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Origine : http://www.lalettrealulu.com/index.php?action=article&id_article=84245&print=1
Ça se passe à deux heures de solex de chez nous !
Un centre de rebut des handicapés mentaux passe à
l’an 2000 en tentant de refaire une santé à
sa réputation.
Mindin bat sa coulpe.
La structure d’accueil des super-neuneus du département
-un millier de pensionnaires, autant de personnel- a beau s’être
divisée en quatre sous-ensembles, la remise en cause des
brimades envers les handicapés mentaux n’aura eu lieu
que juste avant l’an 2000. Juré, promis, c’est
fini, les privations de nourriture, bassine d’eau à
la figure, interdictions de téléphoner à sa
mère, douches froides, mauvais traitements, marinades forcées
dans son pipi, enfermements dans les toilettes et autres gentillesses.
«Il y a eu des exactions pas tolérables, c’est
vrai. Mais les choses déplorables, ça s’amenuise»,
concède Pierrick C., quinze ans de boîte. Aide médico-psychologique,
il avoue avoir «fermé sa gueule» quand il était
auxiliaire contractuel : «j’ai fait mon mea culpa sur
des façons de travailler qui aujourd’hui me font frissonner».
Relents d’asile début de siècle. «Il y
a certains résidents que l’on pourrait détacher,
mais il faudrait être derrière en permanence. Il n’y
a toujours pas assez de personnel. On est garants de l’intégrité
physique des malades», ajoute-t-il. Sadisme, perversion ?
Non pas. Ces débordements thérapeutiques n’auraient
été dus, selon certains, qu’au sous-effectif
en moniteurs, agents de base et aides médico-psychologiques,
et au manque criant de formation. Du coup la préoccupation
du personnel a tourné autour du confort de travail limité
à un genre de gardiennage amélioré. «Une
partie du personnel, qui n’a pas de formation suffisante,
ne comprend pas que si un malade se conduit mal, si un psychotique
casse tout, c’est un symptôme de sa maladie, pas une
provocation qu’il faut réprimer. Un symptôme,
tous les médecins le disent, ça ne s’éduque
pas», confie un soignant, qui précise : «des
gifles, des coups de pied au cul, ça arrive, mais des passage
à tabac, ça, non.»
Hospice and love
«On est victime du passé de Mindin» clament
les meaculpables. Un passé qui ressemble au «Surveiller
et punir» de Foucault. «J’ai été
témoin de tortures morales, de lâcheté et de
beaucoup de dureté du personnel, traitant les pensionnaires
comme du bétail, refusant à boire à un pensionnaire
grippé parce que ça dérangeait, en privant
d’autres de dessert pour n’avoir pas su lacer leurs
chaussures» dit Mme Poulinet, aide-soignante en retraite depuis
cinq ans. Quand le dressage remplace la relation, le passé
a du mal à passer. Dans cet ancien hospice édifié
en forme d’asile-village, on a souvent recruté les
agents de base au sein des mêmes familles, par facilité
et complaisance. Cousins, conjoints, beaufs habitant sur place.
L’alcoolisme en prime. Pratiquement pas de personnel spécialisé,
jusqu’il y a vingt ans. La Maison départementale de
Mindin s’est fait une spécialité d’accueil
des handicapés mentaux les plus lourds, ceux dont plus personne
ne veut ailleurs. Incontinents, dépendants, contraints d’être
lavés, habillés. Autistes, épileptiques, grognant,
s’énervant pour des broutilles. Ce qui a fait de Mindin
un centre des rebuts, un genre d’asile-dépottoir. Hasard
de la localisation, l’hospice voisine avec une décharge
sauvage et un camp des gens du voyage, habitués eux aussi
à la relégation.
On s’éclate à Mindin
Après bien des réticences, Mindin a éclaté
en 1998 en quatre unités autonomes, pour enfants, personnes
âgées, handicapés lourds et ceux qui peuvent
assumer des activités. Mais l’esprit des lieux reste
encombré par les dénonciations de Chantal Thomas,
aide médico-psychologique aujourd’hui en arrêt
longue durée pour dépression. Justice, services de
l’Etat et du Département ont été alertés.
