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[sport] Le retour de Zinedine Zidane
Mogniss H. Abdallah
Agence IM'média

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“symbole d’une France rassemblée qui souhaite que le pays fonctionne comme le sport.”

Le 3 août 2005, Zidane annonce sur son site internet sa décision de revenir en équipe de France de football. Aussitôt, la presse écrite et audiovisuelle s’emballe avec enthousiasme. “Le sauveur” de “la patrie en danger” - après l’échec de la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux olympiques de 2012 - suscite autour de lui une “union sacrée” enviée par le monde médiatico-politique qui use à l’envi de la métaphore sportive et qui espère un “effet Zidane” sur le moral des Français, en proie à une grosse déprime sociale. Pour sortir des replis frileux et renouer avec le succès, pas seulement dans le monde du sport, le pays doit avoir confiance dans sa diversité, insistent analystes et commentateurs, alors qu’un réel engouement populaire accompagne à nouveau une équipe de France saisie par la gagne.

Union sacrée autour d’un homme providentiel

Du jour au lendemain, le site zidane.fr est passé de 4 000 à 80 000 visites ! Opération réussie donc pour Orange/France Télécom, sponseur du footballeur prodige qui a obtenu en exclusivité mondiale les déclarations sur son retour en équipe de France de football. Il faut dire que la communication du footballeur a été orchestrée par une campagne éclair d’Orange qui, quelques heures après l’annonce, a fait publier dans L’Équipe et Le Parisien datés du 4 août 2005, une pleine page de publicité. “Tu nous a tellement manqué !” s’exclame l’opérateur de téléphonie mobile dans une manchette au-dessus de Zidane, les yeux rivés au ciel, comme pour réceptionner un ballon ou... un message ostensiblement divin. Métamorphoser le ballon en signe religieux, aussi subliminal soit-il, c’est osé en cette année où l’on fête le centenaire de la loi sur la laïcité. La presse surenchérit pourtant en ce sens, Le Parisien acclamant en une “le sauveur”, Le Figaro plus sobre relevant lui que le footballeur a 33 ans, “l’âge du Christ” (éditions du 4 août 2005). Zidane lui-même apporte de l’eau au moulin de cette approche messianique, en affirmant avoir parlé en pleine nuit avec “quelqu’un”. Une énigme. “C’est une force irrépressible qui s’est emparée de moi à ce moment-là. Je devais obéir à cette voix qui me conseillait”, déclare-t-il dans un entretien publié par France-Football le 9 août. Dans la foulée, le magazine people France-Dimanche n’hésite pas à titrer, image suggérant une prière à l’appui : Zidane, “rappelé par Dieu”.

Coups de com’ en tous genres

Les spéculations iront bon train sur cette fameuse “voix”. Personne ne croit sérieusement à la force de persuasion des instances dirigeantes du football. D’aucuns évoquent plus volontiers une injonction des sponsors, Orange, Adidas mais aussi TF1, pour qui l’impact financier d’une participation des Bleus au Mondial en Allemagne serait considérable. D’ores et déjà, la chaîne qui retransmet en direct les matchs de qualification se frotte les mains : le nouvel engouement pour les Bleus, qui comme par enchantement remplit les stades, se manifeste aussi par une brusque remontée de l’audience. TF1 augmente ses tarifs publicitaires en conséquence. Cependant, la rumeur publique se focalise sur ce mystérieux “quelqu’un” qui aurait parlé à Zidane. Et si c’était Chirac lui-même ? Malgré le démenti des intéressés (Zidane aurait finalement parlé de son “frère”, agacé par tant de bruit), le soupçon persiste. Pour la petite histoire, un canular révèle l’ampleur de l’imaginaire public autour de la communication entre le président et Zidane: en ouverture du match Eire-France du 7 septembre, les joueurs français tiennent la main sur le cœur au moment où retentit l’hymne national. Pourquoi ? Gérald Dahan, animateur de la radio Rires et chansons et imitateur, se serait fait passer au téléphone pour le président de la République et aurait demandé à l’entraîneur Raymond Domenech puis à Zidane ce geste pour lui, en guise de souhait de prompt rétablissement suite à son hospitalisation au Val-de-Grâce. Et cela aurait donc marché !

Citoyenneté footballistique. Quand sport et politique s’emmêlent

L’idée d’une intervention politique au plus haut niveau, loin d’être farfelue en soi, s’appuie sur des précédents encore récents, comme l’intervention du président de la République mais aussi du maire de Paris Bertrand Delanoë à Sydney pour défendre la candidature malheureuse de la capitale française pour l’organisation des jeux olympiques de 2012. L’éphémère “union sacrée” des sportifs et des politiques de tout bord a volé en éclats après la gifle infligée par le CIO à la France, le 6 juillet 2005. La métaphore sportive n’en continue pas moins d’être omniprésente dans la communication du nouveau gouvernement qui, après le non au traité constitutionnel européen, fait le pari de “rendre la confiance aux Français en cent jours”. Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy, dont on connaît les velléités de présider au destin national... multiplient les apparitions sportives devant les objectifs des journalistes-reporters people pour bien montrer qu’ils ont “changé de braquet” (LCI, 8 septembre 2005) et qu’ils “mouillent le maillot” (Journal du Dimanche, 7 août 2005). La frontière entre sport et politique semble s’estomper, y compris dans la presse sportive qui emprunte par moments un vocabulaire grandiloquent pour encourager la “positive attitude” et le “destin national” de l’équipe de France. Il est beaucoup question d’“être fort dans sa tête”, de “confiance” et de “respect”, pour retrouver une “âme qui se forge dans des conditions difficiles”. En réaction au canular de l’imitateur Gérald Dahan, Raymond Domenech dira, beau joueur, qu’il aura été positif, puisque “les joueurs ont montré leur attachement à la France”, “au président et à ce qu’il représente”, et “aux vraies valeurs de la République”.

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Zidane, leader à son corps défendant de “la France métissée qui aime sa diversité ”

Dans le concert de louanges politico-sportifs à l’intention du magicien du ballon revenu aux commandes, ressurgit l’élan du fameux “Zidane président” projeté sur l’Arc de triomphe en juillet 1998 et entonné à nouveau lors de la garden-party à l’Elysée. Incarnation par procuration de l’homme providentiel tant attendu en politique (on pense à Sarkozy, de Villepin, ou encore au retour de Jospin), Zidane “représente le symbole d’une France rassemblée qui souhaite que le pays fonctionne comme le sport”, estime Stéphane Rozès, de l’institut de sondage CSA. “Face à une société qui apparaît aux yeux des citoyens comme un entrelacs de lobbies et d’influences, on trouve dans le sport une cohérence entre jeu individuel et l’intérêt collectif. C’est un domaine où l’effort est reconnu.” (in Le Monde, 10 août 2005). “Zinédine Zidane n’est pas seulement le capitaine des Bleus, rajoute quant à lui Eric Collier du journal Le Monde. Il est aussi le leader de la France métissée, de la France qui aime sa diversité. A son corps défendant, il reste le capitaine de l’équipe Black-Blanc-Beur, l’exemple de ce modèle multiculturel, aux vertus peut-être surestimées dans la foulée de la Victoire des Bleus au Mondial de 1998, mais toujours porteur de projets et de réussites... Ce modèle pluriel vaut d’être mis en valeur. Et pas seulement dans le monde du sport.” (Zidane, Doucouré et les succès de la génération “multi”, Le Monde, 21-22 août 2005).

Mogniss H. Abdallah
Agence IM'média
[12/09/2005]