Origine : http://www.sezamemag.net/Les-ecrans-de-la-television-fracaise-sont-desesperement-pales-_a228.html
Du 4 au 10 avril 2005, France 3 programme une nouvelle “Semaine
pour l'intégration et contre les discriminations”.
C'est l'occasion de refaire le point sur les avancées et
les limites en matière de représentation de la diversité
culturelle à la télévision française,
avec l'appui d'un avis du Haut Conseil à l'intégration,
remis au premier ministre le 17 mars dernier. Malgré les
bonnes volontés affichées et des mesures concrètes,
parfois brocardées comme “cosmétiques”,
le diagnostic est sévère: les écrans restent
“désespérément pâles”.
Semaine pour l'intégration et contre les discriminations
sur France 3
“Racistes, soyez gentils, changez d'avis !” Cette supplique
naïve, affichée sur écran géant lors d'un
récent match de football du Paris Saint-Germain au parc des
princes, n'a pas manqué de provoquer un commentaire incrédule
au journal télévisé régional de France
3 Ile-de-France. C'était le 21 mars, journée internationale
de lutte contre le racisme. Le même jour, la Commission nationale
consultative des droits de l'homme (CNCDH) remettait son rapport
annuel sur la lutte contre le racisme : en 2004, les violences racistes
et antisémites ont quasimment doublé. Les médias
français ont relayé ces chiffres alarmants. Ils n'ont
pas pour autant jugé utile de participer à la traditionnelle
“Semaine de l'antiracisme” en partenariat avec les associations,
contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays européens.
En Grèce, au Danemark, en Espagne ou aux Pays-Bas, des médias
ont par exemple programmé des journées ou coorganisé
des événements publics autour de la diversité,
dans le cadre de la “Semaine européenne médias
et minorités” lancée par la plateforme “Online
- More colour in the media” (voir www.olmcm.org).
La chaîne France 3 a, elle, prévu pour la troisième
année consécutive, entre le 4 et le 10 avril 2005,
une “Semaine pour l'intégration et contre les discriminations”,
ventilée dans différentes émissions afin de
toucher tous les publics (voir notre rubrique événement).
“Un retard considérable”, selon le Haut Conseil
à l'intégration
Auparavant, le Haut conseil à l'intégration (HCI)
a le 17 mars 2005 remis au Premier ministre un nouvel avis intitulé
“Diversité culturelle et culture commune dans l'audiovisuel”
(téléchargement sur le site du Premier ministre),
sous la forme d'un état des lieux qui souligne d'emblée
une “représentation inégale” et un “retard
considérable” vis-à-vis de pays comme la Grande-Bretagne
ou le Canada. Le HCI s'appuie notamment sur une réflexion
commune avec le Conseil supérieur à l'audiovisuel
(CSA) et sur le bilan du colloque “Ecrans pâles ?”
tenu le 26 avril 2004 à l'Institut du monde arabe (voir notre
chronique médias du 29/04/2004). Symptômatiquement,
la forme interrogative a disparu. “Les écrans de télévision
sont désespérément pâles” insistent
même les membres du HCI.
Certes, des programmes comme ceux destinés à la jeunesse
sont sur la bonne voie, remarquent-ils, en avançant l'idée
d'une diversité déjà installée à
l'école. Les plateaux des émissions de divertissement
accueillent désormais en nombre plus crédible des
candidats et des spectateurs d'origines diverses. Les décideurs
semblent influencés par le fait que la population des Français
issus de l'immigration est elle-même jeune. Les documentaires
et les reportages eux aussi donnent des gages d'ouverture, “mais
on reste souvent prisonnier de stéréotypes”.
Le constat est similaire pour les fictions et les séries,
bien que ces dernières ne concèdent guère que
des “rôles secondaires ou assignés”. Quant
aux débats politiques ou de société, il y a
peu de diversité parmi les protagonistes. Du côté
de l'écriture des scénarii, la situation est pire
encore.
Retrouver information et diversité culturelle à l'antenne
“sans phrase ni débat”
Pour les journalistes et les présentateurs, “le constat
est dans l'ensemble négatif”, estime le HCI qui constate
que les reporters issus de l'immigration se retrouvent souvent à
couvrir l'international. “Ne serait-il pas préférable
que ces mêmes reporters couvrent également les grands
événements politiques ou économiques, l'actualité
dans les domaines de l'éducation, de la santé, des
loisirs, la vie quotidienne des Français ?” demande
le HCI. “Nous aimerions que, sans phrase ni débat,
on puisse retrouver dans les rendez-vous de l'information non seulement
Patrick, Arlette et David, mais aussi Malik, Fatima et Chang”.
En conclusion, le HCI suggère “une politique incitative
plus égalitaire” et “une véritable irrigation”
de l'ensemble des programmes “plutôt que des émissions
'dédiées' à telle ou telle composante de la
société française”. Il s'agit de “faire
droit à la diversité culturelle sans oublier la culture
commune”.
Associer les téléspectateurs aux nécessaires
changements
Parmi ses autres recommandations en matière d'évaluation
et de formation, il s'inspire en partie du “plan d'action
positive” mis en place par France Télévisions
et son délégué intégration et diversité,
Edouard Pellet : cellules de veille et de médiation au sein
de chaque chaîne, cycles d'apprentissage pour les jeunes en
partenariat avec les écoles de journalisme, ...
Quand on connaît le peu de motivation des personnels actuels
des chaînes ou le nombre réel de personnes bénéficiant
de formations à France Télévisions ( 3 “bourses
de vie” en Sciences Po, 6 contrats d'apprentis à l'Institut
pratique du journalisme, 17 contrats de qualification de deux ans,
une centaine de stages annoncés...), ne serait-on pas enclin
à partager l'avis de l'entrepreneur Yazid Sabeg, qui critique
des “mesures cosmétiques” et des obligations
formelles dont la formulation même “frise le grotesque”
? Même le HCI évoque la “frilosité prudente”
des chaînes, d'autant plus étonnante que “le
public n'exprime aucun rejet de la diversité à l'antenne”.
D'où l'intérêt d'associer les téléspectateurs
aux nécessaires changements.
France 3 saura-t-elle prêter une oreille attentive aux réflexions
du HCI ? Pour la semaine vitrine de son action positive, comme pour
sa collection documentaire “Histoire d'en France” et
d'autres projets, la chaîne bénéficie d'un accord-cadre
avec le Fasild. Reste à voir si le coup de pouce financier
supplémentaire qu'il permet va aboutir à des initiatives
novatrices, ou bien s'il ne constitue qu'un effet d'aubaine pour
diffuser des projets déjà en cours ou pour rediffuser
des sujets déjà vus.
Mogniss H. Abdallah Agence IM'média [01/04/2005]
source : Altérités, le web-magazine divers et ouvert
[01/04/2005]- http://www.alterites.com
Lundi 04 Avril 2005
Mogniss H. Abdallah
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