Sans résultat. «On n’a jamais pu mettre en évidence
des sévices, dit le Dr Breton, médecin conseil à
la Caisse primaire assurance maladie de St-Nazaire. Il est vrai
qu’on annonce nos visites. Tout peut être fait pour
préparer le terrain...» En juillet 1994, le président
de la Ligue des Droits de l’Homme de St-Nazaire demande instamment
de prendre des mesures contre les excès et dérapages
à Mindin. Seule victoire pour la Ligue, le départ
du directeur du personnel. Depuis 1992, Chantal proteste contre
les mauvais traitements dont elle est témoin dans l’établissement.
Pour le personnel, elle manque d’esprit d’équipe,
pour les syndicats, de solidarité de classe. L’institution
laisse entendre qu’elle est un peu atteinte, réduisant
ainsi ses reproches à une manifestation de maladie. Ce qui
ressemble au chien qu’on accuse de la rage pour s’en
débarrasser. Mise en quarantaine, changée de service,
isolée, déconsidérée, elle subit le
rejet de ses collègues et finit par craquer : dépression,
arrêt maladie prolongé.
Tripes et chantage
L’épouse de Pierrick C., Lysiane, quatorze ans de
service dans la maison, le reconnaît : «Chantal Thomas
a dénoncé des choses réelles, mais d’une
manière assez braque, maladroite. En cas de crise d’un
malade, on réagit avec nos tripes, pas toujours de façon
douce ni réfléchie. Elle restait à l’écart,
sans chercher à communiquer avec l’équipe, dénonçant
par courrier les violences injustifiées : ça a été
vécu comme des attaques personnelles. Aujourd’hui,
les sanctions envers les résidents, y’en a toujours.
Par manque de moyens de pression, on a recours au chantage comme
avec nos propres enfants.» Le directeur Alain Bourigault le
dit tout net : «Le passé, connais pas. Hormis pour
le manque de formation du personnel. Un changement de culture, ça
ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Mais depuis
trois ans, 25 agents (sur 390) ont suivi une formation qualifiante.»
Il espère en motiver une dizaine en 2001. Et jette l’éponge
pour les plus âgés de ses équipes. La révolution
reste condamnée à la modestie. Le directeur s’accroche
à son projet d’établissement qui proclame «dignité
et respect de la personne», et se définit comme une
«ambition» qui «permet de mesurer les écarts
entre nos désirs, nos attentes et la réalité».
Les clés du paradis
«En trente ans de métier, je n’ai jamais vu
une population aussi difficile, si lourdement handicapée
qu’à Mindin. Il y a un service fermé à
clé, pour protéger les résidents contre eux-mêmes»
souligne le directeur. Ni lui, ni le président du conseil
d’administration n’ont connaissance d’exactions
récentes, de maltraitance ou de violences. Michèle
Saimson, la mère d’un handicapé majeur, aujourd’hui
en procès contre l’établissement (lire ci-dessous)
explique que lorsqu’il était encore pensionnaire, son
fils a été enfermé une journée dans
sa chambre, contraint d’ouvrir sa fenêtre au premier
étage pour faire pipi et caca. Une autre fois enfermé,
il a déchiré son matelas avec ses dents. Mais tout
ça, c’était du temps d’avant, il y a très
longtemps, deux ans au moins. Avec les nouveaux locaux, tout va
aller mieux. Mis à part quelques rares recrues, le personnel
n’a pratiquement pas changé. Mais promis, il a changé
d’esprit. Ou au moins d’esprits frappeurs.
Préférence familiale
En poste depuis trois ans, Alain Bourigault dirige l’EPMS*
(celle des quatre structures de Mindin qui a les handicapés
les plus lourds), avec un budget de 138 MF. Histoire de montrer
l’exemple et de rompre avec le passé, le dirlo a comme
un problème, ayant embauché sa femme comme secrétaire
de direction («Le poste était vacant, correspondait
à sa qualification. C’était ma condition pour
accepter le poste»), et sa fille comme infirmière («Elle
a été embauchée suite à un concours,
je me suis mis en retrait ce jour-là. Y’a pas de magouille
là-dedans.»)
* Etablissement public médico-social.
Andy Capiton
La Lettre à Lulu N°26-Déc 99
19/01/2003
Source : http://www.lalettrealulu.com
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