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Origine http://lignedefront.free.fr/Dossiersarticle.php3?id_article=1
L’appellation Rock Against Police (RAP) marque une volonté
de rupture par rapport aux concerts « Rock Against Racism
» importés d’Angleterre. Pour RAP, c’est
la police qui incarne le racisme. un racisme anti-immigrés,
mais aussi et surtout un racisme anti-jeunes. Et ce sont les antiracistes
des salons municipaux qui envoient la police dans les cités
pour assurer la sécurité et la quiétude des
travailleurs. Au départ Rock Against Police organise des
concerts gratuits en plein milieu des cités et diffuse des
journaux-tracts de quatre pages format tabloîd pour faire
connaître des groupes de musique ou des tchatcheurs des cités,
qui en répétant au bas des immeubles ou dans les caves
ont sans cesse maille à partir avec la police et les beaufs.
Par ces rassemblements, RAP permet aux jeunes de se réapproprier
leurs espaces de vie tout en conviant l’ensemble des habitants
à découvrir le fruit de leurs activités «
délictueuses ». Tout est auto-organisé, sans
aide financière ou matériel extérieur. Essentiellement
implanté dans les cités de transit de la région
parisienne et quelques HLM de banlieue (Nanterre-Colombes, Vitry,
Argenteuil, Bondy nord...), Rock Against Police aura un impact plus
large, notamment dans la banlieue lyonnaise et, dans une moindre
mesure, dans les quartiers nord de Marseille. La rencontre des lascars
de RAP avec des jeunes femmes maghrébines à Lyon donnera
naissance en 1980 à Zaâma d’Banlieue.(...)
Sur le terrain, les actions interpellent le PCF sur sa politique
du bulldozer envoyé contre les nouveaux résidents
noirs africains d’un foyer à Vitry sur Seine, mais
les lascars de Rock Against Police peinent à faire cause
commune avec les résidents qui se sont évaporés
dans la nature. En revanche, ils mobilisent -avec une facilité
qui déconcerte les observateurs- les jeunes et les habitants
des cités de transit et certains quartiers HLM pour que justice
soit rendue aux jeunes et aux immigrés assassinés.
La condamnation à cinq ans de prison avec sursis du gardien
d’immeuble meurtrier d’Abdelkader, un gamin de 15 ans
tué le 16 février 1980 à Vitry sur Seine, va
provoquer l’émeute immédiate sur le marches
du « palais de l’injustice » de Créteil.
A Lyon Zaâma d Banlieue organise une manifestation de protestations,
faisant le rapprochement entre l’assassin de Kader et la prison
ferme pour « le voleurs de BMW » de la banlieue lyonnaise.
Au delà de la colère, Rock Against Police fait son
autocritique pour ne pas avoir suffisamment pris en compte la nécessité
d’organiser la défense collective avec la famille afin
de gagner la bataille des prétoires. Un local du PCF à
Vitry est occupé, le matériel de propagande trouvé
sur place évoquant des « foyers pour travailleurs français
» et le fameux « fabriquons français »
détruit. Renommé Centre Abdelkader, il devient un
lieu de coordination inter-cités et de réflexion juridique
et politique.(...)
Les jeunes immigrés affichent leur subjectivité de
façon ostentatoire, voire arrogante, comportement qui contraste
avec la discrétion des parents. De là à penser
qu’ils méprisent leurs parents, honteux, murés
dans le silence, il y a un fossé dit générationnel
que certains franchissent allègrement. Or de nombreuses luttes
engagées par les « voyous du mouvement » vont
démontrer le souci constant d’obtenir l’adhésion
des parents à l’action collective, ce qui ne va pas
de soi tant ces derniers ne veulent pas d’ennuis supplémentaires
liés à la « politique ». De ce point de
vue, le mouvement initié à partir de la cité
de transit de Gutemberg à Nanterre est exemplaire. Après
la mort d’Abdenbi Guemiah, tué à coup de fusil
par un pavillonnaire voisin le 23 octobre 1982, les jeunes de la
cité décrètent la grève générale
des loyers jusqu’au relogement de tous les habitants et jurent
de mettre tout en oeuvre pour mettre fin au sentiment d’impunité
qui concourt à la prolifération des crimes racistes
et sécuritaires. Cette dynamique donnera naissance à
l’initiative des « folles de la Place Vendôme
», menée par l’Association des familles de crimes
racistes ou sécuritaires », qui réunit à
l’initiative de Mme Hachichi, mère du jeune Wahid tué
à Lyon , une quarantaine de mères ou de parents de
disparus, français et immigrés. Le meurtrier d’Abdenbi
sera condamné aux Assises à douze ans de réclusion
criminelle (...). et toutes les familles relogées.
Dans le processus de la lutte, certains parents sont sortis de
leur mutisme pour affirmer publiquement : « On reste pour
nos enfants ». Avec la fin du mythe du retour, les enfants,
aussi turbulents soient-ils, redécouvrent leurs parents et
leur histoire. Ce phénomène d’intégration
collective intergénérationnelle va aller en s’amplifiant
dans la décénie à venir, à contre-courant
des idées reçues et des politiques publiques qui n’auront
de cesse d’opposer les « enfants formés à
l’école de la république » à l’altérité
irréductible des parents.
Texte extrait de « J’y suis, J’y reste, les luttes
de l’immigration en France depuis les années 60 »
écrit par Mogniss H.Abdallah & réseau No pasaran
- Éditions Reflex 21 ter rue Voltaire 75 011 PARIS - MERCI
À EUX
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