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Origine :
http://www.lalettrealulu.com/index.php?action=article&id_article=84244&print=1
«Une affaire pénible.» Il faudra un
expert. Les crayons. La plainte, l’absence de pulsion et de
suite, l’hypothalamus. Quels crayons ?
Au centre de cette «affaire pénible», selon le
mot du juge du tribunal administratif, Gwenaël Gauthier, 27
ans, ne capte pas tout. Il est handicapé, atteint du syndrome
de Prader-Willi. Une maladie génétique qui fait des
éternels enfants nommés «incapables majeurs»
à 20 ans. Klepto, boulimiques, souvent trop gros. Gwenaël
«nécessite une surveillance quotidienne» atteste
un psychiatre. En 1997, sa mère le retire de la Maison départementale
de Mindin, où il était pensionnaire la semaine depuis
neuf ans. Gwenaël est placé en «foyer à
double tarification», ce qui signifie qu’il est un handicapé
lourd «nécessitant la présence d’une tierce
personne, une surveillance médicale importante et des soins
constants». La Sécu couvre les soins, le Département
assure l’hébergement. Si le suivi de l’établissement
de Mindin paraît satisfaisant quand il est mineur, sa mère
perçoit que ça se gâte à l’âge
adulte. «Quand on allait le chercher les samedis matins, le
personnel ne savait jamais où il était. On faisait
le tour de tous les pavillons, parfois en voiture pour le retrouver.
Sans aucune surveillance, il sortait de l’établissement,
cherchait de la nourriture dans les poubelles.» Et les crayons
dans tout ça ?
Plaidoirie barbouillis
Le week-end, en décembre 1996, la mère fouille le
linge de son fils, y découvre un slip plein de sang. Questionné,
Gwenaël finit par dire que c’est un autre résident
qui lui a «fait ça avec son gros zizi». Deux
ans auparavant, il s’est déjà plaint du même
homme qui lui «demande des choses». Prévenu,
le personnel de l’établissement n’avait pas pris
ça au sérieux. Cette fois, les parents portent plainte
à la gendarmerie. Plainte finalement classée sans
suite. Aujourd’hui, ils attaquent l’établissement
au tribunal administratif pour défaut de surveillance. C’est
là qu’arrivent les crayons. Dans un texte transmis
au tribunal, la Maison départementale de Mindin n’hésite
pas à prétendre que ce que la mère de Gwenaël
a pris pour un saignement anal n’est qu’un vulgaire
barbouillage au crayon feutre «confirmé par la découverte,
après son départ en week-end, de crayons retirés
de son sac, qui était vérifié à chaque
départ en raison de sa kleptomanie». Tout en admettant
que des relations sexuelles ont pu avoir lieu entre Gwenaël
et l’autre résident. Un soignant les a remarqués
ensemble sans déceler de «contrainte physique entre
eux. Je n’ai pas entendu de cris ou de hurlement, ce jour
là». Mais un autre jour ?
Plaidant une sexualité de plein gré assumée
par les deux handicapés, la défense de l’établissement
reconnaît pourtant que Gwenaël avait demandé à
une éducatrice spécialisée «une intervention
pour que ces relations cessent». Sans résultat. Sans
qu’aucun psychologue ou psychiatre ne soit requis pour assister
l’handicapé, fragile, au comportement assimilé
à celui d’un enfant, et donc pas préparé
à des rapports sexuels. Ce que la famille qualifie de dysfonctionnement
et de manquement à la mission de l’établissement.
L’absence et la confirmation
Président du Conseil général dont dépend
l’établissement, Luc Dejoie écrit au tribunal
pour souligner qu’«aucun règlement n’interdit
des relations sexuelles entre résidents». Il s’emmêle
les crayons en tentant une manipulation hasardeuse sur les effets
de la maladie de Gwenaël : l’absence de pulsion sexuelle
de l’handicapé, argumente-t-il, n’est pas confirmée
pas un éminent professeur, directeur du centre d’information
sur la maladies génétiques à l’hôpital
Necker à Paris. Ce qui gomme la trace des crayons. Prévenue
de cette utilisation de son nom, le professeur Marie-Louise Briard
en question a vivement protesté, n’ayant jamais été
interrogée sur le cas de Gwenaël. Elle confirme de plus
que «le dysfonctionnement de l’hypothalamus entraîne
un développement sexuel incomplet et en conséquence
l’absence de pulsion sexuelle».
Le 2 décembre, le tribunal administratif a requis un expert
médical pour déterminer si Gwenaël nécessitait
une surveillance permanente, et si l’on peut admettre dans
son cas le principe de relations librement consenties. Il faudrait
y ajouter un traitement de prévention, en comprimé
ou en injection, contre les affaires pénibles.
La Lettre à Lulu N°26-Déc 99
19/01/2003
Source : http://www.lalettrealulu.com
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