à émanciper ses sujets sous peine de disparaître.
Mais il peut arriver qu’il paraisse rechercher cette fin ;
en réalité, il vise alors à se légitimer
et se conserver face à d’autres pouvoirs qui rivalisent
avec lui. En paraissant combattre l’oppression exercée
par ses rivaux, il masque son intention de les éliminer pour
se substituer à eux.
Dans l’affaire qui nous occupe, il n’est pas difficile
de voir comment l’État, retors, ne cherche pas sincèrement
à défendre les femmes ni même la laïcité.
Deux faits d’abord, d’une inégale importance,
intervenus dans les mois qui ont précédé le
projet d’interdiction du voile à l’école.
Tout d’abord, une loi reconnaissant la personnalité
juridique de l’embryon a été sur le point d’être
adoptée, ce qui aurait pu conduire à une pénalisation
de l’IVG. Le pouvoir interdit donc le voile d’une main,
et cherche à abolir le droit à l’avortement
de l’autre. D’autre part, le "Canard Enchaîné"
a révélé, preuves à l’appui, comment
Bernadette Chirac avait écrit à un préfet pour
qu’il autorise une religieuse à poser voilée
sur la photo de sa carte d’identité.
Autre preuve du mensonge étatique : la République
ne "défend" les femmes musulmanes que quand elles
sont voilées, pas quand elles sont "simplement"
victimes du racisme, de la pauvreté et de l’exploitation,
alors que ces dernières injustices expliquent la vogue du
voile. En effet, certaines femmes voilées (celles qui ne
le sont pas de manière forcée) choisissent le voile
comme moyen de protester. C’est le choix paradoxal et désespéré
de la servitude comme moyen de libération. C’est aussi
un choix largement conditionné par l’Etat lui même,
qui, s’il voulait combattre sérieusement le voile et
donc l’islamisme, aurait dû plutôt que d’intervenir
au niveau du symptôme par l’interdiction légale,
en combattre la cause, c’est-à-dire l’exclusion
sous toutes ses formes.
Seulement, l’État ne fait que feindre de s’opposer
à l’intégrisme. En mettant en scène cette
opposition et en médiatisant l’islamisme, il le prescrit
paradoxalement aux banlieues comme "bon" moyen de révolte
(c’est-à-dire le moins dangereux pour lui-même),
tout en le maintenant dans certaines limites. Désigner l’islamisme
comme une nouvelle théologie de la libération pour
les banlieues permet d’éloigner celles-ci de la Révolution
sociale qui comporte le désavantage pour les dominants de
viser la totalité du système et de rassembler au-delà
des différences "ethnique" et religieuse. L’Islam
peut alors, comme l’a fait le Christianisme avant lui, servir
de force de maintien de l’ordre dans les quartiers pauvres.
De plus, en simulant le combat contre la théologie religieuse,
l’État affirme sournoisement son propre caractère
théologique. Ainsi, l’école est un "sanctuaire"
et les Droits de l’Homme sont "sacrés". L’aliénation
demeure inchangée. Comme n’importe quel autre "opium
du peuple", la rhétorique étatique occulte, par
ses formules incantatoires, l’injustice de ce monde. Par l’égalité
des droits dans une sorte d’au-delà constitutionnel,
elle console de l’inégalité qui règne
ici-bas.
Enfin, en limitant les pouvoirs de la religion, l’État
cherche à étendre les siens : le rapport Stasi sur
le voile préconise l’interdiction des signes non seulement
religieux mais également politiques. Les auteurs du rapport
ont justifié cette disposition par le souci de ne pas paraître
offenser l’Islam. En réalité, il s’agit
d’un lapsus révélateur de la volonté
de puissance étatique.
L’interdiction du voile, justifiée avec des motifs
défendables (liberté de la femme), constitue un précédent
facilitant l’extension future de cette mesure à d’autres
modes d’expression d’opinions indésirables par
l’État.
Enfin, remarquons que, si la République se pose actuellement
en gardienne de la liberté face à l’obscurantisme
religieux, cette situation pourrait un jour s’inverser. En
effet, il est déjà arrivé par le passé
que la religion s’autoproclame principale force de résistance
face à l’oppression étatique : ce fut par exemple
le cas des partisans de Khomeyni pendant la tyrannie du Chah d’Iran
et aussi celui de l’église sous la dictature du parti
communiste en Pologne et en Russie.
La méfiance face à tout pouvoir se proclamant défenseur
de nos droits devant donc être de mise. Une dernière
précision : nous, communistes libertaires, nous ne nous engageons
pas à libérer les femmes voilées. Nous n’avons
pas plus l’intention de leur dicter leur conduite. Si nous
agissions ainsi, nous leur adresserions une injonction paradoxale
: en se libérant, elles nous obéiraient. D’une
certaine manière, elles resteraient donc dominées.
Leur seul moyen d’affirmer leur liberté, face à
notre suggestion, serait alors de demeurer soumises ! En réalité,
la libération des femmes musulmanes sera l’œuvre
des femmes musulmanes elles-mêmes ou ne sera pas. Par contre,
si comme nous l’espérons, cette œuvre d’auto-émancipation
a lieu, notre solidarité leur est acquise sans limites. Non
par générosité, mais parce que leur affranchissement,
loin de se limiter à elles-mêmes, s’étendrait
aussi à nous, pour qui il est très difficile de se
sentir libre quand d’autres sont asservis. Tout le monde le
sait, la liberté individuelle reste imparfaite si elle souffre
ne serait-ce que d’une seule exception. "La liberté
d’autrui, loin de limiter la mienne, l’étend
à l’infini" ...
# Moustapha
Actualité de l'Anarcho Syndicalisme
http://cnt-ait.info
contact @ cnt-ait.info
CNT AIT
7 rue St Rémésy
31000 TOULOUSE
******* ****** Agence de Presse A-Infos ******
Information d'intérêt pour et au sujet des anarchistes
Pour plus d'info -> http://www.ainfos.ca
Vous voulez reproduire ce message? Pas de problème, veuillez
s'implement inclure cette section.
|