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Rock Against Police
Texte extrait de « J’y suis, J’y reste, les luttes de l’immigration en France depuis les années 60 »
écrit par Mogniss H.Abdallah & réseau No pasaran

Origine http://lignedefront.free.fr/Dossiersarticle.php3?id_article=1

L’appellation Rock Against Police (RAP) marque une volonté de rupture par rapport aux concerts « Rock Against Racism » importés d’Angleterre. Pour RAP, c’est la police qui incarne le racisme. un racisme anti-immigrés, mais aussi et surtout un racisme anti-jeunes. Et ce sont les antiracistes des salons municipaux qui envoient la police dans les cités pour assurer la sécurité et la quiétude des travailleurs. Au départ Rock Against Police organise des concerts gratuits en plein milieu des cités et diffuse des journaux-tracts de quatre pages format tabloîd pour faire connaître des groupes de musique ou des tchatcheurs des cités, qui en répétant au bas des immeubles ou dans les caves ont sans cesse maille à partir avec la police et les beaufs. Par ces rassemblements, RAP permet aux jeunes de se réapproprier leurs espaces de vie tout en conviant l’ensemble des habitants à découvrir le fruit de leurs activités « délictueuses ». Tout est auto-organisé, sans aide financière ou matériel extérieur. Essentiellement implanté dans les cités de transit de la région parisienne et quelques HLM de banlieue (Nanterre-Colombes, Vitry, Argenteuil, Bondy nord...), Rock Against Police aura un impact plus large, notamment dans la banlieue lyonnaise et, dans une moindre mesure, dans les quartiers nord de Marseille. La rencontre des lascars de RAP avec des jeunes femmes maghrébines à Lyon donnera naissance en 1980 à Zaâma d’Banlieue.(...)

Sur le terrain, les actions interpellent le PCF sur sa politique du bulldozer envoyé contre les nouveaux résidents noirs africains d’un foyer à Vitry sur Seine, mais les lascars de Rock Against Police peinent à faire cause commune avec les résidents qui se sont évaporés dans la nature. En revanche, ils mobilisent -avec une facilité qui déconcerte les observateurs- les jeunes et les habitants des cités de transit et certains quartiers HLM pour que justice soit rendue aux jeunes et aux immigrés assassinés. La condamnation à cinq ans de prison avec sursis du gardien d’immeuble meurtrier d’Abdelkader, un gamin de 15 ans tué le 16 février 1980 à Vitry sur Seine, va provoquer l’émeute immédiate sur le marches du « palais de l’injustice » de Créteil. A Lyon Zaâma d Banlieue organise une manifestation de protestations, faisant le rapprochement entre l’assassin de Kader et la prison ferme pour « le voleurs de BMW » de la banlieue lyonnaise. Au delà de la colère, Rock Against Police fait son autocritique pour ne pas avoir suffisamment pris en compte la nécessité d’organiser la défense collective avec la famille afin de gagner la bataille des prétoires. Un local du PCF à Vitry est occupé, le matériel de propagande trouvé sur place évoquant des « foyers pour travailleurs français » et le fameux « fabriquons français » détruit. Renommé Centre Abdelkader, il devient un lieu de coordination inter-cités et de réflexion juridique et politique.(...)

Les jeunes immigrés affichent leur subjectivité de façon ostentatoire, voire arrogante, comportement qui contraste avec la discrétion des parents. De là à penser qu’ils méprisent leurs parents, honteux, murés dans le silence, il y a un fossé dit générationnel que certains franchissent allègrement. Or de nombreuses luttes engagées par les « voyous du mouvement » vont démontrer le souci constant d’obtenir l’adhésion des parents à l’action collective, ce qui ne va pas de soi tant ces derniers ne veulent pas d’ennuis supplémentaires liés à la « politique ». De ce point de vue, le mouvement initié à partir de la cité de transit de Gutemberg à Nanterre est exemplaire. Après la mort d’Abdenbi Guemiah, tué à coup de fusil par un pavillonnaire voisin le 23 octobre 1982, les jeunes de la cité décrètent la grève générale des loyers jusqu’au relogement de tous les habitants et jurent de mettre tout en oeuvre pour mettre fin au sentiment d’impunité qui concourt à la prolifération des crimes racistes et sécuritaires. Cette dynamique donnera naissance à l’initiative des « folles de la Place Vendôme », menée par l’Association des familles de crimes racistes ou sécuritaires », qui réunit à l’initiative de Mme Hachichi, mère du jeune Wahid tué à Lyon , une quarantaine de mères ou de parents de disparus, français et immigrés. Le meurtrier d’Abdenbi sera condamné aux Assises à douze ans de réclusion criminelle (...). et toutes les familles relogées.

Dans le processus de la lutte, certains parents sont sortis de leur mutisme pour affirmer publiquement : « On reste pour nos enfants ». Avec la fin du mythe du retour, les enfants, aussi turbulents soient-ils, redécouvrent leurs parents et leur histoire. Ce phénomène d’intégration collective intergénérationnelle va aller en s’amplifiant dans la décénie à venir, à contre-courant des idées reçues et des politiques publiques qui n’auront de cesse d’opposer les « enfants formés à l’école de la république » à l’altérité irréductible des parents.


Texte extrait de « J’y suis, J’y reste, les luttes de l’immigration en France depuis les années 60 » écrit par Mogniss H.Abdallah & réseau No pasaran - Éditions Reflex 21 ter rue Voltaire 75 011 PARIS - MERCI À EUX